outfits + Elle allait survivre et cette coupure, bien que douloureuse, était parfaitement superficielle. Malgré tout, elle comptait bien faire comprendre à cet énergumène que cet événement était extrêmement déplaisant. Heureusement qu'il n'était pas aux États-Unis, elle se serait peut-être autorisée un petit procès. Certains américains avaient fait fortune avec moins qu'une coupure douloureuse au doigt. Le pire était que le jeune homme restait complètement immobile alors qu'elle faisait couler de l'eau sur la plaie, histoire de bien la désinfecter. Imaginez si elle venait à attraper un panaris sur quelque chose d'aussi stupide ?! Elle était déjà agacée à l'idée de devoir porter un pansement hideux et collant qui laisserait sans doute une trace sur sa manucure qu'elle venait de refaire. Car oui, en plus d'être une femme de caractère, qui s'imposait et qui ne laissait rien au hasard, elle prenait garde aussi à ce que son apparence soit parfaite. Avec une certaine véhémence, elle attrapa l'essuie-tout qu'il lui apporta enfin et emballa son doigt dedans. Elle fusilla le jeune homme du regard. « Ta main à couper ? » Ce trait d'humour était bien mal venu. Tout comme la remarque sur ses réflexes. Cependant, si Min Ah était désagréable, elle n'était pas de mauvaise foi, ses réflexes laissaient à désirer, elle pouvait lui accorder ce point. « En effet. Je suis avocate. » Elle sourit d'un air presque menaçant. « Je me disais d'ailleurs que dans certains pays, on parvient à obtenir des dommages et intérêts pour moins que ça. » Mais elle ne courrait pas désespérément après l'argent, il en avait de la chance ! Alors qu'il s'éloignait, Min Ah desserra sa prise sur le papier et constata en grimaçant que le saignement n'arrêtait pas. Ce n'était pas des flots de sang mais bien assez pour se tacher ou en mettre quelques gouttes ici et là. Ne voyant pas comment faire autrement qu'en posant en effet un pansement, elle s'approcha pour laisse le jeune homme faire. « Si je n'ai pas le choix... » Elle se contenterait d'avoir un chat avec un nœud à moitié déformé sur le doigt. Elle se disait que ce ne serait que pour quelques jours. « Rien que pour ça, je vais laisser tomber l'idée de t'attaquer en justice. » Et dans son ton, il y avait toujours ce presque fond de hargne mais aussi une intonation boudeuse, très mince imitation de ce que sa sœur savait faire. En parlait de Min Ju, le téléphone de l'aînée se mit à sonner, le nom de sa cadette apparaissant sur l'écran. « Oh ! » Tout en se contorsionnant pour attraper l'appareil et laisser le jeune homme soigner son doigt, elle finit par réussir à décrocher après quelques instants de lutte. « Min Ju ! » Elle écouta sa sœur avant de la couper. « Tu es sur le retour ? Je suis dans tes dortoirs, je déposais des plats pour toi dans le frigo et je suis tombée sur hum... » Elle regarda l'étudiant du coin de l’œil. « Une personne de ta fraternité. » Min Ah hésita un instant. « Non je ne me souviens pas. Celui qui poste des vidéos sur Youtube là. » Elle se tourna légèrement et parla beaucoup plus bas, un fort murmure. « Oui celui que je n'aime pas trop avec ses idées idéalistes... » Elle marqua une pause. « Ah oui, Théo. » Min Ah leva les yeux au ciel. « Non je n'ai rien dit. Enfin... Pas trop. » Après quelques autres échanges, elle raccrocha, Min Ju n'ayant pas la possibilité de rentrer rapidement, l'aînée devra se contenter de déposer le tout dans un frigo. Elle constata que Théo n'avait toujours pas posé le pansement et elle était bonne à laver sa main une nouvelle fois avant de pouvoir le poser. « Subjugué par ma beauté en me voyant de plus près ? » Évidemment c'était une plaisanterie, elle imaginait bien qu'il avait écouté la conversation. Tant pis.

Les hommes de loi. Un univers à part entière. Il n’est pas surpris par son métier. Son caractère laisse clairement un indice sur son passage et, malheureusement, Théo est témoin du spectacle aujourd’hui. Il espère secrètement que sa visite ne s’éternise pas et que sa petite soeur va finir par se pointer rapidement, pour désamorcer cette situation quelque peu pénible.  Les deux ne sont pas faits pour se trouver dans la même pièce, prêts à tout pour se lancer dans une guerre puérile. De toute façon, compte tenu du manque de complicité entre les deux protagonistes, tout n’est que prétexte pour se chamailler. C’est un peu le comble de l’avocat. Ces gens-là sont trop procéduriers et c’est à l’opposé des fondements du Ryeo. S’il est plutôt perfectionniste, il aime avoir l’esprit ouvert et pour lui, les avocats ne sont doués qu’à jouer avec les mots. Ils donnent un sens particulier d’une phrase lors d’une affaire avant de dire tout son contraire devant le même juge pour un autre client. “ Prendre exemple sur les Etats-Unis, ce n’est pas la meilleure voie qu’on peut emprunter. “ Souffle-t-il. A l’entendre, on dirait qu’il vient de signer son arrêt de mort pour les jours à venir. Néanmoins, il a conscience qu’il doit lui venir en aide, d’une façon ou d’une autre. Cette femme exagère et il avait aussi du mal à la suivre. Comment ça ? Elle va abandonner le lancement d’une procédure grâce à Hello Kitty ? Il avait du mal à l’imaginer. Son regard se concentre un peu plus sur elle et la moue bizarre sur son visage. Qu’est-ce qu’elle tente de faire avec sa tête ? La curiosité aurait pu le piquer s’il n’était pas concentré par le collage d’un pansement. Si seulement ce petit chat mignon pouvait attendrir cette tigresse. Mais, c’est sans compter sur l’appel qui sonne pour lui, comme une délivrance. Ou devrais-je dire une distraction au final. Le jeune homme n’a même pas terminé sa mission quand il entend des messes basses à son égard. A l’instant, on dirait la cinquième roue du carrosse. Il pourrait se sentir de trop mais difficile de ne pas rire de la situation. Il esquisse un sourire amusé à sa question, tandis que Minah finit par s’éloigner pour nettoyer sa main. Il attrape une feuille d’essuie-tout pour s’occuper réellement de son pansement, cette fois-ci. “ Plus par ta douce voix quand tu prononces mon prénom. Un rêve qui devient réalité. “ Bien sûr qu’il plaisante. Il faudrait être fou pour y croire. “ Mais je suis un peu désorienté avec mes idées idéalistes, tu comprends. “ Il sèche la zone blessée. “ Tu t’en remets à un barge, t’en as conscience ? “ Mais la juriste n’a pas le choix et il en profite pour poser ce pansement une bonne fois pour toutes. Et puis, finalement, il ajoute d’un ton plus sérieux. “ Qu’est-ce qui te déplaît autant dans mes idées ? “ Est-il vraiment prêt à lancer ce débat ? Est-ce possible de discuter avec cette femme ? Oui, finalement, Ryeo Théo est peut-être une personne barge…

outfits + Avec cette odieuse blessure (oui, une légère exagération ici) Min Ah se disait que le jeune homme avait de la chance d'être tombée sur lui. Bien qu'elle ait légèrement mal et qu'elle devrait gardé son magnifique pansement quelques temps, elle allait laisser couler toute cette histoire. Elle reconnaissait qu'elle n'avait pas été des plus aimable et n'avait pas aidé à la situation. Néanmoins, dans sa grande mansuétude, elle ne donnerait pas suite à cette blessure, ce que d'autres auraient sans doute utilisé contre l'étudiant. Elle haussa un sourcil à sa remarque. « Tu sembles ignorer que notre pays a de plus en plus de plaintes et d'affaires qui ressemblent à celles des États-Unis. » À croire que tout le monde voyait une ouverture pour obtenir des dommages et intérêts et donc voyait un moyen de s'enrichir facilement. Son doigt serait bientôt orné d'un nouveau bijou collant et félin mais avant ça Min Ah prit l'appel de Min Ju. Il était vrai que c'était pour sa sœur qu'elle était là à la base. Mauvaise nouvelle, elle ne croiserait pas sa petite sœur ce jour-là. Toute cette aventure pour rien. En raccrochant, Min Ah avait, peut-être, laissé échapper un petit soupir. Que le jeune homme finisse de la soigner pour qu'elle puisse enfin rentrer et terminer cette longue journée. « Ah oui les hommes et leur envie d'entendre les femmes prononcer leurs noms... » Elle leva un sourcil et le laissa reprendre sa main pour finir les soins. « Avoir des idées absolument irréalistes et utopistes ne veut pas dire être fou, juste très immature. » Elle afficha un sourire, un sourire sans joie et même plutôt moqueur. « Mais je pense que tu es assez qualifié pour poser un pansement du coup. » Elle releva le regard vers lui, surprise par sa question et à la fois non. C'était plutôt normal qu'il veuille comprendre cette remise en question de ses idées. « Tu es sûr que tu veux te lancer sur ce sujet ? » Elle observa sa main à présent sèche et pansée, au moins, c'était bien fait. « Parce que tes idées sont, comme je l'ai dit, idéalistes et utopistes. Je comprends les causes que tu veux défendre mais à part vivre dans le monde des bisounours... » Parce qu'il soulevait des problèmes, elle le reconnaissait mais lorsqu'il s'agissait de proposer des solutions... Elle même était dans le système, dans la législation et les idées idéalistes de retourner le système étaient immatures et égoïstes selon elle. « Je ne dis pas que rien ne doit changer mais il faut arrêter de croire aux contes de fées. » Tristement, c'était aussi quelque chose qu'elle avait déjà dit à Min Ju, au sujet de la musique. « Satisfait ? » Il allait enfin la laisser terminer ? Elle n'avait toujours pas fini de déposer les tupperwares pour sa sœur dans le frigo avec toute cette histoire.

Sa remarque n’est pas rassurante. Chaque pays a son lot de dysfonctionnement pour parler poliment. Il faudrait savoir s’inspirer des bonnes pratiques des autres au lieu de s’aventurer vers de nouveaux terrains glissants. Mais comme d’habitude, l’appât du gain et les intérêts des privilégiés sont plus importants que tout le reste. Le peuple est constitué de pauvres pions. Ces mêmes pions doivent apprendre avancer pas par pas en évitant le plus possible de se faire dévorer à la moindre occasion. Personne ne leur donne de l’importance. “ Je suis content que tu ne fasses pas comme tout le monde alors. “ Jeon Min Ah est unique en son genre, pour le meilleur et pour le pire. Et Théo ? Il a souvent l’impression d’avoir le droit au pire de sa personnalité. Il est donc soulagé de ne pas finir au tribunal pour si peu. Si la blessure n’est pas bien grave, il tente de donner un coup de main pour réparer ses erreurs. C’est une question de politesse comme utiliser le prénom de quelqu’un au lieu de sobriquets peu flatteurs. Alors, la féministe peut s’épargner ce type d’observations. Levant les yeux au ciel, il n’en rajoute pas une couche. Il ne va pas se défendre pour une faute qu’il n’a pas commise. La jeune femme est particulièrement douée pour l’art du second degré. “ Quelle fine analyse. Le monde serait perdu sans toi. “ La sémantique doit être son domaine préféré quand, lui décide d’abandonner l’ironie pour avoir le droit d’entendre son avis tranché sur sa propre personne et ses moeurs. Il la fixe du regard quand elle semble être un peu surprise par son intervention. “ C’est bien ce que je dois faire pour gagner en maturité ? Je n’ai pas la science infuse alors si je fais vraiment les choses mal, je suis toujours prêt à suivre deux trois conseils. “ Ca voudrait dire qu’il la respecte ? Forcément, si on néglige le pansement Hello Kitty, bien sûr. Finalement, silencieux, il écoute Minah. Ils sont tous les deux très différents. En tant qu'adultes, ils devraient pouvoir se comprendre. Est-ce que les ambitions de Théo sont donc vouées à échouer selon elle ? Ses propos ne sont pas vraiment encourageants mais ce n’est pas ça qui fait de lui un insatisfait. “ Non, pas complètement. “ Il retient un soupir. “ Et donc, on doit baisser les bras ? “ Changer des coutumes, la vision du monde, ne se fait pas sans effort, ni sans échec. Les façons de penser doivent évoluer. Certains préfèrent les extrêmes, d’autres se comportent de bons professeurs. Il n’y a pas une seule façon de faire, car chacun est différent. “ Qu’est-ce que tu ferais toi ? Tu dois le voir au quotidien. Les règles de droit, les jurisprudences, ... Elles ne sont pas issues d’un seul et unique homme mais d’un courant. Rien ne sera jamais parfait mais si on peut soulager certaines personnes alors c’est déjà un bon début ? “

outfits + Min Ah était dans le droit oui mais pas le droit social. De toute façon, lorsque l'on connaissait la jeune femme, on savait qu'elle n'était pas faite pour faire dans le social. Et actuellement, face au jeune étudiant, c'était l'impression qu'elle avait, d'être en train de faire du social. Alors oui il venait de l'aider avec cette stupide coupure (mais c'était sa faute après tout), elle n'avait pas forcément envie de lui tenir la main pour lui expliquer tout ce qui n'allait pas avec sa vision des choses. Pour autant, altruiste comme elle était (donneuse de leçons comme elle était) et bien qu'elle entendait l'ironie et l'insolence dans le ton du jeune homme, elle n'hésita pas à lui donner ses quelques conseils. Min Ah s'estimait bien placée pour mieux savoir, elle était plus âgée, elle avait plus d'expérience et elle connaissait le monde, le vrai. Évidemment, c'était si on oubliait qu'elle avait eu de nombreux privilèges liés au milieu dans lequel elle était née et avait grandit... Un milieu que Théo devait souvent dénoncer mais, pour l'avocate, il s'agissait de jalousie, cet argent n'était pas tombé du ciel (alors que pour elle, même si elle travaillait dur aujourd'hui, c'était un peu le cas...). « Je ne dis pas qu'il faut baisser les bras. » Elle voyait bien qu'il disait cela pour la provoquer, qu'il essayait de lui montrer qu'elle se trompait mais Jeon Min Ah refusait souvent d'avoir tort, surtout sur certains sujets. « Je dis juste que ton contenu et les idéaux que tu portais n'amenaient rien de plus à la cause. » Et tant pis si elle était brutale dans ce qu'elle lui disait. « Les whistleblowers sont rarement sur YouTube à soigner le montage de leurs vidéos mais sur le terrain à mobiliser de réels médias. » Et là était l'erreur de Min Ah, comme elle ne consommait pas ce type de médias, elle ignorait à quel point ils pouvaient avoir un impact. Elle pensait avec son spectre étroit des whistleblowers qu'elle connaissait jusque-là. « Ce que je ferais ? » Elle ne prit pas vraiment le temps pour réfléchir à la question ayant déjà un avis bien précis. « J'utiliserais justement des moyens et des leviers légaux. Pour créer une jurisprudence, c'est qu'il faut trouver une ouverture ou un appui dans les lois. Une fois la jurisprudence faite, elle existe et a un vrai impact sur la législation. Ce n'est pas un simple avis, un simple constat qui reste sur une plate-forme de streaming. » Min Ah n'avait encore jamais eu l'occasion d'amener une jurisprudence dans une affaire qu'elle défendait mais elle savait l'impact que cela pouvait avoir sur des lois et surtout dans des carrières. Elle sourit sans aucune humilité. « Si tu veux changer le système, il faut rentrer dedans. » C'était bien malin venant d'une personne qui avait profité du système sur certains points et qui, par son mode de vie et certaines de ses aspirations, en faisant entièrement partie. Min Ah n'avait pas pour ambition de faire quoique ce soit au système dans lequel ils vivaient, elle voulait juste montrer qu'une femme pouvait être une grande avocate. Si elle changeait les choses, ce serait du hasard et purement de l'égoïsme pour pouvoir, elle, accéder à ses objectifs. Elle inclina légèrement la tête. « Tu étudies quoi toi déjà ? »

Si Théo n’aime pas quelque chose, c’est de rester dans l’incompréhension. Bien sûr qu’il a envie d’entendre les avis des femmes. Ne sont-pas la source du contenu qu’il tente de porter sur internet ? Il y a sûrement de nombreuses choses à apprendre d’elles, même s’il ne mettrait pas sa main à couper concernant Min Ah. C’est surtout lié à la nature de leur relation et cette difficulté de communication. Parfois, il n’a pas l’impression qu’ils parlent la même langue tous les deux alors qu’il n’a même pas switch pour l’anglais ou le français. Des éléments doivent lui échapper, lui qui a fait à l’école à la maison ou à la distance quand il était encore enfant. S’il est ensuite rentré dans le système scolaire coréen,  Théo a du retard dans plusieurs notions mais quand elle ose dire de but en blanc que son contenu n’apporte rien… C’est difficile à entendre. Il ne comprend pas pourquoi, ni comment elle peut être aussi fermée à cette idée. Il n’y a pas non plus 10 000 générations entre eux. Son point de vue n’a aucun sens et cela confirme sa première théorie : tous les deux ne parlent pas la même langue. “ Dans ce cas, je te conseille de demander à un jeune dans la rue s’il continue d’allumer sa télévision le soir. Ou si c’est son père le misogyne qui a la main sur la télécommande. “ Il a envie de souffler. Comment peut-on émettre un tel avis en étant en déconnexion totale ? Quelque chose lui échappe, c’est évident maintenant. “ Maintenant, la majorité des gens sont sur les réseaux sociaux. Pour rejoindre les forces sur le terrain, encore faut-il que les gens soient renseignés sur ces sujets mais encore encourager les générations futures vers cette direction. “ L’impact de ces nouveaux médias ? Elle doit le voir dans ses affaires, non ? Sans sourciller, il pose une question qui lui semble cohérente. “ Tu comptes deviner juge ? “ Être avocat, c’est murmurer des idées, pas les acter. Enfin, ils pourraient jouer avec les mots encore longtemps, tous les deux. Une vraie partie de ping-pong, presque digne d’une partie aux jeux olympiques. Peut-être qu’il est un cousin très lointain des frères Lebrun. Il la regarde un instant. “ Je pense surtout que nos activités sont complémentaires. “ Mais elle n’est pas prête à l’accepter. Alors, il répond simplement à sa dernière question. “ En sociologie. “ Théo épargne volontairement son deuxième cursus et se retient de ne pas la provoquer une nouvelle fois. Et il attend le moment où elle émettra un énième avis au hasard. Il prie désormais pour que son interprétation de la loi soit meilleure que le reste.