Outfits + Qu'on s'arrête après l'avoir entendu parler pour lui demander où était l'adulte qui l'accompagnait (lorsque la personne se pensait bien-pensante) ou pour se moquer du « débile », étaient des choses que Haru avait toujours vécu. Il ne disait pas que cela arrivait tous les jours mais, en tout cas, assez souvent pour avoir un certain détachement lorsque ce genre de situations se présentait. Ce à quoi il était moins habitué, c'était à ce qu'une personne qu'il ne connaissait pas vienne à son aide. C'était si rare qu'à chaque fois il était, évidemment, très agréablement surpris mais aussi ému et touché. Ce sont, d'ailleurs, ces émotions qui l'habitaient encore quand le jeune inconnu se retourna vers lui après avoir fait la leçon à un abruti, qui avait entendu Haru en pleine conversation téléphonique, avait trouvé drôle de le suivre et de l'imiter tout en riant grassement. Évidemment, cet être fort intelligent était accompagné de deux acolytes tout aussi ricanant, cette espèce (de cons) n'agit jamais seul. Le jeune bègue avait décidé de les ignorer mais l'inconnu, lui, avait décidé d'intervenir et de mettre ces trois crétins face à leur manque d'humanité (le tout avec un adorable accent). L'entendaient-ils, c'était autre chose. « M-Me-Merci » C'était peu dire. Si Haru mettait une distance entre les moqueries et lui, elles parvenaient quand même à l'affecter à l'usure. D'ailleurs, un simple merci lui semblait trop peu. Réajustant sa planche de skate entre son dos et son sac à dos, Haru sourit au jeune homme (qui lui semblait familier, il était certain de l'avoir déjà vu sur le campus) et replaça ses cheveux d'un mouvement de tête (un tic qu'il avait pris pour les dégager de ses yeux). « T-Tu vaaas à l-la Yonnnsei, n-non ? » Son bégaiement était toujours accompagné de son habituel froncement de nez sur ses blocages les plus marqués, malgré cela, Haru tachait toujours d'être souriant et chaleureux, laissant la chance à son vis-à-vis de l'accepter ou de le rejeter. « J-j-jjje p-peux t'of-offrir un c-c-café p-p-pouuur te r-remer-cccier ? » Aux yeux du coréen, c'était la moindre des choses.

+ Ce n’est pas la première fois que Kikunae remarque ce jeune homme à l’université. Il sait qu’il s’appelle Haru. Il ne l’a pas stalké, il l’a juste entendu au détour d’un couloir. C’est un prénom qu’il ne pouvait pas oublié, puisqu’il a attiré son attention. Un prénom aux consonances japonaises, son pays natal qui lui manque. S’il a quitté le Japon ce n’est pas qu’il s’y sentait mal, il a voulu prendre ses distances avec une mère trop présente et trop étouffante. Il l’a aussi déjà vu près des salles de musiques de l’université, avec un instrument sur le dos, Nae en a donc déduit qu’il était musicien. Un autre détail qui a retenu son attention. C’est probablement pour toutes ces raisons qu’il ne peut pas s’empêcher de regarder dans sa direction quand il le croise. C’est déjà fort surprenant que Nae ait remarqué qu’ils se croisent régulièrement, lui qui ne fait pas attention à ce qui l’entoure habituellement. Aujourd’hui n’a visiblement pas fait exception. Kikunae s’attendait juste à croiser ce Haru, à se demander s’il était réellement japonais et de quel instrument il pouvait bien jouer. Vu la forme de son étui, il penche pour de la guitare ou peut-être bien de la basse… Il ne s’attendait pas à ce qu’un groupe d’idiot s’en prenne à ce mystérieux musicien.

Kikunae n’a pas pour habitude de jouer au chevalier servant, mais il ne pouvait pas rester les bras croisés en passant juste à côté de cette scène. D’autant plus qu’il sait ce que c’est que d’être sujet aux moqueries des autres. Lui c’était parce qu’il était « bizarre », souvent dans son coin, se mêlant peu à ses camarades, le « geek », un terme dont on use et on abuse pour tous et n’importe quoi. Kikunae avait juste le malheur d’aimer jouer aux jeux-vidéos. Il ne se gêne pas pour remettre ces trois abrutis à leur place. Nae est discret, peu bavard, mais cela ne cache aucune timidité. Il a du caractère et il sait l’affirmer. Il n’a pas peur des représailles. Malgré sa petite taille, ses réactions surprennent souvent assez pour qu’on ose le contredire. Quand il s’agace, son accent étranger à tendance à ressortir. Il ne faut pas oublier que son apprentissage du coréen est encore assez récent et il s’en sort pourtant à merveille. Il faut dire que vivre et étudier au quotidien dans un autre pays force à prendre le taureau par les cornes et apprendre rapidement si on veut se débrouiller. Nae est indépendant, hors de question de dépendre de qui que ce soit.

- C’est rien. Ce sont juste des crétins qui n’ont rien de mieux à faire de leur temps.

Le Japonais répond par un hochement de tête.

- Oui. Toi aussi ?

Il sait que oui, il l’a déjà croisé à plusieurs reprises, mais c’est as façon de poursuivre la conversation. Pour une fois qu’il n’a pas envie d’y couper court le plus rapidement possible pour repartir faire sa vie.

- Tu n’es pas obligé de me remercier. Je sais ce que c’est que d’avoir affaire à des imbéciles pareils. Mais… Si tu y tiens, d’accord, je veux bien un café.

Comme quoi, même Kikunae peut faire preuve d’un peu de sociabilité, tout arrive, mais ce n’est pas non plus tous les jours qu’il croise un musicien, qui pourrait en plus être originaire du même pays que lui. Il se plaît en Corée du sud, mais ça a toujours quelques de réconfortant de retrouver un petit morceau de chez lui, ici. Il se surprend aussi à ne pas vouloir blesser le jeune homme en face de lui...

-          Au fait, je m'appelle Kikunae ! Maintenant que tu le dis, je crois qu'on s'est déjà croisé à l'université.

Outfits + Ne pensez pas que Haru était toujours aussi passif lorsqu'on s'en prenait à lui, il s'était déjà battu quelques fois (malheureusement, c'était plus efficace que d'essayer de se faire entendre) ce qui l'avait amené à des remontrances de la part de ses parents et parfois même des punitions. Ce jour-là, il n'avait pas essayé de se défendre parce qu'il se savait en minorité numérique, et il n'avait aucune envie de se retrouver avec une lèvre fendue, un coquard ou même pire. Surtout qu'il était de service le soir-même et il n'avait pas envie de demander à Dae Won de le remplacer au dernier moment.

Il était terriblement surpris et touché de voir quelqu'un dire les choses qu'il avait tant de mal à sortir, de leur expliquer à quel point c'était blessant, humiliant. Haru doutait que ces trois abrutis entendent raison mais il était reconnaissant d'avoir eu une personne de son côté à ce moment-là. C'était courageux de la part de l'inconnu, trois contre un, surtout qu'il ne semblait pas si costaud et était plutôt petit. Comme quoi, cela confirmait une fois de plus qu'il ne fallait pas se fier aux apparences. « O-oui m-maaais i-ils aur-aurrraient p-pu s'en p-pren-d-dre à toiii. » Et il s'en serait voulu si les choses avaient pris une telle tournure. Le jeune bègue ne s'imaginait pas laisser l'étudiant (ils venaient de mutuellement se confirmer qu'ils allaient tous les deux à la Yonsei) repartir sans le remercier, d'abord par un « merci » sincère mais aussi par une petite attention. C'était de cette façon que Haru était le plus à l'aise pour exprimer sa gratitude ou son affection. « C-ça me fffffer-r-rrrait p-plaisir. » Il espérait juste ne pas le prendre en otage pour cette boisson, ce genre d'attention pouvait prendre du temps sur les journées des gens et aussi les mettre mal à l'aise. Le fait que le jeune homme accepte son invitation réjouit Haru, le musicien souriant franchement et d'un petit mouvement de tête, l'invita à se mettre en route avec lui. Après quelques pas, l'étudiant se présenta, Kikunae. Haru ne grimaça pas mais presque, ce prénom était long et sa prononciation compliquée. « Oui j-je t-t'ai déééja v-vvvu sssur l-le c-camp-pus. Mmmoi c'est H-Haru. » Pour le moment, Kikunae n'avait montré aucun signe d'impatience ou de moquerie lorsque Haru s'adressait à lui, c'était plutôt encourageant pour un premier contact. « T-tu es de-de q-quelle o-o-orrrigi-ne ? » C'était demandé avec simplicité et aucun préjugé, il avait remarqué le léger accent du jeune homme lorsqu'il s'était adressé aux trois crétins. Leurs pas les menèrent devant une des nombreuses lignes de coffee shops qui peuplaient la Corée du Sud. Haru pointa l'établissement du doigt et leva ensuite son pouce, une expression curieuse sur le visage, les sourcils visiblement relevés. Une question silencieuse pour savoir si ce lieu convenait à Kikunae ou non, pour le coréen, du moment que la carte contenait des boissons qui débordaient de sucre, il trouverait son bonheur.

+ Les mains dans les poches, Nae hausse les épaules. Sa petite taille le rend inoffensif, c’est ce qu’on pourrait croire. Il suffit d’un regard pour démontrer le contraire. C’est sa marque de fabrique les regards froids et qui en dissuade beaucoup de lui adresser la parole. Kikunae ne le fait même pas consciemment. C’est sa façon d’être. Si ça ne plaît pas, tant pis. Il préfère être peu entouré plutôt que mal accompagné.

- Je ne me serais pas laissé faire, même s’ils s’en étaient pris à moi.

Kikunae n’aime pas le conflit. Pas par crainte, mais parce qu’il ne voit pas l’intérêt de gaspiller son énergie pour se prendre la tête avec quelqu’un, pour des broutilles en plus, la plupart du temps. Il fait quelques entorses à ses principes parfois… Il ne pouvait tout de même pas les laisser s’en prendre au musicien. Du moins, Nae suppose qu’il l’est. Il l’a croisé plusieurs fois du côté des salles de musique de l’université, il avait parfois un étui d’instrument sur le dos. Non, Nae ne l’a pas stalké. Il est observateur. D’autant plus que ce jeune homme en particulier lui a tapé dans l’œil. Probablement parce qu’il est Japonais et que cela renvoie Nae à son pays natal qui commence à lui manquer.

Dans d’autres circonstances, Nae aurait refuser l’invitation. En toute transparence, il a hésité à le faire, mais quelque chose l’en a empêché. Son éternelle carapace s’est fissurée. Si ça lui fait plaisir alors… Habituellement, Nae s’en moque, il ne vit pas pour plaire aux autres, ni pour être agréable. Sauf avec ses quelques amis proches, autant dire qu’ils ne sont pas très nombreux.

- Enchanté Haru.

Nae est rarement enchanté de faire de nouvelles rencontres. Il lui faut du temps pour accepter de faire de la place dans son entourage à de nouveaux venus, il lui faut tout autant de temps pour faire confiance et ce sont des efforts qu’il n’est pas toujours prêt à fournir, loup solitaire qu’il est. Il a parfois peur de finir seul et en même temps, être au contact des gens l’épuise, sortir le soir ne l’enchante pas, les conversations banales le mettent mal à l’aise… Il ne s’offusque pas de la question d’Haru, il a l’habitude depuis qu’il est en Corée du sud. Son accent le trahit régulièrement.

- Japonaise. Toi aussi, non ? Haru, c’est japonais ?

Le jeune homme n’a pas d’accent lorsqu’il parle coréen, mais il se débrouille peut-être mieux que Kikunae ou peut-être qu’il est là depuis plus longtemps ? Persuadé d’avoir raison et bien trop content de rencontrer quelqu’un qui pourrait être originaire du même pays que lui, Nae n’envisage pas une seconde s’être trompé. Il pense au prénom japonais « Haru » qui signifie « printemps », mais il ne pense pas qu’un prénom coréen est identique. Il le connaît pourtant, il l’a déjà entendu. Il s’accroche un peu trop à l’espoir d’avoir rencontré un compatriote. Il se dit que c’est sans doute pour cela qu’il a envie de connaître Haru, si ce dernier n’était pas Japonais, son engouement serait moins compréhensible pour lui. Pas qu’il ait une dent contre qui que ce soit, mais d’un naturel peu sociable, il est cependant toujours ravi de croiser quelqu’un qui peut comprendre que son pays natal lui manque.

Outfits + Oh whow. Après la remarque du jeune homme, Haru était extrêmement soulagé que ces types n'aient pas cherché plus la bagarre et soient finalement partis. Parce qu'entendre que le jeune inconnu ne se serait pas laissé faire... Haru se voyait déjà devoir les séparer ou devoir faire une déposition à la police parce qu'ils auraient été obligé d'intervenir pour mettre fin à l'altercation. Si Haru avait été du genre impressionnable, ce genre de paroles aurait presque été effrayant mais il n'était pas du genre à juger les gens sur une première impression. Surtout que, d'apparence, le jeune inconnu n'était pas le plus terrifiant, pas que l'idée qu'il soit terriblement musclé sous ses couches de fringues était impossible mais il ne donnait pas franchement l'impression de pouvoir mettre k.o de types aussi facilement. Quoique, pas besoin d'être une armoire à glace pour maîtriser le karaté ou le taekwondo.

Il lui était donc reconnaissant d'être intervenu mais aussi de ne pas avoir fait que la situation dégénère d'avantage. Toujours souriant et plutôt bienveillant, Haru ne s'imaginait pas le laisser partir comme ça, il était donc ravi de le voir accepter son invitation. Toute nouvelle rencontre était excitante selon lui, parce qu'elle marquait un début et tant de possibilités. Peut-être le début de pas grand chose ou peut-être le début de quelque chose qui pouvait changer une vie, qui sait. Il y avait donc quelque chose de léger dans le pas de Haru alors qu'il marchait à côté de ce presque plus inconnu, l'enthousiasme d'une nouveauté alors qu'ils se présentaient pour savoir à qui ils s'adressaient. La conversation aurait peut-être été plus simple si Haru avait vraiment été  japonais, s'il n'avait pas été bègue également mais ça aurait été trop facile. « N-nnnon j-je sssuis co-coréen. » Il avait bien vu que Kikunae semblait content d'avoir trouvé quelqu'un qui venait de son pays, ce n'était pas la première fois qu'on le prenait pour un étranger à cause de son prénom et de son bégaiement. « Dé-désolé. » Il haussa les épaules. « C'ccc'est p-pas un ac-accent. Jjjje bé-bégaie. » C'était plutôt évident mais il préférait le préciser parce qu'il n'était pas certain d'être compréhensible pour le japonais.

Les mains dans les poches, il avait marché jusqu'à un café près de l'université qu'il aimait plutôt bien. Il y avait des vinyles aux murs, pas dans un esprit dinner à l'américaine, mais plutôt boutique de seconde main à l'anglaise. De ce qu'il savait, le propriétaire avait vécu en Angleterre et s'était inspiré de ces vibes là pour ouvrir son commerce, proche des étudiants, il était sûr que cela fonctionnerait. « T-tu e-es déééé-déjà v-venu iiici ? » Il pointa la porte du café du doigt. « L'aaaamb-biance est sssympa. I-il p-pa-passe sssouvent d-du ro-rock. » Et évidemment, il y avait des boissons et des pâtisseries pleines de sucre, pour un accro comme lui, que demander de plus ? « L-la ca-carte eeest s-sssympa au-aussi. » Il fît un pas vers la porte, haussant un sourcil dans une question silencieuse, il ne voulait pas forcer Kikunae à aller dans un endroit qui ne lui disait rien.

+ Une pointe de déception serre le cœur du musicien. Il était pourtant persuadé qu’Haru était un prénom qui sonnait japonais, et c’est le cas. Toutefois, c’est aussi un prénom répandu en Corée du sud, bien qu’il n’ait pas la même signification. Nae se faisait une joie de rencontrer qui partageait ses origines… Pas qu’il soit contre l’idée d’avoir des amis qui ne soient pas japonais, mais son pays natal lui manque… C’est comme avoir un petit bout de chez lui ici d’avoir des amis qui peuvent partager son ressenti.

- Oh, oui, c’est vrai que c’est un prénom coréen aussi.

Kikunae fronce les sourcils. C’est vrai qu’il lui faut parfois un peu de réflexion pour comprendre Haru. Il se débrouille en coréen, il a appris sur le tas et c’est la meilleure des écoles, mais ce n’est pas sa langue maternelle. Ça se sent parfois.

- Je ne pensais pas que c’était un accent.

Il ne se serait pas permis de se moquer de la situation comme les étudiants de tout à l’heure. Nae suit Haru jusqu’à un café qu’il ne connaît pas. Il faut dire qu’il ne sort pas beaucoup. Ce n’est pas forcément à lui qu’il faut demander si vous voulez une bonne adresse. Par contre, il peut vous conseiller pour les meilleurs restaurant où commander pour se faire livrer. Peu adepte de la cuisine, il use et abuse des applications de livraison de repas. Avec Hayden, ils font la paire quand ils décident de se retrouver pour jouer aux jeux-vidéo toute la soirée.

- Non, jamais. J’aime bien la déco…

Du moins ce qu’il en voit au travers de la vitrine. Ce sont surtout les vinyles aux murs qui attirent son attention en tant que mélomane invétéré. Puis, Haru pique de nouveau sa curiosité quand il parle de rock. Ce n’est pas le genre qu’il affectionne le plus, mais…

- Tu aimes aussi la musique ?

Oui, c’est tout ce qu’il retient et Haru gagne de nouveau des points de sympathie aux yeux du violoniste. Si son regard n’avait pas déjà fait un score parfait, mais ça… Nae n’en a pas encore conscience. Kikunae emboîte le pas du jeune homme pour entrer dans le café. L’ambiance est chaleureuse. Le Japonais n’est pas fan des endroits bondé de monde, mais justement, le café est plutôt tranquille. Pas trop grand, juste ce qu’il faut et seulement quelques tables sont occupées. Ils s’installent tous les deux à une table. Kikunae ne peut pas s’empêcher de tout détailler du regard. Il a l’habitude peu de parler et surtout d’observer. Quand il est avec Hayden, son meilleur ami et la personne qu’il côtoie le plus, ce dernier fait 80 % de la conversation. Ce qui lui convient très bien. Il jette un œil à la carte sans savoir quoi choisir.

- Tu prends quoi quand tu viens habituellement ?

Si Haru peut lui conseiller quelque chose, il se laissera peut-être tenter. En revanche, il ne raffole pas du sucré, alors il passera son tour sur les pâtisseries.

Outfits + Parfois inapte dans des situations sociales, Haru ne comprit pas vraiment que l'expression sur le visage du jeune japonais était de la déception. La façon qu'il eut de hausser les épaules à sa remarque aurait alors pu passer pour de l'indifférence mais son sourire contre balançait cette impression. Son sourire se changea d'ailleurs pour un rire franc, levant légèrement la main dans un signe d'apaisement. « A-ah ça p-peut aaarriver qu-qu'on p-pense que c-c'est uuun a-accent. Mmmerci d-de nnne p-pas avoir p-pensé ça. » Ou d'avoir eu de commentaires déplacés. Mais c'était bien ces raisons, en plus du fait que Kikunae ne le défende, qui avait poussé le jeune bègue à l'inviter à boire quelque chose pour le remercier.

Toujours son sourire aux lèvres, Haru était aussi content de faire découvrir un nouvelle endroit au japonais. Une fois le lieu validé, il y entra, invitant son nouvel ami (futur ami ?) à en faire de même. « Sssi j'aime é-écouter l-la mmusique ou s-si j'aime e-en jou-jouer ? » Question piège, au final il suffirait de dire les deux parce que c'était ça la réponse. « E-et toi ? T-tu é-écoute qu-quel type d-de mmmusique ? » Viendrait ensuite la question sur le fait d'en jouer mais avant tout, venait le moment de commander. Ils étaient installés, le sac de Haru posé sur le dossier de sa chaise et son skate à côté de lui. Pour répondre à la question de Kikunae, le jeune bègue pointa une boisson glacée sur la carte affichée derrière le comptoir, à mi-chemin entre le milk-shake et le frappuccino d'une grande ligne de cafés connue. Le tout était plein de lactose, de chocolat et de sirop. Bref, une bombe à retardement pour ses artères mais Haru était en paix avec son addiction au sucre. « C'est t-très sssucré. » Et c'était peu dire. Pointant une autre partie des panneaux derrière le comptoir, les boissons y étaient plus habituelles. « T-tu as d-des ca-cafés et d-du t-thé auuuussi. » Lorsqu'il y était venu avec son frère, ils avaient d'ailleurs testé les thés sans théine (un enfer selon Haru), Haneul faisant attention à ce qu'il mangeait et buvait pour sa santé, son cadet le suivant (mais avait-il le choix de faire autrement?). Après que le japonais ait fait son choix, Haru se leva de leur table pour aller passer la commande et régler. L'avantage, c'était que pour ça, il n'avait pas forcément besoin de parler. Après quelques minutes, il revint en tenant un plateau sur lequel trônaient fièrement leur deux boissons, celle de Haru criant « diabète » rien que par son apparence. Le musicien prit son verre et sourit espiègle. « I-it-itadaki-kimasu. » C'était un des mots qu'il avait retenu à force de regarder des anime en version originale. « J-je rrrregarde beau-beaucoup d'a-anime. » Il eut un petit sourire contrit, autant il maîtrisait assez bien l'anglais que la langue du pays du soleil levant restait floue à ses yeux. « T-tu eees en Co-corée depuis llllongtemps ? » Parce qu'il maîtrisait plutôt bien le coréen, persistait un accent mais il était tout à fait compréhensible et sa grammaire était correcte.

+ Il sourit simplement à Haru. Il semble avoir été victime de nombreuses moqueries à cause de son bégaiement. Kikunae en a eu la preuve un peu plus tôt. Il ne se permettrait pas de faire la moindre remarque à ce sujet. Durant sa scolarité, ça lui est aussi arrivé de recevoir des remarques peu agréables. Il n’a jamais été la cible d’un harcèlement quelconque fort heureusement, mais sa sociabilité à géométrie variable et sa tendance à rester en retrait, observateur mutique de ce qui l’entoure, ses camarades l’ont parfois qualifié de « kimyô », le gars bizarre de la classe en somme. Un « weirdo », si vous préférez.

- Euh… Les deux ?

Pour Kikunae qui vit pour la musique, en jouer surpasse le fait de simplement l’écouter, bien qu’il soit mélomane à ses heures perdues. Dans un sens, l’un ne va pas sans l’autre à ses yeux. S’il avait à choisir, il préférerait pouvoir continuer de jouer de la musique, mais ne plus pouvoir en écouter. Il pourrait toujours profiter du son de ses instruments. Par contre, ne plus pouvoir toucher à son violon… Kikunae le vivrait mal.

- Un de tout. De la musique classique, un peu de rock coréen plutôt des groupes comme Day6 ou OneWe, des groupes américains aussi du style de Twenty-One Pilots, des BO de films, j’adore le travail du groupe japonais Radwimps d’ailleurs et j’aime bien écouter des covers de chanson au violon aussi. Et toi ?

Ça c’est son côté musicien et violoniste qui parle. Quand il découvre une chanson, il ne peut pas s’empêcher d’aller voir si une reprise au violon a été faite pour voir comment elle rend et parfois reproduire l’instrumental lui-même. Le mot sucre lui reste en tête. Il n’aime pas quand c’est trop sucré…

- Je vais prendre un latte au caramel tout simple.

En espérant que le caramel ne sucre pas trop l’ensemble. Nae n’est pas un adepte du café noir, mais juste avec une légère dose de sucre, ça lui va. Kikunae porte son attention vers l’extérieur quand Haru part passer commande pour eux deux. Il a l’habitude d’observer ce qu’il se passe autour de lui, les gens qui se pressent dans la rue. Certains promènent leur chien, d’autre tiennent la main d’un enfant. Les salaryman rentrent du travail, un attaché-case à la main, leur téléphone portable dans l’autre. Toute l’effervescence de la ville lui donne parfois le tournis. Alors il se retourne vers Haru. Il l’observe de loin. Il se surprend à penser que les cheveux mi-longs lui vont bien. Haru se retourne et lui sourit depuis le comptoir. Nae se sent pris sur le fait et sourit timidement avant de détourner le regard. Il aime bien ses yeux aussi…

- Itadakimasu, sa voix est plus posée, plus discrète, comme s’il était intimidé. C’est lequel ton préféré ?

Nae n’est pas un grand consommateur d’anime, mais ça lui arrive d’en regarder de temps en temps, surtout avec Hayden, mais il apprécie qu’Haru se montre intéressé par la culture de son pays natal.

- Je suis arrivé début 2021, ça fait un peu plus de deux ans que je suis en Corée du sud.

Il passe sous silence la pression de ses parents, surtout sa mère et son envie de prendre son indépendance. Change de pays a été un choix radical, mais il a pu prendre son envol et il a suivit Hayden. Son meilleur ami, voyant bien qu’il n’était pas heureux au Japon, lui répétait sans cesse de le rejoindre à Séoul, qu’il pourrait poursuivre ses études ici et aviser plus tard. Kikunae n’est pas un aventurier dans l’âme, il aime son pays natal, être chez lui, être dans un environnement familier en somme. Cependant, il ne regrette pas. Il est bien plus épanoui ici, même si le Japon lui manque par moment. Nae n’est pas très à l’aise pour faire la conversation. Ce n’est pas Haru le problème, il est toujours assez mauvais pour parler de tout et de rien. Il ne relancer pas la conversation sur le même sujet. Haru pourra lui poser des questions s’il veut, mais Nae a le chic pour éviter les sujets qui le concernent. Ses parents, la raison de son arrivée en Corée du sud, tout cela n’a rien de secret, mais ça le concerne directement, ce sont des sujets qui pourraient le rendre vulnérable, alors inconsciemment, il les passe sous silence. Son regard se pose sur son skateboard.

- Tu fais du skateboard ?

Question un peu idiote puisqu’il a la planche juste en face de lui.

- Je crois que j’aurais bien trop peur de tomber si je montais là-dessus.

Nae n’est pas du tout un aventurier, je vous le disais...

Outfits + Un des meilleurs sujets au monde et de tous les temps pour briser la glace, pour lancer une conversation et en découvrir un peu plus sur la personnalité de quelqu'un, c'était bien la musique. Du moins, c'était l'avis de Haru. Du coup, dès que le sujet se présenta, il se jeta dessus. « J-j-je joue d-de la b-basse d-dans uuun gr-groupe. » Mais son rapport à la musique était plus vaste, dans l'immédiat, c'était sa réalité, il consacrait sa musique à The Rock-Ets mais il jouait depuis l'adolescence. Les expériences et les essais qu'il avait fait par rapport à la musique étaient nombreux, tous différents et l'avaient enrichi à leurs façons. « E-et j'en é-écoute beaaaucoup au-aussi. » Haru avait conscience de ses tics faciaux en parlant mais son enthousiasme était tel qu'il ne pouvait être entaché. La question retournée, il regarda le japonais avec attention, hochant la tête pour montrer qu'il l'écoutait. « Ooh o-oui T-twenty Oooone pi-pilots. J-je les é-écoute au-aussi . » Pour le reste, un peu moins, il n'était pas plus sensible que ça au style classique et il avait la fâcheuse tendance à dire que les groupes de kpop qui tentaient de faire du rock n'en étaient pas vraiment. Heureusement pour les autres, son bégaiement l'empêchait très souvent de se lancer dans des débats où il pourrait défendre son point de vue. « P-pourquoi sssseulement le vi-violon p-pour les cooovers ? T-tu en j-joues ? » Avec un petit sourire, il se lança à son tour dans la liste de ses goûts. « J-j'é-j'écoute sssurtout du ro-rock e-et du gr-grunge. E-et j'jjj'aime bi-bien la ne-new waaave. » À plus petite dose, c'était souvent lorsqu'il étudiait que son choix se portait sur la New Wave. Le café où ils se trouvaient en diffusaient aussi parfois, Haru adorait en profiter pour réviser quelques fiches de notes ou piquer un somme sur sa table avant de retourner en cours ou filer à une de ses gardes à la caserne (oui ses journées avaient parfois du mal à tenir en 24h). D'ailleurs, habitué des lieux, le jeune bègue avait pris sa boisson habituelle alors que Kikunae était plus raisonnable. Il bu enfin sa première gorgée après avoir lancé les quelques mots de japonais qu'il connaissait. Mots, bien évidemment, acquis grâce à sa culture Otaku. Il eut un petit air gêné à la question de Kikunae mais assuma ses goûts. « J-je sssais q-que c'est p-plus sssouvent u-un anime d-de fffilles m-mais j'aime beau-beaucoup Nnnana. L-le perso-nnnnage de No-Nobuo su-surtout mmmême s-si ce n-n'est pas llle ba-bassiste. E-et Sh-Shin au-aussi. » La passion de Shin pour la musique et le fait qu'il soit bassiste lui parlaient beaucoup mais point de vue personnalité il s'identifiait plus facilement à Nobuo. C'était à cause de cet anime/manga qu'il avait décidé de s'acheter son bijou préféré, un Vivienne Westwood. « E-et toi t-tu en re-regardes auuuussi ? » Le fait que Kikunae soit japonais ne l'obligeait pas à en regarder non plus. Reprenant une gorgée de sa boisson, il regarda le japonais les yeux ronds. « T-tu es l-là de-depuis d-deux aaans du c-coup. L-la Co-corée t-te pl-plaît ? » S'il restait, c'était sans doute le cas, il l'espérait en tout cas. « T-tu es ve-venu pour é-étudier ? » S'ils s'étaient rencontrés sur le campus, il y avait de grandes chances, sa question était stupide mais que voulez-vous, Haru n'était pas le plus talentueux pour les conversations. Suivant le regard du japonais, la paille dans la bouche, il hocha la tête. S'il avait un skate, c'était qu'il en faisait. Avec un petit sourire, il constata qu'ils n'étaient peut-être pas très à l'aise avec le « small talk » tous les deux, c'était rassurant dans un sens. « I-il y a d-des ch-chutes fo-forcé-mmment mais a-avec u-un p-peu d'en-entraînement on y a-arrive. » Il passa sous silence les quelques genoux en sang et poignets tordus (dans des tentatives manquées pour se rattraper). « E-et il y a-a d-des prooootections. » Il sourit avec un air coupable. « J-je les po-portes ja-jamais. » Alors que s'il était appelé pendant une garde sur une chute du genre, la première chose qu'il ferait, serait un laïus sur l'importance des protections (après avoir fait les soins, bien évidemment). « T-tu as u-un b-bon é-équi-lllibre ? C'est llle p-point de dé-départ. » Ce qui était bien, c'était que l'équilibre pouvait se travailler aussi, avant même d'être sur la planche. « S-si t-tu ees ai-aidé par un p-pro, tu vvvoudrais e-essayé ? » Il référait à sa propre personne en tant que pro mais il était assez fier de ses capacités. Et puis, après l'aide que lui avait apporté Kikunae, c'était un juste retour des choses, non ?

+ Haru est musicien ? La curiosité de Kikunae est immédiatement piquée. Il joue dans un groupe ? Le Japonais est impressionné et d’autant plus intrigué. Il n’a jamais rêvé d’intégrer un groupe, son but ultime est plutôt de rejoindre un orchestre, l’instrument qu’il joue s’y prête davantage. Cependant, cette simple information lui délie la langue. Étonnamment, Nae est bien plus bavard, encore une prouesse que l’on doit au pouvoir de la musique.

- Dans un groupe ? Vous jouez quel style de musique ? Vous jouez où ?

Il se surprend à avoir envie d’aller le voir jouer. Son groupe bien sûr, pas seulement Haru… Cette pensée fugace lui traverse l’esprit et il s’empresse de la chasser. Ils se connaissent à peine, Nae pourrait déranger ou Haru pourrait ne pas apprécier sa présence pendant une représentation. Kikunae ne fait même pas attention aux tics d’Haru. La musique monopolise son esprit et leur conversation lui paraît normale.

- Ah, oui, j’en joue depuis une dizaine d’années environ.

La question le surprend sur le coup. Il n’avait pas pensé à le préciser. Le violon fait tellement partie de sa vie que cela lui paraît évident, mais Haru ne le connaît pas après tout.

- J’aime bien écouter des covers pour essayer de reproduire les morceaux ou juste pour le plaisir d’entendre la mélodie de cet instrument.

Le violon est l’instrument le plus agréable à écouter selon Kikunae, en tout objectivité, cela va de soi. Il écoute attentivement la liste des genres qu’Haru apprécie. Ils n’ont pas l’air d’avoir des goûts similaires, mais c’est ce qui fait la richesse de la musique. De fil en aiguille, la conversation s’oriente vers les animes et les mangas. Kikunae a profité de cette occasion pour relancer la conversation, il n’aura pas à réfléchir plus longtemps pour éviter un silence qui pourrait être gênant.

- Je suis plus jeux-vidéos quand j’ai du temps libre, mais je regarde des animes de temps en temps. J’ai bien aimé Shigeki no kyôjin, Evangelion, Psycho-Pass, Boku no Hirô Akademia, Yakusoku no Nerverland…

Il n’est pas à jour dans tous ces animes, mais pour ce qu’il en a vu, il avait apprécié. Par réflexe, il donne les noms de ces séries en japonais et même lorsque le titre est en anglais, son fort accent ressort. Kikunae ne connaît pas du tout les titres coréens de ces animes, même lorsqu’ils les regardent avec Hayden c’est en VO sous-titrée. Kikunae a déjà reçu des compliments pour sa maîtrise de la langue coréenne, alors que son arrivée dans le pays est récente. Il n’y a pas meilleure école qu’apprendre sur le terrain et Hayden l’a beaucoup aidé au début aussi. Si sa grammaire et sa compréhension sont correctes, son accent étranger le trahit toujours à coup sûr.

- Je n’ai pas eu l’occasion de beaucoup voyager, alors je n’ai pas trop de point de comparaison, mais je me sens bien ici.

Il se sent plus indépendant, moins étouffé par une mère trop présente et un père constamment absent. Il a déjà fait quelques courts séjours à l’étranger quand son père devait se déplacer pour le travail et que la famille suivait. Ce qui s’est rapidement arrêté. Plus les années passaient et plus la mère de Nae préférait rester au Japon. Les parents de Kikunae ne sont pas l’exemple du grand amour. Ils ont certainement été amoureux durant leur jeunesse, mais l’amour s’est étiolé. Il l’a bien remarqué en grandissant. Il soupçonne son père d’avoir été infidèle à plusieurs reprises. Le divorce n’est pas une option, ça ne se fait pas au Japon. Du moins, la génération de ses parents est encore soumise à ces mœurs, bien que cela tende à changer lentement.

- Je suis venu pour étudier oui.

Enfin, ce n’est pas la raison première de son déménagement à l’étranger. La première raison c’était la fuite. Il voulait prendre son indépendance et marquer la distance avec sa mère qui était constamment sur son dos. Il aurait pu simplement prendre un appartement seul, mais il a suivit Hayden sur un coup de tête et partir à l’étranger était plus symbolique. Nae prenait réellement son envol. Son regard se pose sur le skateboard du musicien et c’est le premier sujet de conversation qu’il trouve pour éviter d’avoir à penser plus longtemps à ses parents. Lui ? Essayer de faire du skate ? Il fronce les sourcils. C’est dangereux, non ? Et s’il se cassait la main ou le poignet ? Ce sont des fractures dont il est difficile de guérir totalement, on perd toujours, à différents degrés, d’amplitude de mouvements et pour un violoniste… C’est la pire chose qui pourrait arriver.

- Euh… Je ne sais pas, je ne fais pas vraiment d’activité qui en requiert, ni de sport de façon générale… Par un pro’ ?. il répète un peu bêtement. Je ne sais pas… Je n’ai pas envie de me casser quelque chose...