Quelques membres du club de basket étaient présents avec Caolu dans le gymnase pour un entraînement non officiel, en dehors des heures habituelles où le club venait justement sur place avec les coachs pour s'entraîner, pourtant ce n'était pas quelque chose d'inhabituel. Certains membres étaient tellement mordus qu'ils trouvaient le moyen de venir quand il le pouvait, ce qui était le cas de Caolu, surtout au vu des derniers mois, des dernières semaines qu'elle venait de passer. Depuis sa dispute avec l'un des coachs de l'équipe, la chinoise avait fait profil bas, le coach Hwang ne l'avait finalement pas exclue de l'équipe, mais elle n'était pas non plus à jouer les matchs comme elle pouvait le faire avant. Elle avait merdé, elle avait perdu son niveau et le coach ne lui faisait plus confiance pour espérer qu'elle joue à son meilleur niveau. C'était dur, mais au fond c'était mieux que rien, elle n'aurait jamais supporté être jetée de l'équipe définitivement.

Caolu venait de louper un nouveau panier, le dixième depuis les vingt dernières minutes, et la jeune femme commençait sérieusement à désespérer. Elle se stressait plus que nécessaire, ce n'était que du sport après tout, dans le fond ce n'était pas si grave mais de ne pas réussir quelque chose d'aussi simple, c'était si facile pour elle avant presque aussi naturel que de respirer ! Et maintenant elle n'arrivait même pas à enchaîner trois paniers ! La rouquine sentait son coeur battre plus vite, et elle savait que ce n'était pas à cause de l'effort physique, oh non pas du tout, elle stressait et ça faisait remonter tout le reste. Sa grossesse, le fait qu'elle n'avait plus beaucoup de temps pour se décider, choisir ce qu'elle allait faire, que ses parents n'étaient toujours pas au courant de son état, que ça avait forcément un impact sur le reste de sa vie, sa passion, ses études... La jeune femme sombrait, et elle continuait de sombrer encore. Et quand ce fut trop pour elle, Caolu se précipita vers les toilettes pour aller s'enfermer dans la première cabine, les sanglots qu'elle ne parvenait plus à contrôler, qu'elle ne cherchait plus à retenir non plus, elle ignora combien de minutes elle resta ainsi à pleurer jusqu'à ce qu'elle ait les yeux rouges et bouffis, la gorge sèche et la voix rauque. « Putain. » Qu'est-ce qu'elle allait faire ? Finissant par se relever du sol où elle s'était assise, la jeune femme sortir de la cabine pour tomber nez à nez avec un de ses aînés. « Hayden. » Elle fronça les sourcils, elle ne reconnaissait presque pas sa voix. « Tu fais quoi dans les toilettes des filles ? » Sauf que, maintenant qu'elle observait les lieux, c'était plutôt elle qui s'était trompée et qui venait de piquer la crise de nerfs du siècle dans les toilettes des hommes.

La sueur perlait sur son visage et des goutes glissaient le long de sa gorge alors qu'il tentait un nouveau lancé. Le visage d'Hayden rayonna lorsqu'il observer la balle jouer avec le panier avant d'y entrer, lui arrachant un crie de victoire. Fier de lui, il tapa dans la main d'un compagnon de jeu, riant de bon cœur. Il se sentait serein, loin de ses contrariétés et plongé dans l’instant présent. Plusieurs membres du club s’étaient réunis pour s’entrainer sans prétention et comme souvent, ça finissait par des challenges en tout genre et des matchs, la bonne humeur au rendez-vous. Pour la plupart des personnes présentes du moins. A quelques mètres de lui, Cao Lu ne semblait pas partager cette bonne humeur. Elle sembla frustrée, quelque chose n’allait pas. Curieux, Hayden hésita à la rejoindre mais il fut interpellé et oublia ce projet. S’il avait été plus attentif, il aurait pu la voir se précipiter vers les toilettes et aurait pu la suivre pour s’assurer que tout allait bien. Au contraire, il continua de rire et de lancer des paris idiots à ses amis.

C’était exactement le défouloir dont il avait besoin, Hayden se sentait plus léger grâce à ce sport qu’il aimait tant. Quand il avait dû arrêter le volleyball après une blessure et son déménagement, il avait cru perdre la tête mais le club de basket avait accueilli le compétiteur qu’il était. L’esprit d’équipe était au rendez-vous et il était essentiel de se donner à fond ensemble pour s’approcher de la victoire. C’était souvent frustrant quand les matchs ne se passaient pas comme prévu mais à chaque fois, Hayden était exalté par sa passion du sport. La bonne entente avec ses camarades était un plus qui rendait les entrainements non officiels confortables. Néanmoins, ça n'empêchait pas des tensions de naitre, la compétition faisant parfois ressortir des comportements peu sympathiques...

A bout de souffle, l’Américain s’éloigna pour vider sa bouteille d’eau avant de se diriger vers les toilettes pour se passer de l’eau fraiche sur le visage. Il s'arrêta néanmoins avant de se poser devant un lavabo, un bruit provenant d'une cabine l'immobilisant. Quelqu’un était présent, ce qui n’était pas étrange, mais la dite personne ne semblait pas dans son état normal vu les bruits qu’il venait d'entendre. Incertain, il ne sut pas comment agir ; s'il ne se trompait pas, il avait entendu des sanglots ainsi qu’une voix féminine. Il n’eut pas l’occasion de se poser plus de questions puisque la porte s’ouvrit sur Cao Lu. Surpris, Hayden resta interdit tout en se demandant s’il ne s’était pas trompé mais non, il était bien dans les toilettes des hommes. Il n’y avait aucun doute là-dessus et la jeune femme devait aussi  l’avoir compris : « Uh no, ce sont pas les toilettes de filles. » Il répondit bêtement en fixant les yeux rouges et humides de son amie : « What’s wrong ? Ça va ? » Il ne savait pas quoi dire n’ayant pas l’habitude de se retrouver dans ce genre de situation. Il n’était pas la personne qu’on venait naturellement voir en pleurs et pourtant, il était surement le mieux placé pour parler avec la jeune femme. « A cause de qui tu pleures ? Tu te sens mal ? » Il regrettait ne pas avoir été plus attentif, il avait surement loupé quelque chose.  

Il y avait trop de choses qui n'allaient pas, beaucoup trop et ça commençait sérieusement à atteindre l'humeur générale de Caolu. Elle en perdait le sommeil, elle était sans cesse nerveuse alors que d'ordinaire c'était tout le contraire avec elle et maintenant que le coach avait décidé de la foutre sur le banc parce qu'il ne faisait plus confiance à celle qui avait été une de ses meilleures joueuses... Caolu sombrait, cette grossesse comme une épée de Damoclès au-dessus de sa tête et elle qui était venue pour s'entraîner aujourd'hui et oublier tout ça, ce n'était pas une si bonne idée. Elle loupait tout et ça ne faisait que la stresser encore plus, pourtant elle continuait d'essayer avant d'être déçue parce que ça ne se passait pas comme elle le souhaitait. C'était comme jouer avec le feu en sachant très bien qu'on allait se brûler à la fin, on avait bien conscience que c'était dangereux mais on se disait que peut-être cette fois-ci ça sera différent, qu'on réussira à ne pas se blesser. Ce n'était pas le cas, l'humeur de Caolu ne cessait de sombrer encore et encore jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus retenir les larmes.

Les toilettes semblaient l'endroit parfait pour se cacher en attendant que les sanglots cessent, que son corps se calme et qu'elle puisse faire à nouveau semblant que tout allait bien. Caolu aurait pu appeler un de ses proches mais elle refusait d'être un poids pour eux, elle ne voulait pas passer pour la jeune femme en détresse qui avait du mal à accepter sa situation alors que même ses propres parents ignoraient ce qu'il se passait. Caolu se sentait comme au fond du gouffre sans aucune possibilité de remonter la pente, sa crise de larmes perturbée par l'arrivée d'Hayden dans les toilettes, Caolu se tournant vers lui en tentant de masquer la raison pour laquelle elle était présente ici mais ne pouvant s'empêcher de lui dire qu'il s'était trompé. « Hein ? » Elle fronça les sourcils, prenant le temps enfin de regarder autour d'elle et elle sentit le rouge lui monter aux joues, l'humiliation se mêlant à la détresse qu'elle ressentait. « Oh. » La rousse bafouilla, tournant à nouveau son visage vers le garçon, sentant ses lèvres trembler. « O-oui, » elle murmura faiblement avant que son visage se décompose. « Non, non ça va pas, je merde tous mes lancers, je suis sur la touche, j'arrive plus à rien sur un terrain ! » Elle gémit, comme si c'était réellement ça qui la mettait dans cet état. « Je suis enceinte Hayden, voilà ce qui va pas, et je sais pas du tout quoi faire, je suis au bout du rouleau. » C'était une façon d'annoncer à son ami ce qu'il se passait dans sa vie.