Si ces dernières années ses sourires avaient été rares, ils étaient depuis quelques jours inexistants. Les cernes, elles, s’étaient atténuées et, ses joues s'étaient creusées. Elle se forçait pourtant pour tenir mais son corps avait du mal à tenir le rythme avec le poisson qu’elle consommait dans l’espoir d’oublier. Dans l’espoir de fuir la douleur qui rongeait son être tout entier. Son organe vital souffrait en silence mais constamment et les larmes menaçaient de couler le long de ses joues. Elle luttait. Elle luttait alors qu’elle observait son reflet dans le miroir. Dans l’intimité de la salle de bain, sous l’eau brulant sa peau, elle avait laissé couler ses larmes ; son visage la trahissait. Ses yeux étaient rouges, il était facile de deviner qu’elle avait pleuré et elle détestait se voir ainsi. Elle avait affreusement mal mais, elle ne souhaitait pas que les autres le devinent même si elle était seule. Elle l’avait été avant de s’enfermer dans la salle de bain pour craquer…

Haneul ne travaillait pas et se voyait mal se noyer dans l’alcool devant ses colocataires alors elle devait se contenter de quelques bières pour ne pas ressentir un manque en plus du vide dans son cœur. Kuan Ti ne faisait plus parti de sa vie. Elle ne cessait de se répéter cette phrase, histoire de l’accepter et de passer à autre chose mais elle ne parvenait pas à aller de l’avant. Elle faisait semblant. Constamment. Depuis trop longtemps et, elle se trouvait dans une impasse. Pourquoi ne pouvait-elle pas se défaire de cette histoire ? Elle avait connu une douleur insurmontable par le passé et elle s’était plus ou moins relevée. Sa précédente relation avait été un enfer alors pourquoi se sentait-il aussi mal pour une rupture qui n’en était pas vraiment une ? Après tout, elle l’avait dit elle-même, elle n’avait jamais été en couple avec le jeune homme… Mensonge.

Elle soupira, alors qu’elle retenait de nouvelles larmes et qu’elle évita son reflet. Lui, il ne mettait pas. Il lui montrait la réalité de sa vie et celle-ci n’était pas belle à voir. Haneul se sentait pitoyable et son reflet le lui prouvait avec un regard vide et déchiré. Tout comme son cœur.
Attrapant la canette qu’elle avait embarqué avec elle, elle termina celle-ci d’une traite avant de quitter la salle de bain et de rejoindre la chambre. Elle n’avait qu’une seule envie : disparaitre le temps de quelques heures dans un monde sans douleur, loin des souvenirs. Elle avait perdu un pilier et avait depuis l’impression d’avoir fait une centaine de pas en arrière. Au lieu de chercher à sortir la tête hors de l’eau, elle n’avait qu’une envie : ce comprimé magique qui pouvait la faire voyager et oublier. Elle avait les poches vides, devait-elle sortir ? La tentation la tiraillait, elle ne voulait pas s’en sortir de cette manière mais à force de repousser la douleur, elle flirtait avec un chemin dangereux.
Assise sur son lit, la jeune barmaid sursauta en se rendant compte qu’elle n’était plus seule : « Amara ! » Elle passa une rapide main sur son visage, effaçant toute larme s’étant échappées : « J’espère que je n’ai pas été trop longue dans la salle de bain, elle est tout à toi » Comme si de rien n’était, elle essaya de sourire. Certes, elle n’avait pas cœur à offrir un sourire sincère mais une chose était sûre, savoir Amara présente lui fit déjà du bien. « Ça a été ta journée ? » Concentrée sur la belle, Haneul ne voulait pas que son état soit remarqué mais pouvait-elle cachée une telle évidence ?

Le corps lourd, tu marchais machinalement dans ce couloir, longeant avec agilité les murs, les doigts frôlant ce dernier comme pour te repérer. Alors que tu n'en avais pas besoin, connaissant le chemin par cœur pour l'avoir déjà effectué de bonnes centaines de fois – si ce n'était plus. Baillant discrètement, tu passas une main sur ton visage, un soupir contre les lèvres alors que tu levais le regard, observant les lumières un instant. T'étais fatiguée – pas à cause des études, non. Les études te convenaient et tout était parfait. Tu adorais apprendre, savoir, connaître. Tu adorais découvrir, ta passion pour l'océan grandissant de jour en jour. C'était là-dedans que tu voulais travailler. C'était dans ce domaine-là que tu voulais t'épanouir, et grandir. Pas dans le mannequinat. Tu ne pouvais pas t'épanouir, là-dedans. Comment le pourrais-tu ? T'étais en cage, bloquée par des barres épaisses. Il t'était impossible d'avancer, impossible de reculer – impossible de fuir. Tu devais rester où tu étais, et attendre sagement. Attendre quoi ? Peut-être qu'on ne voulait plus de toi. Que ton image ne rapporte plus. Que ton image ne vaille plus rien. Que ton visage soit si quelconque qu'on ne voulait plus le voir. Dans le fond, t'attendais que ça. T'avais hâte qu'on ne te trouve plus aucune qualité. Que ton visage fatigue. Qu'on ait plus envie de le voir. Mais ce n'était que l'inverse qui se produisait cependant. On te demandait, ici et là. Et l'agence disait oui. Elle s'accordait de bons contrats – elle t'accordait de bons salaires. Mais à quel prix ? Ton bonheur ? Ta santé ? Ton moral ? T'étais pas certaine que cela soit quelque chose que l'on puisse acheter. Peu importait le nombre de zéro sur le chèque, t'étais pas heureuse dans ce métier.
Tu n'avais guère le choix, cependant. Ton père avait besoin de toi. Il avait besoin de ce travail. Il avait tellement changé. Il était tellement heureux désormais... tu ne pouvais pas lui briser tout ça.

Un autre souffle aux lèvres, tu entras dans le dortoir, une grimace au visage, un son plaintif résonnant à peine dans le fond de ta gorge. Tu avanças sans aucune hésitation vers le lit, où tu te laissas tomber dans un bruit sourd, et un autre soupir. Tu remarquas que ce n'était pas ton lit mais tu ne bougeas pas pour autant. La salle de bain était prise, tu devais attendre ton tour alors tu resteras là quelques instants avant de te motiver à bouger. Tu gesticulas étrangement, t'enveloppant presque un peu dans les couvertures. Un faible « Moui ? » vint s'échapper de sous la couette. Couette que tu pourras sur le côté pour offrir une vision de ton visage à Ha Neul, un sourire idiot aux lèvres. « Je t'ai faite peur ? Désolée », tu eus un bref rire, l'observant en silence, le sourcil faiblement haussé. « Non t'en fais pas je viens d'arriver. Je me suis mise sur le premier lit qui passait. C'est tombé sur ton lit, sorry », tu agitas un peu la main, te redressant pour t'asseoir, soufflant sur une mèche de cheveux rebelle. « Longue. Epuisante. Très longue. Epuisante. Supra longue », dis-tu, le regard dans le vide, avant de bouger les épaules dans un sourire. « Et toi ? Bonne journée ? », lui retournas-tu la question, les pupilles traînant sur son visage. « Tu as pleuré ? Tu as les yeux rouges », ton doigt vint frôler sa joue dans une mine soucieuse. Tu te tournas, avançant vers elle, prenant place à ses côtés, ta tête venant se poser sur son épaule alors que tes bras encerclaient le sien. « La journée ne s'est pas bien passée ? », demandas-tu, manière détournée de savoir ce qui n'allait pas. Tes bras changèrent de cible ensuite, passant autour d'elle alors que tu redressais le visage. « Tu peux m'en parler si tu veux. Je t'oblige pas, mais je suis là si jamais », offris-tu, tes doigts passant dans ses cheveux, l'esquisse fine et douce, avant que tu ne viennes planter un baiser sonore contre sa joue.

Haneul se demandait si elle aimait la solitude ou si elle la détestait. Elle avait du mal à sourire alors que son cœur saignait mais être entourée lui donnait presque la force de repousser la peine. Lorsqu’elle se retrouvait seule, face au silence, il lui était difficile de lutter contre les émotions instables qui l'accablaient. Elle n’avait pas envie de se confronter à la réalité, une réalité qui lui donnait envie de tout abandonner et d’arrêter ses efforts. A quoi bon ? Elle finissait toujours au même point, face à un reflet qu’elle ne reconnaissait pas et qu’elle détestait. Et face à ses addictions. Un nouveau soupir passa entre ses lèvres alors qu’elle tentait de prendre sur elle mais elle sentit les larmes au bord de ses yeux. Elle avait tant envie de s’écrouler un bon coup et laisser ses larmes couler ne serait-ce que quelques minutes. Pour se sentir un instant plus légère même si la douleur n’allait pas s’estomper si vite. Elle n’aurait jamais dû se rapprocher de lui. Elle n’aurait jamais dû laisser une nouvelle chance à l'amour. Pourtant, comment pouvait-elle regretter les bons moments qu’elle avait vécu avec Kuan Ti ? Pour la première fois de sa vie, elle avait gouté à une relation saine, même si elle n’avait pas été suffisamment bien dans sa tête pour la conserver. La douleur ne devait pas effacer le bonheur auquel elle avait pu goûter. Mais, c’était le cas.

Elle pensait être seule mais Amara était arrivée entre-temps. Haneul, surprise, essaya de masquer la peine qu’on pouvait deviner dans son regard. Elle priait une présence inconnue pour que sa larme soit passée inaperçue. Elle voulait se concentrer sur la jeune femme se trouvant devant elle, heureuse de la retrouver. La blessure était vive mais elle pouvait enfin se focaliser sur autre chose, grâce à sa présence. A aucun moment Haneul ne fut étonnée de découvrir qu’elle s’était installée sur son lit. Au contraire, elle sourit à la remarque de Amara : « Ça ne me surprend pas. » Et ça ne la dérangeait pas. Pas quand il s’agissait de Amara. « Tu devrais te reposer dans ce cas… tu vas bientôt avoir des jours plus calmes ? » Haneul n’aimait pas la réponse de la jeune femme et elle aimait encore moins le regard vide qu’elle avait eu en répondant. « Um, je dois avoir une uh, une allergie » Le mensonge était évident, elle le savait pertinemment. Elle baissa les yeux et soupira, sentant sa gorge se nouer davantage. Elle ne voulait pas craquer mais elle était au bord du précipice ces derniers jours.

Haneul n’était pas fan du contact physique mais avec certaines personnes, les gestes étaient rassurants et confortables. C’était ainsi qu’elle se sentait auprès de Amara, en sécurité et dans une bulle. Elle était reconnaissante mais elle luttait contre les larmes menaçant de lui échapper. La tête baissée, elle eut du mal à reprendre la parole. « Un peu compliquée » Elle n’arrivait pas à fuir sa peine et n’avait aucune échappatoire en cette soirée, la peur de perdre pied la rongeait. « Je.. » Les mots n’arrivaient pas à sortir facilement, alors qu’elle se concentrait sur le fait de ne pas pleurer. Elle détestait pleurer devant les autres. Pourtant en sentant les bras de Amara l’entourer, les larmes qu’elle retenait passèrent la barrière et coulèrent le long de ses joues. Presque en silence mais son corps trembla légèrement sous la pression des pleurs. « Je suis désolée » Elle ne voulait pas imposer son état à la jeune femme mais il fallait croire qu’elle avait eu besoin de cette étreinte. « Je ne vais pas t’embêter avec mes problèmes, qui ne sont même pas importants » Elle releva les yeux, à la recherche d’un bout de tissu pour sécher son visage. « Tu devrais te reposer au lieu de t’occuper de moi. Tu en as grandement besoin mais… merci » Elle avait pour habitude de s’éloigner des gens, même ceux qu’elle appréciait alors même qu’elle avait besoin de se confier.

Tu aimerais avoir une énergie infinie. Un stock inépuisable et sans fin. Tu savais que ce n'était pas possible et que la fatigue pointait toujours le bout de son nez. Encore plus quand tu enchaînais le boulot ainsi, et les cours. Encore plus quand tu faisais quelque chose qui te demandait trop de force. Tu puisais dans tes ressources, sacrifiant parfois tes cours ou tes passions pour quelque chose qui ne te faisait pas plaisir. Oui, ça te rapportait gros mais tu t'en fichais aujourd'hui. Tu avais voulu aider et aujourd'hui c'était toi qui avais besoin d'aide, presque. T'en avais assez de ce job, de cette pression, de ces besoins. Tu ne suivais même pas tes envies, travaillant encore dans le domaine par la force des choses. Pour le bien-être de ton père. T'en oubliais le tien, veillant à ce qu'il garde sa place et sa vie stable. La tienne pouvait être un chaos sans fin, le temps que la sienne était belle... Et tu te gardais bien de lui dire. Tu veillais à toujours rappeler que tout allait bien, que tu allais bien. Tu ne voulais pas qu'il se fasse du souci ou qu'il te force à arrêter. Car tu avais peur qu'il retrouve ses vieux démons et que tout recommence. Tu lui faisais confiance, tu savais qu'il ne faiblirait pas mais... tu gardais le doute, malgré tout. Et c'était idiot mais tu le faisais. Bêtement. Tu continuais en espérant qu'un jour on ne voudra plus de toi et que ce sera le directeur qui te demandera d'arrêter. Aujourd'hui tu rapportais trop, hors de question de se défaire de sa poule aux œufs d'or. Mais ça allait s'arrêter un jour pas vrai ?

« Ah bon ? Pourquoi ? », demandas-tu dans un faible rire, le nez faiblement retroussé. Ce n'était pas étonné de te voir avachie ici ? « Je... sais pas », lâchas-tu, le regard dans le vide, le sourire éteint. Le corps trop lourd t'avais même pas envie d'y penser. Tu savais ton planning plutôt plein les prochains temps et ça t'épuisait déjà bien trop. « Un jour ou deux ici et là, il me semble », tu bougeas un peu les épaules, tentant de la rassurer dans un sourire. Comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes. « Une allergie », que tu répétas dans un petit mouvement du visage, les pupilles posées sur elle. Tu fronças un peu les sourcils, la frimousse inquiète. « Une allergie à quoi ? Tu es allée voir un médecin ? », que tu demandas, l'observant toujours. « On peut aller faire un tour à la pharmacie si tu veux. En attendant d'aller voir le médecin, ça peut dépanner », proposas-tu, désignant la porte du doigt, prête à te lever et y aller si elle le disait. Un léger son dans la gorge, tu hochas simplement le visage, patientant sagement qu'elle prenne la parole ou qu'elle veuille bien expliquer. Qu'elle te dise même que ça ne te regarde pas si elle le voulait, tu ne le prendrais pas mal. Tu serras doucement son bras, comme pour montrer que tu étais là et que tu resteras là. Pour l'accompagner, l'écouter, peu importait, tu seras là. Tu te redressas, un brin perplexe par les faibles secousses. Les pouces venant directement sur ses joues, tu essuyas les larmes. « Je suis là », que tu soufflas, l'air perdu mais aussi soucieux. « Pourquoi tu t'excuses ? », tes doigts continuaient de frôler ses joues. « Tu ne m'embêtes pas du tout. Et si ça te fait pleurer, c'est important », assuras-tu, les mains restant simplement posées sur ses pommettes à présent, avant de lâcher son visage pour lui tendre un paquet de mouchoirs. « Tu es là quand j'ai besoin de quelqu'un pour me réconforter. C'est tout naturel que je sois là quand tu as besoin de quelqu'un. Le repos peut attendre, ton bien-être non », tu secouas le visage de gauche à droite, l'air assuré, refusant de laisser tomber. Un peu têtue, la Amara. « T'as pas besoin de tout me dire si tu veux pas, je te force pas. Mais si tu as envie de pleurer, tu peux pleurer. Je reste là pour essuyer tes larmes », tu lui souris tendrement, tes doigts venant pincer sa joue. « Garde pas tout ça pour toi. Lâche-toi, ça fait du bien », et t'allais pas la juger pour pleurer ou même s'énerver. « Viens », tu ouvris les bras en grand. « Tu peux tout oublier le temps d'un câlin et te laisser aller. Il n'y a que moi, et personne d'autre », confias-tu dans une esquisse douce. Personne pour questionner, pour juger, pour observer. Juste vous deux. « Je suis là, je reste là. Tu vas pas tomber, je te tiens »

Si Haneul appréciait la solitude lorsque ses émotions se montrait instables, elle était pourtant heureuse de se trouver en compagnie Amara. Elle espérait se changer les idées en laissant de côté ce qui lui faisait de la peine depuis quelques jours : le départ de Kuan Ti, l’avenir qu’elle avait commencé à imaginer, l’espoir qu’elle avait touché du bout des doigts mais surtout… l’échec. Elle voyait en cette « séparation » une nouvelle preuve de son incapacité à réussir sa vie et à trouver du bon en elle. Tout ce qu’elle entreprenait finissait par échouer, la faisant de nouveau reculer. Allait-elle un jour suffisamment avancer ? Même si elle continuait ses études, elle avait du mal à gérer et elle savait que cette année allait être un autre échec. Pourquoi essayait-elle encore alors que ça ne servait à rien ? Kuan Ti qui avait eu tant d’espoir pour leur histoire avait lui aussi abandonné… Il l’avait abandonné, elle n’avait pas été capable de le retenir. Elle n’avait pas vraiment essayé, ne voulant pas le détruire davantage. Plus loin ils se tenaient l’un de l’autre, mieux il se portait. Elle, c’était l’inverse.

« Je ne sais pas, peut-être parce que j’ai l’habitude ? » Un petit sourire avait étiré ses fines lèvres et la peine avait beau rester en elle, elle se sentait un peu plus légère. Elle ne voulait pas penser aux larmes qu’elle avait laissé couler et celles qu’elle retenait. Toute son attention était dirigée vers la jolie Amara pour qui Haneul s’inquiétait : « Ce n’est pas grand-chose… » Elle commenta, déçue de la réponse. « Tu ne peux pas en avoir plus ? » Elle se doutait que ce n’était pas simple mais elle ne voulait pas voir Amara au bord de l’épuisement ; elle voulait la voir sourire et profiter de sa jeunesse comme elle l’entendait, loin de cette pression. « Ça… ça ira, ne t’inquiète pas » Elle avait opté pour une excuse peu convaincante et elle en payait les frais, ne sachant pas comment poursuivre. « Pas besoin d’aller voir un médecin mais, merci » Elle sentait les larmes lui monter, émue par l’attention et l’affection qu’elle recevait de la part de la jeune femme. C’était frais et elle était trop à fleur de peau pour arriver à prétendre aller bien. Elle détestait se sentir aussi à nu, elle qui détestait pleurer devant les autres. Elle savait qu’il était bon de partager ses émotions mais elle avait du mal.  Pourtant, les larmes coulèrent sous le regard de son amie... Haneul ne pouvait plus retenir ce mal-être qu’elle tentait de combattre en vain. La bataille allait être rude mais elle ne voulait pas repartir au combat, elle n’était pas prête. Elle n’aurait jamais dû croire en l’avenir que Kuan Ti aurait pu lui offrir. Elle aurait dû se fermer à lui entièrement, ça aurait été moins douloureux… « Parce que… » Parce qu’elle avait l’impression de la déranger avec ses problèmes et parce qu’elle allait faire n’importe quoi et le regretter. Elle connaissait le schéma, elle se connaissait. « Merci » Parler lui était difficile, elle essayait de retenir ses larmes qui lui échappant, hors de contrôle. C’était dur de les retenir et le paquet de mouchoirs tendu par Amara fut accueilli avec soulagement.

« Non, vraiment, tu devrais te reposer. Je t’assure que tout ira bien j’ai juste… » Elle avait besoin de quoi ? Elle l’ignorait. « Besoin de me reprendre, ça passera » Elle hocha la tête pour appyyer ses dires mais elle-même n’y croyait pas. « Mer…merci » Les mots de la jeune femme la touchaient, elle se sentait dans une bulle dans laquelle elle pouvait exposer ses émotions les plus fragiles ; sans aucun jugement en retour. Les bras ouverts de Amara lui suffirent à craquer davantage, cachée dans le réconfort d’une étreinte généreuse. « Merci » elle répéta entre plusieurs sanglots. « Tu… » La jeune barmaid avait envie de lui exprimer toute sa gratitude mais les mots avaient du mal à sortir alors qu’elle laissait enfin s’écouler tout ce qu’elle avait tenté de retenir. Amara avait raison, ça faisait du bien de laisser sortir les choses alors, elle se laissa glisser dans sa peine le temps de quelques instants. Elle n’avait pas pleuré dans les bras de quelqu’un depuis bien trop longtemps... Elle se rappela les bras de ses parents qui l’avait si souvent consoler. Le manque accentua ses pleurs mais l’image lui redonna espoir. Elle avait l’impression d’avoir été abandonnée mais, elle était loin d’être seule.

Tant bien que mal, elle s’éloigna de Amara en s’excusant pour son état ; elle n’aimait pas s’emporter ainsi. « Je ne sais pas ce qui m’arrive. D’habitude, j’arrive à contrôler mais là… » ça faisait trop, tout semblait s’être écroulé avec une simple absence. Elle remettait tout en question, y compris les bonnes choses. « C’est idiot mais j’ai… la personne que j’avais rencontré a décidé d’arrêter notre… relation » Haneul avait eu peur de se dire « en couple » avec Kuan Ti mais c’était ce qu’ils avaient été. Et c’était terminé. « J’ai cru… j’ai eu trop d’espoir pour l’avenir et je me sens bête d’avoir été aussi naïve. Je ne suis pas faite pour de belles histoires comme ça, je le savais » C’était si étrange de parler de Kuan Ti avec quelqu’un mais ça faisait du bien. « Je ne vais pas t’embêter avec ça. Ça ira, vraiment. On devrait plutôt se changer les idées toutes les deux, qu’est-ce que tu ce en penses ? » Elle ne savait pas s’y prendre pour se confier aux autres, elle ne savait plus. Elle n’avait pas joué à cet exercice depuis trop longtemps.  

Tu voudrais pouvoir te reposer et étudier comme tu le voulais. Te lever sans avoir cette boule à l'estomac ou ce stress qui te serrait la gorge alors que tu rejoignais ton manager pour un énième shooting. C'était épuisant. Ce métier était épuisant mais tu ne pouvais pas non plus te plaindre. Certain.e.s vivaient pire. « Ah bon ? », que tu demandas encore, dans un air un peu plus penaud cette fois. Tu émis un faible rire ensuite, comme une gamine, les doigts contre la bouche. « C'est mieux que rien », tentas-tu dans un sourire léger comme si ce n'était vraiment rien. T'étais habituée – tristement habituée. « Pour le moment non. Mais une fois que tout ça sera fini... je pourrais probablement », tu lui offris un large sourire, ne voulant pas l'inquiéter, supposant qu'une fois que ton planning sera un peu plus vide, tu pourras te reposer. « Tu es sûre ? », demandas-tu, le sourcil levé, le regard vers elle. Tu hochas simplement le visage ensuite, l'observant tout de même dans un air soucieux. Tu te demandais presque si tu ne devais pas appeler un médecin, même si elle disait non. Histoire de rassurer tout le monde – surtout toi. Et si elle avait un moment difficile, tu espérais qu'elle puisse t'en parler, se confier et se faire du bien. Tu savais que ce n'était jamais une chose aisée que de dire ce que l'on avait sur le cœur mais tu étais là. Tu préférais lui dire, même si tu doutais qu'elle le savait, c'était toujours bien de l'assurer clairement. Tu penchas la tête, toute ton attention sur elle, écoutant, attendant. « Me remercie pas, c'est normal. Tu ferais la même chose pour moi », indiquas-tu simplement. Tu tenais à elle donc il était évident que tu sois là pour elle. Comme elle l'était pour toi, qu'elle s'en rende compte ou non, elle t'aidait beaucoup.

« Tu as juste ? », tu penchas le visage de l'autre côté, patiente. Tu n'allais pas te reposer, pas maintenant, pas comme ça. Tu secouas le visage, le sourire léger. Pas besoin de te remercier, vraiment. Tu voulais être là pour elle, l'écouter, la soulager mais aussi la réconforter. C'était ton rôle non ? En tant qu'amie. Tu voulais l'apaiser et la conseiller. Ou juste l'écouter sans rien dire si elle avait juste besoin de parler. Tu levas un peu les sourcils, le regard toujours vers elle. Tu lui offris une autre esquisse. Se laisser aller était parfois le plus difficile mais aussi le plus bénéfique. Et t'étais là pour qu'elle ne tombe pas totalement, la serrant contre toi, frottant son dos et lui chuchotant que tout ira bien. Tu voulais lui offrir le réconfort mais aussi la sécurité dont elle semblait avoir besoin. « Personne n'est infaillible tu sais », lui dis-tu lentement, passant doucement tes doigts sur ses joues. « Oh je suis désolée », soufflas-tu dans une petite moue, gardant tes phalanges sur ses pommettes dans des gestes légers et aériens. « Dis pas ça. C'est pas une erreur d'y avoir cru et c'en est pas une d'y croire encore », tu secouas le visage comme pour faire disparaître cette pensée de son esprit. « Tu mérites de belles histoires mais parfois il faut plusieurs chapitres avant qu'elles s'écrivent. C'est la fin de ce chapitre mais du livre », lui affirmas-tu dans un léger sourire, venant ensuite embrasser sa tempe. « Je suis sûre qu'il y a encore de belles choses qui vont s'écrire pour toi, tu le mérites. Mais ne pense pas que c'est la fin ou tu n'as le droit à rien, c'est faux », tu agitas vivement l'index avant de lui sourire à nouveau. « Tu ne m'embêtes pas. Au contraire. Si tu veux en parler je suis là. Et si tu préfères te changer les idées je suis là aussi », si elle voulait encore parler, se confier, tu la laisserais faire mais si elle y mettait une fin tu n'allais pas la forcer à continuer. « Est-ce que tu veux regarder un film ? », proposas-tu, observant rapidement les alentours. « On peut voir ce qu'il y a sur netflix même si la dernière fois que j'ai regardé j'ai rien trouvé », avouas-tu dans un rire, allant récupérer ton ordinateur. « Action, comédie, horreur ? », demandas-tu, le regard allant de l'écran à son visage alors que tu t'installais à ses côtés, tout contre elle, voulant lui confirmer que tu étais là par tous les moyens. Ton bras vint même se lier au sien alors que tu naviguais entre les différents films proposés. « Tu veux manger ou boire un truc ? »

Un petit sourire vint doucement repousser la tristesse de son visage et, sa peine lui offrit un moment de répit. Haneul avait beau se sentir affreusement seule depuis sa « séparation », la présence de Amara lui remettait du baume au cœur. Ça ne soignait pas ses blessures mais savoir que quelqu’un était là pour elle était réconfortant. « C’est pas faux mais quand même… » La peine avait beau prendre le dessus sur le reste, l'inquiétude qu'elle éprouvait pour son amie était bien présente ; la jeune femme avait besoin de repos mais ses projets ne lui en laissaient guère l’occasion :  « D'accord... » Elle ne pouvait pas dire grand-chose, elle n'était pas Amara alors elle devait lui faire confiance. « Fais attention à toi » Elle ajouta, l'observant avec intérêt pour s'assurer qu'elle allait bien malgré la fatigue. Malheureusement, elle -même n'était pas au meilleur de sa forme alors son sens de l'observation était moins affuté qu'à l'accoutumée. Et sans surprise, Amara voulut avant tout s'assurer que tout allait bien pour elle. Haneul détestait se montrer vulnérable, préférant masquer sa peine mais il n'était pas toujours évident de se cacher derrière un masque. Et cette fois, elle n'y arrivait pas. Elle était à fleur de peau, elle venait de craquer et les signes étaient partout. Sur ses traits fatigués, dans son regard, dans sa posture, dans l'aura qu'elle dégageait... Elle ne respirait pas la joie de vivre et elle ne supportait pas inquiéter les gens qu'elle appréciait. Ce qui semblait être le cas. Elle devait avoir l'air vraiment mal pour que Amara lui propose de voir un médecin. La blessure qu'elle avait ne pourrait toutefois pas être soignée de cette façon... « Bien sûr, n'hésite jamais » Elle n'était peut-être pas la meilleure personne vers qui se tourner selon les circonstances mais elle était loyale et voulait être présente pour ses proches. Elle voulait pouvoir apporter son soutien et si Amara avait besoin de quoi que ce soit, Haneul n'hésiterait pas une seconde pour lui apporter son aide. D'une manière ou d'une autre.

Les mots n'étaient pas simples à sortir. Haneul avait envie de libérer le poids sur son cœur mais elle ne savait pas comment s’y prendre. Elle ne savait plus. Elle avait trop longtemps tout gardé pour elle et avait oublié comment s'ouvrir aux autres. Elle avait peur de montrer ses fragilités ; peur qu'on les retourne contre elle. Amara n'était pas ce genre de personne mais Haneul avait des blocages qu'il était difficile de régler en un claquement de doigts. « Je suis épuisée » Elle murmura entre deux sanglots, ses larmes ayant finit par lui échapper. Elle n'aimait pas se montrer ainsi et encore moins gâcher la soirée de son amie mais elle avait besoin de lâcher prise... Amara avait raison, personne n'était infaillible mais elle se le refusait quand même. Comme si elle avait quelque chose à prouver et, c'était le cas. A elle-même. « Je ne pense pas... » Les mots prononcés par Amara étaient beaux, emplis d'une vérité qu'elle avait envie d'entendre, une vérité à laquelle elle avait envie de croire mais, elle se l'interdisait. Elle avait une trop mauvaise opinion de sa personne pour penser mériter ce bonheur-là. Elle s'était fait des idées, elle avait cru qu'elle pouvait toucher à l'amour sans se bruler cette fois-ci mais, ça avait échoué. Elle n'était pas capable d'aimer sainement et elle ne méritait pas d'un amour comme celui de Kuan Ti. Ou de quiconque, si elle s'écoutait. « Ce n'est pas fait pour moi, je ne suis pas faite pour... » elle marqua une pause, calmant tant bien que mal ses larmes. « je ne mérite pas une personne comme lui. » Elle en était persuadée, elle devait arrêter de se bercer d'illusions : la chute était trop violente. « J'ai été bête, je ne le serais plus » Pourtant son cœur avait envie d'amour. Besoin d'amour. Elle voulait trouver des bras sains dans lesquels se sentir en sécurité. Tout son corps en éprouvait le besoin, mais son cerveau lui empêchait d'essayer. Se bruler une nouvelle fois ? Hors de question. « Merci Amara, merci pour ces belles choses que tu viens de me dire » Elle avait envie d'y croire, mais elle n’en était incapable pour le moment. Un film, ça me semble bien » Elle essaya de faire disparaitre l'humidité sur son visage mais ses yeux étaient rouges, preuve de ses larmes.

La coréenne avait besoin de se changer les idées en se concentrant sur la présence de son amie. Elle ne voulait pas briser davantage l'ambiance en s'apitoyant sur son sort. Elle était une cause perdue alors à quoi bon la consoler ? Elle ne voulait pas faire perdre son temps à Amara qui avait besoin de repos. « C'est toujours difficile de trouver quelque chose » Haneul essaya de sourire mais elle était encore bouleversée par leur conversation. « Horreur ? » Le meilleur moyen pour éprouver des émotions opposées à celles qui l'habitaient. « Si ça te va, sinon action ? Je te laisse choisir » Elle essaya de lui offrir un sourire, lui faisant confiance et n'ayant pas le cœur à chercher un film. Rien ne lui faisait envie, même se nourrir. « Je n'ai pas très faim pour le moment » L'estomac noué, elle sentait qu'elle ne pouvait rien avaler mais boire par contre... « Je suis pas contre quelque chose à boire. Qu'est-ce que tu voudrais toi ? »  Elle était épuisée mais elle voulait se réfugier davantage auprès de Amara avant de sombrer dans un sommeil peu reposant. « On doit aussi avoir quelques trucs à grignoter, si tu as faim. Tu peux même commander » Haneul avait beau essayer de reprendre le contrôle de ses émotions, savoir qu'elle n'avait pas besoin de les cacher lui faisait un bien fou.

Tu étais inquiète pour elle. Elle ne te semblait pas en forme et tu ne savais pas s'il s'agissait d'un mal être physique ou bien quelque chose de plus profond encore. Tu voulais l'apaiser d'une manière ou d'une autre. « Promis » que tu dis doucement, hochant le visage pour confirmer tes mots. Tu n'hésiterais pas à venir la voir si jamais, tu savais qu'elle pourrait te réconforter et t'apporter la chaleur dont tu manquais. En attendant tu voulais être là pour elle, l'écouter, la consoler et lui prêter une épaule sur laquelle se reposer. Tu saurais te montrer patiente, lui laissant le temps de tout te dire sans la brusquer ou la forcer. Si elle ne le voulait pas, tu ne lui en voudrais pas non plus – mais tu supposais que les maux devaient sortir pour la libérer un peu de ce poids qui semblait l'accabler. Tes doigts passaient sur ses joues avec délicatesse pour effacer les traces salées, les lèvres murmurant que tu étais là, qu'elle pouvait se laisser aller tu ne la laisserais pas tomber. Personne n'était infaillible comme tu l'avais dit, et elle ne l'était pas non plus. Elle n'avait pas besoin de garder ce mur face à toi, elle pouvait le laisser s'écrouler – tu prendrais le temps de l'aider à le reconstruire si elle le désirait. « Tututu », tu agitas l'index. « Oublie cette idée. Je suis sûre que si », assuras-tu dans un mouvement du visage, refusant qu'elle se dénigre tant. « Et pourquoi tu ne serais pas faite pour ça ? », demandas-tu doucement, le visage penché. « Tu es tellement faite pour être aimée. Sinon pourquoi tu serais si belle, si douce et si attachante, hm ? », tu souris tendrement, les doigts frôlant ses joues. « S'il est parti ça ne veut pas dire que tu ne le mérites. Il n'est juste pas la personne pour toi. La bonne personne viendra, j'en suis persuadée », vins-tu affirmer dans des chuchotements tendres contre sa tempe avant de venir embrasser son front. « Tu n'es pas bête », car ce n'était pas idiot de croire en ces belles choses. Tu la gardas un instant dans tes bras, la paume frottant son dos. « C'est normal. Je ne dis que la vérité », tu lui offris un clin d’œil dans une frimousse tendre. « Un film alors », et tu souris, la serrant encore dans tes bras, déposant ensuite un multitude de baisers sur sa joue dans des sons plus ou moins exagérés.

« C'est pas drôle sinon », commentas-tu dans un souffle. « Horreur alors », c'était pas le genre que tu préférais mais tu voulais lui faire plaisir. Tu cherchas alors un film dans ceux proposés, le nez quelque peu retroussé, en lançant un au hasard. « D'accord, hésite pas si tu as faim », assuras-tu, tu pourras peut-être préparer un petit quelque chose. Tu irais même au magasin pour elle. « Hmm pourquoi pas quelque chose de frais ? De frais et de sucré », pour le moral que tu supposais. « Un jus de fruits ? J'ai pas faim non plus », tu délias vos bras, allant rapidement récupérer des boissons, lui en donnant une et en gardant une pour toi avant de retrouver ta place à ses côtés. Tu lias à nouveau ton bras au sien, te rapprochant d'elle au maximum, les yeux rivés sur l'écran. « Si j'ai trop peur tu resteras dormir avec moi », que tu dis dans un rire discret, les pupilles vers elle. « Enfin normalement ça devrait aller, je sais que c'est pas vrai... je sais même plus quel film j'ai mis », marmonnas-tu dans un air songeur, te calant plus confortablement, ton bras serrant le sien. « N'hésite pas à me le dire si tu veux dormir aussi, je rangerais tout » mais elle pouvait aussi s'endormir sans te prévenir, tu ne lui en voudrais pas. Tu embrassas le haut de son crâne, posant sa tête contre la sienne ensuite, les yeux sur l'écran à nouveau. « Ew c'est pas du beau », que tu commentas dans un souffle.

Par le passé, Ha Neul s’était juré de ne plus jamais verser une larme pour un homme… Pourtant, le liquide salé coulait le long de ses joues sans qu’elle ne parvienne à le contrôler. Elle ne voulait pas se montrer vulnérable mais elle était épuisée… Fatiguée par les obstacles que la vie mettait sur son passage et qu’elle ne savait pas surmonter. Au contraire, elle continuait de se mettre des freins et s’étonnait ensuite de voir un autre pilier s’écrouler. Elle ne pleurait pas seulement un homme, elle pleurait aussi l’espoir qu’il avait représenté. La bouée de secours qu’elle avait tenu dans ses bras avant qu’on ne vienne lui reprendre de force, la laissant couler. Haneul se savait fautive dans cette histoire et il était primordial qu’elle se relève seule pour ne pas dépendre d’autrui… Elle en avait conscience mais Kuan Ti avait été un rempart durant ces quelques mois et le perdre la faisait chuter de plus belle. Elle n’avait plus la force alors elle craquait devant son amie. Dans son malheur, elle était tombée sur la bonne personne pour sécher ses larmes. Amara avait les mots qu’il fallait pour l’apaiser et pour lui apporter le réconfort dont elle avait besoin.

La coréenne n’aurait pas pensé se dévoiler et pourtant, elle partagea un doute qui lui faisait mal depuis trop longtemps. Elle n’allait pas guérir en un claquement de doigts mais les paroles de la mannequin étaient réconfortantes. Sa culpabilité l’empêchait de les accepter entièrement mais ça lui réchauffa le cœur et calma ses sanglots incontrôlés. La jeune femme détestait pleurer devant les autres mais dans les bras de Amara et encouragée par ses mots, elle accepta de baisser sa carapace. « Je ne pense pas » Elle murmura, ayant du mal à voir ce qu’elle pouvait apporter à qui que ce soit. « J’ai pu l’être mais celle que je suis aujourd’hui… je pense qu’elle peut juste blesser. Je lui ai brisé le cœur » Il avait tout donné pour que ça fonctionne entre eux mais elle avait continué de le repousser. A ne pas vouloir admettre ses sentiments et à ne pas vouloir confirmer leur relation. « Je ne sais pas… » Elle avait été déçue en amour mais elle avait toujours cette soif en elle. Elle voulait aimer et être aimée en retour ; vivre une relation saine. C’était son rêve, une amoureuse de l’amour… « Merci » Elle continua de la remercier, la serrant contre elle pour ajouter les gestes aux paroles. Amara était comme un ange tombé du ciel, arrivé au moment parfait pour libérer Haneul de sa peine. Pour la laisser s’exprimer au lieu de tout garder au plus profond d’elle. « J’ai l’impression d’être un chien coincé dans les bras de sa propriétaire » Noyée sous les gestes affectueux, le rire de la coréenne accompagna les bruits exagérés de son amie.

« On aime la difficulté » Elle répondit avec un sourire complice. Elle sentait que ses yeux étaient gonflés mais elle se sentait plus légère et ce film allait l’aider à entrer dans une bulle confortable en bonne compagnie. Une soirée idéale face à un tel tourbillon d’émotions. « C’est très bien un jus de fruit » ça changerait de ses choix habituels, ce qui n’était pas plus mal. « As-tu besoin d’une raison pour dormir avec moi, en soi ? » Plaisanta Haneul avant de lui offrir un sourire complice : « Je suis là pour te protéger. » Pas besoin d’hommes, elles étaient ensemble. « Pour l’instant, ça va » Elle avait beau être fatiguée, elle ne voulait pas s’endormir aussi vite alors que sa crise était encore récente. Elle avait besoin de s’imprégner d’images effrayantes ou dégoutante pour ne pas penser à Kuan Ti en fermant les yeux. « C’est plutôt bien fait » Sa tête se posa contre celle de Amara et elle suivit avec intérêt le film. Elle essayait en tout cas mais l’intrigue finirait par l’interpeller, surtout avec les commentaires de sa colocataire. « J’espère que tu ne crains pas trop la violence, j’ai l’impression que niveau blessures on aura la dose… » Vu le thème du film, ce n’était pas surprenant. Au moins, il n’y avait rien de romantique dans tout ça. « Si jamais tu as peur ou que ça te dégoute, on peut changer. Ne t’en fais pas pour moi, ça ne m’embête pas » Elle avait juste besoin de se concentrer sur autre chose que sa vie sentimentale. « Tu aimerais jouer dans ce genre de production ? » Elle demanda alors avec curiosité, se demandant ce qu’un tel tournage devait donner.