— « Fait chier... » Ton sac sur les épaules et le pouce tendu vers la route, tu laisses échapper un soupir. Une fois de plus, tu as eu la bonne idée de t'endormir dans le bus. Chose qui t'arrive assez fréquemment, à vrai dire. Sauf que d'habitude, tu te réveilles toujours pile poil avant ton arrêt. D'ailleurs, tu ne sais pas trop comment tu fais d'ordinaire. Peut-être possèdes-tu une sorte d'alarme ou un sixième sens pour t'avertir que tu es bientôt arrivé à destination ?! Toujours est-il qu'aujourd'hui celui-ci n'a pas fonctionné et tu te retrouves donc à faire du stop au bord de la route parce que le bus dans lequel tu te trouvais est allé te perdre tu ne sais trop où – à une bonne demi-heure en voiture de la capitale, si ce n'est un peu plus, d'après ton gps – et qu'au vue de l'heure qu'il est – vingt deux heures passées – il n'y a malheureusement plus de transports en commun qui font la navette jusqu'à Séoul avant demain... Et c'est vrai que tu pourrais te trouver une petite chambre d’hôtel, en attendant le prochain bus. Ça t'éviterait de rester là, bras tendu, sous la chaleur d'un mois de juin. Mais il faut absolument que tu trouves un moyen de rentrer sur la capitale, ce soir. Parce que, demain, tu dois te présenter à la caserne à huit heures pétantes et que tu ne peux juste pas te permettre d'être en retard. Ce qui arriverait inéluctablement si tu décidais de patienter jusqu'au lendemain...

— Avoir des animaux de compagnie exotiques, c’est très chouette. Nijirō aime ses perroquets plus que tout, par contre, c’est plus difficile de les entretenir qu’un chat ou un chien. Tous les vétérinaires ne sont pas habilités pour soigner les oiseaux, mais en plus de cela, c’est la croix et la bannière pour trouver de quoi les nourrir. Entendez par là, trouver de la nourriture de qualité. Il est hors de question pour Nijirō de leur donner n’importe quelles graines trouvées en grande surface. Il aime bien trop ses animaux pour les traiter de la sorte. Il y a une boutique qui vend une marque bien spécifique qu’il utilise depuis le jour où il a adopté son premier perroquet. Habituellement, il s’organise et en rachète avant que le paquet ne soit vide, mais dernièrement… C’est compliqué. Il a réalisé trop tard que le paquet de graines arrivait à la fin… Leur régime alimentaire ne se résumé pas à cela, Nijirō leur donne aussi beaucoup de fruits. Cela dit, ils ne peuvent pas s’en contenter. Alors il est parti en catastrophe en racheter… Pour réaliser, que la malchance le poursuit ou que le karma lui fait comprendre que la prochaine fois… Il faudra s’organiser. Ils sont en rupture de stock. Cependant, la vendeuse a été serviable et lui a indiqué un autre endroit où en trouver… Il faut juste compter trente minutes de route pour y aller. Nijirō n’est plus à ça près et il a besoin de ce mélange de graine. Il n’a pas réfléchit et à pris sa voiture pour y aller.

Sur le chemin du retour quelque chose attire son attention sur le côté de la route, ou plutôt quelqu’un. Un jeune homme qui fait du stop. Aussi tard que ça ? Nijirō ralenti à côté de lui. Il ne peut pas le laisser rentrer à pieds. Dans cette direction, il se rend certainement à la capitale. Il baisse lentement sa vitre.

- Bonsoir, vous retournez en ville ?

Il commence à faire nuit et les nuages se profilent dans le ciel, il risque de pleuvoir… Nijirō s’en voudrait de passer son chemin et de le laisser galérer de son côté. Il espère que sa générosité ne lui attirera pas d’ennui...

— Les voitures défilent et, pour l'instant, pas l'ombre d'un bon samaritain à l’horizon. Pour autant, tu ne désespères pas. Après tout, cela ne fait qu’une petite vingtaine de minutes que t’es sur le bord de la route, le pouce levé. Et, en toute honnêteté, tu as déjà connu pire. Bien pire… Car tu n’en es pas à ton coup d’essai, Dae Won, et tu te rappelles de cette fois, en particulier, où toi et quelques amis aviez décidé de partir à la conquête des terres australiennes. Le tout, en vous déplaçant principalement en stop. Certainement pas la meilleure idée du monde, maintenant que tu y repenses. Qui plus est quand on est plusieurs... Mais même si vous aviez pas mal galéré à trouver des chauffeurs, votre petit road trip fut finalement une réussite. Alors, vingt minutes, ce n’est vraiment pas la mer à boire, que tu finis par te dire. D’ailleurs, il semblerait que tu n’aies même pas à attendre beaucoup plus car, alors que tu jettes rapidement un coup d'oeil sur ton portable, une voiture vient s’arrêter à tes côtés, vitres baissées. « Bonsoir ! » que tu réponds alors au jeune homme qui s'adresse à toi, te penchant légèrement pour pouvoir croiser son regard, avant de reprendre dans un sourire : « C'est bien ça ! Il faut que je regagne la capitale, ce soir ! » De là, tu pourras prendre le métro jusqu'à ton appartement, en plein cœur de la Digital City. « Vous vous y rendez aussi ? » Dans le cas contraire, tu attendras la prochaine voiture. C'est que tu ne voudrais pas qu'il fasse un détour juste pour toi...

— Les légendes urbaines d’horreur que Nijirō lisait plus jeune lui revienne à l’esprit, alors qu’il s’arrête pour proposer son aide à un jeune homme qui fait du stop. Bon nombre de ces histoires traitaient d’auto-stoppeur fantôme ou tueur en série. Si elles le faisait frissonner pendant son adolescence, il y repense avec une pointe d’amusement. Il en a vu et lu des histoires horrifiques depuis. Il est même venu à en écrire… Difficilement impressionnable, il lui en faut plus pour lui faire peur désormais. Il ne pouvait pas se permettre de passer devant ce jeune homme et l’ignorer.

- Oui, je retourne à la capitale, je vais vous emmener, il répond avec un sourire.

Il aura fait sa bonne action de la journée. Même s’il ne le fait pas spécifiquement pour cela. S’il peut se rendre utile, tant mieux.

- Attendez, je vais débarrasser le siège passager et vous pouvez poser votre sac à l’arrière.

En revenant de son périple pour trouver de quoi nourrir les perroquets, il a négligemment posé les sacs de grains sur le siège avant de reprendre la route. Le jeune homme en question semble plus jeune que lui. Nijirō aurait pu s’adresser à lui dans un registre un peu plus familier, mais en arrivant en Corée, il y a pourtant plus de dix ans, sans vraiment parler la langue, il a toujours fait attention à ne pas manquer de respecter à ses interlocuteur. En japonais aussi, les registres sont importants. C’est une habitude qu’il a gardé avec toute personne étrangère qu’il rencontre pour la première fois. Cela peut durer un certain temps, surtout s’il n’est pas sûr de l’âge de son interlocuteur.

- Ce sera plus agréable et plus rapide que de rentrer à pieds. Il y en a encore pour un moment et je ne pense pas me tromper de beaucoup en disant qu’il va bientôt pleuvoir.

Il a beau faire chaud en ce mois de juin, le temps est orageux et se dégrade de minute en minutes. Les nuages noirs qui s’accumulent au-dessus de la ville semble appuyer cette hypothèse.