Je suis restée un moment dans la salle de bain. J’ignorais pourquoi cette phrase me terrifiait autant. Peut être était-ce là le signe qu’elle avait besoin de réfléchir ? Qu’elle venait de comprendre et ne voulait plus de cette relation bancale ? Est-ce qu’elle regrettait la nuit que nous venions de passer ensemble ? Si mon cœur souffrait de cet aveu, je le masquais d’un sourire auquel elle répondit. Je taisais les questions et la tourmente de mon esprit agité en la serrant contre moi, comme si elle disparaîtrait dès l’instant où elle quitterait mon étreinte. Un réel instant de douceur et de quiétude sur lequel je me concentrais uniquement, et qu’elle interrompit d’une réflexion qui me fit rougir de pudeur. En quelques gestes, je passais mon pantalon de jogging avant de la retrouver et l’enlacer à nouveau. Je me surprenais à réclamer sa proximité, j’éprouvais ce besoin de la sentir contre moi en une vaine tentative de me rassurer.

Je décidais alors de focaliser mes pensées et mes gestes à la cuisine. Quelques plats rapides et sans prétention que je disposais presque aussi rapidement sur la table, et si Sae Hee se servait aussitôt, je me contentais de la regarder en jouant avec un bout d’omelette du bout de mes baguettes. Mes yeux voguaient entre elle et les assiettes avant d’ouvrir à nouveau la conversation. Une question des plus banales pour tenter encore et toujours d’oublier la sensation de mon estomac noué par les mots qui se répercutaient inlassablement en écho dans mon esprit. Je portais finalement un morceau de pain perdu à mes lèvres lorsqu’elle répondit finalement. Un morceau que j’avalais de travers à sa réponse. Pris d’une quinte de toux, je la regardais perplexe. J’ignorais quoi lui répondre, n’était-elle pas perdue après notre nuit ensemble ? Je fus soulagé de l’entendre poursuivre, incapable de trouver une quelconque parade à son interrogation. Et une nouvelle fois, elle écorcha mon cœur de ses excuses. La panique refoulée battait les frontières de ma conscience. La vague d’angoisse menaçait de m’engloutir tout entier, et je restais interdit face à elle. J’espérais seulement que mon visage ne trahisse pas le torrent d’émotions que je subissais en silence.

Figé sur ma chaise, j’évitais tout mouvement qui me ferait vaciller et sombrer dans la peur de la perdre et me contentais de l’observer se débattre avec les mots. Elle bégayait et je peinais à prendre la mesure de ce qu’elle m’avouait. Jamais eu de petit ami… Jamais eu de relation intime… Jamais connu la douleur et la joie d’aimer passionnément… Les informations parvenaient avec difficulté à mon cerveau, mais je commençais à en prendre conscience. « Sae Hee… » soufflais-je. J’ignorais quoi lui dire pour la rassurer, les joues rougies par la honte ou la gêne ? Je me contentais alors de tendre un bras vers elle et attraper sa main. Je tirais dessus avec douceur pour l’inciter à se rapprocher et s’installer à califourchon sur mes jambes. Je rivais mes yeux aux siens, et j’y lisais alors la pudeur, la crainte et surtout l’inconnu. M’étais-je trompé tout ce temps ? Moi qui redoutais de la voir partir, est-ce qu’elle ne faisait pas tout pour justement rester ? Il y avait trop de flous, trop de non-dits, trop de zones d’ombres entre nous, et j’en étais certainement le premier coupable. Alors plutôt que de lui imposer à nouveau un silence, je prenais mon courage à deux mains. « Cette nuit… on a… enfin… nous avons fait… l’amour. »

Si elle était gênée, je l’étais tout autant et même si j’avais déjà pu goûter aux plaisirs de la chair, je n’en étais pas moins pudique. Néanmoins, il était temps de mettre des mots là où il y avait trop de silences. « Si tu n’es pas très démonstrative… je ne suis pas très expressif… » J’avançais en terrain inconnu et dangereux, mais ce que j’éprouvais pour elle allait au-delà de mes craintes. « Je t’aime… ton sourire, tes blagues, ton regard, ta douceur, ton côté bagarreur. » ajoutais-je en riant. « Et même ton inexpérience… je t’avoue… » Allais-je vraiment emprunter ce chemin ? « Je… je suis un peu étonné que tu… enfin que je… d’avoir été le premier. » Je rougissais aussitôt de l’avoir dit à voix haute et fuyais son regard en espérant ne pas la mettre mal à l’aise. Aussi, pour tenter de désamorcer la timidité de nos premiers ébats ainsi évoqués, j’enroulais mes bras autour de sa taille. « Ce n’est important… enfin si ça l’est, mais ce n’est pas grave… ce que je veux dire... c’est que je t’aime telle que tu es. Et pour moi cette nuit… a été parfaite. » Si je voulais éviter de mettre les pieds dans le plat… c’était loupé. Mais puisqu’elle s’était confessée, je lui devais au moins un semblant d’honnêteté à mon tour. « J’ai peur… non, je suis terrorisé. » J’osais finalement braver son regard, le cœur lourd. « Je redoute qu’un jour tu changes d’avis et que tu décides de partir. Je m’étais promis de ne plus tomber amoureux, et tu as tout chamboulé dans ma vie, et je crois que si tu décides de partir… je ne me relèverais pas. » Les yeux embués, je lui concédais finalement cette part de moi-même qui me hantait. La peur de l’abandon.

L'aveu te rendait nerveuse, mais moins que toutes les réponses que tu avais lu pour ce sujet si délicatement évité. Qu'allait il dire ? Penser ? Jamais tu n'aurais cru entendre ton cœur battre aussi fort, d'une anxiété liée à un évènement heureux. Un sentiment mixte qui venait faire trembler ta main. Ta propre faiblesse trop grande tu manquais de voir tous les signaux de détresse que t'envoyait Seo Joon. Les sourires suffisaient à faire taire l'angoisse silencieuse tandis qu'il se torturait. Là malgré ta présence dans ses bras. Des peurs non communiquées, des maladresses inconnues, vous enchainiez sans vous en rendre compte, l'esprit encore embrumé de cet amour qui vous enlaçait.

Malgré ce cadre idyllique, la vision charmante et séductrice d'un Seo Joon au fourneau, tu ignorais ce qui tracassait son esprit. Tu ignorais ces gestes pourtant criant de vérité tandis qu'il bougeait les aliments sans les déguster. Si tu n'attendais pas plus pour déguster ou plutôt dévorer les mets préparés avec amour, tu sentis une distance. Ce genre de mur qui se dressait progressivement dans un manque de communication. Il n'y avait pourtant rien à dire de plus. La proposition de ton petit ami avait fait écho mais tu répondais à ton instinct primaire. Mais ce mur se dressait encore et encore, le rendant flou. Il avait ce regard perdu, mais ces lèvres scellées pour bien des sujets. Comme effrayé de dire ce qu'il ressentait. Ce n'était pas la chose la plus facile, partageant les pensées, les doutes et les peurs qui traversaient notre esprit et pourtant. Pourtant tu voulais oublier ces discussions entre inconnus qui te rassuraient autant qu'elles t'angoissaient.

La vérité paraissait insurmontable. Elle n'avait pourtant rien de grave, rien d'honteux, jusqu'à aujourd'hui. Jamais tu n'avais ressenti la honte ou la gêne face à ton expérience amoureuse. Le passé ne comptant plus. Et pourtant aujourd'hui, la gorge serrée, tu peinais à avouer ce que tu lui avais caché. Si tes mots buttaient, si les syllabes se doublaient dans une élocution médiocre, c'est ton regard qui se relevait dans le sien pour pouvoir y lire les émotions. La colère, l'indifférence cachées derrière des mots qui se voulaient apaisants, réconfortants. Ce n'est pourtant aucun discours qui vous interrompis, simplement le geste, délicat mais fort qui te ramenait près de lui pour l'enlacer. L'une de tes mains se perdait contre son torse, une sensation qui faisait écho à la nuit passée ensemble. Une nuit qui portait soudainement un nom, une étiquette exprimée à voix honte pour faire rougir tes joues. Le coeur battant, ton regard restait malgré tout dans le sien, cherchant sa réponse, sa vérité.

Les mots posés tu restais encore silencieuse, écoutant avec attention celui qui partageait maintenant ta vie, et tes doutes. A croire que vous étiez fait l'un pour l'autre. L'avancée était longue, parfois douloureuse mais elle était présente et vous appreniez à chaque situation qui se présentait à vous. Donner à l'autre, s'exprimer, avouer. Tant de domaine qu'il vous fallait encore et encore travailler. La déclaration venait couper ton souffle l'espace d'une seconde, le palpitant battant plus fort alors. Comme un mélange entre une déclaration et une explication, tu venais rire avec lui, avant de te tendre. Rien n'enlevait encore cette culpabilité qui te rongeait. L'ivoire venait torturer ta lèvre dans un doute grandissant, tandis qu'il évitait ton regard. " tu n'es pas déçu ? Ou en colère ? Tu ne m'en veux pas ? " Plus pour cette cachoterie qu'un réel manquement dans votre couple. Tu supposais que l'information était importante. Et pourtant il t'acceptait, avec tes défauts, mais aussi tes qualités. Ce fut alors un poids énorme qui semblait s'enlever, les bras passant autour de son cou pour te rapprocher un peu plus. Tu n'avais pas prévu apprendre plus encore de lui, certainement pas après cette confession. Tu n'avais pas prévu entendre qu'il était terrorisé de votre relation, pour la raison la plus adorable que tu aies pu entendre. Mais une peur tout de même. " Je ne partirais pas. Mais je comprends.. je n'ai jamais eu aussi peur de perdre quelqu'un. " Il faisait la pluie et le beau temps. Il avait ce pouvoir de changer ton humeur en une seconde, de te faire sentir vivante, puis mourir à petit feu de son absence. Il avait ce pouvoir que tu n'avais pourtant jamais donné à personne. " Tu sais que tu peux tout me dire. " Ses craintes, ses envies, tu étais prête à tout entendre. Même la raison pour laquelle il avait souhaité abandonné l'amour. Tu n'irais pas le forcer pour autant, attendant qu'il fasse le premier pas. Pour l'heure tu scellais une nouvelle fois vos lèvres dans une réponse à cette même déclaration. Le corps se perdant contre le sien dans une étreinte tendre mais passionnelle. Un instant qui se coupait, le front encore collé au sien dans une respiration rapide. " Je t'aime aussi.." Que tu murmurais sans peine, juste naturellement, heureuse de partager ce qui t'avait changé depuis ces derniers mois.

" "

La peur me paralysait. Je redoutais qu’elle ne fasse machine arrière, qu’elle ne se rende compte que finalement, je n’étais pas celui qui lui convenait… pas celui qu’elle méritait. Si en sa présence j’éprouvais des sentiments forts et puissants, les mots semblaient être un véritable obstacle entre nous. Depuis le début de notre relation, les non-dits dansaient avec les quiproquos, une souffrance qui avait failli nous éloigner définitivement. Je constatais avec douleur qu’à cet instant, une fois encore, les émotions restaient scellées. Puis la vérité éclata. Brutale. Etrange. Et ô combien salvatrice. Je m’étais persuadé qu’elle gardait cette distance dans le seul but de rompre plus facilement, jamais je n’aurais pu imaginer qu’elle me ferait de tels aveux. Avec douceur, je la réclamais et elle prenait place sur mes genoux. Mon cœur frissonnait de soulagement, et j’entrepris alors de lui faire mes aveux à mon tour. Après une inspiration qui me donna le courage nécessaire, je mettais les mots là où j’étais habituellement resté silencieux. Et pendant mon discours, j’appréciais la chaleur de sa paume sur mon buste. Un geste d’une efficacité désarmante et au travers duquel j’eus l’impression de ressentir l’écho de mes sentiments. Ses joues s’empourprèrent en même temps que les miennes tandis que j’énonçais à voix haute notre nuit d’amour.

Je l’aimais à en devenir fou. Je l’aimais à tel point que j’acceptais volontiers de souffrir juste pour pouvoir rester à ses côtés. Je la rassurais tant bien que mal. Une déclaration difficile mais que je poursuivais malgré tout. Une hilarité gênée et partagée de courte durée avant que je ne lui souffle tout ce que j’avais sur le cœur.  « Déçu ? En colère ? Jamais de la vie ! Saehee… Je n’ai pas besoin ni envie que tu connaisses le kamasutra pour t’aimer… » Comment pouvait-elle seulement imaginer que je puisse lui en vouloir ? En revanche, je m’en voulais si tôt que j’échappais les mots et pour noyer le poisson, je m’empressais de lui faire de nouvelles confessions. J’avouais à voix haute tout ce que j’avais gardé au prix d’un effort considérable, et aussitôt, je me sentais léger. Et bien plus encore alors qu’elle y apportait une réponse qui faisait écho à mes peurs. Elle aussi… elle avait peur de me perdre… Je peinais à prendre la mesure de notre conversation, une vraie discussion, un réel échange de ce qui nous animait, de ce qui faisait de nous le couple que nous étions. J’avais l’impression de rêver, d’enfin respirer. Après tout ce temps, la douleur, la solitude… Je me contentais d’hocher la tête à sa remarque. Oui, je savais que je pouvais lui parler, du moins je le comprenais à cet instant. Mais, le cœur serré, je n’étais pas encore prêt à lui révéler ce qui pourrait la faire réellement partir.

Je me sentais bien, serein, apaisé. J’avais dans les bras la femme que j’aimais, et rien ne semblait pouvoir me rendre plus heureux qu’à ce moment. Avec tendresse, elle apposa ses lèvres sur les miennes, un doux baiser dans lequel nous exprimions cet attachement si fort qui nous liait. Je resserrais mes bras autour de sa taille tandis qu’elle écrasait son buste sur le mien. Je m’enivrais de ses pulpeuses, de la chaleur de son souffle se mêlant au mien, et alors qu’elle s’éloignait de quelques centimètre, elle m’acheva. Mon cœur eut un sursaut brutal, des frissons parcouraient ma peau et je m’éloignais de son visage à mon tour. Je plantais mon regard dans le sien, choqué d’une révélation que je n’attendais pas, et il me fallut quelques secondes pour réaliser. Je t’aime aussi. Venait-elle vraiment de le dire ? Avais-je rêvé ? Si je sondais ses perles, j’y trouvais la réalité qu’elle venait tout juste de murmurer. Je t’aime aussi. Je souriais sans m’en rendre compte, transit d’une joie nouvelle, un bonheur qui se concrétisait finalement. Avec empressement, je me jetais sur son sourire, j’en mordais son inférieure avec douceur et me levais subitement pour la ramener dans la chambre.