Le repas s’était déroulé dans le plus grand calme, mais je ressentais la tension planer au-dessus de nous. C’était étrange, je n’étais pourtant pas homme à me laisser impressionner… mais Eunji défiait toutes les règles que je m’étais bâti. Face à moi, là dans mon appartement… une jolie brune dont j’aurais sitôt fait d’elle mon dessert, et je restais figé sur ma chaise en mâchant distraitement comme un gros bêta. Ou était donc passé l’homme d’action ? Le séducteur qui, d’un sourire, savait faire fondre n’importe quelle demoiselle. Avais-je si peu confiance en moi face à celle dont je m’étais fait la promesse muette de la sauver ?

Quelques œillades hésitantes, quelques sourires timides, seul le bruit de nos couverts sur la porcelaine venait ponctuer ce maigre festin. Quelques ramyeon, un peu de viande, des épices… c’était tout ce qui avait survécu à mon absence de ces derniers mois. Une fois le repas achevé je me demandais comment relancer une conversation silencieuse, mais ce fut l’horloge qui indiqua la fin des festivités. Elle affichait une heure bien tardive, sans doute un peu trop pour qu’Eunji ne décide de rentrer chez elle, aux côtés du monstre qui vivait sous son toit. Devais-je la laisser partir ? Risquer qu’elle ne subisse Dieu ne sait quoi… Le conflit bourdonnait dans ma tête, mais les mots furent plus rapides à fuir mes lèvres. « Il est tard… je peux te proposer un toit pour la nuit si tu veux. » Et d’un regard, je lui demandais de ne pas retourner dans son enfer. Je n’aurais pas pu supporter qu’elle souffre par ma faute. « Je te laisse ma chambre, qu’est-ce que tu en dis ? » Elle allait certainement me prendre pour un pervers, un homme qui ne pense qu’à une seule chose – et au fond avait-elle tort ? Combien de fois mes songes l’avaient imaginé dans le plus simple appareil… Mais à cet instant, et si rougir à la simple idée de partager plus qu’un repas avec elle, je restais concentré sur ma mission.


@Yoon Eun Ji

Les bribes de conversation entendus auront eu raison de la confiance qu'il avait doucement installée. Sans briser toute fondation tu restais plus calme que tu ne l'aurais imaginé, cuisinant pour un presque inconnu. Le repas servi, chaque bouchée fut difficile. La gorge nouée d'un nombre d'interrogations grandissantes tu cherchais sûrement tes mots. Comment partir. Ou comment rester. Le regard osait à peine se poser sur celui qui t'accueillait ce soir, les joues ne cessant de rougir face à son regard pourtant distrait.

Le repas incomplet tu t'excusais plusieurs fois de n'avoir pas plus à lui offrir, et surtout, d'avoir ruiné ses courses. C'était grandement en partie de ta faute si le festin de son retour n'était pas grandiose. S'il ne se composait que de restes, et d'une viande empruntée à une voisine trop gentille. Qu'avais tu fais autre que de le déranger ? La moindre des choses étaient de lui laisser le plus de nourriture, allant même à le servir directement tandis que tu prenais des bouchées toujours plus petites. Loin d'avoir un appétit en ce soir particulier, tu débarrassais, prête à plonger tes mains dans l'eau pour finir ce que tu avais commencé. S'occuper du repas n'était pas complet sans nettoyer. Tu fus simplement coupée par cette proposition qui fit louper un battement à ton palpitant. " Ca.. ça devrait aller.. " Que tu ponctuais sans réellement prendre connaissance de l'heure. Le regard venait alors décrypté ce que tu cherchais à éviter. Le dortoir était fermé, tu n'avais donc qu'un endroit où aller. L'idée même d'y retourner faisant frissonner ton être. Le dortoir semblait si loin et si doux. Bulle de salvation qui te protégeait tant que tu ne le quittais pas. Loin de ses mensonges que tu tissais, de ce regard perçant que tu évitais.. "Je.. je peux prendre le canapé. Pas besoin de changer pour moi. " Désignant alors le sofa que tu voulais prendre comme abri pour cette nuit. Impossible à deviner et pourtant, tu acceptais sa proposition sans hésiter. La peur au ventre difficile à ignorer tant elle te retournait l'estomac. " Je partirai tôt, avec les premiers trains. Repose toi. " Le tutoiement encore délicat tu ne souhaitais pas perturber son retour.

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@Kwon Eiji

La honte vint lécher mes joues et leur donner une teinte rosé que je parvenais pourtant à dissimuler. Un jeu d’ordinaire qui me semblait particulièrement inapproprié à cet instant… Je m’en voulais de l’avoir laissé entendre une conversation sur laquelle j’aurais pu aisément renchérir. Aussi je me concentrais sur le repas, sur elle, sur la tension palpable sans réellement en saisir les enjeux. Persuadé que je n’accomplissais que mon devoir de sauveur, je voulais qu’elle reste. Je refusais qu’elle retourne dans sa détresse. Savait-elle seulement à quel point son regard était triste et apeuré lorsqu’elle travaillait au restaurant ? Avait-elle conscience de la peur qu’elle exhalait, à l’instar d’un parfum aux notes dont je m’étais laissé envouter… La question m’échappa sans que je ne cherche à la retenir, et aussitôt je me mordais la langue sans pour autant regretter de l’avoir posé. Je voulais qu’elle reste… pour sa sécurité. Mais pouvais-je seulement la lui garantir ? Et si elle me voyait comme une menace également ?

J’étais prêt à battre en retraite, à la laisser repartir si c’était la seule façon de lui prouver que je n’étais pas un danger. Et ce fut au moment où je m’y attendais le moins que sa réponse me surpris. Je me voyais déjà la raccompagner et d’un regard timide, elle balaya cette hypothèse. J’eus toute la peine du monde à retenir mon sourire et mon enthousiasme… et d’où venait-il celui-là ? « Je préférerais prendre le canapé… je… » Je fis travailler mon cerveau à la vitesse lumière en quête d’une explication, mais je ne pus lui offrir que la dure réalité. « Je viens de rentrer et, je risque de me lever souvent, ne serait-ce que pour boire. Il me faut un petit temps pour réapprendre à dormir sur un matelas. » tentais-je. Loin de vouloir l’effrayer, je voulais simplement lui donner une raison de ne pas refuser mon offre. Mais je vis à son regard, à cette lueur qui transperça ses pupilles que j’avais utilisé des arguments douloureux. Et sans attendre, je filais lui préparer quelques vêtements dans lesquels elle pourrait dormir et tenter de ranger ce qui n’avait pourtant pas bougé depuis plus de six mois. « Tiens… ça va être un peu grand j’en suis désolé. » D’une main incertaine, elle attrapa les vêtements. « La salle de bain est derrière cette porte, et la chambre juste à côté. » D’un geste je les désignais avant de débarrasser, nettoyer et lui laisser l’intimité dont elle avait besoin.


@Yoon Eun Ji

La première fois, son regard avait fait stoppé les battements de ton palpitant comme soudainement tétanisé. Malgré la peur que tu ressentais à chaque inspiration prise, tu n'avais pu faire autrement qu'être happée par ce regard profond. La seconde fois ne fut pas mieux, tandis que tu rêvassais à la troisième. Une habitude de le voir manger avec gaité avec des amis ou des collègues, toujours ponctuée de longues absences. Aujourd'hui, l'enjeu était grand et pourtant les actions petites. Cette conversation écoutée au détour d'une cachette tu perdais cette vision certainement fausse que tu avais de lui. Toujours douteuse, mais désillusionnée tu avais aimé lui prêter une vie rangée, une vie où la réalité n'avait pas sa place. Aujourd'hui tu reprenais celle-ci en plein visage.

C'est exactement là qu'il ramena cette lueur. Une demande désinvolte, rapide, presque précipitée mais dont le choix devenait le plus raisonnable. Il aurait été normal de douter, de trembler, de refuser. Et pourtant, la réponse claire bien que timide proposait d'aller dans son sens, non sans la chamade qui tambourinait dans ta poitrine et teintait tes joues. Un mélange savant entre plusieurs sentiments que tu ne pouvais identifier. Ce qui pouvait être certain était le regard perdu que tu lui offrais, presque désolée de le voir partir et revenir. C'était pourtant son choix, son mode de vie. "D'accord... Je vois. Ca doit être compliqué.  " Des mots presque murmuré dans un souffle, la gêne se mêlant à cet échange maladroit. Cette même maladresse que tu semblais presque retrouver chez lui. Ce n'était qu'un instant mais il avait perdu cette détermination qui t'avait fait cédé à son aide plus tôt. Sûrement celle qui t'avait conduite chez lui également. "Merci, c'est gentil.  " Les vêtements attrapés avec délicatesse et plaquer contre toi, tu observas les portes désignées. Le visage se tournant vers lui c'est avec une légère surprise que tu le vis déjà occupé à ranger ce qu'il restait de votre diner improvisé. Les pas hésitants, tu finis par rentrer dans la salle de bain, les yeux observant toute sa surface. C'est d'un geste presque fragile que tu fermais à clé testant sans trop de bruit si tu étais bien enfermée. Ce qui n'enlèvera aucun sursaut à chaque bruit, ou bien la vitesse à laquelle tu te changeras les yeux rivés vers la porte. Ce n'est qu'une fois changée que tu sortais timidement les mains occupées à tenir tes vêtements ou ce jogging trop grand. " Tu.. tu peux y aller. Je...vais dormir.  " Que tu annonçais relâchant le jogging pour pointer la porte de la chambre. la voix ne portait jamais loin, jamais trop haut, les pas presque silencieux, comme une présence atténuée. La peur d'être remarquée.

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@Kwon Eiji

À l’instant où les arguments filtraient mes pulpeuses, je n’avais pas conscience de leur portée. Ce ne fut qu’en voyant son expression douloureuse que je compris l’ampleur de ce que je venais de lui asséner. Un coup involontaire auquel je n’eus pas le temps de répondre alors qu’elle saisissait les vêtements que je lui tendais. Et aussitôt, je m’activais à ranger, dans le simple but de ne pas penser… oublier la femme qui provoquait des émotions bien plus profondes que je ne voulais bien le concéder. Effacer de mon intellect les quelques images d’elle se glissant dans mes vêtements. Omettre jusqu’à son parfum entêtant et qui semblait s’être imprégné sur chaque objet qu’elle avait effleuré… J’occupais mes mains et mon esprit jusqu’à ce qu’elle reparaisse dans l’encadrement de la porte. Elle m’infligea alors une vision dont elle ignorait la puissance, une image qui resterait gravé dans ma mémoire… Sa frêle silhouette cachée par les larges pièces de coton dont j’imaginais pourtant bien trop facilement chaque courbe. Heureusement pour moi, elle mit fin à mon calvaire en fuyant dans ma chambre. « Bonne nuit… » soufflais-je alors qu’elle avait déjà refermé la porte. Et à mon tour, je disparaissais dans la salle d’eau. Je me glissais sous un jet d’eau chaude délassant un à un mes muscles. Mais si je tentais de me concentrer sur les bienfaits d’une vraie douche, je ne pus empêcher mes pensées de vagabonder vers une certaine brune et colocataire d’une nuit. En quelques gestes, j’abrégeais ma douche et enfilais un pyjama de fortune avant de rejoindre mon salon. La porte de ma chambre demeurait fermée, et j’en éprouvais un étrange soulagement, comme si le simple fait qu’elle dorme dans mes draps, seule était une victoire. Le Don Juan était muselé, pour une soirée au moins, il resterait sage. J’achevais mon rituel avant de m’étaler sur mon canapé. L’assise large m’offrait un gîte particulièrement confortable pour la nuit et en quelques minutes je tombais déjà dans les bras de Morphée.

Mon regard obstrué par un tissu sale et élimé, j’entendais mon cœur battre dans mes tempes. La peur me nouait l’estomac, et brutalement, mon bandeau de fortune me fut arraché. J’eus toute la peine du monde à habituer mes yeux à la lumière rivée sur moi, et si je tentais de comprendre où je me situais, la lueur éclatante entravait toute tentative de reconnaissance. J’éprouvais la douleur des menottes qui mordaient mes poignets et parvenais à respirer avec difficulté. L’odeur d’humidité et de moisissure emplissait mon odorat, et si je refusais de leur donner la satisfaction de parler, je ne pus m’empêcher de reculer alors que l’un d’eux s’agenouilla face à moi…

Je tremblais. J’implorais. Et dans mon sommeil, je me redressais brusquement. Face à moi, une silhouette qui me fit reculer à nouveau. Il était là… ils m’avaient retrouvé… Mon inconscient rejouait mon rapt, là, dans la sécurité de mon appartement…



@Yoon Eun Ji