Une jeune Canadienne met au monde un garçon aux traits coréens. Le 1er septembre, la famille Kim s’agrandit et les parents choisissent de donner au nouveau-né le nom de Joo Han. Le bébé ne le sait pas encore mais ce nom était celui de son grand-père dont les cendres avaient été dispersées dans la mer une semaine plus tôt.

Quelques jours plus tard, l’enfant est amené chez lui, dans cette maison que ses parents chérissent par-dessus tout. Ce n’est certainement pas une ville, la demeure est simple mais la vue qu’elle offre sur la mer fait tout son charme. Joo Han ne s’en rappelle évidemment pas mais il n’avait même pas un an quand ses parents l’ont emmené à la mer pour la première fois. Ils ne pouvaient pas encore se douter que leur fils développerait une telle passion pour l’eau.

Le petit garçon vient de fêter ses trois ans quand il rentre à l’école maternelle. Là, comme tous les enfants de son âge, il va apprendre à lire et à compter mais déjà, ses pensées sont ailleurs. Chaque soir après les cours, il supplie ses parents de l’emmener voir la mer. Son père est persuadé que Joo Han est la résurrection de son grand-père qui ne vivait qu’avec le mot « mer » sur les lèvres. L’enfant n’est pas turbulent, plutôt rêveur. Il passe de longues minutes assis dans le sable à observer l’écume lui chatouiller les orteils. Il s’imagine sur un bateau, naviguant vers le soleil qui se couche, rêvant de découvrir ce qui se cache derrière la ligne qu’on appelle « horizon ». Joo Han ne pose de problèmes à ses parents que quand ceux-ci le forcent à quitter la plage.

Les parents Kim se persuadent que la passion du petit pour la mer est passagère, qu’il finira par tourner son intérêt vers autre chose. Ils continuent de croire que ça ne durera malgré les dessins de l’océan et de bateau qui recouvrent leurs murs et leur frigo. Ils ne se rendent pas compte que ça ne s’arrêtera pas quand ils craquent et qu’ils inscrivent leur garçon à ses premiers cours de natation.

Joo Han adore nager, il passe des heures dans la mer, se sentant comme un poisson. Il sait que sa place est sur l’eau et pourtant, il est frustré. Le petit garçon de 6 ans rêve de bateau, de voile et de tout ce qui a rapport avec l’eau. Il veut arrêter la natation, ses cours ne se faisant qu’à la piscine. Il a besoin de liberté, il a besoin de voir l’eau à perte de vue. Ses parents craignent qu’il se détourne de ses cours à cause de cette obsession mais malgré son air lunatique, le petit parvient toujours à rester premier de sa classe.

-Tu es encore trop petit pour faire du bateau et de la plongée, Joo Han.

L’enfant rêve encore de tout savoir de l’eau, de ses profondeurs et de son étendue. Il ne pense qu’à la liberté de nager avec les poissons et à la sensation de naviguer vers l’horizon.

-Mais si tu promets d’avoir toujours de bonnes notes, alors nous acceptons de t’inscrire à des cours de voile.

Désormais adolescent et en secondaire, le garçon de 12 ans ne se passionne toujours pas pour les études. Ses parents se sont faits à l’idée qu’il ne vivait que pour ses hobbies. Tant qu’il est heureux, ils le sont aussi. Joo Han a toujours pris compte de la chance qu’il avait d’avoir des parents aussi compréhensifs.

Les dessins qui ornaient la maison des Kim ont été remplacé par des photos et l’adolescent multiplie les activités qui lui permettent de rester en contact avec l’eau. Tous les jours après les cours, il rejoint la plage. Il nage parmi les poissons et plantes aquatiques quand il fait de la plongée, il surfe en solitaire ou avec ses amis ou il reste simplement pendant des heures à observer les vagues en prenant des photos qu’il regardera plus tard en rêvant. Son sport préféré reste la voile et une fois le week-end arrivé, ses parents désespèrent de ne pas le voir tant il s’entraîne.

Comme collégien, il n’est pas exemplaire. Ses professeurs lui reprochent son comportement en cours mais ne peuvent pas le descendre davantage puisque Joo Han maintient sa place en tant que premier de classe. Si ses camarades cherchent à comprendre comment un élève aussi dissipé parvient à être le meilleur dans toutes les matières, ses parents ont remarqué que leur fils a développé un esprit de compétition qui le pousse toujours à se surpasser.

L’adolescent de 16 ans approche la fin de ses études mais ne s’en inquiète pas contrairement à ses parents. Ils savent que le jeune homme est capable de tout alors que lui aimerait se lancer à la découverte des océans. Il a beau excellé, il n’aime pas les études et s’imagine mal s’inscrire à l’université. Il a plus de mal à se faire des amis, ses camarades de classe le trouvant énervant parce qu’il est toujours premier de classe. Le jeune homme est pourtant loin d’être l’élève idéal, sa confiance en lui le poussant parfois à ne pas venir en cours. Il sait qu’il réussira toujours de toute manière.

Plus solitaire, Joo Han se réfugie toujours sur la plage. C’est là qu’est sa place. Il rêve de s’enfuir et ayant l’âge de le passer, il commence à étudier le permis bateau-côtier qu’il obtient la même année.


Il ne s’est jamais imaginé vivre loin de l’eau et pourtant, le voilà diplômé et inscrit à l’université de Séoul. Il n’avait pas envie de quitter sa ville natale pour déménager à la capitale. S’il a accepté, c’est uniquement pour faire plaisir à ses parents. Ils ne voulaient pas imposer à leur fils ce qu’il devait faire mais ils tenaient à ce qu’il ait un diplôme. Il s’est donc renseigné et a obtenu une bourse d’excellence pour aller à la Yonsei. Si lui ne s’en réjouit pas, il est heureux de faire la fierté de ses parents. Il a choisi de faire des études en journalisme même si c’est plus parce qu’il ne savait pas quoi faire d’autre.

Il a passé ses deux derniers mois à profiter de la ville qu’il n’avait jamais quittée. La mer va lui manquer et il ne veut pas la quitter sans y rester un maximum. Les semaines qui ont précédé son départ ont été très intenses pour le jeune homme. Quand il ne pratiquait pas ses sports favoris, il passait son temps à participer à des soirées sur la plage. C’est pendant une de ses soirées qu’il a eu sa première fois et il n’en garde un souvenir très vague, comme si ça n’avait pas eu tant d’importance pour lui.

Joo Han ne s’est jamais senti aussi perdu qu’en arrivant à la Yonsei. La capitale ne correspond en rien à ce qu’il aimait. Il n’y avait plus la mer, plus sa famille, plus la maison dans laquelle il a grandi. Le jeune homme à l’accent prononcé ne se sent pas à sa place à l’université. Les premiers mois sont les plus durs, il s’enferme beaucoup dans sa chambre et n’arrive pas à se socialiser malgré sa fraternité. Il a un manque terrible de sa ville natale et autant dire qu’il est déprimé. Il finit par prendre conscience qu’il ne se sentira jamais à sa place à Séoul et qu’il faut simplement qu’il le supporte pendant quelques années.

Joo Han est maintenant un étudiant à part entière. Il a trouvé sa place dans sa fraternité et ses études se passent très bien. Comme d’habitude, il excelle dans toutes les matières même s’il n’est pas l’étudiant le plus appliqué. La mer lui manque mais il passe beaucoup de temps à la piscine quand il n’est pas à son club ou avec sa fraternité. Le jeune homme a beaucoup changé, il a comblé le manque que son départ à créer en lui en collectionnant les conquêtes. Il se rend compte que rien ne remplacera jamais la passion qu’il a développé pour la mer et à 22 ans, il se dit qu’il ne tombera jamais amoureux. Les seuls moments où il se sent vraiment bien, c’est quand il revient chez lui, à Busan, dès qu’il en a le temps.