Outfits. + Le changement n’est pas le meilleur allié de Kikunae. Il aime sa routine, ses habitudes, son appartement, sa zone de confort… Si parfois, il se dit qu’il pourrait faire un effort, ces envies d’aventure ne durent pas bien longtemps. Après avoir décidé sur un coup de tête de laisser le Japon derrière lui, pour venir s’installer à Séoul, il estime avoir son lot de changement pour des dix prochaines années. Il n’a pas énormément d’amis proches. Il ne s’en est jamais plaint et Nae ne sera jamais du genre à avoir une grande quantité d’amis, qui au final seraient plutôt des connaissances, si prend en compte ses capacités à sociabilité. Toutefois, s’il perd tous ses amis aussi bêtement… Qui restera-t-il ? Heureusement, il n’a jamais ressenti ce type de sensations en présence d’Hayden. Il ne peut s’empêcher de grimacer à cette idée. Hayden est comme un frère pour lui, jamais de la vie !

- Et s’il ne tient pas autant à moi ? On ne se connaît pas depuis très longtemps…

Pourtant, ils se sont vus régulièrement, que ce soit pour aller faire du skate, pour jouer jusqu’à pas d’heure aux jeux-vidéo chez Kikunae ou quand il allait voir le groupe d’Haru jouer de temps en temps… On peut dire qu’ils étaient devenus de très bons amis, même s’ils ne se connaissaient pas depuis longtemps, comme le dit si bien Kikunae.

Être vulnérable… Nae déteste ce sentiment. Il ne sait pas exactement d’où cela lui vient, peut-être par mimétisme, car ses parents n’ont jamais beaucoup exprimé leurs émotions non plus ou parce qu’il a souvent tenté de dissimuler à sa mère la peine qu’elle lui infligeait. Tout ça pour éviter qu’elle n’en profite encore une fois… Le violoniste fait la moue. La vision de Ryuu est bien jolie, mais Nae n’est pas sûr d’être prêt à se montrer si vulnérable.

- Je sais…

Même si, mis-à-part l’amour fraternel d’une certaine façon avec Hayden et l’amour amical, il n’a pas beaucoup rencontré les différentes déclinaisons de ce sentiment que bon nombre semblent chercher toute leur vie. Est-ce qu’il aime ses parents ? Ce sont ses parents… Il ne les déteste pas, mais… Il a pu constater trop de défauts pour les aimer comme il le… Devrait ? Pourrait ? Sa mère l’a fait souffrir et son père a brillé par son absence. L’absence d’amour entre ses parents n’a pas aidé à lui offrir un exemple sain sur lequel se baser il faut dire. Ce sont ses parents. Il peut les remercier de l’avoir mis au monde, ça s’arrête là. C’est peut-être triste, ainsi sont les choses. Kikunae n’a jamais été proche d’eux.

- Mais il y a aussi des plaies qui guérissent seules. Avec le temps, peut-être que ça me passera.

Il aimerait en avoir la certitude, avant de faire une erreur qu’il pourrait regretter. S’il pouvait s’assurer que ses sentiments allaient disparaître avec le temps, rien ne l’obligeait à en parler avec Haru ?

- Pourtant c’est mon choix de me faire souffrir ou non, il n’y peut rien.

Kikunae soupire. Il ne sait pas quoi penser de tout cela… Il n’est pas sûr d’aimer l’amour, c’est trop compliqué. Ce sentiment semble en plus prendre un malin plaisir à débarquer là où on l’attend le moins. À l’avenir, s’il pouvait le laisser tranquille, il ne serait pas rancunier. Nae sourit à la conclusion de son ami.

- C’est de la triche, je ne peux même pas prendre ma revanche !

Dans le fond, il n’a pas envie de continuer non plus. Il n’a pas la tête à ça.

- Est-ce que… Je peux encore occuper ton canapé ?

C’est devenu une habitude avec le temps. Il n’est pas si rare que Kikunae dorme chez Ryuu. Surtout depuis le fameux soir où il a atterrit chez son aîné, paniqué. Il ne veut pas abuser de sa gentillesse, il se sent bien ici. L’appartement de Ryuu et sa présence sont devenus comme un cocon rassurant. Il espère au moins qu’il ne finira pas par en avoir marre.

- Si tu as faim, on peut commander à manger, je paie, pour me faire pardonner d’encore squatter…

Outfits. + Dans les relations aux autres, il était souvent difficile de savoir ce que l'autre pensait et ressentait sans communication. À moins, peut-être, d'être une sorte de Madame Irma et d'avoir la possibilité de lire dans les pensées et dans les cœurs des autres. Mais Ryuu doutait franchement que cela soit possible. Alors la seule chose que Kikunae pouvait faire par rapport à cet homme qui lui plaisait, c'était de le lui dire ou de le lui faire comprendre pour ensuite attendre une réponse de sa part. Celle-ci, il ne pourrait la contrôler. Ryuu ne pouvait donc rien lui dire de plus que ce qu'il lui avait déjà dit. Il ne pouvait prévoir la réaction de cet homme qu'il ne connaissait même pas. Il posa sa main sur le bras du jeune japonais, un geste réconfortant et qui montrait qu'ils ne pouvaient pas avoir toutes les réponses. La seule façon d'être fixé, c'était que Kikunae accepte de se rendre vulnérable, parce que c'était bien là le sens d'avoir des sentiments pour une personne et de les lui dire. Se rendre vulnérable ainsi, c'était aussi soigner des blessures ou les ouvrir un peu plus. Tout dépendait de comment l'autre traitait votre prise de risque. Avec un léger rire, Ryuu hocha la tête aux propos du musicien qui semblait s'entêter sur le fait de ne rien dire. Soit, l'aîné n'insisterait pas, il savait que Kikunae y penserait plus tard et prendrait la décision qui lui conviendrait. Si le plus jeune savait être têtu (ce qui était souvent très mignon aux yeux de Ryuu) il n'était pas borné au point de faire des choix contre-intuitifs par esprit de contradiction. « C'est vrai. Mais dans ces cas-là, la cicatrice met souvent plus de temps à s'estomper. » Il finit par lâcher un autre petit rire et tapa la jambe de Kikunae dans un geste affectueux. « Mais prend ton temps, prend la décision qui te conviendra le mieux. Toi seul sait ce qui est le mieux pour toi. » Ryuu en était convaincu. Il tâcha ensuite de détendre l'atmosphère et fût soulagé de voir Kikunae répondre à sa plaisanterie. « Nope. » Et il s'amusa à faire claquer le « p » de fin. « C'est moi le champion ce soir. » Pour une fois, il pouvait bien le laisser savourer un peu, non ? Il lâcha un autre léger rire mais ne tarda pas à hocher la tête. « Bien sûr que tu peux. Je vais aller te chercher des oreilles et une couverture. » Et le japonais se félicitait d'avoir acheté un grand canapé extrêmement confortable, à croire que les années à décuver sur des canapés défoncés lui avaient appris quelques petites choses. Il se leva pour aller dans sa chambre et chercher ce qu'il fallait. Lorsqu'il revint, ce fût avec les bras chargés. « Non je t'avoue que je n'ai pas très faim. Mais tu peux te commander ce que tu veux ou grignoter ce que tu veux. » Il lança un regard vers la cuisine, comme si cela allait lui donner la réponse qu'il cherchait. « Il me semble que Aoi a des ramen quelque part dans les placards. N'hésite pas à faire comme chez toi et à fouiner si tu le souhaites. » Il déposa le nécéssaire pour dormir sur le canapé. « Je t'ai mis un t-shirt et un short à moi, ils seront peut-être un peu grand mais tu pourras dormir plus à l'aise. » Parce que dormir dans ses vêtements, quelle horreur, et là encore, Ryuu parlait d'expérience. « Je vais me prendre une douche et aller me coucher, il se fait tard pour moi. » Il leva le doigt d'un air rieur. « Pas de remarque sur mon âge. » Il lui tapa légèrement l'épaule comme pour une mise en garde. « Tu peux prendre une douche aussi après si tu veux. Tu auras des serviettes propres dans le deuxième tiroir du meuble de salle de bain. » Il sourit, se voulant rassurant avant de céder à son envie et de prendre Kikunae contre lui, juste quelques secondes. Un geste affectueux, réconfortant mais qui respectait aussi les besoins de son jeune ami. « Dors bien et essaie de penser à autre chose, tout ça peut attendre demain. Tu es tranquille ici. » Avec une dernière pression sur lui, il relâcha son étreinte, souris une dernière fois et pris la direction de la salle de bain, laissant Kikunae faire sa petite vie chez lui en toute confiance.

Outfits. + Nae a tendance à se dire qu’il peut tout surmonter seul. Cela vient peut-être du fait que, plus jeune, il devait se débrouiller face à ses émotions. Son père était absent et sa mère… Présente physiquement, beaucoup moins pour l’aider à s’épanouir à ce sujet. Elle n’était elle-même pas émotionnellement stable… Il s’en rend compte avec le recul. Cependant, s’entêter à vouloir se débrouiller seul, ce n’est pas pas toujours la bonne solution. Kikunae l’apprendra plus tard. Tant pis, s’il lui faut plus de temps. Il n’est plus à ça prêt. Ce qu’il se garde bien de préciser à Ryuu. Non, justement, il n’est pas sûr de savoir ce qui est mieux pour lui. Nae se sent perdu. Il aimerait être certain de faire le bon choix. Ce qui est impossible. À moins de lui avouer ses sentiments, Nae ne pourra jamais savoir ce qu’Haru ressent. Sauf s’il attend qu’il se confesse en premier… Ce qui n’arrivera pas dans le cas où cette affection était à sens unique. Et… S’il y avait une infime chance pour qu’Haru hésite de son côté aussi ? Nae pourrait manquer sa chance. Une faible lueur d’espoir s’insinue dans son esprit, mais il la chasse en secoue légèrement la tête. Nae fait partie de ceux qui préfère s’imaginer le pire pour ne pas être déçu. Il fait aussi partie de ceux qui sont persuadé qu’il ne mérite pas qu’on les aime. Il ne se trouve rien d’intéressant…

La plaisanterie de Ryuu arrive au bon moment. Nae sourit. Il aurait aimé prendre sa revanche, en temps normal, il aurait peut-être insisté, mais ce soir, il n’en a pas le courage. Il laisse cette victoire à son aîné. Il se vengera une autre fois.

- Ok, profite, je reprendrais mon titre tôt ou tard, il réplique pour l’embêter.

Malgré cette crainte de déranger, Nae n’a pas envie de rentrer chez lui, seul. Stradivarius peut survivre sans lui jusqu’à demain matin. En partant, il s’est assuré que le chat avait assez de croquettes et un bol d’eau fraîche. La réponse de Ryuu le fait sourire. Kikunae sait qu’il peut compter sur lui… Et ça lui fait un bien fou. Il a d’autres amis sur lesquels il peut compter, Hayden l’aurait héberger sans problème aussi, mais… Ryuu est plus raisonnable et posé que son meilleur ami, il n’y a pas de doute là-dessus. Il adore Hayden, personne n’a le droit d’en douter, mais pour le moment, le calme de son aîné, c’est ce dont il a besoin.

- Merci, il dit dans un souffle discret.

Il culpabilise toujours un peu de profiter de la gentillesse de Ryuu et de venir perturber sa routine avec Aoi… De son côté, il commence à avoir faim. Il ne sait pas s’il osera fouiller dans les placard de son aîné, mais il prend note de la proposition.

- J’en n’ai rien dis ! proteste-t-il avec un petit rire.

Ryuu a bien fait de prendre les devants, cela aurait pu être son genre… Il passe son temps à le taquiner sur son âge.

- Il n’y a rien de mal à être un papi, il marmonne joueur, adorant l’embêter.

L’étreinte le prend de cours. Nae n’est pas tactile. Les moments où il enlace ses amis sont assez rares pour qu’ils s’en souviennent. Il n’aime pas spécialement qu’on le touche, mis-à-part si vous faites partie de son cercle très proche. Visiblement, c’est le cas de Ryuu, car Nae sent son corps se détendre, les quelques secondes où il le serre contre lui. Sa présence est réconforte et il ferme les yeux un instant pour profiter de cette sensation.

- Merci, il répète, d’un ton plus assuré cette fois. Dors bien aussi.

La faim le tiraille finalement trop pour qu’il ignore les paroles de Ryuu. Il trouve un paquet de ramen instantanés et se prépare rapidement son dîner, en prenant soin de tout nettoyer, ranger et jeter ensuite. Les chats viennent évidemment renifler ce qu’il fait, au cas où la nourriture leur soit destinée. Puis, il va prendre une douche, en veillant à ne pas faire trop de bruit pour ne pas déranger Ryuu. Les vêtements qu’il lui a prêtés sont un peu grands, le t-shirt lui tombe jusqu’aux cuisses et le short lui fait plus un pantacourt, mais ça fera l’affaire. Il se glisse dans les couvertures, essayant de ne pas bousculer un chat qui semble ravi d’avoir trouvé un panier géant et il ferme les yeux. Ryuu a raison, il est tranquille ici… Comme souvent quand il dort chez Ryuu, il ne tarde pas à s’endormir. Il ne se souvient pas avoir fait d’insomnie ici. C’est peut-être un autre don de son aîné…