outfit ⏤ Une notification allume l'écran de ton téléphone, et comme à chaque fois que ça arrive depuis une semaine, tu sautes littéralement sur l'appareil. Tout ça pour laisser échapper un petit soupir déçu. Ce n'est pas Haru. Tu te dis que tu devrais te faire une raison, qu'il est désormais évident que tu ne l'intéressais pas, du moins pas pour plus qu'une chouette soirée à parler de rock. Tu aurais dû t'y attendre, c'était assuré qu'un gars comme lui (cutie rockeur ténébreux, donc) serait hors de ta league... mais ça n'en est pas moins cuisant. Tu avais passé un bon moment, tu pensais que lui aussi... l'alcool a peut-être embrouillé ta vision des choses, ou tes souvenirs.

Tu lances un regard morne à ton téléphone, comme si cela pouvait changer quelque chose. À ce stade, même une notification Instagram te suffirait... tu as fait un fin travail de détective, farfouillant dans tout le compte du batteur jusqu'à trouver une publication où il était identifié. Tu avais beaucoup hésité, ton doigt flottant au-dessus du bouton "Suivre", avant de finalement battre en retraite. Pour finalement revenir sur son compte. Battre en retraite à nouveau. Et ainsi de suite pendant un moment, jusqu'à ce que tu aies enfin le courage d'appuyer sur ce fichu bouton bleu. Il t'avait également suivie dans la foulée, ça avait fait renaître un peu d'espoir, quelques likes étaient partis... mais rien de plus. Pas de message privé, rien. Et tu n'avais pas osé en envoyer un. Pas maso, la demoiselle.

« Allez Yujie, tu t'étais auto-motivée au milieu de ton salon étonnamment en ordre. C'est ton dernier jour de congé, il faut en profiter ! » Ton regard revient sur ton téléphone et la notification toujours affichée, un rappel automatique concernant la journée de promotions organisée par ta mercerie préférée. Un peu de shopping pour oublier ton crush d'un soir, ça c'est une bonne idée. Au moins tu cesseras de ruminer sur ton inexistante vie sentimentale.

C'est donc ainsi que, trois heures plus tard, tu te retrouves à traîner ton poids en tissus et matériel dans la rue. Tes sacs ne sont pas particulièrement grands, mais bordel ce qu'ils sont lourds... Tu ne regrettes pas tes achats, tu as fait des affaires en or massif serti de diamants, mais bon dieu ce que tu regrettes de ne pas avoir prévu le coup et prévu un sac à roulette ou tout autre truc qui t'épargnerait de te défoncer les mains avec les anses de tes totebags. Tu as les paumes toutes rouges et tu es forcée de régulièrement t'arrêter pour récupérer un peu de sensations dans les doigts. Ça t'apprendra à être si gourmande, tiens... mais il y avait de si beaux tissus. Et des trop mignons aussi. Tu as fait une razzia sur les motifs pour enfants. Tu as hâte de les montrer à Eunji, tu es certaine qu'il va les adorer.

Tes écouteurs dans les orielles, agitant légèrement la tête au rythme de l'album des Smashing Pumpkins que Haru t'a conseillé et que tu as presque instantanément adoré, tu continues ton chemin, t'arrêtant de temps en temps pour souffler ou admirer un modèle dans une vitrine, le photographiant mentalement pour t'en inspirer plus tard. Tu finis par t'arrêter devant une boutique, en admiration totale devant une robe. Tu dois ABSOLUMENT l'essayer. Vu le magasin, elle est hors budget pour toi, mais il n'y a rien qu'une modéliste comme toi ne peut reproduire. Tu veux juste voir de plus près ce que ça donne, comment le tissu tombe, tout ça. Tu rentres donc joyeusement dans la boutique, confiant tes sacs de matériel à la caisse. Tu furetes dans les rayons à la recherche de ta trouvailles, cherchant ta taille. Vraiment, il n'y a rien de mieux qu'un peu de shopping pour se changer les idées. Et juste quand tu te dis ça, ton regard capte un mouvement plus loin dans la boutique, et tu tournes la tête. « Haru ? » Son nom t'a échappé et tu te traites mentalement d'idiote. Mais c'est bel et bien lui, et un instant tu espères qu'il ne t'ai pas entendue. Après tout, il ne t'a pas contactée, le moment qui va suivre risque d'être un poil gênant, non ?

ootd + Un refresha dans la main, les pieds sur sa planche qui roule en évitant les piétons (et les inégalités du trottoir) Haru avançait (tant qu'il le pouvait encore) en direction d'un quartier qu'il fréquentait rarement si ce n'était à la demande de son frère. Quelques mèches de ses cheveux s'étaient échappées de son « man bun », volant ainsi au vent et il appréciait cette sensation qui lui donnait l'impression d'être libre comme l'air. Il avait d'ailleurs choisi une playlist en accord avec cet état d'esprit et les écouteurs dans ses oreilles l'empêchaient d'entendre les bruits de la ville et les gens qui potentiellement pouvaient lui râler dessus alors qu'il les frôlait sur son bolide. Son téléphone dans sa poche, le jeune bègue avait cessé de le regarder toutes les dix minutes pour voir s'il avait de nouveaux messages. Au bout de deux jours sans retour, il avait compris que la jeune femme rencontrée au dernier concert de The Rock-Ets ne lui répondrait pas, qu'elle n'était pas vraiment intéressée. Il savait que c'était une possibilité, à plusieurs reprises dans la soirée, elle avait évoqué le fait qu'elle avait trop bu. Soit. La déception restait réelle et laissait un goût amer au jeune homme. Comme toujours, il faisait avec, continuant à avancer.

Il avait fait ses deux gardes, l'une plus compliquée que l'autre (en témoignait sa mine encore fatiguée), il avait travaillé ses cours (sa quatrième année ayant commencé), il avait répété les morceaux du groupe, il avait traîné (comme il avait pu) au skate park... Le quotidien de Son Haru. Ce quotidien passait aussi par effectuer des courses que son frère lui demandait parce qu'il n'avait pas la possibilité de s'en occuper. En soit, Haru non plus n'avait pas le temps, entre les études, le travail et la musique, il courrait après les minutes mais... Quand Haneul demandait, Haru avait la fâcheuse tendance à exécuter. Le sac à dos du musicien contenait déjà des achats demandés par son aîné, la dernière course était de passer dans un magasin où il avait vu une veste qui l'intéressait. Haneul avait dit ne pas l'avoir achetée de suite parce qu'il souhaitait trouver une couturière qui pourrait la retoucher avant de se l'offrir. Visiblement, il avait trouvé une personne pour les retouches mais n'avait pas la possibilité de repasser au magasin. Suivant, de mémoire, les indications que lui avait envoyées Haneul, le jeune homme finit par descendre de sa planche, la foule de passants se faisant de plus en plus dense sur le trottoir.

Le skate sous le bras, il arriva devant la boutique indiquée par son frère. La vitrine portait un avertissement pas de nourriture et pas de boisson à l'intérieur. Avec un soupir, le jeune bègue porta la paille à ses lèvres et en quelques grandes gorgées, termina sa boisson bourrée de sucre. Il perdit encore un peu de temps pour trouver une poubelle avant de pouvoir revenir sur ses pas et entrer dans l'établissement. Son style différait grandement du style du magasin et du standing, une des vendeuses le regarda d'ailleurs avec insistance. En signe de bonne foi, Haru déposa sa planche à l'entrée du magasin et parti à la recherche de la fameuse veste. Il sortit son téléphone de sa poche, pour vérifier une nouvelle fois le modèle, la taille et les informations en général, il en profita pour couper le son et ranger ses écouteurs. Le vêtement n'était pas du tout quelque chose que Haru porterait mais il pouvait facilement l'imaginer sur la carrure élégante de son frère. Restait à le trouver dans les rayons, ce qui n'était pas si simple au final tant il y avait du choix.

Enfin au bon rayon, il poussait les cintres dans l’espoir de trouver le bon modèle à la bonne couleur et à la bonne taille. Il n'eut pas le temps d'achever sa mission qu'il entendit une voix l'appeler, une voix qu'il eut un peu de mal à replacer dans ce contexte inattendu il fallait l'avouer. Il tourna la tête et avisa un visage qu'il n'eut, lui, aucun mal à replacer. La bouche légèrement ouverte, il ne parvint pas à masquer sa surprise. « Y-y-y-yu J-j-j-jeo-jjjeong. » La surprise accentuait son bégaiement et il préférait ne pas imaginer l'intensité avec laquelle il avait cligné des yeux et froncé le nez. Il était presque gêné de la voir, parce qu'il ignorait ce qu'il fallait dire à une personne qui avait ouvertement ignoré les messages envoyés. « C-c-c-ça v-v-v-v-vvva ? » En temps normal, Haru était déjà un très mauvais « ice breaker » mais dans cette situation, il était encore plus mauvais ne sachant ce qu'il fallait dire ni faire. S'il écoutait son instinct, c'était de s'accroupir et de se cacher au milieu des vestes, comme un enfant qui joue à cache-cache, à la différence qu'il aurait espéré qu'on ne le trouve pas.

outfit ⏤ C'est grand, une ville. C'est peuplé. Y a quoi... 9 millions d'habitants à Séoul, sans compter la foule de touristes ? Alors pourquoi, pourquoi, tu tombes sur Haru ? Pas que tu sois contre le fait de pouvoir l'admirer à nouveau, hein, loin de là... juste que tu sens le moment awkward se profiler. Tu as essayé de relativiser pendant ces derniers jours, te dire que peut-être il n'avait pas eu le temps, tout ça, mais... le doute s'était engrainé dans ton esprit, finissant par fleurir en certitude.

Son nom t'échappe et tu te figes au milieu du rayon, telle une biche prise par surprise au milieu de la chaussée. Et Haru semble aussi surpris que toi. Vous êtes donc deux biches étonnées, everything's fine. Allez Yujeong, reprends-toi, ce n'est pourtant pas la première fois que tu te fais ghoster par quelqu'un. Tu te tiens donc là, un peu maladroite, remettant une mèche de cheveux derrière ton oreille. Un instant, tu es captivée par ses tics faciaux... c'est probablement très étrange à dire mais tu trouves que ça le rend adorable. Puis tu remarques son man bun et ton cerveau manque de griller. Tu es faible pour ce genre de coiffure. Enfin, sur ceux à qui ça va, évidemment, parce qu'il y a une différence entre ceux qui rockent cette coiffure (Haru, de fait, et pun intended) et ceux à qui ça finit par ressembler à un haut de sac poubelle, là.

Avec un petit temps de retard (pendant lequel tu as juste dû ressembler à une belle imbécile), tu te souviens qu'il t'a posé une question. Super, comme si tu devais lui donner encore plus de raisons de te ghoster ou de bloquer ton numéro. Enfin, il peut bien le bloquer, tu n'as quand même pas le sien en retour, donc... « Ça va, tu finis par dire, butant sur tes mots. Et toi ? » Wha, cette platitude de folie. On t'a connue bien plus éloquente que ça.

Tu devrais le laisser à ses emplettes, et revenir aux tiennes. Ne pas rendre ce moment encore plus maladroit et gênant qu'il ne l'est déjà. Mais tu ne bouges pas. Tu penches légèrement la tête, signe de curiosité chez toi. Le style de la boutique ne correspond clairement pas du tout à ce qu'il porte, aussi bien actuellement qu'au concert (et sur toutes les photos Instagram que tu as vues, mais ça fait un peu stalker ça non ?). Ici, c'est une ode aux couleurs et à la lumière, aux textures fluides et vaporeuses. « Oh ! Tu cherches quelque chose pour ton frère ? » L'illumination que tu viens d'avoir en te remémorant de ce dont vous aviez parlé, le style qu'il avait pointé au milieu de tes innombrables modèles et son appréciation des couleurs claires. « Est-ce que tu es toujours intéressé par la veste que tu m'avais demandée ? J'ai repéré de très chouettes tissus ce matin et... » Tu tords tes petites mains dans tous les sens, comme tu le fais toujours quand tu es gênée, grimaçant quand tes doigts endoloris te rappellent que tu as été trop gourmande et que tes achats pèsent lourd. Tu finis par laisser échapper un petit soupir. Autant crever l'abcès, non ? « Je comprends bien que rien ne se passera entre nous, je t'assure. C'était une chouette soirée, j'ai adoré découvrir le groupe, parler avec toi, flirter, je ne prends pas mal que ça n'aille pas plus loin, j'ai l'habitude. Je ne veux pas que ce soit un frein si jamais tu veux vraiment que je fasse cette veste pour ton frère. » Ah, le retour des joues qui rosissent, ça faisait longtemps tiens. Tu ne sais même pas pourquoi tu parles de ça, tu aurais vraiment dû le laisser à ses affaires et continuer les tiennes au lieu de te faire du mal comme ça, ne pas t'enfoncer dans tes idioties.

Et s'il n'avait juste pas encore eu l'occasion de t'envoyer un message ? Tu es peut-être allée trop vite en besogne... il avait bien dit qu'il bossait à la caserne (tu n'es toujours pas sûre de quoi il s'agit, d'ailleurs), donc ça ferait sens. « Enfin, quoi qu'il en soit.. si jamais le projet tient toujours... tu as mon numéro... tu conclus d'une voix qui faiblis à chaque mot. Je te laisse à ton shopping. » Retraite, retraite ! Heureusement que le ridicule ne tue pas, ou tu serais déjà à terre.

ootd + Haru n'était déjà pas très à l'aise dans les situations sociales lambda, il ignorait complètement ce qu'il devait faire dans un tel moment. Il avait du mal à comprendre pourquoi la jeune femme avait ignoré ces messages et pourquoi elle venait le saluer. De ce qu'il savait, elle aurait plutôt dû faire comme si elle ne l'avait pas vu, non ? C'était souvent de cette façon que ça avait fonctionné pour lui, il était habitué à se faire ghoster. Si les premiers jours, il pouvait être touché par ce silence, il finissait toujours par s'en remettre et s'y habitué. Show must go on comme on dit. Ses missions à la caserne et ses cours lui montraient souvent qu'il y avait situation bien pire que de ne pas obtenir de réponse d'une femme charmante.

Ses mains figées dans son mouvement, Haru avait eu l'air d'un lapin dans les phares d'une voiture dans un premier temps avant de balancer les pires banalités auxquelles il parvint à penser. Elle y répondit de la même façon et à court de mot, le coréen se contenta de hocher la tête. Il allait plutôt bien oui, s'il ignorait son amour propre malmené une fois de plus mais comme le lui avait fait remarquer Haneul, à quoi est-ce qu'il s'attendait ? Les bras toujours au milieu des vestes, l'un qui tenait les veste éliminées l'autre qui poussait les cintres, il était coincé dans ce mouvement jusqu'à ce que Yu Jeong le lui fasse remarquer. Il lâcha le tout pour se redresser, les cintres se replaçant presque correctement. Il hocha la tête à nouveau, se sentant soudain plus « non verbal » qu'autre chose. Oui il était là pour son frère, à croire que c'était évident vu son propre style vestimentaire et les fringues de la boutique, même une des vendeuses continuait de le regarder. Honnêtement, Haru se sentait plus secoué par la situation que par n'importe quel roller-coaster qu'il avait pu prendre. Son silence et le fait qu'il ne semblait visiblement pas savoir comment gérer cette rencontre amenèrent Yu Jeong à mettre les choses à plat. En soit, il était reconnaissant qu'elle prenne le risque mais il ne comprenait pas. Il la regarda en fronçant les sourcils tout le long de sa tirade, il avait aussi bien compris que rien ne se passerait, lui aussi avait l'habitude mais... Quelque chose n'allait pas dans tout ça. Il perdit le fil de ses pensées alors qu'il constatait le retour de l'adorable rose sur les joues de la jeune femme. Ah... Faiblesse confirmée pour sa part, c'était encore plus difficile de l'entendre.

Finalement, elle sembla avoir terminé de dire ce qu'elle avait à dire, et il secoua la tête comme pour reboot mais surtout pour tout comprendre. Il leva la main, pour qu'elle lui laisse le temps d'organiser ce qu'il voulait répondre avant de s'en aller. « A-a-aaattends. » Il humidifia ses lèvres et la regarda la tête légèrement incliné. « S-sssi j-je te cooooontacte, tu mmme ré-répondras ce-cette fffois ? » Il n'y avait pas d'agressivité dans sa question, peut-être un peu d'amertume mais surtout une réelle curiosité. « J-je t'a-avoue que j'auuurais pré-préféré qu-que tu mmmme di-dises que l-la vvveste c'é-était mmmort et p-pas le r-reste. » Il essaya d'en rire mais il était honnête, il aurait aimé que ça aille plus loin au moins il pouvait enfin l'avouer, la semaine le lui avait bien prouvé. « S-sssi v-vraiment t-tu veux qu-qu'on en re-reste lààà, j-je pré-préfère te l-laissé tran-tranquille aaaavec la vvveste. I-il en a déééjà a-assez. Re-regarde, i-il m'en-envoir mmmême cher-cheeer ce qu'il aaaa reeeepéré. » Il sourit en montrant le rayon qu'il était en train de regarder, fronçant le nez non pas dans un tic mais pour montrer que ce n'était pas à son goût. Il reprit la parole, cette fois plus sérieusement. « J-j'aurais pré-préféré qu-que tu mmme d-dises qu-que ça ssss'arrêtait l-là pl-plutôt qu-que d-d'ignorer mmmes me-mmmessages. Je tr-trouve ça mmmoins bl-blessant. » Elle avait été honnête avec lui, il pouvait l'être aussi, montrant au passage que toute cette situation ne le laissait pas indifférent. Seulement, il ne savait comment conclure, devait-il lui tourner le dos ? C'était dur après ce qu'il venait de dire. Devait-il partir ? Mais il n'avait toujours pas trouvé cette foutue veste. Alors à défaut, il resta à la regarder, ne sachant quoi dire, quoi faire mais se faisant la réflexion qu'elle était vraiment très mignonne et qu'il retrouvait vraiment ce petit truc qu'il avait aimé quelques soirs plus tôt.

outfit ⏤ Quel spectacle vous devez donner tous les deux, figés au milieu de ce magasin, à ne visiblement pas savoir quoi dire ou quoi faire. Ça aurait pu donner une scène romantique de folie, comme la scène du bal dans la comédie musicale Roméo & Juliette (la version française de 2001, la plus belle selon toi, bien sûr), quand le cri de Juliette fige toute la salle, quand les deux futurs amants découvrent leurs identités. Non, au lieu de ça, on dirait deux lapins pris au piège au milieu de la route, à attendre que le camion vous passe dessus.

Il garde le silence, ne semblant réagir à tes mots que par son attitude, et tu admets que tu as du mal à comprendre son langage corporel. Est-ce que tu dois comprendre que tu n'étais qu'un flirt d'un soir et qu'en pleine journée, au milieu d'un magasin désert, tu n'es pas suffisamment intéressante que pour qu'on t'adresse la parole ? Pourtant il t'a saluée. Tu es bien consciente que tu es juste occupée à sur-analyser la situation mais c'est plus fort que toi. Tu as perdu en confiance en toi depuis la naissance d'Eunji, c'est un fait. Alors, pour dissiper ce silence qui devient presque oppressant, et pour mettre les choses à plats et ainsi pouvoir partir sans regrets, tu te jettes à l'eau, ta bouche fonctionnant bien avant ton cerveau. À son froncement de sourcils pendant ta tirade, tu ne sais pas comment réagir. Est-ce que tu dis des choses bizarres ? Enfin, plus bizarres que d'habitude... ou il y a autre chose ? Le silence perdure et tes épaules s'affaissent. Pas de réponse, d'accord. Tu t'apprêtes à tourner les talons quand il lève la main, t'arrêtant dans ton mouvement. Curieuse, tu restes en place. Et cette fois, c'est à ton tour de froncer les sourcils à ses paroles. Si tu lui répondras cette fois ? Comment ça "cette fois" ? Est-il en train d'impliquer que tu ne lui as pas répondu ? Mais il ne t'a rien envoyé... il se serait trompé de destinataire ? Confuse, tu attends cependant la suite, espérant des éclaircissements.

Et puis, la bombe. Tu restes là, la bouche légèrement ouverte de surprise, à l'entendre te dire qu'il aurait préféré que vous laissiez tomber la veste plutôt que le reste. Mais c'est quoi le reste ? Votre... flirt ? Votre potentiel petit rendez-vous au Mom's Touch ? Ton petit coeur tout doux se met à battre à mille à l'heure, ses mots faisant à la fois renaître un petit espoir et enfonçant des couteaux dedans. Et il continue, te plongeant de plus en plus dans la confusion. Bien sûr que non tu n'as pas envie que vous en restiez là, mais il ne t'a pas contactée et... et tu ne lui as pas répondu ? C'est bien ça ? Ça commence à faire un joli méli-mélo dans ta tête, tu es complètement perdue.

Et enfin, le coup de grâce. Donc, il est absolument persuadé que tu as ignoré ses messages, et ça l'a blessé. Cette info n'est clairement pas tombée dans l'oreille d'une sourde. Tu n'es pas la seule que le silence a laissée déçue et désemparée, visiblement. « Mais... » Ta voix est rauque, ta gorge toute sèche. « Je n'ai pas ignoré tes messages... je n'en ai pas reçu. » Tu fouilles frénétiquement dans tes poches puis ton sac pour mettre la main sur ton portable, ouvrant tes messages et lui présentant l'écran en guise de bonne foi. Tu as reçu des messages ces derniers jours, comme le prouvent les dates, mais rien de lui. « Et je jure que je n'ai pas bloqué ton numéro ou quoi ! » Tu n'oses pas faire ce genre de chose, la dernière fois que tu as tenté de bloquer un numéro, un call center qui ne cessait de te contacter malgré que tu déclines poliment chaque fois, tu as fait une fausse manip' et effacé la moitié de ton carnet d'adresses. Comment ? Tu ne sais toujours pas. Tu ramènes ton bras à toi, serrant ton portable comme une bouée de sauvetage. « Je ne t'aurais pas donné mon numéro si j'avais voulu que ça s'arrête là... tu rajoutes d'une petite voix. » Tu n'es pas cruelle, tu n'aimes pas faire de faux espoirs aux gens, et surtout pas dans un domaine comme celui-là. Ça t'est arrivé de t'enthousiasmer sur un projet de couture pour quelqu'un, pour finalement te rendre compte que tu n'avais pas le matériel nécessaire, le temps ou les compétences, et devoir reculer, déçevant la personne, mais c'est une chose rare. Oh, tu as déçu tes parents aussi en leur cachant l'arrivée d'Eunji jusqu'au dernier moment, mais c'est quelque chose qui ne se reproduira plus. Non, vraiment, décevoir sciemment les gens ne fait pas partie de ton caractère. Et les blesser encore moins.

« J'attendais avec impatience un message de toi... je me jetais sur mon téléphone à la moindre notifications. Moi aussi je préfèrerais laisser tomber la veste si ça permet de garder le... le reste, tu finis par admettre. » Mais d'où vient le problème ? Tu n'oses pas mettre en doute le fait qu'il t'ait envoyé des messages, tu as entendu l'émotion dans sa voix, l'amertume et la déception de s'être pris un râteau. Puis... un doute s'engraine en toi. À priori, il a retenu ton nom puisqu'il l'a utilisé, tu écartes donc la possibilité qu'il se soit trompé de destinataire. Et tu n'as pas eu de problème de réception avec ton téléphone, puisque d'autres personnes t'ont contactée entre temps. Reste donc... le numéro. Tu commences à te demander si, pompette comme tu l'étais, tu aurais réussi à te tromper en encodant ton numéro dans son téléphone. Si c'est ça... quelle humiliation. À coup sûr il reviendra sur son "envie du reste" parce qu'il ne restera rien dont il pourrait avoir envie. « Est-ce que... je peux voir les messages ? Enfin, le numéro auquel tu as envoyé les messages... ? » Ta voix faiblis de mot en mot tellement tu te sens gênée d'avance.

ootd + En traumatologie, on apprend très vite aux étudiants qu'une des choses les plus violentes pour le corps sont les chocs de vitesse. Parfois, il n'y a pas besoin d'un impact pour que la vie d'une personne soit en danger, il suffit juste d'un arrêt brutal alors que l'on est à pleine vitesse. Ce stop soudain va amener les organes à avancer dans le corps, cognant contre les os, le cerveau dans la boîte crânienne étant comme une petite bille de flipper malmenée dans le jeu. C'était pour cette raison que même s'il n'y avait aucun choc et aucune blessure externe visible, il fallait faire tous les examens pour s'assurer qu'aucune blessure interne n'était présente. Et face à Yu Jeong, Haru avait l'impression de subir ces accélérations, ces arrêts brutaux et avait la sensation que son être était soumis à ces jets sans pouvoir faire quoique ce soit. L'absence de réponse à ses messages avait été un freinage violent, gardant quelques traces de cet événement. Se trouver face à elle dans ce magasin, c'était comme faire des tonneaux, et le jeune homme ne savait pas ce qu'il devait faire pour que ce mouvement étourdissant ne prenne fin. Il ne savait pas quoi faire, quoi dire, il s'était contenté de se laisser porter et avait preuve d'honnêteté.

La réaction de Yu Jeong lorsqu'il parla de ces fameux messages sans réponse fût comme un nouveau freinage, suivi d'une accélération dans un crissement de pneu. Vraiment, Haru aimait les sensations fortes, il découvrait qu'il n'avait pas forcément besoin de monter dans les montagnes russes pour en ressentir. « T-tu n'as rrrrien re-re-reçu ? » Au diable les efforts et au diable ses tics, il était impossible pour lui de maîtriser sa parole ou la façon dont ses yeux et son nez se fronçaient. « J-je t-t-t'ai eeeenvoyé un me-me-mmmmessage le s-soir mmmême. » Il fît une petite moue qui, cette fois, n'était pas un tic. « E-et le len-lendemain. Et c-comme t-tu nnnn'a pas r-ré-répondu à-à cccceux de cccce j-j-jjjour l-là j-j'ai l-laissé t-tombé. »  Certains diraient qu'il avait vite lâché l'affaire mais Haru s'était vite résigné, refroidi par ses échecs passés. Il ne voulait pas non plus avoir l'air pathétique en insistant alors que ses messages étaient ignorés ou, pire, qu'elle lui avait donné un faux numéro.

Ses yeux s'arrondirent alors qu'il écoutait Yu Jeong dire qu'elle avait attendu ses messages, que comme lui elle avait sursauté à chaque nouvelle notification. Une accélération vive et soudaine, les émotions du jeune bègue étaient mises à mal une nouvelle fois mais, cette fois, dans le bon sens du terme. « C-c-c'est vvvrai ? » Il l'avait presque dit d'une petite voix, comme un enfant qui voulait s'assurer que la promesse qu'on venait de lui faire était vraie. La situation était donc incompréhensible, chacun de leur côté, blessé par le silence de l'autre alors que la volonté était, au contraire, de continuer ce dialogue qu'ils avaient initiés le soir du concert. Sortant son téléphone de sa poche, Haru tapota brièvement sur l'écran afin de le déverrouiller et d'accéder à son carnet de contacts. Il trouva rapidement le nom de Yu Jeong suivi des emoji bobine de fil et note de musique, comme il l'avait enregistré le soir de leur rencontre. Il tendit l'appareil à la jeune femme, la laissant regarder les chiffres sur l'écran. « T-t-tu aaas do-donné un fffaux nu-numéro ? » Il savait que c'était une technique utilisée par les femmes pour ne pas être ennuyées mais par rapport à ce qu'il s'était dit, ça ne collait pas. Elle voulait qu'il la recontacte alors pourquoi donner un faux numéro ? Puis soudainement, digne d'un dessin animé avec l'ampoule qui s'allume au dessus de sa tête, Haru pensa à quelque chose. « Han ! » Il avait pris une inspiration bruyante, secouant le téléphone devant elle plus parce qu'il vibrait d'énergie qu'autre chose. « T-t-tu t'es tr-tr-trompé p-parce que t-t-u aaaaavais trop b-bu ! » Il frappa des mains en riant, il n'y avait pas de moquerie, enfin si, un peu mais il y avait surtout beaucoup de soulagement. « C-c'est b-bien ççça ? » Si la réponse n'était pas celle-là et bien ce serait un nouvel arrêt violent et avec de nouveaux dégâts

outfit ⏤ C'est un sketch ? Une mauvaise blague ? Tu es aussi surprise de ne rien avoir reçu que lui, et pourtant vous semblez tous les deux avoir surveillé de près vos notifications. Tu ne mets absolument pas en doute sa bonne foi, s'il dit avoir envoyé des messages, tu le crois. Tu espères seulement qu'il te croit également quand tu dis n'avoir rien reçu...

Il t'a envoyé un message le soir même ? Il n'a pas perdu de temps en tout cas, et ça fait battre ton petit coeur. Tu es bien consciente de l'existence de certaines règles officieuses quand on flirte, du style "attendre x jours avant de recontacter la personne", histoire de ne pas donner l'impression d'être trop pressé, ce genre de chose idiote, et visiblement Haru ne tient pas à les suivre. Tu es un peu déçue d'entendre qu'il a abandonné après quelques messages, mais en même temps tu comprends... toi aussi tu aurais rapidement drop si tu n'avais pas de retour, tu as d'autres choses importantes à l'agenda, après tout.

Quand tu parles de ton empressement à ouvrir chacune de tes notifications, tu ne peux pas t'empêcher de rougir à sa question. « Eh bien... oui ? Je veux dire, j'ai passé une super soirée, j'étais impatiente d'avoir de tes nouvelles, de voir où... ce que... » Tu commences à balbutier, ne sachant pas comment t'exprimer sans donner l'impression d'avoir déjà imaginé mille scénarios, sans que ton attirance-qui-est-presque-un-crush soit trop flagrante. Il ne te voit peut-être que comme une future bonne copine, sans ambiguïté ni rien.

Tu secoues la tête quand il te demande si tu lui a donné un faux. « Je ne t'aurais pas demandé ton numéro en premier si c'était pour t'ignorer... » Et quand il te met son téléphone sous le nez, ton numéro affiché sous le nom (tu trouves ça vraiment tellement adorable les petits emojis qu'il a rajouté, il faudra que tu en fasses de même pour tes contacts), tu n'as pas le temps de réagir qu'il a une illumination. Et effectivement, il a raison... tu t'es trompée dans ton numéro, inversant les deux derniers chiffres, probablement à cause de ton ébriété.  Et le voilà qui est en train de rire alors que tu te décomposes de honte. Mortifiée, tu cliques sur les informations de contact pour éditer le numéro, remettant les chiffres dans le bon ordre. « C'est fini, plus jamais je ne bois en soirée, tu marmonnes en lui rendant son téléphone. Cette fois c'est le bon, c'est promis. » Tu as les joues en feu et tu n'oses définitivement pas croiser son regard hilare. Au moins la situation le fait rire, il aurait très bien pu mal le prendre et enfoncer un clou supplémentaire dans ton cercueil. Ta distraction aurait pu définitivement mettre un terme à... tu ne sais même pas comment qualifier ce qu'il se passe entre vous. Un début d'amitié sur base de rock ? Un flirt réciproque ? Un flirt absolument pas réciproque mais qui donne l'impression d'en être un ?

Tu ravales ta honte tout en triturant les manches de ton chemisier, les joues toutes roses. « Tu... tu peux... me renvoyer les messages ? » Dans ton malheur, tu ne peux que remercier la personne ayant reçu les messages de ne pas y avoir répondu... « Je veux être celle qui les reçoit, cette fois. Et y répondre. » Comme si ces derniers jours n'avaient pas existé et que tu n'es pas une abrutie incapable de taper un numéro sans te tromper après un cocktail.

ootd + S'il se souvenait bien, ce genre de quiproquos pouvait être qualifié de « meet cute », non ? Dans les souvenirs de Haru, c'était ce mot que l'héroïne d'un teen movie romantique utilisait. Min Ju le lui avait fait regarder un jour après les répétitions et n'ayant, pour le coup, rien de mieux, il avait supporté le visionnage mais avait refusé d'enchaîner avec le second. Quand même... Quoiqu'il en soit, ce moment qu'il était en train de vivre avec Yu Jeong rentrait bien dans la catégorie « meet cute ». Ou alors c'était un « meet again cute » ? Ce qui lui permettait d'utiliser ces termes, c'était bien la conclusion qu'ils pouvaient donner à ce silence des derniers jours. Une simple erreur, un simple doigt qui avait pressé le mauvais bouton parce que que Yu Jeong avait trop bu. Et puis, Haru se permettait de penser cet événement ainsi parce qu'il venait de leur permettre d'avouer que la soirée leur avait donné envie de plus. Ils avaient tous les deux envie de se recontacter, de continuer à discuter et, évidemment, plus si affinité. Le fait qu'elle insiste sur le fait qu'elle voulait qu'il la recontacte, qu'elle avait autant surveiller son téléphone que lui et aussi qu'elle ne lui aurait pas donné un faux numéro volontairement... Il pouvait en rire et voir du positif dans toute cette histoire.

Et heureusement, qu'ils s'étaient recroisés ainsi, sinon combien de temps aurait-il fallu pour rire de tout ça ? Comme si on poids s'était levé de ses épaules, Haru éclata franchement de rire face à l'air mortifié de la jeune femme. Des regards se tournèrent vers eux mais il les ignora, son attention complètement portée sur Yu Jeong et le rose de ses joues. À la lumière du jour, elle restait tout aussi adorable qu'à la lumière blafarde du bar. Contenant comme il le pu (donc mal) son rire, il reprit son téléphone une fois que Yu Jeong le lui redonna, le bon numéro enfin enregistré. Pour s'en assurer, il envoya un message, comme souvent, simplement des smiley. C'était une habitude qu'il avait. En discutant avec Dae Won, ils en avaient conclu que c'était lié à la langue des signes et Haru pratiquait l'iconicité par message. Il envoya donc l'emoji verre, et l'émoji warning puis interdit et enfin le smiley qui riait à en pleurer. Lorsqu'une légère sonnerie retentit depuis le sac de la jeune femme, confirmant la réception de ce dernier, il était enfin assuré que c'était bon cette fois-ci.

Il rangea son téléphone, le cœur léger et reconnaissant que Haneul l'ait envoyé dans cette boutique. Alors qu'il laissait l'appareil se poser au fond de sa poche, il la regarda le sourcil relevé, intrigué par sa requête. Avec un petit sourire, il fît secoua légèrement la tête. « I-i-ils nnnn'ont p-plus d'in-intérêt mmmaintenant. Ce sssont l-les pro-prochains les p-plus im-im-impor-t-tants. » Le dernier qu'il avait envoyé trahissait aussi son amertume, il était tout à fait correct mais Haru y avait exprimé sa déception. Il préférait donc laisser ces messages à l'oubli, c'était une erreur et clairement, ils avaient envie d'en échanger d'autres, la promesse d'une réponse valait mieux que le renvoie de ceux-là. « M-mais t-tu pou-pourras ré-répondre aux pro-prochains. » Et on trouvait chez lui la même sincérité qu'avait eu Yu Jeong quelques instants plus tôt. « I-il y en auuura d-d'autres. » Une promesse aussi en quelque sorte. Il afficha un petit sourire espiègle mais aussi un peu timide. « E-et p-pas p-pour pa-paaarler de la vvvveste. » Vu qu'ils avaient été assez clairs l'un avec l'autre, autant continuer à l'être. Haru se moquait bien de la veste pour être honnête, il avait pensé à son frère lorsque la jeune femme lui avait montré le modèle mais son aîné était loin de ses pensées dans l'immédiat même si c'était pour lui qu'il était à cet endroit. « J-je mmm'en fiiiche m-m-même un p-peu. » Il l'avait dit, ils pouvaient bien l'oublier, c'était surtout d'elle dont il voulait parler et apprendre à la connaître. Cependant, il se rendit compte que, peut-être, elle pourrait mal prendre sa remarque. Et si elle pensait qu'il se moquait de son art ? Que sa passion et ses créations l'indifféraient ? Se précipitant sur les mots, Haru eut beaucoup de mal à réussir à commencer sa phrase. « N-n-n-nnnnon c-c-c'est p-p-pas ce qu-que jjjje vvvveux di-diiire. En-en-enfin siii mmmais n-n-n-nnnon. » Ses tics accompagnaient chaque accroc et évidemment, il en avait pleinement conscience ce qui l'amenait dans une spirale qui ne l'aidait pas du tout. « J-j-j'aime beaaaaucoup qu-qu-quand tu mmmme pa-parles d-d-de ce qu-que t-t-t-tu fffais mmmais l-l-là d-dans le cooontexte. » Puis il pinça les lèvres, incapable d'en dire plus, à elle d'essayer de comprendre, il ne souhaitait pas mal formuler ses idées en souhaitant les raccourcir. Haru était à deux doigts d'arrêter de parler pour la journée.

outfit ⏤ Tu n'as jamais eu aussi honte de ta vie, et pourtant tu en as déjà vécu, des moments gênants. Les joues en feu, tu es incapable de détourner le regard alors que Haru éclate littéralement de rire, un son que tu te surprends à apprécier. Il y a de la joie et du soulagement dans ce rire, tu voudrais l'entendre plus souvent. Les gens vous regardent avec curiosité, certains avec agacement au vu du bruit que vous faites, mais tu t'en fiches, ils ne sont pas aussi importants que ce qui est en train de se dérouler entre vous, la dissipation d'un malentendu crève-cœur. Lui rendant timidement son téléphone (tu as bien songé à le garder en otage mais ce serait clairement contre-productif pour ces fameux textos que tu vous avez attendus avec tant d'impatience et d'espoir), tu ne réagis d'abord pas quand il se met à tapoter sur son clavier, avant que ton téléphone ne vibre et sonne dans ton sac. Cependant, le message que tu reçois n'est pas celui auquel tu t'attendais et tu ne peux pas t'empêcher de te détendre et de rire à ton tour en découvrant sa ribambelle de smileys. Tu lui envoies en réponse un autocollant d'un hamster en PLS sur le sol, assez représentatif de ton état mental actuellement.

Tu es d'abord étonnée quand il enchaine en disant que ces messages n'ont pas d'intérêt, et que ce sont les prochains qui seront importants, et tu finis par sourire doucement. Tu es curieuse de savoir ce qu'il avait pu t'envoyer, mais tu n'insisteras pas s'il ne veut pas. D'autres sms. Il y en aura d'autres, il dit, et tu as l'impression que c'est une promesse que vous vous faites. « Il y en auras d'autres, oui, tu répètes, comme si c'était une formule magique entre vous. » Il ne peut pas imaginer à quel point ces mots affolent les petits papillons qui ont commencé à élire domicile dans ton ventre, tu as l'impression d'être revenue à l'époque de tes seize ans, tes premiers crushs. C'est si différent des relations que tu as eues jusqu'à présent, même si tu es encore frileuse à l'idée de qualifier de "relation" ce qu'il y a entre vous, comme si ce terme était déjà une trop grande avancée. Pourtant, même si vous ne finissez que amis ou connaissances, ce sont des formes de relation.

Pas pour parler de veste, mmh ? L'espièglerie clairement affichée dans son sourire t'intrigue, et ton petit coeur se met à battre un peu plus rapidement. Tu es vraiment curieuse et impatiente de savoir de quoi parleront vos futurs échanges de textos. De musique, très probablement. De bouffe, aussi, vu votre appréciation commune pour les burgers et votre aversion pour le healthy. De... vous, peut-être ? Quoi que soit ce "vous", d'ailleurs... cependant, quand il continue en disant qu'il se fiche un peu de cette histoire de veste, tu te sens un peu piquée, le formulation ne te plaisant pas particulièrement. Tu aurais été plus qu'heureuse de confectionner cette pièce pour lui ou son frère et même si tu es consciente que ce n'était qu'un faible prétexte pour vous revoir, tu admets que tu es déçue qu'il écarte la chose ainsi. La déception doit probablement se voir sur tes traits parce qu'il semble s'affoler, cherchant à rectifier le tir. Ton attention est distraite par ses tics faciaux, prenant conscience pour la première fois depuis que tu lui parles à quel point ça le trahit et le rend, d'une manière non conventionnelle, expressif. Tu finis par sourire, attendrie par son affolement évident, sa tentative de rattrapage maladroite. Mais qu'est-ce qui est le plus maladroit au final entre sa déclaration et son rattrapage ? Aucune idée. « C'était surtout un prétexte, si je comprends bien ? » En même temps, à partir du moment où son frère a les moyens de s'acheter un vêtement de la boutique où vous êtes, clairement quel intérêt d'avoir une pièce cousue par une petite apprentie couturière ? Tu ne fais pas le poids, ne tiens pas la comparaison, et c'est ainsi. Ta déception s'atténue devant ce fait. « J'ai bien fait de ne pas craquer sur les tissus que j'avais repérés, alors, tu conclus dans un petit rire. » De toute manière il n'y avait plus de place dans tes sacs, ton portefeuille est en PLS et sans les mesures de ce fameux frère, c'est risqué de prendre un métrage, surtout que tu détestes le gaspillage. « Ne fais pas cette tête, je préfère quand tu ris de mes étourderies, tu rajoutes devant ses lèvres toujours pincées. » Son expression t'inquiète et tu essaies de détendre l'atmosphère comme tu peux.

Rangeant ton téléphone dans ton sac (à priori tu ne vas pas en avoir besoin pour le moment), tu souris à Haru avec toute la sincérité du monde. « En tout cas je suis contente qu'on se soit recroisés, et qu'on ait pu corriger mes bêtises. » Le destin semble avoir décidé de vous donner un coup de pouce. « J'avais, et c'est toujours le cas, très envie d'apprendre à te connaître. »

ootd + C'était fou comme il n'avait fallu que quelques minutes pour que le cœur de Haru se fasse plus léger. Il se rendait compte aussi que le silence radio de Yu Jeong avait pesé sur ses épaules plus qu'il ne l'avait pensé. Sans doute parce qu'il ne l'avait pas senti s'installer se ressenti, cette lourdeur. C'était quelque chose qui s'était fait au fil des jours, à chaque message sans réponse, à chaque désillusion et commentaire un peu cruel de Haneul. Et il n'avait fallu que quelques minutes pour balayer toute cette négativité. Le sourire de Haru était à présent planté sur ses lèvres et il n'avait pas retenu son rire. C'était risible au fond, comme l'était la majorité des malentendus d'ailleurs. Et comme une promesse, ils confirmèrent mutuellement que, oui, d'autres messages, il y en aurait. Comptez sur lui pour commencer le soir-même. Ce qu'il dirait ? Il ne le savait pas encore mais la journée lui apporterait sans doute de l'inspiration.

L'inspiration, c'était ce qu'il n'avait pas sur ce moment, s’emmêlant les pinceaux dans ce qu'il voulait dire et ce qu'il disait vraiment. Il ne la connaissait pas encore assez pour tout connaître de ses expressions, mais l'émotion qu'il lu sur son visage après sa maladresse ne fît que l’embarrasser davantage. Il se demandait parfois si sans bégaiement il aurait les même difficultés à mettre ses pensées en mots ou non. Est-ce que c'était lié ou son cerveau était juste mal branché ? Il reprit une grande inspiration, il leva la main comme pour lui indiquer de ne pas le couper dans son élan. Elle prenait déjà le temps de le laisser parler sans l'interrompre, il savait qu'elle lui laisserait le temps d'organiser ce qu'il voulait dire. « N-n-nnnon c-c-c'était p-p-pas un prrrrétexte m-mais sssi o-on d-d-doit hi-hi-hiérarchiser les ssssujets, j-j-je pr-préfère qu-qu-qu'on a-apprenne à ssse c-c-connaître. » Il marqua une pause, juste le temps de s'humidifier les lèvres. « E-et sssi t-tu fffais u-u-une vvveste, je pr-préfère que ce sssoit p-p-pour mmmoi et p-p-pas mmmon f-frère. » Au moins c'était dit. Son frère avait déjà une garde robe bien fournie de toute façon et il venait de lui demander d'en racheter une. Il finit par sourire, poussant un léger soupir avant de sourire. « N-n-ne crois p-pas que jjje n-n-ne m'in-intéresse p-p-pas à ccce que t-t-tu ffais. » Il se retint de lui dire qu'elle dans son entièreté l'intéressait mais c'était relativement clair suite à cet échange.

« M-mmmoi aussi j-j-je sssuis c-content. Jjje re-remercierais p-p-presque m-mon fffrère parce qu-que d-d'habitude jjje n-n'y rrrentre pas. » D'ailleurs son téléphone sonna dans sa main, un coup d’œil à l'écran pour voir que son frère lui avait déjà envoyé quelques messages. Le dernier lui demandait s'il avait trouvé et s'il pouvait se dépêcher. Haru était déchiré entre rester encore avec la jeune femme ou répondre à son frère qui l'attendait. « Mmmon frère me de-demande si j-j-j'ai trouvé l-l-la vvveste qu'il vvveut. » Il regarda une nouvelle fois la photo et pensa à quelque chose. Il montra l'écran à Yu Jeong. « T-t-tu es p-pressée ou t-t-tu peux mmm'aider à-à la ch-chasse aaaau tr-trésor ? » Il se gratta la nuque un peu gêné. « Jjj'ai un fffrère un p-p-peu exigent eeet im-impatient vvvvi-siiiblement. Jjje c-crois qu-qu'il a uuun ren-rencard. » Il lâcha un petit rire et la regarda, inclinant même la tête en agrandissant ses yeux dans un moindre imitation du chat poté. Il fallait y voir là sa tentative désespérée de prolonger un peu le moment avec elle.