Tu te prenais le temps de penser à tout ça, parfois. De ta venue ici à Séoul, de cette famille que tu avais rencontré pour la première fois – de ces personnes que tu avais appris à adorer mais aussi à ignorer. Tu le savais pourtant que les esprits étaient fermés, ça ne voulait pas dire que tu acceptais les mauvais commentaires ou les mauvaises idées sur tes mères. Elles étaient les personnes les plus formidables qui existent en ce monde et tu ne permettras jamais à personne de dire le contraire. S'ils le pensaient, c'était autre chose – et tu t'en fichais bien. Tu savais leur valeur, et elles aussi en réalité. Tes grand-parents aussi avaient appris avec le temps. Si ton grand-père à l'esprit totalement fermé pouvait l'ouvrir pour y voir plus clair tu supposais qu'il y avait encore de l'espoir pour d'autres, pas vrai ? Tu défendais toujours tes mères avec ferveur, même si la plupart du temps les mots t'épuisaient – et surtout, personne te graisser la patte pour apprendre aux autres à se taire ou à s'ouvrir au monde. Quand tu te prenais le temps de penser à tout ça, t'aurais jamais imaginé avoir une famille aussi nombreuse. A New York votre famille se résumait grossièrement à vous trois, plus ou moins. Alors tomber dans la famille des Seon et découvrir des liens que tu ne pensais jamais avoir était surprenant. « Maman te passe le bonjour d'ailleurs, maintenant que j'y pense », que tu dis à Hyeol en clignant des paupières avant de sourire, l'esquisse fine bordant tes lèvres alors que tes pommettes se relevaient. Tant de tendresse visible sur ta frimousse à la mention de ta mère, preuve muette qu'elle comptait plus que tout pour toi. L’absence d'Areum était cependant difficile à combler, à masquer. Oublier ? Tu ne pouvais pas. Car elle était présente dans chacun de tes pas, sa voix résonnant encore dans tes pensées comme pour te rappeler que tu ne l'entendras plus jamais. Elle te manquait terriblement – et tu perdis quelque peu ton sourire, le coin s'abaissant dans une ombre peinée alors que ton regard se baissait. T'avais jamais peur de montrer que t'étais triste ou qu'elle te manquait. C'était humain, après tout, et ce n'était pas parce que tu étais un homme que tu n'avais pas le droit de pleurer. « J'ai suivi la recette familiale. Théoriquement, c'est très bon. Du moins quand maman le faisait c'était toujours délicieux », t'avais suivi sa recette à la lettre. Théoriquement, tout était parfait. En pratique.. tu espérais que oui. « Mais si jamais c'est pas bon, hésite pas à me le dire », tu te vexerais pas. Et puis tu préférais la franchise. « Je vais aller chauffer le plat d'ailleurs. Tu voudras qu'on regarde un film en mangeant ? », que tu l'interrogeas tout en quittant ta place sur le canapé, un sourire à nouveau posé sur la bouche, heureux de l'avoir à tes côtés aujourd'hui pour partager un repas.

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