Le nez faiblement retroussé, la langue pincée contre le coin de tes lèvres, tu forças un peu sur tes bras, tentant de trouver la bonne position pour tenir, mais aussi pour t'installer confortablement. Plus ou moins. Le dos calé contre le tronc, tu poussas un soupir satisfait, le sourire léger alors que tu levais le nez pour observer le paysage. Grimper de cette façon te donnait un sentiment de liberté – pouvoir détacher tes pieds du sol et contrôler chaque pas que tu faisais. Tout seul savait. Tout seul devait savoir. Personne ne décidait pour toi – pas la vie, pas la mort, pas la maladie. Juste toi. Et quelques petits éléments comme le vent ou la pluie. Mais aujourd'hui il faisait plutôt beau et bon, pas de vent et pas de pluie. Tu trouvais le paysage somptueux, presque plus proche du ciel. T'avais cette impression idiote de t'approcher des nuages. Tu savais qu'ils étaient pourtant loin. Tu savais qu'il y avait plus haut, aussi, que cet arbre. Et tu voulais grimper plus haut. Toujours plus haut. Tu pouvais pas encore, pas totalement. Mais t'étais déjà plus haut que l'année dernière à la même époque. Tu devais t'entraîner encore pour espérer atteindre le niveau rêvé. Pour pouvoir faire comme les ami.e.s de Sandeul. Tu te demandais quelle sensation ça faisait, de passer de toit en toit sans rien pour te retenir. Pensée qui te traversa l'esprit au moment où ton petit carnet s'écrasa au sol dans un bruit sourd. « Oh non... », marmonnas-tu doucement, te penchant un peu pour le voir par terre dans une frimousse boudeuse. Un petit carnet que ta mère t'obligeait à garder sur toi. Au cas où. « Juste ici », lâchas-tu, agitant bêtement la main. « Non. Plus haut », tu te décalas un peu, espérant être plus visible. « Dans l'arbre », expliquas-tu finalement dans un rire discret. « Est-ce que vous pouvez me lancer le petit carnet ? Il est tombé de ma poche », et tu désignas la dite poche qui l'avait honteusement lâchée avant de sourire. « Ce serait peut-être plus simple que je descende cela dit », tu te pinças les lèvres, observant le ciel, l'horizon, les nuages. Tu venais à peine de t'installer...

Keeho s’appuya contre l’arbre, sortant de sa poche son paquet de cigarettes. Il fouilla rapidement dans sa sacoche, mettant la main sur son briquet pour allumer sa clope. Une fois fait, il tira une latte, soufflant la fumée. Ah, quel bien fou ! Pas aussi bien qu’un joint mais il n’avait que ça sur lui aujourd’hui. Il n’avait pas encore pu acheter son herbe, malheureusement. Profitant de cet instant paisible, ce dernier fut troublé. Un carnet s’écrasa sur le sol, à quelques centimètres de lui, le faisant sursauter. Le jeune homme cligna des yeux, surpris, avant de lever la tête. Ben, il pleuvait des carnets maintenant ? C’était quoi ce délire ! Le koryo n’avait pas encore vu le garçon qui se prenait pour un singe dans l’arbre. L’étudiant récupéra l’objet, l’observant sous tous les angles, prêt à l’ouvrir avant qu’une voix ne l’interrompe. Keeho leva la tête, fronçant les sourcils et plissant les yeux, cherchant la source de ce bruit. Mais il ne cherchait pas assez haut… « Comment ça plus haut ?! » Marmonna-t-il, continuant de lever la tête. Il voulait lui faire avoir un torticolis ou quoi ? « Ouais, dans l’arbre, c’est là que je regarde déjà, ducon ! » Râla-t-il en se reculant un peu avant d’enfin le voir. « Mais tu fous quoi percher là-haut ? » Demanda-t-il, bien curieux de savoir pourquoi ce type était là. « Hm, je sais pas. J’ai quoi en échange ? » Dit-il en esquissant un sourire et tirant une latte. « Ouais, je pense. Après, je peux toujours essayer, hein, mais viens pas te plaindre si je l’abîme. » Répondit-il en évaluant la distance entre lui et le garçon. « Alors, tu préfères quoi ? » Demanda-t-il, lui laissant le choix et attendant sa réponse pour faire quoi que ce soit. Au moins, ce n’était pas lui qui prendrait la décision et s’il arrivait quelque chose… Il n’allait s’en prendre qu’à lui-même, ce petit singe !

C'était toujours comme ça. Une règle de base, quelque chose du genre : à chaque fois que l'on venait de trouver confort et réconfort, quelque chose se passait. Soit le chat voulait manger, quelque chose tombait ou il fallait se lever. C'était toujours comme ça, songeas-tu, ton carnet au sol. Si loin de toi. Tu venais envie de trouver le bon endroit, la bonne position, et voilà que la vie décidait que non. Voilà que le destin se disait que ton carnet serait sans doute mieux au sol, pour te forcer à bouger. Tu étais bien là, pourtant. Le ciel était beau, la vue tout autant. Tu ne voulais pas quitter ta place, sachant très bien que tu n'allais pas la retrouver rapidement si tu descendais. Heureusement, quelqu'un était là pour t'aider. Non ? « Hey ! », râlas-tu, se penchant un peu, les sourcils faiblement froncés. « J'y peux rien si les feuilles sont nombreuses », marmonnas-tu, bougon. « Je regarde le ciel », répondis-tu comme si c'était une évidence, les mains quelque peu levés. Tu comptais pas les feuilles – tu pourrais cela dit. « Ma reconnaissance éternelle ? », tentas-tu après quelques secondes de réflexion, le nez retroussé. Tu gardas la même tête avant de souffler. Il n'y avait pas grand chose à abîmer, en soit. Mais ta mère ne serait pas ravie de voir le carnet dans un sale état. Tu contemplas le ciel un instant avant de soupirer, bruyamment, comme un môme contraint de faire quelque chose qu'il ne voulait pas. « Je descends, je descends », articulas-tu doucement, commençant ta descente. « Attention en bas », lanças-tu dans un rire, les pieds touchant le sol. Tu relevas les prunelles vers le jeune homme, le visage penché sur le côté. « Je te reconnais, tu travailles au Starbucks ! », le regard illuminé, un grand sourire vint se poser sur ta bouche. « C'est gentil d'avoir récupéré mon carnet. Il est important. Un peu... ma mère dit qu'il l'est », tu fronças quelque peu les sourcils, les yeux sur le carnet. Si ta mère disait qu'il était important alors il l'était. Un peu. « J'avais trouvé la bonne branche.. je la retrouverai plus », et c'était triste.

Keeho profitait d’un moment de calme. Enfin, c’était ce qu’il pensait… Un carnet tomba, de nulle part, à ses pieds, le faisant sursauter. Il cligna des yeux, regardant vaguement en l’air et ne voyant rien. Ben, alors, il pleuvait des carnets maintenant ? Le koryo le récupéra, l’inspectant sous les angles, prêt à l’ouvrir quand on l’interrompit. Il fronça les sourcils en levant la tête, marmonnant quand on lui demanda de regarder plus haut. C’était un coup à avoir un torticolis, ça ! Et quand il – parce que c’était bien la voix d’un homme – lui précisa de regarder dans l’arbre, l’étudiant ne manqua pas de l’insulter. Il n’était pas débile. Il finit par le voir et Keeho n’hésita pas à lui demander ce qu’il foutait là. « Tu sais que tu peux le regarder d’en bas ? » Répondit-il en haussant un sourcil. Finalement, il lui demanda de lui rendre son carnet mais, chieur comme il l’était, le koryo ne le fit pas de suite. Qu’aurait-il en échange, hein ? « Qu’est-ce que j’en ai à foutre de ta reconnaissance éternelle ? » Répliqua-t-il, pas très amical. Il lui proposa de lui lancer, comme demandé, mais il risquait de l’abîmer. Après, il faisait bien le choix qu’il voulait mais, finalement, il préféra descendre. Keeho s’écarta et il croisa enfin le regard du garçon. « Eh mais ! T’es mister *insert nom de la boisson* ! » S’exclama-t-il, un sourire venant finalement prendre place sur son visage. « Il est important ou il l’est pas ? » Demanda-t-il en haussant un sourcil, pas très certain finalement que ce carnet ait une quelconque importance. A la mention de la branche, le koryo leva les yeux vers cette dernière. « Bah, tu sais, elle va pas bouger… » Dit-il en reposant son regard sur le jeune homme. « Tiens. » Dit-il en lui tendant son bien. « Ça t’arrive souvent de jouer au chimpanzé ? »

« C'est pas pareil », dis-tu dans un petit mouvement d'épaules. Ici, tu te sentais plus libre, les pieds dans le vide. Etait-ce étrange ? Sans doute. Tu voulais simplement contrôler d'où tu le regardais, appréciant toujours l'observer de là. Sandeul avait raison en te disant qu'il était encore plus magnifique quand on s'en rapprochait. Tu te demandais s'il était possible de toucher un nuage, sachant très bien que non, mais une fois ici, l'imagination et le rêve devenaient plus importantes que la réalité. T'oubliais tout quand t'étais là, même la raison pour laquelle tu étais monté à la base : pour fuir. Fuir le passé, le présent, les doutes, la peur. « Elle est cool ma reconnaissance éternelle », commentas-tu dans un air bougon. Tu savais que non mais c'était l'intention qui comptait non ? Bougon un instant, souriant la seconde d'après. Ce fut le cas une fois les pieds sur terre, même si ta première frimousse fut une grimace mécontente. T'étais mieux, là-haut. Puis enfin un sourire vint se poser sur ta bouche. « Oui c'est moi », que tu dis, le nez plissé, amusé, agitant la main pour le saluer avant de rire discrètement. « Tout dépend le point de vue. Pour moi non, mais ma mère oui », répondis-tu dans un mouvement d'épaules. T'en prenais soin puisque ta mère te le demandait mais si ça ne tenait qu'à toi... « On sait jamais », tu levas encore les épaules, le sourire léger. « C'est mieux là-haut », expliquas-tu avant de récupérer ton carnet. « Merci beaucoup », tu te courbas poliment, rangeant l'objet dans ta poche. Tu levas le regard vers lui, l'air boudeur, avant de sourire à nouveau. « Ca m'arrive souvent, je suppose. J'aime bien. On voit mieux le ciel de là-haut. D'une certaine façon j'ai l'impression d'être plus proche », te justifias-tu doucement, l'esquisse légère. « Tu devrais essayer, ça a un côté libérateur. Parce que t'es le seul à tout contrôler », c'était la manière grossière de tout expliquer. « Tu ne travailles pas aujourd'hui ? », le questionnas-tu, le visage faiblement penché. « Moi qui comptais passer », plaisantas-tu, un son amusé dans la gorge. « Je peux pas y aller si mon serveur préféré n'est pas là voyons », mains sur les hanches, tu secouas le visage avant de rire encore. « Tu veux grimper ? », que tu lui proposas de t'accompagner le plus naturellement du monde.

Keeho leva les yeux vers les branches de l’arbre. Il chercha le garçon qui lui parlait et finit par le découvrir. Il lui demandait son carnet mais le koryo était embêtant, c’était dans sa nature et… Il n’avait pas envie. Qu’est-ce qu’il y gagnait ? Sa reconnaissance éternelle, apparemment, et l’étudiant l’envoya chier. Il n’en avait rien à faire. Un lancer de carnet fut proposé mais le danseur n’excellait pas dans cette discipline. Si l’inconnu tenait à ce carnet, il valait mieux descendre pour le récupérer… Ce qu’il fit, d’ailleurs, et Keeho put enfin bien voir son visage. Il reconnut le client qui venait régulièrement au Starbucks, qui commandait toujours la même commande, au point qu’il n’avait même plus besoin de la dire. « Ah, je vois. » Dit-il en fronçant quelque peu les sourcils. Le skateur n’avait rien de valeur sur lui, ou du moins, rien auquel sa mère tenait. Keeho leva brièvement les yeux vers la branche, assurant au garçon qu’elle n’allait pas bouger. « Ça doit être sympa, j’imagine. » Répondit-il en haussant les épaules, tirant sur sa cigarette pour recracher la fumée à l’opposé du petit singe. Il lui rendit son carnet et lui adressa un sourire à ses remerciements. « T’es forcément plus proche, oui. » Dit-il en haussant un sourcil, un petit rire amusé glissant entre ses lèvres. « Hm. Ça devient vraiment tentant, là. » Souffla-t-il. « Eh non, pas aujourd’hui. Sois pas triste. » Plaisanta-t-il, riant aux mots du garçon. « Tu peux venir demain, je travaille. » Indiqua-t-il. « Grimper ? » Répéta-t-il. Il le regarda, regarda l’arbre, regarda de nouveau le garçon. « Grimper ici ? » Demanda-t-il en indiquant l’arbre. « Tu crois pas que c’est un peu compliqué d’y grimper à deux ? » Dit-il en levant la tête, observant les branches. Il n’était pas si grand que ça, cet arbre. « Puis, ça fait longtemps. Je grimpais dans les arbres quand j’étais gamin mais maintenant… à moins qu’un truc soit coincé dedans ou un animal, j’ai aucune raison d’y monter. » Expliqua-t-il avec un faible sourire. Il continua de fumer sa cigarette tout en lui parlant, arrivant au bout.