@Park Iseul
Nijirō est tout dévoué à son travail. Il l’était déjà quand il étudiait en médecine. Prêt à accumuler les heures, quitte à fonctionner au café pour tenir jusqu’à la fin de la journée. C’est important pour lui d’occuper ses journées par une activité professionnelle qui le fait vibrer. Il ne s’est jamais vu occuper un poste de bureau à s’ennuyer à longueur de temps. Que ce soit en médecine ou dans le professorat, il n’a jamais le temps de bailler aux corneilles. Il est aussi important pour lui que son métier soit en adéquation avec ses valeurs. Quand il a été confronté à la corruption dans le service où il était interne, il aurait pu faire comme si de rien était… Nijirō a été concerné de trop prêt pour l’ignorer. C’était un petit garçon dont il avait la responsabilité… Il a vu sa mère s’effondrer quand il a dû lui annoncer que son enfant ne recevrait pas de greffe avant plusieurs semaines encore. Il était présent aussi quand il est décédé, sans nul doute le pire souvenir qu’il garde de ses études. Il ne pouvait pas travailler dans ces conditions, fermer les yeux sur ces manigances abjectes. Il n’était pas non plus naïf, il savait très bien qu’il ne pourrait rien révolutionner à son échelle. Les puissants de cette société la régisse avec l’argent qu’ils possèdent.

Il a préféré changer de voie. Devenir professeur était aussi un de ses projets de carrière, avant qu’il ne se décide à faire médecine, la profession qui le faisait le plus rêver. Il l’idéalisait probablement un peu trop… Visiblement, le serment d’Hippocrate n’est pas d’une importance capitale pour tout le monde. Il s’est toujours donné à 1000 % en tant qu’étudiant et interne en médecine, il n’a pas changé ses habitudes en devenant enseignant. Il doit jongler entre le lycée et l’université, aider ceux qui passent le Suneung, ceux qui doivent valider leur diplôme de fin d’études… C’est important pour Nijirō d’aider ses étudiants autant qu’il le peut. Ce n’est pas rare en Corée du sud que les lycées ou les étudiants à l’université aient recours à des cours particuliers, à du tutorat pour améliorer leurs notes dans certaines matières, mettre toutes les chances de leur côté en vue d’un concours ou d’un diplôme. Nijirō est prêt à passer plus de temps au lycée ou à l’université le soir pour aider ceux qui en auraient besoin. Il ne compte pas ses heures.

Si bien que certains jours… Il rentre plus tard que prévu. Si la plupart du temps, il prévient Iseul, il lui arrive d’oublier, de ne pas prendre cinq minute pour le faire… Il culpabilise toujours après coup, espérant que sa fiancée ne lui en tienne pas rigueur. Ce soir il termine suffisamment tôt pour passer rapidement, quelques minutes avant la fermeture, chez un fleuriste pour lui acheter un bouquet. On lui a souvent souligné que c’était un peu bizarre d’offrir des fleurs à une fleuriste, mais Nijirō sait qu’elle aime les plantes et au moins, il n’y a pas mieux placé qu’Iseul pour s’occuper au mieux de ces fleurs. De plus… Nijirō a appris le langage des fleurs, il y a longtemps maintenant, pour la surprendre. En entrant dans la boutique, la jeune employée de la boutique lui demande ce qu’il voudrait. Il a une idée bien précise en tête… Il voudrait des tulipes blanches et des alstroemeria qui symbolisent le pardon et des azalée qui représentent l’amour sincère. Par chance, la boutique peut confectionner ce bouquet. Nijirō salue la fleuriste et reprend la direction de leur loft en plein centre-ville. Il a eu de la chance de trouver une boutique de fleurs ouverte à cette heure, l’avantage de vivre à la capitale…

Son bouquet à la main, il monte les marches de l’immeuble quatre à quatre. Il aurait pu prendre l’ascenseur, mais il se sentait motivé. Il entre rapidement le code qui ferme la porte du loft. La lumière est allumée et l’odeur du dîner vient lui chatouiller le nez. Iseul est déjà rentrée, comme il s’en doutait. Il retire ses chaussures, enfile ses pantoufles et la retrouve dans la cuisine. Il sourit lorsqu’elle se retourne.

- Pour me faire pardonner. J’ai complètement oublié de te prévenir que je devais aider des étudiants ce soir… Je te laisse deviner leur signification.

Il sait qu’Iseul connaît aussi le lange des fleurs. C’est pour elle qu’il l’a appris, pour la surprendre et pour lui plaire. Le silence qui suit est rapidement troublé par un bruissement d’aile. Les perroquets ont leur grande volière dans le salon, mais ils sont plus souvent en liberté lorsque Nijirō ou Iseul sont à la maison. Un beau perroquet aux plumes jaunes et bleues vient se poser sur l’épaule de l’enseignant. Rê, le perroquet ararauna, pince l’oreille de son propriétaire comme il aime bien le faire, sorte de rituel pour lui dire bonjour.

- Oui, moi aussi je suis content de te voir ! il répond avec un sourire.

Nijirō surprend toujours quand il dit qu’il possède trois perroquet. En plus de Rê, il y a aussi Sobek, le petit amazone à front bleu et Hathor la femelle ara macao. Il y a une raison logique derrière ces prénom, premièrement la passion de Nijirō pour la mythologie égyptienne et l’Égypte antique. Ensuite, Rê a un pelage jaune et bleu, dans le mythe égyptien Rê est le dieu du soleil, vous comprenez la logique ? Sobek est le dieu de l’eau et de la fertilité, dans la légende il est mi-homme, mi-crocodile, l’amazone est un perroquet majoritairement vert, là aussi il y a une certaine cohérence. Enfin, Hathor est la déesse de l’amour, la petite ara macao de la famille a les plumes presque entièrement rouges, la couleur de l’amour, évidemment…

@Itō Nijirō
Les plantes avaient toujours constitué un havre de paix pour la jeune femme. Avant même de devenir fleuriste, Iseul avait toujours trouvé du réconfort dans le fait de prendre soin de ses plantes et de ses fleurs, ne voyant pas les heures défiler. Alors quand, elle se sentait contrariée, elle se tournait naturellement vers les plantes qui habillaient l’intérieur de son appartement. Elle avait beau faire la même chose au travail, l’effet apaisant restait présent et sa passion demeurait. Elle avait la chance de se rendre au travail avec le sourire, impatiente de retrouver sa boutique, ses plantes et ses clients. Elle aimait ce qu’elle faisait et même si c’était stressant à gérer, elle ne regrettait pas sa décision. Elle espérait que ça tienne le coup car elle ne voulait pas perdre son jardin adoré.

Si sa concentration était dédiée aux plantes de son intérieur, ce n’était pas parce que celles-ci nécessitaient un soin en particulier mais parce qu’elle avait besoin de se changer les idées. Si elle ne s’occupait pas, la tension allait monter et sa soirée allait mal se passer. Elle n’avait envoyé aucun message, fatiguée de contacter son fiancé pour savoir s’il comptait rentrer bientôt ou non. Il oubliait souvent de prévenir et elle ne pouvait pas lui en vouloir, elle savait qu’il ne comptait pas ses heures. Il travaillait, il n’était pas en train de trainer dans les rues en la délaissant pour une obscure raison. Il était au travail… Il se rendait utile. Pour autant, elle aurait aimé qu’il la prévienne, qu’il pense à elle plus souvent peut-être… Elle avait parfois l’impression de passer bien après son travail et même si c’était le cas, le ressentir était douloureux. Lors de ces moments, les doutes remontaient à la surface et elle se demandait s’il ne la fuyait pas. Ils se voyaient souvent, certes, mais beaucoup moins depuis qu’ils travaillaient chacun de leur côté. La vie d’adulte n’était pas facile à gérer, elle avait beau adorer sa vie, elle était aussi troublée par celle-ci. Aussi idéale qu’elle pût paraitre.

Après quelques minutes plongées dans ses plantes, elle retourna dans la cuisine pour récupérer celle qu’elle avait mise à tremper. C’est à ce moment que la porte de l’appartement sembla s’ouvrir. La voix de Nijiro se fit alors entendre et elle se retourna vers lui, les sourcils légèrement froncés. Elle était prête à lui faire part de son agacement mais sa détermination s’effaça lorsque son regard se posa sur le bouquet qu’il tenait dans sa main. « Elles sont magnifiques » Elle s’était avancée pour les récupérer et les rapprocher de son visage pour humer leur odeur délicate : « Tu vas chez la concurrence mais tu as bons goûts » Il n’était pas passionné par les fleurs comme elle l’était mais il faisait toujours en sorte de réfléchir à ses achats et comme à chaque fois, elle était touchée. « Merci » Elle déposa un baiser au coin des lèvres avant de lui tendre de nouveau le bouquet. « Je vais choisir un vase » Elle lui informa avant de disparaitre pour choisir le bon contenant. Sans surprise, elle avait beaucoup de choix dans le domaine. « Celui semble parfait » Sans surprise les perroquets étaient heureux de retrouver leur propriétaire, Iseul les ayant libéré en arrivant avant son homme. « J’aime bien le message » Elle ajouta, ayant -sans surprise- compris ce qu’il avait voulu dire en choisissant ses fleurs en particulier. « Tout s’est bien passé au travail ? » Elle était douce en installant le bouquet dans sa nouvelle demeure, observant chaque tige avec attention et intérêt. « Je n’ai pas fait à manger, je ne savais pas si tu allais rentrer et vouloir manger alors… » Il était adorable quand il lui offrait des bouquets mais elle avait quand même été agacée par son silence. « Te devais être bien occupé… » Après tout, elle n’avait pas eu droit à un petit message.

@Park Iseul
Après une déception dans ses études de médecines, Nijirō a retrouvé sa voie dans l’enseignement. On pourrait penser qu’il a choisi cette voie par dépit, qu’en réalité cette profession ne le passionne pas. Il n’en est rien. Il aime pouvoir se rendre utile. C’était principalement pour cette raison qu’il souhaitait devenir médecin, en chirurgie pédiatrique plus exactement. Quand il a compris que la réalité du métier ne coïncidait pas avec ses principes, il a préféré tout abandonner. Il aurait pu fermer les yeux, continuer d’aider comme il pouvait en devenant médecin, mais c’était au-dessus de ses forces. Il a préféré changer de voie. Il ne se destinait pas à être enseignant depuis son plus jeune âge, certes. Toutefois, il a découvert une véritable vocation. Il aime apprendre aux lycéens et aux étudiants de la Yonsei. Nijirō a l’impression de se rendre utile quand il fait cours que ce soit avec une classe entière ou en tutorat avec une groupe plus restreints d’élèves/étudiants. C’est une bonne chose d’aimer son métier. Cela dit, il peut parfois prendre le pas sur la vie personnelle. Quand on vit seul, ce n’est pas un problème. Ce n’est pas le cas de Nijirō. Il est en couple avec Iseul depuis près d’une dizaine d’année, ils sont fiancés, ils ont pour projet de se marier, d’avoir des enfants. Du moins… C’était le cas aux dernières nouvelles, mais… Les choses changent avec le temps et parfois, Nijirō constate à regret que son couple pourrait aussi être concerné par cet adage.

Nijirō a un sourit gêné à la remarque. Iseul tient une boutique de fleuriste, il est rai que techniquement, il est allé chez la concurrence, mais la surprise aurait été gâchée, s’il était allé les acheter là-bas.

- C’était pour garder la surprise…

Et aussi, parce que vu l’heure à laquelle il est rentré, peu de boutiques étaient encore ouvertes. Il ne doute pas qu’Iseul connaît la signification de ses fleurs. Il a appris le langage de ces dernières avec elle. Il adresse un sourire à sa fiancée et entreprend d’enlever ses chaussures, puis son manteau. Bien sûr, les autres habitants de cet appartement viennent l’accueillir aussi. Ses perroquets lui font toujours la fête quand il revient du travail. Il a de la chance qu’Iseul les ait accepté aussi. Ils sont bruyants par moment et font quelques bêtises, mais ils sont aussi drôles et affectueux, ça compense. Nijirō sourit lorsqu’Iseul lui montre le vase qu’elle a choisi. Il est convient parfaitement. Il n’en attendait pas moins venant d’une fleuriste. Le message n’était pas anodin… Nijirō voulait sincèrement se faire pardonner. D’autant plus que ces derniers temps, il a l’impression qu’ils s’éloignent…

- Oui, très bien. J’ai dû aider deux élèves du lycée, qui ont un examen important bientôt. Désolé, j’ai oublié de te prévenir.

Ce n’est pas rare en Corée du sud, les tutorats, les cours privés après l’école… La réussite est importante, d’autant plus au lycée, puisqu’elle sera déterminante pour l’admission à l’université des lycéens. Nijirō tient à les accompagner autant qu’il peut.

- Et toi ? La boutique tourne toujours bien ?

Nijirō a toujours encouragé Iseul à suivre son rêve : ouvrir une boutique de fleuriste. Il sait qu’elle est dans son élément parmi les fleurs et les plantes. Il l’a constaté à maintes reprises. Ça lui fait plaisir de la voir s’épanouir depuis qu’elle tient ce commerce. Leur relation change, mais il a de l’affection pour Iseul malgré tout. Cela ne changera sans doute jamais.

- J’aurais dû te prévenir, excuse-moi. Tu n’as pas mangé ? il demande alors inquiet. Tu n’aurais pas dû m’attendre…

C’est adorable qu’elle l’ait fait, mais elle aurait pu manger. Il ne lui en aurait pas voulu… Ou peut-être qu’elle est lassée de l’attendre à chaque fois et que cela lui a coupé l’appétit. Il pourrait comprendre… Nijirō se promet de faire des efforts. Comme toujours… Et pourtant…

- C’est bientôt la période d’examen, les lycéens sont tous stressés, enfin certains s’en moquent, mais ceux qui visent une bonne université ont beaucoup de pression sur les épaules. J’essaie de les aider autant que je peux s’ils ont des difficultés en sciences.

Il va dans la cuisine et s’approche du frigo.

- Tu veux que je regarde ce qu’il y a dans le frigo et que je prépare le dîner rapidement ?

@Itō Nijirō
« Je me doute, et j’aime ce genre de surprises » Elle avait beau être fleuriste, ça ne l’empêchait pas d’aimer recevoir des bouquets. Quand elle regardait les fleurs choisies par son fiancé, elle voyait le geste et la réflexion derrière celui-ci. Iseul avait beau avoir été peinée par son retard, son attention lui allait trop au cœur et sa joie était réelle. Et ce fut avec beaucoup de soin qu’elle décida du contenant qui allait accueillir ces belles fleurs. Experte, elle pouvait dire que la personne qui avait réalisé ce bouquet avait du talent. Elle apprécia les senteurs qui s’échappa du bouquet et avec un grand sourire, elle remercia à nouveau Neijiro. Il avait bien choisi. « Ce n’est rien » Elle répondit lorsqu’il s’excusa. Elle haussa les épaules, comme si cela n’avait pas d’importance alors que pourtant, elle avait été blessée. Il oubliait parfois de la prévenir et elle avait beau savoir que tout allait bien et ce que c’était normal -il était occupé- ça lui faisait quelque chose. Avant, il n’aurait pas oublié. S’étaient-ils trop habitués l’un à l’autre qu’ils en oubliaient des choses auparavant évidentes ? Essentielles ? « Oui tout se passe bien, j’ai eu pas mal de commandes hier et aujourd’hui. J’aurais de quoi faire pendant un moment » Elle disait ça avec le sourire, s’épanouissant dans son activité. C’était rassurant de voir que ça fonctionnait, qu’elle recevait pas mal de clients. « J’ai l’impression d’avoir quelques habitués, ça fait plaisir de voir qu’ils sont satisfaits et qu’ils reviennent » Il n’y avait pas plus beau cadeau qu’un client appréciant son travail. « Je dois travailler sur de prochains ateliers par contre mais je ne sais pas comment m’y prendre alors, je repousse » Ce n’était pas évident de tout gérer seule, c’était un côté de la vie d’entrepreneuse qu’elle découvrait pour la première fois. Prendre ses marques nécessitait du temps.

Iseul avait beau se dire qu’il n’était pas nécessaire de faire des remarques à Neijiro, elle ne pouvait pas cacher ce qu’elle ressentait. Elle avait été indécise, ne sachant pas si elle devait l’attendre ou non et, elle décida de lui faire comprendre. Ce n’était pas agréable de le voir se sentir coupable mais elle avait besoin qu’il se rende compte qu’elle avait été blessée, un peu. Parfois, elle se demandait si elle ne cherchait pas la petite bête mais elle était sur la défensive, ses doutes sur le qui-vive. « Pas encore, je n’ai pas pris le temps de cuisiner du coup » Elle n’avait pas eu la motivation ni même l’appétit pour, ne sachant pas si elle avait besoin de l’attendre ou non. « Je les comprends, ce n’est pas une période facile. Surtout s’ils ont la pression sur les études qu’ils visent » Tous deux en avait conscience avec les études qu’ils avaient mené. Même si Iseul n’avait pas été au bout des sienne concernant la médecine, elle avait connu des périodes difficiles à cause de ses objectifs. Elle avait fait de son mieux pour réviser et réussir dans cette voie mais elle avait fini par arrêter de se leurrer. Elle s’était concentrée sur ses désirs, essayant de se libérer des attentes qui la concernait. Ça n’avait pas été simple mais, elle avait réussi. Autrement. Malgré tout, elle n’avait pas oublié les moments pénibles, ceux que de jeunes élèves devaient actuellement supporter. « Heureusement qu’ils t’ont, je suis sûre que tu les aides beaucoup » Elle avait beau être jalouse du temps qu’il accordait à son métier, elle ne pouvait pas nier qu’il était fait pour ça. Qu’il aidait et qu’il était passionné, c’était beau de le voir s’épanouir ainsi en aidant des plus jeunes. Elle était extrêmement fière de son parcours et des choix qu’il avait fait. « Um, ce serait bien. Tu veux de l’aide ? » Elle avait retrouvé l’appétit et elle avait l’impression qu’ils avaient besoin de ça, de moments à deux pour se retrouver. Elle voulait taire cette voix dans sa tête qui lui murmurait des idées qu’elle n’appréciait pas. « A part si tu préfères qu’on commande » Elle ajouta, lui laissant la possibilité de choisir une autre option.  

@Park Iseul
Le sourire d’Iseul a quelque chose de réconfortant. Pendant un instant, Nijirō pourrait se dire que rien n’a changé. Même s’il faut voir la réalité en face… Ce n’est pas la réalité. Il serait bien incapable d’expliquer pourquoi il a ce ressenti. Il aime toujours Iseul… Ou peut-être que c’est juste de l’affection ? Ils se connaissent depuis longtemps, Elle est son premier véritable amour... Leur couple tient depuis dix ans, il l’a demandé en mariage, ils avaient prévu de se marier, ils ont déjà évoqué le fait d’avoir des enfants… Nijirō ne veut pas perdre un amour aussi précieux à ses yeux. Pour se raccrocher à quelque chose de plus positif, il concentre son attention sur Iseul. Elle met toujours un soin tout particulier à s’occuper des  fleurs et autres plantes. Elle est épanouie depuis qu’elle a sa propre boutique. Il est soulagé que ce cadeau lui plaise. La jeune femme pourrait trouver cela complètement nul de se voir offrir des fleurs, ou peut-être qu’elle fait semblant pour ne pas lui faire de peine… Nijirō préfère ne pas se poser la question. Le moment de lui présenter des excuses est inévitable. Il lui doit bien cela, à défaut de penser à la prévenir… Pour avoir évolué dans les systèmes scolaires japonais et sud-coréen, Nijirō sait qu’ils ont un point commun : la pression imposée aux élèves. Ils faut être bien classé aux examens d’entrée à l’université pour ne pas avoir à se rabattre sur un choix par défaut et ne pas rater sa vie. C’est ce qui est sans cesse rabâché aux étudiants. Les cours du soir sont légions, Nijirō tient à les aider autant qu’il peut, même si cela signifie faire des heures supplémentaires.

- Tant mieux. La boutique tourne bien, c’est chouette !

Iseul peut enfin vivre de son rêve et Nijirō est si fier d’elle. Il ne regrette pas de l’avoir encouragé, même quand elle voulait renoncer. Lui aussi, espère un jour pouvoir réaliser le sien… Il a déjà publié un roman, qui a rencontré un petit succès local. Il aimerait poursuivre sur cette voix, devenir un auteur de polar reconnu, se hisser aux côtés de Murakami Ryū, Murakami Haruki, Higashino Keigo… C’est son ambition, qui pour le moment n’est pas prête de se concrétiser. L’écriture de son second roman est laborieuse. Il ne parvient pas à aligner trois mots, le syndrome de la page blanche le contraint à revoir ses rêves à la baisse.

- C’est parce que tu es la meilleure dans ton domaine, il rétorque avec un sourire. Pourquoi tu ne proposerais pas des ateliers d’Ikebana ? C’est japonais, mais ça pourrait peut-être attirer des curieux ? Ma mère pourrait peut-être t’aider si tu as des questions ?

Nijirō ne prétend pas maîtriser à la perfection l’art floral japonais, c’est même tout le contraire, mais sa mère doit avoir quelques connaissances et elle adore Iseul. Elle ne refuserait jamais de lui donner un coup de main si sa belle-fille lui passait un coup de téléphone. Enfin, ils ne sont pas mariés, officiellement elle n’est pas encore sa belle-mère, mais c’est tout comme depuis le temps… Il ne reste que des formalités administratives.

À la réponse d’Iseul, Nijirō ouvre le frigo pour vérifier ce qu’il reste. Il cuisine un petit peu, rien de très compliqué, mais il se débrouille.

- Tu préfères du riz frit au kimchi ou des udon au kimchi ?

Il sort ensuite les ingrédients qu’il faudra pour préparer le plat qu’Iseul a choisi. Ils continuent de discuter du travail de Nijirō, bien qu’il se dise qu’il aurait peut-être mieux fait de changer de sujet pour ne pas remuer le couteau dans la plaie…

- Je fais de mon mieux.

Pour Nijirō c’est important d’être là pour ses étudiants. Il se rend compte trop tard que cela empiète dangereusement sur sa vie privée. Il a aussi sacrifié énormément lorsqu’il était étudiant en médecine, il sait ce que c’est… Nijirō n’est finalement pas aller au bout de son cursus par conviction personnelle, mais il a trouvé une autre vocation dans l’enseignement.

- Tu peux te détendre et profiter, je m’occupe de tout, mais si tu y tiens, je veux bien que tu sortes le kimchi et que tu en sorte une petite portion pour le bouillon.

Un perroquet perché sur l’épaule, pour ne pas changer des habitudes, Nijirō commence à s’affaire en cuisine. Hathor est très attachée à son humain et elle passe son temps perchée sur son épaule. Outre sa couleur, elle n’a pas hérité du même nom que la déesse égyptienne de l’amour pour rien.

@Itō Nijirō
Iseul ne saurait dire si elle avait été blessée par l’absence de message de son fiancé ou si elle utilisait ce fait pour expliquer la peine qu’elle ressentait. Ce n’était pas la première fois que ça arrivait et elle savait qu’il était occupé par son travail ; comment pouvait-elle lui en vouloir alors qu’il était passionné ? Tout comme elle, il s’épanouissait dans son travail et était prêt à faire des heures supplémentaires pour aider ses élèves. Elle était fière de lui, heureuse pour lui mais, être mis de côté avait un goût amer. Elle avait l’habitude, ça ne lui faisait plus autant de peine ; elle comprenait. Alors, pourquoi était-elle aussi confuse ? Pourquoi avait-elle cette tristesse au fond d’elle ? Pourquoi avait-elle l’impression de devoir être blessée même si ce n’était pas le cas ? Était-elle vraiment triste de cette situation ou était-ce à cause de l'absence d’émotion qu’elle ressentait parfois ? Elle soupira discrètement, ne s’attardant pas sur ces interrogations incompréhensibles. Elle était heureuse de retrouver Neijiro, elle n’avait aucun doute là-dessus et elle appréciait le bouquet qu’il avait acheté. Elle ne feintait pas, elle aimait les fleurs même si elle en voyait constamment. « Oui, je suis très contente. J’espère que ça va durer » Son compagnon avait suivi ce projet de A à Z et il connaissait ses peurs, c’était facile de lui de les lui confier. Depuis le temps qu’ils se connaissaient, il n’y avait plus de secret entre eux. Ou presque. « Oh… c’est une excellente idée! » Nijiro était également le premier à lui offrir des idées et à l'aider à imaginer des projets. « J’appellerais ta mère pour lui demander des conseils mais j’aime beaucoup. Je pense que ça pourrait beaucoup plaire » Elle adorait de son côté mais il y avait peu de choses qu’elle n’aimait pas quand il s’agissait de l’art floral. « On en avait fait il y a quelques années il me semble, tu te souviens ? » Une petite expérience qu’elle gardait en mémoire et qui apportait une douceur supplémentaire à cette activité. Des souvenirs avec Nijiro, elle en avait plein la tête. « Tu me donneras ton avis aussi, n’est-ce pas ? » Elle demanda en lui faisant les yeux doux. Il était bien placé pour l’aider avec un point de vue extérieur puisqu’il était japonais. D’une certaine façon, Iseul baignait elle aussi dans cette culture depuis leur rencontre. Que ce soit par son biais ou par sa belle-famille. « Mes parents veulent nous recevoir d’ailleurs » Elle informa avec un soupir, cette perspective peu motivante. Elle aimait ses parents mais il y avait des sujets sensibles et elle se sentait vite inconfortables dans certaines situations. Au moins, niveau vie amoureuse, elle avait tout bon.

« Udon » Elle demanda sans hésitation même si les deux plats lui convenaient. « Je n’en doute pas » Elle répondit avec le sourire, fière de lui. Elle aimerait qu’il s’épanouisse encore davantage en pouvant vivre de sa passion pour l’écriture mais ce n’était pas si simple. Ecrire un livre ne se faisait pas en un claquement de doigts et il ne comptait pas ses heures en tant que professeur alors, ça lui laissait aussi moins de temps pour cette seconde activité. Ces temps-ci, il semblait même avoir quelques difficultés mais Iseul n’osait pas l’embêter à ce sujet. « Je m’en occupe » Il était plus agréable de partager ce moment, surtout qu’ils ne passaient plus autant de temps qu'avant avec leur métier respectif. Toute occasion était bonne à prendre alors Iseul s’occupa du kimchi tout en discutant avec son fiancé. « Hathor ne compte pas te lâcher » Elle commenta en riant, bien qu’habituée à cette situation. « Ils sont contents de te voir à chaque fois, je suis incapable de te faire concurrence » Elle les aimait beaucoup et ils n’étaient pas mécontents de sa présence à priori mais, leur préférence était évidente. Sans surprise, Nijiro en prenait soin et ils étaient ses perroquets. « Il y a un petit coquin qui a choppé le stylet de la tablette d’ailleurs et je ne sais pas où il est tombé » Maniaque au possible, elle risquait de rapidement tomber dessus. « Et voilà » Elle avait terminé sa tâche qui n’avait pas été difficile à réaliser et proposa de faire la vaisselle des premiers éléments se trouvant dans l’évier ; avec elle, tout retournait vite à sa place.  

@Park Iseul
Nijirō avait conscience qu’il pouvait faire des efforts… Au lieu de prendre les problèmes à bras-le-corps, il les fuit. Ce n’est pour rien s’il passe moins de temps à l’appartement. Certes, il a l’attention toute particulière que requiert certains élèves, surtout à l’approche d’examens importants, mais même en médecine, il prenait toujours du temps pour profiter de la présence d’Iseul. En ce moment, il peut y avoir plusieurs jours d’affilée où ils se croisent en coup de vent, parce que Nijirō rentre tard, part tôt, profite de certains matins pour dormir, tandis qu’Iseul doit aller ouvrir la boutique. Il voit bien que leur relation s’étiole, que la distance et la routine s’installent. Il assiste à ce spectacle, impuissant. Nijirō ne sait pas comment agir… En réalité, il a peur de voir leur histoire s’effondrer. Iseul est sa première petite-amie, du moins, la première avec laquelle il s’est engagé aussi sérieusement. La jeune femme connaît très bien les parents du professeur et vice-versa. Ils sont devenus, avec le temps, un membre à part entière de la famille de l’autre, ils ont déjà parlé mariage, ils se sont fiancés, il ont aussi discuté d’un futur à deux, avec des enfants éventuellement… Ils avaient des projets. Si tous les couples avec des projets de vie était exempts de tous problèmes, ça se saurait…

Ce soir encore, Nijirō est rentré tard, sans prévenir Iseul. Cela ne part même pas d’une mauvaise intention pris dans ses cours, le tutorat, l’aide qu’il apporte à certains élèves… Le temps passe vite, il prend peu le temps de se poser et on en arrive là : Iseul qui l’attend seule à la maison. Enfin, pas complètement seule, les trois perroquets de Nijirō sont là pour lui tenir compagnie. Toutefois, cela ne remplace pas la présence de son fiancé. Quand ils se retrouvent enfin tous les deux, on pourrait presque croire que tout va bien… Est-ce qu’Iseul a aussi conscience que quelque chose ne va pas ? Bien sûr, elle est la première à ressentir l’absence de Nijirō… Le Japonais sourit, ravi que son idée soit si bien accueillie. Il est certain que sa mère sera aux anges de pouvoir aider Iseul. Elle l’adore. Si leur couple venait à ne pas survivre, il sait qu’elle serait déçue. Elle qui voit déjà son fils marié, papa… Nijirō sent son coeur se serrer à l’idée de la décevoir une seconde fois. Il l’a déjà fait en abandonnant ses études de médecine, bien que ses parents aient toujours répété qu’ils le soutenait dans ses choix, lui-même a encore du mal à l’avaler.

- Je m’en souviens. C’était il y a longtemps, c’était lors de notre premier voyage au Japon tous les deux.

Nijirō se souviendra toujours de la première fois qu’il a emmené Iseul découvrir son pays natal et évidemment… Rencontrer sa famille, l’un ne pouvait pas se faire sans l’autre. Ses parents avaient hâte de rencontrer la belle et il a remarqué que le courant est tout de suite passé entre sa mère et Iseul.

- Bien sûr que je te donnerai mon avis! Tu peux aussi proposer un atelier pour apprendre à tailler un bonzaï. Ça risque de coûter plus cher, mais tu peux en faire une initiation une fois pour marquer le coup… Ou tu pourrais t’associer avec un artisan qui fait de la poterie pour proposer un atelier de création de pot de fleur en terre ou juste un atelier de décoration de pot de fleur, si c’est plus simple à mettre en place.

Il ne manque pas d’idée. Iseul a certainement déjà pensé à certaines d’entre elles, il sait sa fiancée créative et pleine de ressource.

- Ah… Quand ça ?

Le jeune homme essaie de ne pas montrer son appréhension. Nijirō connaît très bien les parents d’Iseul, mais dernièrement… Tout paraît si compliqué. Il sait aussi que sa fiancée n’est pas toujours à l’aise avec ses parents. Il n’y a pas de problème majeur entre eux, mais comme tout parent qui s’inquiète pour leur fille, ils se permettent d’un peu trop donner leur avis sur certains sujets.

Sans réfléchir davantage, Nijirō se met aux fourneaux. Ce n’est pas long de préparer des udon au kimchi. Un peu de kimchi pour le bouillon, des épices, de la sauce soja, quelques légumes tout de même pour donner du goût et pour avoir bonne conscience. Puis, à la dernière minute, on ajoute les nouilles.

- C’est un pot-de-colle. Je crois que sur les trois, c’est celle qui sera la plus jalouse quand on aura des enfants.

Il se rend compte après coup de sa maladresse. Il n’a même pas dit « si on a des enfants ». Il sait qu’Iseul ne serait pas contre fonder une famille, ils en ont déjà discuté, mais dernièrement, Nijirō a un peu trop l’impression de marcher sur des œufs et il ne veut pas mettre sa fiancée mal à l’aise.

- Je suis sûr que tu le retrouveras rapidement. Merci !

Il prépare le bouillon, concentré sur ce qu’il fait puis il ajoute les légumes, et enfin les nouilles, lorsqu’ils sont assez fondants.

@Itō Nijirō
Même si Iseul était tracassée ces derniers temps, elle se rattachait à l’affection qu’elle éprouvait pour son fiancé. Ils étaient ensemble depuis plusieurs années, ils se connaissaient par cœur et avait vécu énormément de choses tous les deux, et elle chérissait chaque instant. Y compris les moments difficiles qui avaient fortifié leur couple, les rendant plus fort que tout. Pourtant, depuis quelques temps, tout n’était plus aussi évident qu’avant. Iseul commençait même à douter de ses sentiments alors qu’elle était heureuse aux côtés de Nijiro. Depuis leur rencontre, tout allait bien entre eux ; ils s’étaient bien trouvés mais ça ne semblait plus suffisant. Comme si fournir des efforts devenaient plus pesant, comme si la magie n’opérait plus et que quelque chose leur manquait. Le jeune homme avait-elle le même ressenti ou était-elle la seule à douter ? Cette idée lui faisait peur car elle ne s’imaginait pas fuir une relation aussi saine, aussi « parfaite ». On avait beau tout avoir, ça ne suffisait pas toujours. Quelque chose ne fonctionnait plus, mais elle ignorait d’où ça venait. Peut-être que c’était elle, le problème. Quelque chose ne tournait pas rond… Pourquoi se sentait-elle parfois si détachée de son couple ? L’idée d’être en train de perdre Nijiro lui faisait mal… Que souhaitait-elle vraiment ? « Wow, ça fait si longtemps ! » Un sourire nostalgique étire délicatement ses lèvres alors qu’elle se revoyait des années plus tôt, nerveuse dans ce pays inconnu pour rencontrer ses beaux-parents. A présent, ils étaient tous très proches ; elle avait l’impression d’avoir gagné une deuxième famille tant elle avait été accueillie avec bienveillance et amour dans sa famille japonaise. « Ce serait bien d’y retourner d’ailleurs… Ca ne te manque pas ? » Malheureusement le temps leur manquait, notamment avec la boutique. L’ouverture était récente et Iseul étant propriétaire, sans elle, la boutique ne fonctionnait pas, ce qui réduisait son temps livre et ses congés. En soit, elle pouvait décider de fermer mais ça ne lui semblait pas prudent pour le moment.

« J’ai quelques noms qui me viennent en tête, j’avais déjà contacté certains artisans alors ce serait en effet une très bonne idée ! Ce sont des projets sur lequel se pencher sérieusement…. Je suis contente de voir qu’on visualise les mêmes choses » Nijiro était toujours le premier à l’aider pour trouver des idées ou l’aider à en développer ; avoir son point de vue était très utile. Il avait une connaissance du milieu grâce à Iseul mais il avait aussi un regard extérieur qui apportait d’autres nuances. Ça aidait la jeune femme qui se sentait chanceuse d’être aussi bien entourée. Comment pouvait-elle envisager -ne serait-ce qu’un instant- un quotidien sans lui ? « Ils m’ont demandé nos disponibilités et j’ai dit que j’allais voir avec toi. Pas vraiment de préférence de leur côté mais je me doute qu’ils espère une réponse rapide » Elle répondit sans entrain même s’ils allaient tout faire pour s’y rendre. Ça aurait été mal venu de refuser ou même de repousser la rencontre. Même si c’était ce que la jeune femme souhaitait pour éviter des sujets de conversations peu confortables. Ses parents n’avaient pas peur de blesser leurs enfants même si souvent, ils ne se rendaient même pas compte de leurs comportements et propos. Iseul savait que ses parents l’aimaient mais, elle avait vécu toute sa vie dans l’ombre d’une sœur « parfaite » et ça l’avait éprouvé. Elle savait aussi qu’elle les avait déçus sur plusieurs aspects et le seul qui semblait les rendre heureux n’était pas au beau fix. Certes tout allait bien avec son petit-ami mais elle était emplie de doutes.

Un court silence s’installa alors que les mots de Nijiro montaient au cerveau de la jeune hemme. Des enfants… elle s’était toujours imaginé mère de famille et elle en voulait toujours. Pourtant, s’imaginer dans ce rôle lui faisait peur. Elle ne se sentait pas prête, trop inquiète sur l’avenir de son couple pour ça. Couple qu’elle comptait sauver si cela devenait nécessaire mais il était difficile d’ignorer ses inquiétudes. Avoir des enfants dans ce contexte était une mauvaise idée. Cette phrase, aussi, lui rappelait qu’elle était certainement la seule à se questionner ainsi. « Ça nous fera encore plus de travail, décidemment. Tu penses qu’on aura droit à plus de temps ? Genre 24h de plus pour dormir ? » Elle ria doucement, mutant son trouble. Elle n’était pas censée se sentir coincée, ils ne parlaient pas sérieusement et elle ne voulait d’ailleurs pas s’attarder sur une conversation si délicate.  « J’espère » Elle s’attela à sa préparation, aidant à petite échelle son fiancé. Ce dernier ressemblait à un pro et elle s’autorisa quelques secondes pour l’admirer cuisiner. « Ça sent bon » Elle constata en s’approchant du plat, la vaisselle terminée. « J’installe la table » Elle ne perdit pas de temps et rapidement, ils purent déguster le délicieux plat préparé par le Japonais. Elle le complimenta puis l’interrogea sur sa journée : « Tu as des copies à corriger d’ailleurs ou tu es tranquille ce soir ? »

@Park Iseul
C’était il y a longtemps, effectivement… Leur premier voyage à deux au Japon commence à dater. Leur couple était à ses balbutiements. Leur relation était sérieuse, puisqu’un voyage dans le pays natal de Nijirō impliquait de rendre visite à ses parents, mais le début de leur histoire était récente. Le jeune homme y pense avec nostalgie. Tout semblait si simple à l’époque… Il n’avait pas idée que leur couple tiendrait aussi longtemps. Il l’espérait, évidemment, il aimait beaucoup Iseul et cet amour n’a fait que grandir au fil des années passées à ses côtés. Pourtant, quand Nijirō se remémore ces souvenirs, il se demande comment il peut se sentir autant en décalage avec leur relation aujourd’hui. Après tout ce qu’ils ont partagé, toutes les épreuves qu’ils ont traversées. La logique voudrait que leur relation soit plus forte que tout. Dans un sens, c’est le cas. Ils se connaissent par cœur et si Nijirō se retrouvait dans une situation où il devait appeler la personne à laquelle il fait le plus confiance dans ce monde, ce sera Iseul, sans hésitation. Néanmoins, il a la sensation que leur lien s’étiole et se dénoue. Ce n’est peut-être qu’une mauvaise passe, un passage à vide. Nijirō n’a pas l’intention de tirer un trait sur leur couple aussi facilement. Quand quelque chose ne va pas, on en parle, on essaie d’arranger les choses. C’est ce qu’il aurait fait en temps normal. Alors pourquoi hésite-t-il désormais ? Par crainte peut-être ? Exprimer ses peurs à ce sujet rendrait ce sentiment étrange qu’il ressent bien trop concret ? Il ne veut pas donner le premier coup de hache qui mènera à la rupture total du lien qui les unie… Il a toujours envie de se marier avec Iseul… D’avoir des enfants avec elle… Alors pourquoi la date de ce fameux mariage est-elle sans cesse repoussée ?

- Un petit peu, on pourra y retourner bientôt si tu veux. Selon comment tu peux t’organiser pour la boutique.

Maintenant qu’Iseul est l’heureuse propriétaire d’une échoppe de fleuriste, c’est plus difficile pour elle de prendre des congés, surtout qu’elle y travaille seule. Il faudra aussi faire avec les contraintes du poste de Nijirō, hors vacances scolaires, c’est impossible pour lui d’avoir des congés. Il est vrai que la Japon lui manque, particulièrement ces derniers temps, il le reconnaît… Ils ont peut-être besoin de ça ? Un peu plus de temps passer à deux, un voyage loin du quotidien pour se retrouver… En y repensant, ça fait longtemps que Nijirō n’a pas passé les fêtes de fin d’année dans son pays natal. C’est plus souvent ses parents qui sont venus. Quand il était étudiant en médecine, c’était compliqué, aujourd’hui il y a la boutique. Nijirō n’en veut absolument pas à Iseul, il est fier d’elle et heureux qu’elle s’épanouisse. Il est même prêt à l’aider pour trouver des idées.

- Je suis sûr que ça pourra attirer des clients. Content de pouvoir t’aider. Je vais peut-être devoir penser à demander un salaire d’assistant pour te donner toutes ces bonnes idées, il répond taquin.

Ils n’ont pas vu les parents d’Iseul depuis un certains aussi, c’est un fait. Pourtant, ils n’habitent pas loin. La routine fait des ravages. Tout le monde est trop pris dans son quotidien, on passe à côté des bonnes choses. Ou peut-être était-ce inconsciemment volontaire, pour éviter les éventuelles questions au sujet de leur couple.

- J’aurais préféré pendant les congés scolaires si c’est possible. En ce moment, j’ai pas mal de choses à faire.

Le week-end ça pourrait être jouable, mais ici, Nijirō cherche clairement une excuse pour repousser cette échéance et se permettre d’y réfléchir plus tard.

Sans le savoir, Nijirō a le même ressenti qu’Iseul. Il a toujours voulu être père. Ils en ont discuté de nombreuses fois. Depuis le début, ils partagent cette volonté de fonder une famille, sans se précipiter. Aujourd’hui… Nijirō ressent encore l’envie d’avoir des enfants, mais la situation lui paraît trop… Bancale ? Il préfère ne pas en parler et rebondir sur la plaisanterie de sa fiancée.

- Si seulement… Je ne pense pas. Heureusement que j’ai appris à fonctionner avec peu d’heures de sommeil grâce aux études de médecine, il rétorque, ironique.

Sans plus tarder, Nijirō s’affaire en cuisiner. Il aime bien ça, c’est un moment de détente après le travail et il prend soin d’Iseul en veillant à ce qu’elle se nourrisse correctement, malgré ses absences à répétition dernièrement. C’est seulement en s’installant à table que Nijirō réalise qu’il meurt de faim lui aussi.

- J’ai des copies à corriger, mais ça peut attendre. Tu veux faire quoi ce soir, regarder un film ?

Le problème quand on est prof, c’est qu’on a toujours quelque chose à faire : des copies à corriger, des cours à préparer, du matériel à planifier, des réunions, des conseils, des bulletins à remplir… Ce n’est jamais terminé. Jamais. C’est à chacun de fixer ses limites et de savoir s’arrêter quand il faut. Ce soir Nijirō décide de lever un peu le pied et de faire plaisir à Iseul. C’est peut-être ce qu’il manque à leur couple en ce moment, plus de temps à deux. Il va essayer de faire des efforts...

@Itō Nijirō
« Ce serait bien ! » Elle répondit avec un doux sourire, des images plein la tête. La situation devenait complexe entre eux mais ils avaient vécu de belles choses et Iseul chérissait chaque moment. Même si les doutes avaient commencé à prendre place, elle était heureuse en voyant tout ce qu’ils avaient parcouru ensemble. Leurs amis n’auraient certainement pas parié sur eux à l’époque et pourtant, leur amour était resté fort. Leur premier voyage au Japon avait signifié une rencontre avec la famille de son petit ami, ça n’avait pas été une étape anodine. Ça avait prouvé le sérieux de la relation et à présent, les deux familles se connaissaient et étaient les premières à les relancer pour le mariage. Cet évènement dont Iseul avait longtemps rêve et qui depuis plusieurs mois lui faisait atrocement peur. Elle ne doutait pas de ses sentiments pour Nijiro mais ces derniers n’avaient plus le même gout qu’avant. Quelque chose avait changé entre eux. Ils avaient changé. Ils ne savaient plus vraiment où se situer et ne savaient pas comment réparer cette situation qui empirait à petit feu. Iseul chassa les inquiétudes pour se concentrer sur l’instant présent. Peu importe ce qu’elle éprouvait à l’égard du mariage, ce n’était pas le sujet. «Si j'arrive à trouver quelqu'un de confiance, ça devrait devenir plus simple mais pour l'instant, il faut que je ferme quelques jours alors à voir » Ce n'était pas simple de gérer une boutique, elle ne pouvait pas s'absenter facilement car ça coûtait de l'argent. Une journée de fermeture imprévue pouvait impacter son activité et elle ne voulait pas prendre de risque alors qu'elle était encore en train de tout mettre en place. Il fallait du temps pour que des clients deviennent réguliers et elle se faisait encore connaitre. Aussi, elle tentait de mettre en place des ateliers et elle avait des contrats pour des projets divers et variés : cela prenait du temps et elle ne pouvait pas se multiplier. Depuis quelques temps, elle envisageait d'embaucher quelqu'un et avait une piste qui lui plaisait bien. Peut-être qu'au bout d'un certain temps, elle pourrait se libérer davantage de temps libre en laissant quelqu'un d'autre gérer la boutique. Quelques heures pour commencer et peut-être plus par la suite. Tout cela demandait du temps mais c'était un sacrifice qu'elle était prête à prendre. Nijiro était compréhensif à cet égard, ça facilitait beaucoup les choses. Il passait lui aussi beaucoup de temps au travail alors, il comprenait mieux que quiconque. Ils avaient leur passion bien à eux alors passer du temps dans leur coin n'était ni dérangeant ni inquiétant. Ça le devenait lorsque le travail devenait une excuse pour s'éloigner... Iseul se demandait si sa présence suffisait toujours à son compagnon et si la routine n'avait pas fait de dégât avec les années. Peut-être était-elle devenue ennuyeuse...

Même si les doutes pesaient, la jeune femme était ravie de constater que leur entente était toujours au rendez-vous. Rien n'avait réellement changé au fond, mais le ressenti avait évolué et des questions étaient soulevées. Ils n'en parlaient pas, Iseul n'avait exprimé aucun de ses doutes, peut-être dans l'espoir que ça suffirait à les chasser. Se taire permettait de continuer à se voiler la face. C'était d'autant plus facile quand ils plaisantaient de cette façon, comme ils en avaient l'habitude depuis toujours. «Um, il va falloir que je regarde mes comptes. Je risque d'avoir à te verser une belle commission » Elle ria doucement, son aide essentielle et réconfortante. Elle s'approcha de lui pour déposer un baiser sur ses lèvres, le geste naturel et agréable. L'attirance était toujours là, elle ne pouvait pas le nier mais les sentiments avaient parfois une saveur étrange. « Ça m'arrange aussi, je leur dirais que c'est le mieux et ils comprendront » Il n'étaient pas mécontents du parcours de leur beau-fils même s'ils auraient préféré le voir médecin. Comme si ça avait de l'importance pour eux... Pour autant, ses parents adoraient Nijiro et ils étaient si fiers de la vie sentimentale de leur fille dont la relation semblait idéale. Parfois, Iseul se demandait si ça n'avait pas joué dans la durée de leur couple. Tout le monde les trouvait si bien assortis, si beaux ensembles. Ils semblaient destinés et le moindre de doute avait toujours été repoussé. « Ca nous évitera des sujets peu sympathiques à aborder, tu les connais. Ils aiment mettre les pieds dans le plat » C'était peu dire et Iseul en était souvent la victime. Elle avait beau avoir réussi dans son couple, tout le reste ne convenait pas à ses géniteurs... Surtout quand elle était comparée à sa grande sœur.

« Je confirme, ça semble être un très bon entrainement » Elle n'avait pas été jusqu'au bout, elle avait à peine tentée la première année avant de réaliser que ça n'était pas fait pour elle. Les efforts n'allaient pas être suffisants dans cette voie, il lui manquait une volonté et une réelle détermination pour réussir. Elle avait néanmoins eu le temps de se faire des amis dans cette filière et elle avait surtout rencontré Nijiro qui avait été bien plus loin qu’elle. Il avait connu les révisions mais aussi les journées et les nuits à l'hôpital. Elle avait été témoin de sa fatigue.  « Tu seras donc chargé de gérer les nuits, vu que tu as déjà l'expérience autant en profiter » Elle le taquina, amusée par la conversation même si elle avait aussi très peur. Quand elle imaginait son futur, elle voyait des enfants avec son fiancé mais cette vision n'était pas si réconfortante à présent... Elle était même un peu effrayante. Ça n'était pas encore le moment... « Tu as beaucoup de copies? » Elle demanda, déçue de savoir qu'il avait encore du travail. Elle comprenait mais elle avait besoin d'être rassurée en passant du temps avec lui. « Je peux t'attendre et si tu n'es pas trop fatigué, on peut se faire une soirée devant la télé, sous un plaid » Elle lui proposa un programme très simple mais efficace. Des soirées comme ça, ils en avaient passé des centaines et elle adorait toujours autant cette parenthèse rassurante. « Ou je t’aide à corriger, je suis sûre que ça plairait à tes étudiants. » Des A+ partout, ça ne pouvait que satisfaire !