#1 — Il parait que tu ne vis pas seule.
Et c'est VRAI. Mais pas de Roméo en ta demeure, seulement ton fils Eunji (Im Eunji Joshua, de son prénom complet. À l'image de tes parents, tu t'es battue avec le géniteur pour que ton fils ait un nom potable et ne finisse pas par s'appeler Tony ou Junior. N'EST-CE PAS, @Im Hayden ?). Tu es tombée enceinte par accident, une nuit pleine de passion mais visiblement pas de protection puisque tu as fini avec un joli petit ventre rond et une bonne grosse dose d'angoisse. Il faut dire que le père n'a pas été très coopératif une fois sorti du lit. Est-ce qu'on continue la blague en parlant du fait que "vos étiez dans de beaux draps" ? Non ? Rho.

#2 — Il parait que tu ne tiens pas l'alcool. Blblblbl. *bruits de noyade de le soju*. Tu voudrais dire que c'est faux, tu le voudrais vraiment. Mais malheureusement, plus vrai que ça, tu meurs. Tu voudrais te la jouer femme forte et mystérieuse mais eh, un verre de soju et te voilà en train de rouler sous la table. Tu as l'alcool câlin (mais le genre câlin bisounours fluffy, pas pegi18), c'est déjà un soulagement en soi. Ça aurait pu être pire.

#3 — Il parait qu'on t'a déjà demandé ta main à plusieurs reprises. C'est vrai, et c'était parfaitement ridicule. Tout au long de ta grossesse, Hayden est revenu plusieurs fois avec la proposition, et tu l'as chaque fois déclinée. À quoi bon vous marier ? Vous n'êtes pas amoureux, pas même en couple, et en grande romantique que tu es, tu refuses un mariage de convenance. Tu attends le grand amour, la demande en mariage qui te fera pleurer toutes les larmes de ton corps alors que tu dis "oui", la belle cérémonie...

#4 — Il parait que tu es a déjà dessiné ta robe de mariée. Mmh. Alors. Oui ? Il se pourrait bien que ce soit vrai. Tu as déjà dessiné ta robe de mariée, et ses cinquante-sept variations. Les patrons sont prêts, tu as même un dossier sur ton ordinateur avec les références des tissus que tu aimerais utiliser pour quand viendra le jour de coudre cette petite merveille. Et, oooh, serait-ce le patron d'un costume de marié que je vois là, planqué entre deux magazines ?

#5 — Il parait que tu adore le bling bling. Telle une pie ou une petite fille, tu es attirée par tout ce qui brille. Du tissu à sequins, un vernis pailleté, qu'importe tes yeux finiront toujours par trouver. Par contre, le bling-bling ? Ew. Tu détestes. On ne déconnes pas avec le brillant, eh, c'est de la qualité ou rien.

#6 — Il parait que tu es bonne en anglais. En même temps, t'as pécho un américain, c'est que tu te débrouilles, hein ? Heiiin ? Ah. Non. Complètement faux. Tu es une quiche en langues, mais tu aimes lire, tu "shippes" comme on dit, et malheureusement la majorité des bonnes fanfictions sont en anglais. Bon, du coup, tu t'es nettement améliorée à la lecture (pour l'oral on repassera plus tard, hein), mais ton vocabulaire s'est plus enrichi de termes pegi18 que d'autre chose. Ahem. Ceci dit, tu sens que Hayden va apprendre l'anglais à votre rejeton (et s'il ne le fait pas, tu vas lui en coller une, tu veux que ton fils soit bilingue) et qu'ils en profiteront pour parler de choses que tu ne comprends pas. Or, ça, tu refuses. Il va être temps de reprendre des cours, cutie.

#7 — Il parait que tu es un cordon bleu. Haha. Hehe. Uuuh. Plus faux que ça, tu meurs. Et ça t'attriste, parce que tu voudrais bien pouvoir faire des bons petits plats pour ton fils, mais vu qu'il recrache systématiquement ce que tu tentes de cuisiner, tu es contrainte d'acheter des choses toutes faites. Ça te brise le cœur.

#8 — Il parait que tu as toujours rêvé d'être maman. Absolument vrai ! Mais tu avais un plan, un chemin tout tracé... d'abord, le petit ami. Les rendez-vous parfaits. La demande en mariage romantique. La sublime cérémonie. Puis ensuite, le bébé. Bon... tu ne regrettes pas, tu aimes bien trop Eunji, mais ça chamboule un peu tes rêves. Qui voudra de toi maintenant que tu as un enfant dans les bras ?

Ta mère et toi, vous pourriez être jumelles. Je sais, c'est flippant à dire comme ça, surtout qu'on parle de ta génitrice et pas d'une quelconque meilleure amie, mais c'est un fait. Vous êtes romantiques as h... ah non, l'enfer n'est probablement pas l'endroit le plus romantique qui soit. Bref. Vous êtes des romantiques, mais à deux extrémités d'une corde qui n'existe pas. Ta mère, c'est une vraie fleur bleue, un véritable champ d'aconit. Ah, si seulement elle avait été de l'aconit tue-loup, histoire de ne pas tomber entre les pattes de ton père. Si Amour est un salaud alors ton père est Le Salaud. À cinquante ans, marié depuis trente ans et avec une gamine (oui, oui, une g a m i n e) de vingt-cinq ans, ça ne l'empêche pas de faire le tour des bistrots et des lits. Mais voilà, ta mère l'aime encore et toujours, fait semblant de ne pas voir les traces de rouge à lèvre sur son col et l'argent du ménage qui coule à flot dans la bière.
Clairement, tes parents n'étaient pas un couple mignon. Pas. Du. Tout. Ils étaient totalement à l'opposé de ce que tu souhaitais comme vie plus tard. Même si ta mère est amoureuse, elle n'est pas heureuse. Et comme le dit si bien Juliette dans la comédie musicale, oui mais moi, je veux les deux !
Et c'est sur cette idée là que tu es devenue celle que tu es. Tu sais ce que tu veux, et tu sais comment tu l'auras. Enfin, tu en as une certaine idée. À peu près. Maybe ?

Être heureuse et amoureuse, c'est ce que tu as noté sur ta feuille quand, un jour, le professeur a demandé ce que tu voulais être plus tard. Ça a fait rire tout le monde, mais tu n'en étais pas moins convaincue. Bien évidemment, tu ne savais pas comment y arriver, à ce moment là. Être heureuse pour tomber amoureuse, ou tomber amoureuse pour être heureuse ? La deuxième option semblait la plus facile. C'est pourquoi tu as accepté chacune des déclarations d'amour reçue, donné sa chance à chacun. Oh, ça s'est bien vite retourné contre toi, évidemment. Tu étais la fille facile à séduire, le cœur d’artichaut de service. Tu as bien vite appris à faire preuve d'un peu plus de retenue, à creuser un peu plus les intentions des autres avant de te laisser aller au premier baiser, à te laisser entraîner à des rencards. Toutes ces petites histoires se finissaient de toute manière assez rapidement. La faute à l'absence d'une étincelle, celle des romans et des contes, et à ta personnalité peut-être un peu étouffante. Et la vie a continué, tu as grandi, tes attentes aussi. Tu as valsé de bras en bras, de déception en déception. Malgré cela tu n'as pas abandonné ta quête de l'amour. Tu allais finir par trouver, tu le savais. Quelque part en ce monde (mais ça t'arrangerait si ce quelque part était Séoul), quelqu'un devait forcément t'attendre, quelqu'un qui serait parfait pour toi.

Puis tu es tombée sur lui. Oh non, je t'épargne le "il est l'homme de ta vie, tu l'ignores pour le moment, mais tout s'arrangera, il est ton soulmate". Il ne l'est pas. Du moins, je n'y crois pas. Votre compatibilité (amoureuse, hein, parce que côté ovaire-soldat, c'est le feu, comme tu le découvriras plus tard) est inexistante et je doute que ça s'améliore. Mais qui sait ? On m'a dit "ne jamais dire jamais" et pourtant cette phrase le contient deux fois. Comment ça j'ai pas capté l'ironie ?

Pourtant, tu as eu de l'espoir. Par messages, ça collait plutôt bien. Vous étiez certes assez différents, ça se voyait de suite, mais ça n'en restait pas moins agréable de discuter avec lui.
Sans surprise, votre premier rendez-vous fut un échec. Ça te mina le moral quelques jours, comme à chaque fois que tu te heurtais à une déception de plus. Mais un message arriva. Puis un autre. Tu pensais que, comme avec tous les autres, le contact serait rompu dès la fin de votre date foireux. Mais non. Il continuait. Message après message, tu avais repris espoir. Il voulait te revoir. C'est que ça n'avait pas été si raté que ça, n'est-ce pas ? Peut-être... peut-être allait-il devenir ton perfect boyfriend ? Peut-être fallait-il laisser une chance à votre relation, laisser au temps le temps, arroser les graines de l'amour ?
Arroser les graines de l'amour ! Ah, quelle belle expression. Un peu kinky dans votre cas, certes, mais c'est ça qui est diablement amusant.

Au final, il s'est avéré qu'il voulait juste te mettre dans son lit. Ta colère fut flamboyante. Pour toi, il avait joué avec tes sentiments. Votre "couple" aux orties, tu l'avais effacé de ta vie, comme tu avais effacé les précédents.
Mais ça n'avait pas effacé votre nuit, loin de là.

Tu avais choisi d'ignorer les premiers signes. Les deadlines de gros travaux approchaient, alors forcément tu étais plongée dans le travail, t'y noyant presque. Tu avais l'habitude de ces périodes de stress, où tu mangeais peu, dormais quelques heures à peine, hurlait de rage quand pour la troisième fois tu relisais le même paragraphe sans comprendre un mot. La fatigue et le mal-être, tu connaissais. C'était pour ça que tu ne t'étais pas inquiétée devant les vertiges, les nausées, la fatigue qui te terrassait et te faisais t'endormir sur tes syllabus.
Mais une fois les dossiers remis, la fatigue et la nausée ne t'avaient pas quitté. Tu avais vomi tripes et boyaux un matin. Tu ne vomissais jamais.  J a m a i s. Même ivre morte. Tu avais un estomac et un foie à toute épreuve. Puis ton regard s'était arrêté sur ton calendrier, sur la petite marque rouge discrètement faite. Tu avais du retard dans tes règles, or ton utérus était une putain d'horloge suisse. Jamais déréglée, jamais en retard. J a m a i s. Tu avais vomi à nouveau, mais de peur cette fois-ci.

Un aller-retour à la pharmacie plus tard, le visage rouge de honte et de gêne, des tests à la main, le résultat était tombé.
Et si s'il y avait bien quelque chose de plus négatif que ta vie amoureuse, c'était le positif du test. Et des cinq autres que tu fis, au cas où les précédents étaient faussés.

C'est ainsi que tu avais fini devant sa porte, blême. Tu n'avais pas réfléchi plus loin, tu avais foncé chez lui. Tu ne savais même pas pourquoi.
Il n'y avait pas cru, avait joué aux imbéciles devant les tests de grossesse posés sur sa table. Ça t'avait rendue furieuse. Les mots avaient fusés, les reproches, les accusations. Tu voulais qu'il reconnaisse cette vie nouvelle, il pensait que tu n'en avais qu'après son argent.
Les choses commençaient bien.

Ta grossesse peut être résumée en "neuf mois de chaos". Tu as fait de ton mieux pour te préparer et tenter de rallier Hayden à ta cause. En contrepartie, tout ce que cet énergumène a réussi à faire, c'est te demander ta main (plusieurs fois - Tu ne lui demandais que de te tendre la main, pas de te passer la bague au doigt !) et proposer une myriade de noms ridicules pour votre fils. Mais au final, tu as réussi ton objectif. Hayden a abandonné ses projets de mariage "parce qu'il faut" et a reconnu son fils. Cela n'aura pas été sans mal, vous êtes passés par beaucoup de phases de doutes, de colère, de ressentiment. Il aura suffit de le convaincre de venir à la première échographie et d'entendre le coeur du bébé battre pour qu'il se décide.
Im Eunji Joshua a donc fini par rejoindre vos vies un 21 février, faisant de toi une mère comblée, mais aussi une femme terrorisée à l'idée de ne pas être à la hauteur.

Trois ans plus tard, il est toujours aussi clair que Hayden n'était définitivement pas un homme pour toi. Il est devenu un bon ami, et tu sais qu'il fait de son mieux pour s'occuper de son fils, même s'il se défile souvent devant les côtés moins fun, ce qui ne manque jamais de te rendre furieuse. Il a de la chance que ton self control lui ait évité plus d'une fois de finir le nez dans une couche sale. Après un long break pour t'occuper de ton fils, tu as repris des études maintenant qu'il est en âge d'être laissé à la crèche. Tu restes craintive par rapport à ton statut de mère célibataire, par peur que cela ne te porte préjudice. Tu as abandonné tes études de lettres pour partir dans un domaine qui te plaît bien plus même s'il a été le sujet de beaucoup de disputes avec tes parents.

Il est temps pour toi de reprendre une vie normale, Yujie.