Il naît dans une petite ville. Ses parents sont de petites gens qui mènent paisiblement leur petite vie. Leur étroitesse d’esprit et l’appartement dans lequel ils s’entassent font qu’il ne tarde pas à suffoquer. Pour pouvoir enfin respirer, il se met à rêver – à rêver G R A N D. Plus tard, son visage apparaîtra sur les écrans géants des plus illustres métropoles. Éblouies, des foules entières scander ont son nom avec ferveur. Il sera un grand danseur, un grand chanteur, un grand acteur. Mais avant cela, il lui faut devenir une grande personne.

Or, impatient, le voilà qui brûle déjà les étapes. Il n’a pas encore quatorze ans qu’il fugue une première fois vers Séoul. On le rattrape à une centaine de kilomètres de chez lui. Ce n’est que trois tentatives et huit mois plus tard qu’il rejoint la capitale. A son arrivée, les néons de la ville lui brûlent la rétine. Mais après quelques temps, comme il en a rêvé, c’est son nom en lettres lumineuses qui brillent à tous les coins de rue. Ses larges épaules lui permettent de passer ses premiers castings. On l’embauche comme mannequin pour une ou deux marques de vêtements. La passion qui le consume est tellement évidente qu’il ne reste pas bien longtemps figé sur papier glacé. Il tourne quelques publicités, jouent l’extra dans quelques séries télés. Le public s’enflamme, ses débuts dans un groupe sont annoncés. Sa carrière décolle presque aussitôt. Bientôt, tous les projecteurs sont braqués sur lui. Loin de se dérober à leur faisceau, il fait tout pour y rester. Car si jamais ils venaient à se détourner, les ombres de son passé risqueraient de le rattraper.

Ces ombres, ce sont toutes ses nuits sans étoiles et ses aubes grises, sacrifiées dans des sous-sols mal éclairés de noraebang enfumés afin d’attirer l’attention de ceux et celles qui pourraient l’aider à atteindre la célébrité. Les premières personnes pour lesquelles il a chanté n’étaient pas des fans déchaînées, mais de riches femmes qui s’ennuyaient. Pour les égayer, il a dû leur verser des verres d’alcool jusqu’à ce qu’elles ne sachent plus comment elles s’appelaient, jusqu’à ce qu’elles puissent s’oublier comme elles le désiraient, jusqu’à ce que, désinhibées, elles trouvent le courage de le caresser, de l’enlacer,  de l’embrasser - laissant leurs fantasmes inavoués les guider.  Avant de perdre sa virginité, il ne savait pas qu’un homme pouvait se prostituer. Naïvement, il pensait qu’il n’y avait que des filles de joie, pas des garçons aux abois, prêt à tout pour percer. Il croyait – tout aussi innocemment – que personne ne le saurait, que cela resterait son petit secret.  Mais un jour, les moteurs de recherche commencent à s’affoler.  En un éclair, les termes « song chan sex scandal » deviennent les mots-clés les plus consultés. Malgré les efforts de son agence pour la supprimer, une vidéo de lui au service de l’une de ses sponsors se met à circuler.  Les journalistes se pressent en bas de chez lui pour le pousser à commenter, les flash qui crépitent ne font que l’aveugler. Pour la première fois de sa vie, il voudrait pouvoir se cacher. Son vœu ne tarde pas à être exaucé. Tous ses contrats sont annulés, il a une dette colossale à rembourser. En moins d’un an, il perd toute sa célébrité. Il retourne dans les bas-fonds de Séoul, dans ses nightclubs où tout a commencé. Astre sorti de son orbite, il ne peut plus briller. Il ne lui reste plus qu’à exploser. Tant pis si le reste de la galaxie disparaît avec lui .