Un parfum délicat sur les poignets, une goutte sur le cou et la diffusion était instantanée. L'odeur familière ramenait un vent de confort lors de ces sorties, ponctuelles, mais stressantes. Un trajet court, qui te donnait pourtant quelques minutes pour réfléchir à une parade, un discours. Ce genre d'évènements particuliers devenaient rapidement une fourmilière à rumeurs. La tienne courait depuis bien longtemps et s'ils se pensaient discrets, tu pouvais tout entendre. Toi qui ne voyait aucune œuvre affichée tu pouvais tout entendre. Critique, sentiments, ou bien potins derrière une coupe de champagne. Des gens qui se croyaient tous mieux les uns que les autres, cherchant à acquérir ce qui valait, sans savoir la raison de cet attrait. Ce que tu faisais ici ? Le sourire aux lèvres tu contredisais. Tu aimais faire parler, pointer ton nez là où on personne ne t'attendait, prendre une coupe de champagne et la déguster comme si tout était normal. Tout comme tu aimais cette voix qui s'élevait presque timidement. Tu la connaissais, et il ne te fallut que peu de temps pour t'approcher, la reconnaître. "J'aurai besoin d'un guide." Le sourire toujours porté comme un bijou de grande qualité tu finissais par glisser une main sur son bras pour finir par le tenir tel un ami de longue date voire même plus. "Les gens parlent des oeuvres mais il me manque la description. Vous pouvez me traduire ? " Lui donner le choix était bien généreux, quand tu venais de l'alpaguer ainsi, laissant peu de place entre vous. "On se connait déjà n'est ce pas ? " Une preuve que tu n'avais pas oublié. Parce que tu n'oubliais jamais. Du moins pas sans le vouloir.

« Un guide », que tu répétas avec douceur, le sourcil levé. Tu rentrais pas vraiment dans cette catégorie, ton métier en était loin. Tu gardas une esquisse aux lèvres, l'observant sans rien dire, un son amusé vibrant dans la gorge. « C'est plutôt gênant », commentas-tu simplement. « Je vais faire de mon mieux », assuras-tu dans un rire léger. « Je ne deviendrai pas guide pour n'importe qui », tu portais un autre métier pour une soirée, le rire dans la voix alors que tu avançais lentement. « Vous allez bien ? », que tu demandas doucement, observant brièvement les alentours avant de t'arrêter devant un nouveau tableau. Les doigts tapotant délicatement les siens pour capter son attention, indiquant indirectement la direction du tableau. « Il n'y a qu'une jeune fille au milieu du tableau. Elle porte un tablier tâché, les cheveux mal coiffés, et des feuilles éparpillées, et déchirées », te mis-tu à décrire la toile devant vous. « Elle a l'air triste, on dirait qu'elle a pleuré », vins-tu commenter, détaillant avec minutie. « Et si je me fis au descriptif, selon l'auteur c'est la description d'une jeunesse oubliée », tu marquas un temps d'arrêtant, contemplant, réfléchissant. « La jeunesse dans le sens global, certainement », cette jeunesse que chaque adulte avait délaissé dans un coin. « Vous pensez que votre jeunesse se retrouve dans un état similaire ? A broyer du noir dans un coin, les mains sales et le teint pâle... Plutôt triste quand on y pense vraiment », émis-tu calmement, analysant comme tu le pouvais, bougeant vaguement les épaules. « Votre assistant n'est pas avec vous ? »

"Pas du tout." Que tu osais répondre, comme si tu étais à sa place, toi qui le mettais mal à l’aise. "Vous n’avez qu’à dire tout haut ce que vous pensez tout bas. " En plus de décrire une oeuvre. Tu en avais du toupet. Les doigts tapotant doucement le bras qui te soutenait, c’est ton sourire qui le remerciait, excitée à l’idée de “voir” cette exposition. Ou bien était-ce l’envie de montrer au monde si haut que tu pouvais faire comme eux, te cultiver à l’infini en sirotant du champagne. "Très bien et vous ? "L’échange était cordial mais réussissait avec brio à dessiner un sourire sur ton visage. Quelque chose en lui te donnait confiance. Peut-être cette délicatesse qui te faisait t’arrêter, “observer” sans voir le tableau devant vous. Ou bien sa voix qui guidait tes sens pour imaginer chaque détail dépeint. Chaque coup de pinceau venait traverser ton esprit, à ta manière. Une vision qui devenait tienne, qui t’appartenait. La tête penchée vers lui tu continuais d’imaginer. "Les couleurs sont ternes non ? "L’art était une émotion, une qui se partageait, qui se travaillait. Il fallait la comprendre pour la visualiser. La sentir même, quitte à en ressentir le malaise. Même si cela devait te ramener à des temps révolus. "Si elle a pleuré, elle ne pleure plus. Je trouve que c’est positif. Ma jeunesse est encore en train de pleurer je pense. " Elle attend qu’on lui tende la main, après avoir tant de fois piétiné un cœur innocent. Elle attendait patiemment qu’on l’aide. Et ce, malgré l’adulte qui n’en demandait plus. "Non, c’est son jour de repos. Même si nous sommes amis, je respecte sa vie privée. Et puis je ne veux pas le déranger pour rien. Je suis une grande, je m’en sors. " Avec l’aide de quelqu’un d’autres mais tu t’en sortais. En soit, demander c’était se débrouiller. "Et vous ? Votre jeunesse ? " Est-ce qu’elle criait d’abandon comme la tienne ? Ou souriait-elle ? Peut-être qu’elle jouait en compagnie d’autres jeunesses.

« Très bien aussi », vins-tu répondre avec douceur, le sourire léger, étudiant les alentours. Il y avait tellement d’œuvres que tu ne savais laquelle regarder en premier. Toutes les couleurs ne t'intriguaient pas cependant. Tu supposais aussi que ça allait faire beaucoup de tableaux à décrire – mais ça ne te dérangeait pas le moins du monde. Tu porteras ta casquette de guide pour quelques heures. « Elles le sont », répondis-tu dans un mouvement du visage, contemplant les couleurs. « Peut-être qu'elle est trop épuisée pour laisser les larmes couler », supposas-tu dans un chuchotement, observant. « Mais la vous actuelle ne pleure plus, non ? Alors c'est positif aussi en un sens ? », tentas-tu, les pupilles glissant vers elle, les sourcils levés. Et puis c'était sans doute se focaliser un peu trop sur le passé – mais c'était humain de penser à hier au lieu de se concentrer sur aujourd'hui après tout. « Je comprends », tu émis un léger son. Comme elle le disait, elle était assez grande pour se débrouiller toute seule. T'avais juste l'habitude de la voir accompagnée. « Hm ? Ma jeunesse ? », tu clignas des paupières, penaud, avant de rire. « Elle va bien je suppose. Elle doit être en train de se la couler douce dans un coin, et de profiter des câlins de mes mères aussi », tu émis un autre son amusé mais les émotions avaient fait flancher ta voix. « Est-ce que vous regrettez votre jeunesse ? », l'interrogeas-tu, curieux, étant donné qu'elle l'avait décrite comme en train de pleurer. « Pourquoi pleure-t-elle encore ? », vins-tu ajouter, avançant vers un autre tableau. « Là, les couleurs sont beaucoup plus vives », commentas-tu, étudiant le tableau un instant, la gorge vibrant dans un son pensif. « Mais l'idée du tableau reste assez triste je trouve. Tout dépend de quel côté on décide de regarder », et c'était un peu comme dans la vraie vie. Tout dépendait de l'endroit où l'on focalisait son regard : l'ambiance pouvait alors être plus ou moins triste.

La nouvelle de votre moral au beau fixe était réjouissante, ou bien mensongère. Aucun de vous n'avez la voix tremblante. Alors vous abordiez fièrement le premier tableau, Ji Hun faisant de son mieux afin de te le décrire, sans trop en dire. L'art n'avait jamais été que regarder, mais bien ressentir. Un état compliqué lorsqu'on ne voyait pas l'œuvre proposée. Les mots choisis étaient pourtant parfaits, imaginant un tableau comme toi tu le ferais, sûrement loin de la vérité mais proche du sentiment, c'était tout aussi fluide que ce passé que tu dévoilais sans honte. Il avait cette sensibilité, pour être là, t'aider et décrire avec émotion ce qu'il voyait. Ce n'était donc pas étrange de l'entendre ainsi positiver. "Il y a beaucoup de raisons pour arrêter de pleurer. Parfois ce n'est pas parce qu'on est heureux, mais dans tous les cas c'est mieux non ? "Que se soit des personnes fictives sur un tableau, ou toi. "Bien sûr. Le contraire est dérangeant. " Pleurer dans un passé qui ne t'appartenait plus, c'était toujours problématique selon les psy. Pour le développement et d'autres parties sombres et inconscientes. Mais pleurer dans le présent, c'était bien pire. Les lèvres étirées c'est pourtant le coin qui se tordait légèrement en une grimace triste. Et pourtant ce passé venait tordre ton estomac quand tu les voyais partir. Mais tu avais Han Jae. Il ne partirait pas, tu en étais sûre. Ou du moins convaincue pour ton propre bien. "Hm Hm.. ce qu'on voit est souvent relié à ce qu'on ressent. "Comment était elle, sa jeunesse ? Comment se représenterait elle sur un tableau ? Elle avait l'air douce, presque parfaite, si sa voix ne flanchait pas. Discret mais flagrant pour ceux qui ne faisaient qu'entendre. "Vos mères ? On en a plusieurs ? "C'était une famille qu'on parlait peu, l'idée même ne te venant pas à l'esprit, non par fermeture d'esprit mais par ignorance. En attendant, tu venais te rappeler de la tienne, les bras se croisant automatiquement contre ton torse. "Ca ne sert à rien de la regretter, elle est passé. Elle est juste incomplète."Il lui manquait tant qu'on pouvait établir une liste. Une que tu n'énumérerait pas exhaustivement de peur de le perdre en cours de route. "Qu'est ce qu'il dépeint ? " ses couleurs pouvaient faussé la compréhension. Comme pour donner l'impression que tout va bien. On vivait toujours deux vies différentes : celle qu'on voyait et celle que les autres voyaient. Ce contraste décrit pas Ji Hun n'était pas cela ? ".Vous regrettez votre enfance non ? Parce qu'elle avait la capacité de se reposer, de profiter des êtres qui lui manquait. C'était compréhensible. Humain même. Sans un mot ta main glissa de nouveau sur son bras, le suivant lentement où qu'il aille.

« Tout dépend. Est-ce que c'est mieux intérieurement ? Parfois c'est juste mieux de se laisser aller », articulas-tu dans un mouvement d'épaules, songeur. Du genre à préférer laisser aller ses émotions plutôt que les retenir. A quoi bon de toute façon ? C'était une émotion, elle n'avait pas de genre, d'arrière-pensée. Joie, tristesse, colère – même si tu n'aimais pas exprimer cette dernière. Le mieux était de juste se laisser aller, d'extérioriser. Enfin tu supposais que cela devait dépendre des personnes, comme tout. « Pas vraiment. C'est naturel de pleurer », comme ça l'était de rire ou de préférer ne pas sourire. C'était une émotion, encore une fois. Libre à chaque personne de l'exprimer comme il le souhaitait. « Souvent oui », les émotions guidaient la vision. Parfois menant l'illusion jusqu'au bout ou alors la laissant tomber, la brisant en mille morceaux. Encore une fois, cela dépendait de beaucoup de choses. « Oui », affirmas-tu fièrement, le sourire grand et l'air soudainement émerveillé. « Ma maman nous a quittés en début d'année », vins-tu ensuite déclarer, la tristesse dans la voix mais le sourire étirant toujours tes lèvres à sa mémoire. « Il faut la corriger, alors », ce n'était qu'une idée parmi tant d'autres. Mais la corriger pour mieux la vivre aujourd'hui. « Je ne dirais pas que je la regrette mais plutôt qu'elle me manque », expliquas-tu, avançant tranquillement, veillant à ce que sa main soit parfaitement contre ton bras. « Je vais donner l'impression de me vanter mais j'ai eu une jeunesse parfaite à mes yeux », que tu précisais car tu t'en fichais de savoir si aux yeux des autres elle était gâchée. Pour toi, elle était parfaite. « Ma mère me manque. Elle nous manque. Et c'est cette absence qui me donne envie de retourner en arrière. Juste pour la revoir sourire », te confias-tu, sans aucune honte de laisser échapper de telles pensées. « Là c'est... », tu inspiras, la tête basculant d'un côté, puis de l'autre. « Un chien. Cheval ? Mais il est sur le côté droit et... c'est plutôt étrange », un peu difficile de savoir ce que l'auteur voulait dire par là. « Peut-être qu'il rêvait d'avoir une licorne... », marmonnas-tu, le nez plissé, avant de rire. « Vous avez encore soif ? Ils proposent quelques verres un peu plus loin, et à manger. Les petits fours ont l'air délicieux vous en avez déjà goûtés ? »

Les paroles résonnaient doucement à tes oreilles. Laisser aller, se décharger de l'image qu'on tenait comme un masque. N'était-ce pas mieux ? "Est-ce que ça l'est ?" Susurras tu doucement, la tête légèrement penchée. Est-ce qu'il disait vrai ? En fouillant dans des souvenirs on pourrait dire que oui, puis dire que non. La réponse ne trouvant jamais de fin, s'allongeant au gré du temps. Il semblait avoir des idées plus arrêtées, des vérités qu'il se plaisait à te communiquer et qui étirait tes lèvres. Ses mots étaient réconfortant dans un sens, savoir que toute cette haine transformer en larmes n'était qu'un passage, une émotion à enlacer. C'était peut être ce qu'il te manquait. Comme sa mère lui manquait. La voix soudainement serrée malgré le son étiré que ses lèvres devaient amener. Les émotions dans la gorge tu partageais cette tristesse, sans la comprendre réellement, plus que tu n'osais dire, c'était une évidence. "Je suis navrée pour toi. " Et même sans cette amour flottant tu savais quand prononcer des mots de sympathies. Et tu n'étais pas la seule, par caractère ou habilité sociale, il réussissait à te faire sourire, imaginant cette liste interminable de choses que tu aurais aimé vivre. "Ce n'est pas trop tard ? " Tout comme son enfance lui manquait, tout ça était trop tard, un temps révolu qui ne passerait plus jamais. Peut-être que les souvenirs reviendraient, trottant pour nous hanter ou bien nous réconforter. Mais l'un comme l'autre, positif ou négatif, il vous étiez impossible d'y retourner, de tout changer. Seuls les films les plus fantastiques y arrivaient. "C'est honnête de l'avouer. Tant que vous avez bien vécu celle-ci, qui peut vous le reprocher ?  "Le comble même pour un monde hypocrite qui demandait tout et rien à la fois. "Vous avez des photos ? Des vidéos ? Ce n'est pas pareil mais ça reste bien. " Des moments enregistrés, des images pour se rappeler, ne pas imaginer pour finalement douter. Avait-elle dit qu'elle t'aimait ce soir là ? Les souvenirs s'effaçaient et l'impression de l'avoir imaginé devenait plus fort. C'était ce qu'une scène rapide et brève devenait dans un esprit peu clair. La main contre lui, tu pouvais pourtant dire qu'il existait, qu'il était là. Même si demain tout pouvait changer. Le rire brisa le silence de la galerie, la bouche pourtant rapidement couverte avec délicatesse. Il n'était point difficile d'imaginer le tableau, couvert de louanges tandis que personne ne comprenait rien. "Allons goûter ça.. je me rappelle de ceux de l'année dernière ! " Et de ces yeux rivés sur toi. Cécité accrue mais sens aiguisés, il n'avait pas été compliqué de sentir leur regard, prouvant que ta place n'était pas ici. Et pourtant te voici. La vision toujours moins bonne, à "observer" des tableaux invisibles. " Je m'approche là ? " La main tâtonnant doucement tu cherchais à mettre la main sur ce fichu plateau et en gober au moins trois. " Ils paient des fortunes pour avoir des mets délicats alors que personne n'en prend de peur de passer pour un glouton. C'est ironique n'est ce pas ? Observez bien, ils vont tous jouer les choqués en ayant l'estomac vide, grondant de faim. " Le sourire ravi tu arrivais finalement à attraper un petit four le gobant aussi vite. "Hmmmmm il est super bon." Les doigts se refermant sur sa manche tu tiras quelque peu le tissu, lui indiquant ce que tu venais de manger.

« Pour moi, oui », que tu répondis lentement, précisant alors que ce n'était là que ton avis. Avis que les autres n'étaient pas obligés de partager ou d'approuver – ou même de comprendre. Tu comprenais l'envie, le besoin. Se laisser aller, pleurer, crier, sourire, rire. Laisser l'émotion diriger l'espace de quelques secondes. N'était-ce pas frustrant de la contenir ? « Merci », articulas-tu lentement, le sourire toujours présent aux lèvres, la tristesse lourde dans le cœur. Tu chérissais chaque souvenir, chaque image, chaque odeur que tu parvenais à garder et à te rappeler. « Il n'est jamais trop tard », tu secouas la tête dans une esquisse. Tout pouvait être corrigé, que ce soit maintenant ou demain. Pourquoi se dire qu'il était trop tard ? Par rapport à quoi, à qui ? « Ce n'est pas parce que la société veut nous faire croire que ça l'est, que ça l'est forcément. Ce n'est pas non plus parce que les autres répètent que c'est le cas, que c'est vraiment le cas. Il n'est jamais trop tard », car la vie était encore longue. Et pourquoi s'arrêter, ne pas tenter et se plonger dans les regrets ? Autant essayer de changer tout ça, autant qu'on le pouvait. Non ? Tu souris simplement, hochant la tête à ses mots. « J'ai tout ça oui. Photos, vidéos, des lettres aussi » mais elle vivait surtout dans tes souvenirs que dans le matériel t'entourant. Elle vivait encore dans ton cœur, soufflant à chaque battement. Les photos restaient une bonne chose mais ce n'était pas pareil que de pouvoir la prendre dans tes bras. Les souvenirs non plus – mais tu trouvais cela plus doux, de juste fermer les yeux et de se plonger dans les souvenirs. « Ils étaient bons ? », que tu demandas, le sourire amusé aux lèvres alors que tu l'observais. « Presque presque », confirmas-tu doucement, les doigts venant délicatement pousser sa main vers la bonne direction sans trop en faire non plus. Tu ris discrètement à ses mots, un léger son dans la gorge pour confirmer. « La société elle-même est ironique de toute façon » que t'en conclus, jetant quelques regards autour de vous sans pour autant t'arrêter pour tout détailler. Tu dévias ton attention vers elle, les pupilles tombant sur ta manche avant d'observer les mets pour en attraper un à ton tour. « C'est vrai que c'est délicieux. En même temps ça aurait été dommage vu le prix du traiteur... », tu ris quelque peu, le regard pétillant. « Cela dit ça ne veut rien dire. Les gens pensent que plus on paie cher, mieux c'est mais c'est pas toujours le cas », tu levas un peu les épaules, avalant un autre petit four. « Vous voulez qu'on observe un autre tableau ou vous préférez sortir ? », demandas-tu, amusé. « Il y a une pâtisserie au coin de la rue. C'est moins cher mais tout aussi délicieux »

Son avis comptait, il était entendu et il était compris. Peut-être compliqué à totalement appliqué mais il faisait étirer tes lèvres. Malgré ces paroles une tristesse profonde l’avait étreint. La vie n’offrait pas toujours de beaux cadeaux et tu supposais que lui et sa famille ne méritaient pas cela, mais qu’il était trop tard. Avec sincérité tu t'excusas presque, n’ayant pourtant rien fait. Le temps avait filé le laissant capable d’en parler, mais c’était ce même temps qui ne revenait jamais. Si tu comprenais ce discours positif et actif, tu ne pouvais nier qu’il ne trouvait guère résonance au creux de ton palpitant. Les années d’enfance, d’innocence ne reviennent pas, tout ce qu’on a manqué ne peut alors être remplacé. On trouve son propre chemin, mais on ne remplace pas ce qui a été fait. "Je n’aurai plus jamais le même âge. " Celle de l’insouciance. Celle qui t’avait forgé, tout comme elle t’avait brisé. Certes tu comprenais, cherchant toi même activement à panser chaque blessure pour tout oublier. Mais tu ne corrigeras jamais ces souvenirs qui manquaient. Tout comme il avait ces souvenirs, bien chargé et complets. Il ne pouvait pas retourner dans le passé mais il faisait avec le présent, et ce qu’elle avait laissé. "Très !" Que tu confirmais joyeusement. Les doigts frôlant sans jamais balayer tu sentais cette force délicate t’aider, une douceur qui manquait à beaucoup, la considération venant guider tes gestes plus que la pitié. Il était de ces personnes qui devenaient rares, celles avec qui tu aimais discuter, sans jamais réellement les connaître. La bouche remplie tu appréciais chaque saveur l’incitant à faire de même. "N’est-ce pas ? Ma mère adorait faire ça. Aller en soirée mondaine, regarder la qualité sans jamais y toucher. Si j’en prenais un elle me claquait la main. Et maintenant j’en mange au moins trois.. cinq ! " Les doigts dépliés pour montrer le chiffre tu riais doucement, la petite revanche était délicieuse. "Hm je suis d’accord, la qualité et le prix ne sont pas toujours liés. " Ce n’était pas d’une évidence pure, mais ce n’était pas non plus sans surprise. Le nom était plus coûteux que les ingrédients. La preuve était cette boulangerie dont il te parlait, la main se serrant sur son bras. " Oh je veux goûter. Ça m'a ouvert l’appétit ! Vous n’avez plus rien à regarder ? " Que tu voulais confirmer, prête à quitter les lieux pour croquer à pleine dents de vrais encas. Le pas emboîtant le sien tu prenais tout de même quelques secondes pour remettre ta veste, le son de ses chaussures qui rencontraient le sol devenait alors ton guide, un rythme que tu notais, que tu appréciais presque. Les lèvres s’étiraient, les pas suivaient, le regard porté vers l’avant dans une confiance aveugle.

« Rien n'empêche d'essayer de le retrouver », cet âge dont elle parlait. Ce n'étaient que des chiffres – et l'impression de revenir en enfance pouvait toujours se manifester. En découvrant mais aussi en se laissant l'occasion de le redevenir pour quelques heures. Ce ne sera bien évidemment pas la même sensation que si ça avait été vécu en temps voulu mais ce n'était pas non plus horrible. « C'est le moment d'en profiter », c'était ce dont tu parlais, ce que tu sous-entendais. Vivre maintenant ce qu'elle n'avait pas pu vivre avant. Ca ne pourra jamais remplacer les mauvais moments mais ça laissait place à l'innocence de cet âge-là, le corps d'adulte en plus. « C'est là pour être mangé en plus », argumentas-tu avec amusement, lui donnant alors raison. Tu secouas quelque peu la tête en réponse, émettant un faible son pour lier le geste et ainsi montrer que tu étais d'accord sans pour autant l'articuler encore une fois. « Non plus vraiment », tu levas le nez, observant les alentours pour être sûr. « Je me rends souvent compte que je préfère les choses simples », articulas-tu en quittant l'endroit, t'assurant qu'elle suivait, l'aidant partiellement avec sa veste. « Plus la richesse est élevée, plus le sourire est serré », ce n'était pas quelque chose qui te plaisait, l'argent, la haute société... « Mais j'admets que ça peut aider pour certaines choses », honnête, tu l'étais. Et t'avais aucune raison de mentir car c'était vrai : l'argent ouvrait plus de portes qu'il n'en fermait. « C'est grâce à l'argent qu'on a pu tenter d'aider ma mère donc.. », t'allais pas salir un argent qui avait pu servir aussi courageusement. « On est arrivés », que tu soufflas après quelques instants de silence, la guidant jusqu'à la porte que tu vins ouvrir. « Ca sent tellement bon... Qu'est-ce que vous voulez goûter ? Ils ont beaucoup de choix, et testent souvent de nouvelles saveurs », expliquas-tu en contemplant les possibilités. « Ils ont une pâtisserie à la fleur de rose. Ca vous tente ? », c'était ce que tu allais choisir en tout cas, plutôt curieux, le regard vers elle. « En boisson vous préférez quelque chose de chaud ou de frais ? », tu ne savais pas encore pour le moment, étudiant les choix. « Ils ont des petits gâteaux en forme de nounours, c'est mignon », tu émis un son amusé, restant tout de même sur le gâteau à la rose. Mais tu prévenais des choix possibles, au cas où.