Les mecs, vraiment tous les mêmes. Une remarque que se faisait sans cesse la jeune femme alors qu’elle essayait de fuir cet homme qui la suivait, qui la collait en lui balançant des mots déplacés, obscènes même. N’avait-il pas compris qu’elle n’était pas intéressée ? C’était toujours ainsi, encore plus depuis que sa famille avait tout perdu, depuis qu’elle ne traînait plus dans les mêmes quartiers et qu’elle avait, visiblement, perdu de cette aura d’antan. Elle ne comptait plus le nombre de vieux dégueulasses qui l’avaient approché pour la draguer ou simplement pour la siffler lorsqu’elle se déplaçait ; et encore, Saebyeol ne mentionnait pas tous ces idiots qu’elle côtoyait au travail, bien trop macho pour qu’elle puisse s’entendre avec ne serait-ce que l’un d’entre eux. Après cela s’étonnait qu’elle était mieux seule que mal accompagnée ; sa vie était loin d’être la meilleure, elle s’en apercevait un peu plus désormais mais qui était-elle pour se plaindre ? Elle avait toujours cru en un homme qui n’en valait pas la peine, qui avait fait du mal autour de lui et aucune excuse n’était bonne pour justifier ses actes. Elle, elle payait pour les horribles actions de son père, c’était son karma, son destin, et elle n’y pouvait plus grand-chose. Son héros s’était éteint dans le creux de son cœur et si elle ne serait jamais capable d’effacer tout l’amour qu’elle pouvait lui porter, celui-ci n’était pas suffisant pour calmer toute l’amertume qu’elle éprouvait. Si sa vie avait pris un tel tournant, si son frère avait pris la fuite, c’était de sa faute. Toute sa famille, tous ses rêves, ses idéaux, s’étaient envolés au moment même où la police avait franchi la porte de leur maison pour arrêter celui qu’elle avait toujours admiré.

Et maintenant, voilà où elle se trouvait, poursuivi par un énième pervers qui refusait de la laisser tranquille. « Tu vas me lâcher, oui ! » Un coup brusque pour le repousser alors qu’il arrivait à sa hauteur de plus bel, la forçant même à s’arrêter. Puisqu’il ne semblait pas vouloir cesser de lui-même, elle n’avait pas le choix que d’interrompre sa marche pour l’envoyer balader. Mauvaise idée. A peine avait-elle fait ça que l’homme l’avait obligé à reculer de tout son poids avant de la plaquer contre le mur. Dire que la situation ne l’effrayait pas serait mentir, surtout qu’il n’y avait pas grand monde puis que la nuit commençait lentement, sûrement, à tomber… Hors, du mieux qu’elle le pouvait, elle essayait de ne pas le montrer et tenter de le repousser avec toute la force qu’elle avait. Bon sang. Comment allait-elle faire pour se sortir de là ? Et l’individu ne paraissait pas capituler, en plus il puait l’alcool… Un bon coup entre les jambes pour le motiver à se décaler, la jeune femme y avait bien songé néanmoins la position dans laquelle elle se trouvait l’empêcher de bouger. Elle était coincée… Foutue karma. N’importe où elle allait, il ne lui accordait aucun moment de répit.

Le printemps annonçait le retour du soleil, du beau temps, de la vie qui reprenait. Une période angoissante, pour Jinho, où il avait l’impression que sa solitude devenait plus étouffante, virulente. Il faisait de son mieux pour changer, pour être plus ouvert, éprouvant pourtant encore des difficultés à y arriver, à devenir un autre. à ne plus être à l’ombre de tous. Shihyun avait raison, même si une part de lui refusait de l’admettre, par fierté mal placée. Aussi parce qu’il se complaisait dans sa létargie, dans l’impression d’exister sans exister, comme s’il était dans les coulisses d’une production gigantesque où tous les autres étaient acteur. Voulait-il vraiment adopter ce rôle ? Quitter l’ombre pour le devant de la scène ? Devenir un protagoniste ?

Oui.
Non.
Pas vraiment.

La même culpabilité le rongeait sans doute depuis des années, comme s’il se l’interdisait. Qu’il savait combien c’était injuste qu’il ait encore le droit de participer à la danse quand les siens en avaient été privés. La question de pourquoi lui tournait encore dans son esprit chaque jour, inlassablement, victime d’une injustice qu’il n’avait jamais contrôlé, jamais souhaité. Si on lui avait laissé le choix, il n’était pas sûr d’avoir eu envie de rester sans eux.  

Ses écouteurs encore enfoncés dans ses oreilles, il avançait dans Itaewon sans réel but. une de ses résolutions, d’être plus actif, physiquement, tout du moins, gagner un peu de force avant que ses jambes et ses bras ne deviennent de la gelé et qu’il ne puisse même plus bouger. Jinho devait aussi veiller à ne pas en faire trop. S’il voulait tout changer trop vite, il n’arriverait à rien. petit pas après petits pas. Il voulait changer sa condition sans vouloir trop se brusquer, sans avoir l’impression de s’épuiser. Parce qu’épuiser, il l’était trop rapidement, quand ses émotions étaient chamboulés.

Aujourd’hui, elles le seraient encore. son cœur s’était stoppé en voyant un homme agresser une jeune femme. Par réflexe, il avait regardé autour de lui, comme s’il espérait voir quelqu’un d’autre, qui serait plus en mesure d’intervenir. Devait-il appeler la police ? Son téléphone en main, il réalisait qu’elle tremblait un peu, paniqué en réalisant que la jeune femme était en danger, désormais coincé contre un mur. Son souffle se coupa quand il la reconnut. C’était la première fois qu’il la voyait « en vrai ». La première fois qu’elle était bien réelle. Et elle était en danger. Son cœur manqua un battement. Il devait l’aider ! L’urgence semblait plus évidente. Et pourtant, il réalisa qu’il n’avait probablement pas la force physique de pousser ce type et de le frapper. Il n’avait jamais frapper personne. il finirait encaster dans le mur et elle, il ne savait pas comment elle finirait. Il ne voulait pas y penser.

Son cerveau fit un tour, une analyse rapide. Une stratégie. Il fixa son téléphone, avançant d’un pas rapide jusqu’à se prendre la poubelle face à lui. un bruit sourd suivit d’un cri de douleur. Assez soudain et brusque pour attirer l’attention de l’homme qui s’était, il l’espérait, un peu écarté d’elle. « JAGIYA ! » Large sourire, il secoua la main, se précipitant vers elle, poussé par l’adrénaline, il la tira vers lui. « J’t’ai cherché partout ! Y a Minhyuk, Taewon et Bombyeol qui nous attendent déjà. » Son corps tremblait encore, réalisant à peine ce qu’il faisait. La peur que tout se retourne contre lui. Jinho espérait qu'en citant ces gens, il réalise que des gens les attendaient. Qu'ils pouvaient arriver à tout moment. Que cet homme continue. Il ose la relâcher, se tourner vers lui. « Bonjour ? Vous êtes un de ses collègues ? Qu’est-ce que vous voulez ? » Air suspicieux, il essaie de maintenant son regard, à ça de s’écrouler.

Dans ces moments-là, Saebyeol détestait vraiment sa vie ; parce qu’on ne lui laissait jamais un moment pour se reposer, un moment pour elle-même où rien ni personne ne viendrait l’embêter. Mais non, aujourd’hui encore, il avait fallu qu’un homme se montre insistant, refusant de la laisser tranquille. Et peu importait ô combien elle essayait de le repousser, de lui hurler de dégager, le pervers revenait toujours vers elle. Pourquoi ce genre de vermine existait ? C’était à se le demander parfois. Elle était coincée, se débattre, crier, ne paraissait pas vouloir fonctionner, et si elle avait songé à lui mettre un coup de pied entre les deux jambes pour se libérer, la position dans laquelle elle se trouvait l’empêchait de s’exécuter. Et merde. En plus d’avoir tout perdu, on allait vraiment lui retirer le peu de dignité qui lui restait ? Elle n’avait pas envie d’en arriver là, elle détestait cette simple idée autant que celle qui la rendait si impuissante. Puis, alors qu’elle réfléchissait à comment s’en sortir, qu’elle tentait de se débattre les mains tremblantes, un bruit sourd la fit aussitôt quitter ses rêveries. Surpris, l’homme s’était légèrement décalé avant de reporter son attention sur la provenance du son. Sur l’instant, Saebyeol n’avait pas tout compris, probablement que l’autre pervers non plus. Hors, après avoir saisi les intentions du nouvel arrivant, elle s’était rapprochée de lui, encore perturbée toutefois par les évènements qui venaient de se passer. « Désolée, je crois que je me suis perdue. On ferait mieux d’y aller s’ils nous attendent. » Hors de question de rester là plus longtemps, elle était capable de lire dans les yeux de cet homme ; il avait été pris de court sur le moment néanmoins certainement que si elle restait une minute de plus ici, il ne les laisserait pas s’enfuir. Ce qui n’avait cependant pas empêché la demoiselle de le foudroyer du regard et de lui envoyer des tas de malédiction au travers de ses yeux.

« Personne. » Avait immédiatement déclaré la demoiselle à la place de l’inconnu « Il voulait juste son chemin. Allons-y. » Cela ne servait à rien de discuter avec ce genre d’individus et puis, à dire vrai, elle n’en avait ni la force, ni l’envie. Probablement la raison pour laquelle, elle n’avait pas hésité à glisser sa main dans celle de son petit ami du jour pour le tirer à son tour vers la sortie de la ruelle. Ses pas étaient pressés, tellement pressés que la jeune femme n’avait accordé aucun regard derrière elle, se contentant d’avancer toujours droit devant jusqu’à ce qu’elle se sente entièrement en sécurité. Le souffle court, le cœur battant, ses doigts s’étaient délayés et elle avait reporté ses iris en direction de son sauveur ; sans lui, dieu seul savait ce qui lui serait arrivé. « Merci. » Sincèrement. Et encore, elle avait l’impression que ce mot était bien fade pour exprimer toute sa reconnaissance. « Vous allez bien ? » Si elle était normalement celle à qui on devrait poser la question, elle n’avait pas résisté à le lui demander. Parce qu’elle avait, elle aussi, remarqué le désarroi du jeune homme et comment il n’avait pas l’air rassuré dans cette situation. Mais pourtant, malgré tout, il n’avait pas hésité à lui venir en aide, et rien que pour cela, elle lui était énormément redevable.