À ce stade, c’est une obsession. L’anxiété et les doutes habitent à présent ses veines à plein temps, si bien qu’il n’en dort plus la nuit. Beomho y pense tout le temps. Il sait que cela n’est pas sain, que finalement, il ne peut plus faire grand-chose à ce stade pour aimer cet enfant. Mais il ne peut s’empêcher de vouloir faire quelque chose de plus, quelque chose de mieux pour ce petit garçon ; un besoin viscéral. L’instinct p a t e r n e l dirait sa mère. Il a bien essayé de focaliser son attention sur Lei – qui occupe tout son temps ces derniers temps… Mais le flou de la situation et de l’avenir du gamin, à qui il a porté secours, continue de le préoccuper au-delà de tout. Il a besoin de faire quelque chose – ou juste savoir ce qu’il en ait. Juste… n’importe quoi pour calmer son esprit et revoir les pupilles autrefois apeurés du garçon, et, et les voir emplis de joie cette fois. D’un pas déterminé, mais pas confiant pour autant, Beomho se retrouve plus vite que voulu devant la table de travail de Yujin. « Yuyu. » ; c’est sur un ton bien solennel qu’il interpelle son amie, car les temps sont graves. Il lui faut agir s’il ne veut pas devenir complétement fou, mais il sait aussi au fond de lui que ce n’est pas une bonne idée de le faire. « Yuyu, je vais faire un truc que je devrais pas faire, et… » j’ai besoin que tu m’arrêt – « J’ai besoin que tu le fasses avec moi. » implore-t-il de ses yeux de chien battu. Alors oui, bien sûr, sur le papier, la demande de Beomho ne semble pas des plus encourageants et ne donnent nullement envie d’accepter de l’aider. Mais Yujin, c’est Yuyu – elle comprendra, bien sûr qu’elle comprendra. En tout cas, l’étudiant met tout son cœur à y croire. « J’ai rendez-vous dans deux semaines dans un orphelinat pour une potentielle adoption d’un petit garçon de sept ans. » déclare-t-il de façon éclair comme un enfant qui trouve enfin le courage d’avouer une bêtise à ses parents. Si Yujin n’est pas sa mère, il a tout de même bel et bien fait une connerie – mais une connerie dont il a conscience et qu’il ne peut pas s’empêcher de faire. « J’ai dit que je venais avec ma compagne. » - parce que sinon il sait qu’il n’aurait eu aucune chance de passer les portes de cet établissement en tant qu’homme célibataire. Malheureusement, beaucoup considère qu’un père célibataire n’est pas une famille convenable pour un enfant – comme si une famille composée d’une mère et d’un père, non-aimante ou même violente était plus acceptable. « J’espérais que ce soit toi, s’il te plait. » continue-t-il, fixant Yuyu de ses yeux brillants et un peu agité. Il prend à peine le temps de reprendre sa respiration entre ses aveux, il a presque la tête qui tourne. À vrai dire, il a déjà donné le nom de son amie à l’orphelinat, alors il faut absolument que Yujin l’accompagne. « Pitié, Yuyu. ».

Ses crayons de couleur sont exposés sur la table de la salle commune. Un arc-en-ciel de pigments avec lequel la demoiselle joue depuis une bonne heure, est une nécessité pour les préparations d’un nouveau projet. Si elle ne compte pas créer un livre pour enfants, Yujin travaille sur une nouvelle idée de maquillage. Et à défaut de vouloir mettre réellement la pâte, cette occupation lui permet de se détendre. De loin, elle ressemble à une maternelle qui est concentrée sur son dessin. Pour autant, elle ne se trouve pas seule à l’instant. Beom Ho l’accompagne même s’il n’a pas pris le soin d’attraper une feuille. Compte tenu de son comportement visiblement agité, il devrait être le premier à chercher à se relaxer ici. Ses sourcils se froncent. La blonde se demande quand il va prendre la peine de lui expliquer son problème. D’habitude, ils se confient assez facilement tous les deux. Alors, qu’est-ce qui se passe pour que ça le stresse autant ? Avec ses mauvaises ondes dans la salle, la jeune femme ne va pas tarder à casser la mine de son crayon de couleur fétiche. Un vrai drame pourrait donc se produire à tout moment alors que son meilleur ami garde ses distances avec elle. Est-ce qu’il cherche à l’esquiver ? Il n’est pas vraiment discret mais elle admire sa détermination quand il se pose devant sa table de travail. Concentrée sur son esquisse, elle ne relève pas le menton immédiatement, lâchant un “ Hm “ pour faire comprendre qu’elle l’écoute tout de même.  Les femmes savent faire deux choses à la fois. Écouter et dessiner ne sont pas deux activités incompatibles. Par contre, il est difficile d’accumuler une troisième tâche. Quand il l’appelle par son surnom, une deuxième fois, l’étudiante commence à se tracasser. Pourquoi lui proposer un deal pour quelque chose de mauvais ? Beom Ho le reconnaît lui-même. Elle veut bien prouver son amitié mais… Qu’est-ce qu’il a pu inventer cette fois ? …Un stratagème tout droit venu de l’enfer. Comment a-t-il pu se retrouver dans cette situation ? “ Attends… Depuis quand tu veux devenir papa toi ? Depuis quand tu as lancé cette procédure pour me dire ça… Seulement deux semaines avant ? “ Il a négligé de lui faire part de cet objectif. “ Qu’est-ce que tu as encore fabriqué Lee Beom Ho ? “  La jeune femme se met à soupirer avant de reprendre la parole, choquée. “ T’as dit que j’étais TA femme ? Mais il ne faut pas mentir à ces gens-là !!! Pourquoi tu as fait ça ?“

C’est une folle aventure – ou plutôt de la simple folie. Ce n’est pas de l’inconscience ; non Beomho est entièrement conscient de ce qu’il a fait et de ce qu’il planifie de faire. Et pourtant, cela ne l’arrête pas. Mettre le nez dans ce qui ne le regarde pas, dans la vie tumultueuse de ce petit garçon ; il sait plus que personne que c’est mal (et illégal à ce stade) mais il ne peut s’en empêcher. Tout le monde sait, de toute façon, que lorsqu’il a une idée en tête, l’étudiant finira tôt ou tard par l’exécuter. Pressentir les conséquences de ses actes ne peut le ralentir qu’un temps. Et cette fois, le temps a été très court – ou déjà trop long à son goût. Deux semaines avant le rendez-vous fatidique et il trouve enfin le courage d’avouer que cette fois, il ne sera pas seul à assumer les conséquences de ses bêtises ; il a bel et bien traîné Yujin dans la boue avec lui. C’est sale de sa part (mais bénéfique pour la peau, il paraît.). C’est un cas de force majeur et ça, Beom espère bien que sa meilleure amie le comprendra. Mais peut-être que pour le coup, il manque de précision dans ses pourquois et comments et qu’il va un peu trop droit au but. Peut-être que pour le coup, il aurait du passer par quatres chemins avant de lui demander de jouer la jeune mariée qui rêve de devenir maman. Hm – il comprend la réaction de Yujin en y réfléchissant. Quand le ton monte légèrement face à son aveu, il lève les mains comme un innocent qu’il n’est pas vraiment. « J’ai rien fait ! » un mauvais réflex, parce que cette fois justement il a tout fait. « Enfin, si… Maaaaaaais Yuyu, faut que je t’explique ! Tu verras t’aurais fait la même chose !! » - est-ce une façon de se rassurer ? Probablement ; car au fond, il est certain que Yujin aurait absolument jamais fait une chose aussi délirant que cela. « C’est à cause de mon instinct paternel ! Tu sais que j’adore les enfants ! » ; un instinct paternel qui a bon dos dans ce cas, mais qui est bel et bien à blâmer. « Il y avait ce petit qui avait des problèmes et il a fini à l’orphelinat ! Je m’inquiète mais je peux avoir aucune info car je ne suis pas de la famille… » ; il n’a pas le temps de rentrer dans les détails pour défendre sa cause alors tout son discours est un peu brouillon, il le conçoit. « Le seul moyen que j’ai trouvé pour savoir comment il va, c’est d’y aller en potentiel famille d’accueil… Je savais que j’allais me faire rejeter en tant que père célibataire… » - parce que voilà, la considération envers les familles monoparentales ce n’est toujours pas ça ici. C’est comme ça mais ce n’était pas suffisant pour arrêter en si bon chemin Lee Beomho. Jamais. « Alors j’ai peut-être bien donné ton nom sans faire exprès quand on n’a demandé le nom de ma conjointe… » - il sait qu’elle sait qu’il sait qu’elle ne croit une seconde en le ‘sans faire exprès ‘. De toute façon, ce qui est fait est fait, Beom ne peut qu’arrondir les angles à présent et prier pour que Yujin accepte de le suivre dans ses folies.

Comment pourrait-on approuver son projet ? Balancer son nom est une chose. S’inquiéter du sort de son ami en est une autre. Dans cette histoire, c’est surtout la deuxième option qui provoque la réaction de Yujin. La situation est déjà assez pénible et urgente. Intervenir ainsi risque d’être contre productif et de mal finir. D’habitude, Beom Ho est plutôt malin. “ Ah bon ? Moi aussi je suis du genre à faire un truc aussi stupide ? “ Il est vrai qu’elle a des idées fantasques par moment mais pour le coup, elle n’en mettrait pas sa main à couper. Elle le regarde, complètement perdue alors qu’il tente de trouver des bons arguments pour justifier son comportement. “ C’était quoi ton objectif ? Lancer une procédure d’adoption ou juste avoir de ses nouvelles ? “ Son discours la rend confuse. Elle ne comprend pas l’objectif principal de son meilleur ami. Peut-être qu’elle n’a pas la lucidité pour tout enregistrer d’une traite. “ Tu crois vraiment que ça va aider cet enfant ? Ils vont te demander des justificatifs dont un livret de famille. Et pour l’instant, je ne pense pas avoir une bague au doigt ! “ Et dieu merci… Elle aurait dû mieux tourner sa phrase car à l’entendre, on pourrait croire que ça serait le minimum syndical pour qu’elle accepte cette mission impossible. “ Tu vas perdre toute crédibilité, tu t’en rends compte ? “  Comment s’en sortir ? Elle passe sa main sur son front. Yujin n’aurait jamais pu se préparer à une telle scène. Maintenant, elle est prise au piège, ne sachant pas quoi faire. Elle a envie de trouver une solution, un plan B pour Beomho, à défaut de se contenter de lui briser le coeur. “ Reprenons les choses depuis le début. Tu leur as expliqué ton rôle avec cet enfant ? Je veux dire.. Certes, tu ne fais pas partie de la famille… Mais as-tu été témoin de certaines choses ? Qu’est-ce qui s’est passé exactement ? “

Débile. « Hey !..... t’es un peu vexante là… »  – oui, probablement parce qu’il a été un peu vexant avec elle-même en sous-entend qu’elle aurait pu faire quelque chose de semblable. Ok, Yuyu a des idées farfelues parfois – ils se sont pas meilleurs potos pour rien après tout – mais tous deux sont capables de réfléchir logiquement. Ils sont même plutôt réfléchis comme personne en temps normal. Faut croire qu’il y a encore quelques bugs dans la matrice de réflexion d’une des deux – Beombeom. Le brun aimerait s’en excuser mais pas cette fois, pas sur ce sujet. Bien trop personnel à ses yeux, bien trop sensible à son cœur. « Avoir des nouvelles. » dit-il d’une voix sûre, avant de baisser les yeux pour y accorder une seconde pensée. « Enfin, c’est pas parce que je veux pas l’adopter hein, enfin je pense pas être la bonne personne, enfin je crois pas, enfin  je veux dire je suis encore étudiant, enfin je serais bientôt diplômé et j’ai des revus et un appart, mais tu vois je suis encore jeune c’est beaucoup de responsabilité, enfin je pense que je serais un bon père mais – » ou, voilà tout ça et plus encore. Cela fait beaucoup de ‘enfin’ mais la question n’est pas si simple au final. Beomho a toujours rêvé d’être père. Il adore les enfants depuis toujours (bien plus que les adultes) et c’est pour cette raison qu’il a choisi la voix de l’enseignement. Alors oui, adopter un jour peut-être, il n’est pas contre – avec une situation et un timing différent sûrement. « Yuyu, tu penses que je serais un bon père ? » demande-t-il finalement à la fin de cette tirade des plus confuses. « Pardon, c’est pas le sujet… » - non, vraiment pas, son cerveau est simplement un véritable brouillon aujoud’hui. Beomho comprend combien Yuyu peut être perdue et autant sur la réserve concernant son plan. C’est vrai que les arguments de son amie lui font reconsidérer la fiabilité de sa demande, l’intelligence de sa demande. Mais son cœur y croit toujours à fond. Bien sûr qu’il peut trouver tous les papiers nécessaires ! Et une bague ! « Je peux t’acheter une bague ! »  - une exclamation joyeuse qu’il partage avec la jeune femme avant de s’empresser de sortir son téléphone pour une petite recherche google. Quelques millisecondes plus tard, il relève les yeux vers Yujin. « T’es plutôt or ou argent parce qu’il y a pl – Tu veux pas de bague. » ; ça se lit dans ses yeux. Yuyu semble plus avoir besoin d’un massage que d’une bague. Ou de très longues vacances. La partie rationnelle de son esprit la comprend parfaitement, l’autre… C’est une autre histoire. Juste, il n’a pas de meilleur plan pour combler l’inquiétude qui l’habite. Il a déjà essayé toutes les voies raisonnables. « Hm oui, je les ai appelé pour leur expliquer mais ils refusent de divulguer des informations sur les enfants. » ; ce qu’il comprend techniquement. Il n’est qu’un inconnu après tout, ou pire il pourrait être n’importe qui. Notamment un proche du père, et il doit y avoir des procédures juridiques en cours avec celui-ci. Ou du moins il espère. Beomho souffle un grand coup pour se calmer, et essayer d’expliquer la situation à Yuyu. La pauvre semble perdue, à juste titre, face à ce que le silla raconte. « Je sais pas si tu vois le combini à côté du cinéma ? J’y suis allée plusieurs fois et… hm, j’ai remarqué que le fil du gérant, il a quoi 8 ans à peine, avait des hématomes sur tout le corps. Le gérant a insisté que c’était rien mais… je sais pas, je le sentais pas… Et j’ai fini par réussir à parler avec le petit et hm, il m’a dit que son père lui faisait mal quand il avait bu… » il essaie de reprendre sa respiration, de calmer le rythme de sa voix qui s’emballe en parfaite synchronisation avec son cœur. Le sujet le touche plus que quiconque, plus qu’il aimerait. Car des années en arrière, il était à cette même place – impuissant et effrayé. Manipulé par quelqu’un qui devrait nous protéger. « Alors j’ai emmené le petit, Hamin, à la police et… on m’a demandé de rentrer chez moi. »  - il a joué les supers héros, tout le monde l’aurait fait (ou du moins, il l’espère). Cependant, pour lui, cela ne s’arrête pas à une bonne action. C’est bien plus profond, et il a besoin de savoir quand Hamin va. Physiquement. Mentalement. « Après plusieurs appels, un policier a fini par accepter de me dire qu’il avait été placé à l’orphelinat et c’est tout… » . Le nom de l’orphelinat, ni plus ni moins. Et une impasse complète. Impossibilité d’avoir la moindre information sur le petit. La seule solution qu’il a trouvée est de réussir à mettre un pied dans l’orphelinat.