❝  time    h e a l s

Sept. 1997 naissance de Myeongwol, poupon qui ne sèche ses larmes qu’une fois blottie dans les bras de sa mère, les seuls qu’elle réclame inconditionnellement. Pas de nourrice, elle reçoit directement tout l’amour de sa mère et grandit sous son regard aimant, sans se douter un seul instant qu’il ne restera de ces jours, que quelques photos et de vagues souvenirs, certainement le fruit de son esprit.
Sept. 2001 petite fille inconsolable qui attend le retour d’une mère partie lui chercher « le meilleur des cadeaux » il y a quelques jours. La fête est terminée, les amis de son père et leurs enfants sont partis, mais elle refuse de quitter la table, tout comme elle ne veut pas toucher à sa part de gâteau. Ce n’est que lorsque son père vient la chercher qu’elle se montre enfin docile – il lui fait un peu peur maintenant qu’il ne sourit plus. Cela fait quelques temps qu’elle remarque qu’il est fatigué, qu’il a les yeux rouges.
Déc. 2002 tirée de son sommeil par des sanglots étouffés, l’enfant se glisse hors de ses draps. Se hissant sur la pointe des pieds pour atteindre la poignée, à peine la porte ouverte que des bras l’enlacent. Son cou la chatouille mais elle sent le tissu de son pyjama coller son épaule. Tapotant le dos de son père de ses petites mains, elle fredonne cette mélodie qu’une voix douce avait l’habitude lui murmurer pour chasser ses peines et son chagrin. Elle est trop jeune pour comprendre qu'à cet instant, sa mère ne reviendra plus la bercer, les mains remplis de cadeaux. You are my sunshine, my only sunshine...
Déc. 2007 les journées se ressemblent, les saisons se succèdent – les cours s’enchaînent, les tuteurs changent, mais la lumière de son bureau reste toujours éteinte. Elle a beau l’attendre mais il ne revient plus depuis cette nuit. Il est devenu cette ombre qu’elle essaie désespérément de rattraper, elle a beau le poursuivre mais il lui échappe sans cesse. Les rares fois où elle réussit à l’apercevoir, voire même à lui attraper la main, il la regarde à peine. Quelques mots et il disparait encore. Les cadeaux s’empilent dans un coin de sa chambre, mais à quoi bon ? Ils ne suffisent pas à remplir ce sentiment de vide béant dans sa poitrine. Des rires retentissent depuis le salon, elle dévale les escaliers quatre à quatre… pour découvrir son père, accompagnée d’une femme qu’elle ne connait pas et d’un petit garçon qui la remarque. « Myeongwol, viens dire bonjour. Ils vont vivre avec nous. »
2008-2015 chaque fois qu’elle voit la lumière de son bureau allumée, il y a toujours la même ombre qui rôde – sa belle-mère. Sa voix est douce, mais son regard froid, dès qu’elle lève la main, elle tremble inconsciemment. Combien de fois a-t-elle essayé de se défendre, de se rebeller, mais la peur grandissante de se faire détester et remplacer l’a emporté. Forcée de se taire, l’adolescente dissimule les ecchymoses qui parsèment son corps et sa détresse. Il ne la regarde toujours pas, il se contente de ses bulletins scolaires et des trophées de compétition – s’il le faisait réellement, peut-être aurait-il remarqué le fait qu’elle touche à peine son assiette et prétexte toujours des devoirs à rendre pour quitter la table plus tôt.
2015-2021 si pendant plusieurs mois, elle fait le tour du monde sous prétexte d’avoir besoin de temps pour trouver l’école de ses rêves, elle quitte définitivement Séoul pour New-York afin de rejoindre l’une des plus prestigieuses écoles de la mode, Parsons. Malgré l’exigence, la rigueur et l’intensité des cours, elle trouve le temps d’ouvrir un compte instagram où elle partage ses illustrations, dessins digitaux comme traditionnels – ce qui réussit à la distraire, c’est l’amour. Il n’est pas le premier à la compliquer, à lui offrir des fleurs ou à lui proposer des sorties, mais il se distingue par son honnêteté et sa sincérité – il ne la rend pas indifférente, elle tombe rapidement sous son charme sans réaliser l’emprise qu’il a sur elle, sans se douter qu’il s’agissait d’un pervers narcissique. Jouant de son manque d’affection et de la peur d’être abandonné, elle n’est jamais suffisante à ses yeux mais chaque fois qu’elle veut mettre de la distance, il sait la retenir avec quelques mots et des fleurs pour se faire pardonner. Elle piétine sa fierté pour ce garçon qui lui promet de n’aimer qu’elle alors qu’elle sait qu’il la trompe, son amour propre pour ce garçon qui lui murmure que lui seul l’aime aussi fort mais l’abandonne aussitôt qu’il la sait souffrante. C’est anéantie qu’elle prend ce billet de retour qu’elle ne pensait pas un jour acheter.
2021 honteuse et malheureuse, elle n’avait osé annoncé son retour en Corée à sa famille car elle ne savait pas quelle excuse donner pour ne pas avoir à avouer la vérité. Jamais elle ne pensait qu’en arrivant à l’aéroport, son père serait là pour l’accueillir - et pour la première fois, des larmes roulent sur ses joues. Malgré son silence, elle trouve du réconfort dans son étreinte. Deux années, c’est le temps qu’il lui fallut pour se réconcilier avec elle-même et apprendre à s’aimer un peu plus, et surtout accepter sa maladie qu’elle rejette avec véhémence elle feint de prendre ses médicaments. Si son quotidien est rythmé par les séances chez son thérapeute, ses activités créatives comme sportives, son compte instagram – elle vit cette parenthèse dans ses études comme un échec mais la peur de ne plus être capable la hante.
2023 elle décide de reprendre ses études mais en intégrant cette fois-ci le cursus de stylisme et de couture à la Yonsei sans se douter un seul instant que sa rencontre avec Hanyul bouleverserait son équilibre si durement recouvré. L’enthousiasme insistance et l’énergie l’étrangeté du jeune homme éveille sa curiosité, mais l’univers de ce dernier retient son attention. Dès lors qu’elle y pousse la porte, son monde semble s’articuler dans le sien – dès lors, elle sait qu’elle a peut-être trouvé sa place.

❝ she is a flower,
but she isn't soft;
when her p e t a l s fall,
they hit like bullets.

( ( intro ; ) ) Désirée mais manipulée ; admirée mais isolée ; enviée mais méprisée – elle est cette porcelaine minutieusement façonnée et finement ornée, jalousement gardée mais fièrement exposée pour susciter convoitise et avidité. Elle est ce trophée qui représente toute la fierté et l’orgueil - d’un père dans le regard duquel elle n’a jamais vu l’ombre d’une sincère affection ; - d’un homme dont l’étreinte semblait chaleureuse mais le cœur était fait de marbre. Élégante, digne, raffinée, son enfance a été une succession de décisions qui n’ont jamais été prises à la volée, elle n’avait pas d’autres choix que de suivre la ligne de conduite qu’on lui imposait : de ses loisirs à son alimentation, de ses sorties à ses voyages, de ses activités à ses fréquentations. Elle collectionne les mérites, les médailles et les trophées, mais ils ne servent qu’à dissimuler une obsession, un désir, un désespoir. Elle n'espère qu’une chose, un compliment, un mot voire même une simple embrassade de sa part – mais elle attend encore. Abusée et désabusée, ce n’est que lorsqu’elle se brisa, qu’elle réalisa sa fragilité, ses fissures, ses blessures ; personne ne remarqua, on ne lui a jamais appris à pleurer.

-ˋˏ✄┈┈┈┈
❝ Tu as embrasé notre paradis pour une autre. À chaque fois que tu lui murmures que tu n’aimeras qu’elle, mon monde dépérit. Depuis que tu m’as laissé seule avec nos souvenirs, chaque jour dans cet éden déchu ressemble à un enfer – ne m’en veut pas si, j’ai changé.


( ( outro ; ) ) Laugh, and the world laughs with you – weep, and you weep alone ; Elle fascine autant qu’elle intimide par sa prestance, mais quelque chose dans son aura a subtilement changé ; il y a dans son regard, ses petites lueurs. Douceur et bienveillance, ses mots tranchent désormais, elle ne réprime plus ses sentiments. Elle sourit, elle rit, autant qu’elle pleure et elle crie, elle éprouve un besoin irrépressible de vivre comme elle l’entend maintenant qu’elle se sait mourante. Si elle a changé, elle n’est pas pour autant différente – elle aborde simplement les choses sous un autre angle. Elle n’est plus cette porcelaine délicate et fragile qu’on manipule avec précaution pour ne laisser aucune marque – bien au contraire, brisée et écorchée, elle ne cache plus ses blessures - à quoi bon quand il ne la regarde toujours pas. Plutôt que d'apprendre à pleurer, elle a sublimés ses ecchymoses par sa résilience. Plutôt que couvrir ses fissures, elle les a remplis d’or.

❝  Sincère mais secrète, enthousiaste mais bornée, créative mais perfectionniste, observatrice mais manipulatrice, loyale mais méfiante, c o n f i a n t e  mais maladroite , attentionnée mais excessive, …