La respiration saccadée, les pupilles perdues dans une obscurité sans limite, la paume contre la poitrine alors que ton cœur semblait vouloir s'en échapper, tu venais de te réveiller. Rêve doux oublié pour ce soir, c'était ton passé qui était revenu t'enlacer. Ces images parfois nettes, parfois floues, qui hantaient tes jours en plus de tes nuits. Ces couleurs vives, bien trop éclairées suivies de cette pénombre à n'en plus finir – comme celle dans laquelle tu te trouvais actuellement, les prunelles remontant lentement dans le noir autour de toi. Tu sentais ta gorge se serrer, les mouvements précipités alors que de tes doigts tremblants tu vins allumer la lampe de poche sur ton téléphone, éclairant vaguement cette mer sombre dans laquelle tu te noyais chaque nuit. Tu inspiras, la vision troublée, brouillée alors que tu tentais de chasser ces plans de ton esprit. Alors que tu tenais d'enfermer ces instants. Tu voulais t'en rappeler et en même temps t'aimerais pouvoir oublier. T'aimerais oublier mais tu voudrais toujours pouvoir t'en souvenir. Sentiment troublant qui te tordait l'estomac à chaque fois, te serrant un peu plus la gorge encore alors qu'un simple sanglot t'échappa. Le seul. C'était la même peur qui te faisait trembler en cet instant, la même que ce soir-là. C'était cette même peur qui t'incitait à retourner ton téléphone. La même qui te faisait hésiter : appeler Jisung, ou ne pas l'appeler ? Le doigt incertain sur son nom enregistré dans ta liste de contacts, tu le laisseras finalement glisser pour envoyer un message à Emi – deux messages, même, puisque le premier contenait quelques fautes que tu t'étais forcée de corriger dans le second, t'excusant d'écrire trop vite alors que c'était bien la peur qui t'empêchait d'écrire correctement. Tu ramenas tes jambes contre ta poitrine, le téléphone fermement tenu entre tes doigts, espérant qu'elle soit encore réveillée – espérant que tu ne la réveilles pas. Mais tu avais besoin d'elle, besoin d'entendre des mots rassurants. T'avais besoin de t'accrocher au présent et elle était la meilleure personne pour t'aider à le faire. Les lèvres pincées, tu patientais, les prunelles commençant à brûler à cause de toutes ces larmes que tu retenais. Et tu fixais la pénombre comme si elle détenait toutes les réponses à tes questions – mais aussi comme si elle était tout ce que tu craignais le plus au monde. Un mélange de confusion et de terreur dans le regard sera ta façon d'accueillir Emi quand elle viendra, la lumière de ton téléphone éclairant ta silhouette plutôt que l'obscurité, comme pour te rassurer d'être toujours dans la clarté.

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Voilà bien longtemps que tu ne t'étais pas octroyée une soirée comme celle-ci, posée dans ton lit, avec un bon petit livre en guise de compagnon de soirée. Et il sera bien le seul à te tenir compagnie ce soir, tes deux colocs de chambre ayant décidé de découcher, probablement pour aller rejoindre leur petit ami. Du moins, c'est ce que tu en as conclu en les apercevant se faire toute belles, du coin de l’œil. Et finalement, tu étais tellement plongée dans ta lecture que c'est à peine si tu les avais entendu quitter la chambre. Peut-être même qu'elles t'ont adressé la parole à certains moments, mais tu ne t'en rappelles pas. Toujours est il que cela fait maintenant trois bonnes heures - si ce n'est un peu plus - que tes yeux parcourent les pages légèrement jaunies de ce roman que tu as dégoté sur l'une des étagères de la bibliothèque universitaire, et à te voir si concentrée, l'on pourrait presque croire que rien ne saurait te tirer de ta lecture. Pas même un obus venant exploser à quelques mètres de toi... Et pourtant, quand ton portable se met à vibrer sur le bois de ta table de chevet, te notifiant d'un message envoyé par ta meilleure amie, tu n'hésites pas à bazarder le dit bouquin, enfilant ton manteau en grande hâte pour aller la retrouver.

Tu ne sais pas ce qu'il s'est passé. Ji An est restée assez évasive dans ses messages, te demandant simplement si tu étais toujours réveillée et - auquel cas - si tu pouvais la rejoindre. Mais sans même pouvoir entendre le son de sa voix, tu as compris à la lecture de ses quelques mots, à sa façon de les avoir écrit, que quelque chose n'allait pas. C'est donc en pleine nuit, et après avoir réussi à grimper dans un bus in extremis, que tu te retrouves devant le dortoir des Koryo. Par chance, les quelques individus encore éveillés à cette heure là ne semblent pas vraiment se soucier de te voir, toi la petite Baekje, traîner dans les parages, et tu n'as alors aucun mal à atteindre la chambre de ta meilleure amie, frappant doucement à sa porte pour lui signifier que tu es là. « C'est moi, Ji An ! Je peux rentrer ? » Pas de réponse. Ou, en tout cas, tu ne l'entends pas. Entrouvrant donc légèrement la porte, tu te faufiles à l'intérieur de la pièce. « Désolée, j'ai fait aussi vite que j'ai pu mais... » Mais tu te stoppes dans ton élan, lorsque tu te retrouves dans le noir presque complet, ton regard se dirigeant vers cette petite lumière – celle du téléphone de Ji An que tu devines assise dans son lit. « Ji An ? » Te débarrassant rapidement de ton manteau, tu as le réflexe d'allumer cette lampe de chevet qui trône sur le seul bureau de la chambre et quand tu la vois enfin, recroquevillée sur elle-même et les yeux menaçant de laisser échapper quelques larmes, tu t'empresses d'aller t'asseoir à ses côtés, la prenant dans tes bras. « C'est fini, Ji An~ Je suis là... »

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Tu te souvenais de trop de choses – et en même temps, pas assez. L'imagination venait combler les faces cachées, le tableau devenant un puzzle que ton esprit s'amusait à faire et défaire. Les images étaient toujours sombres, effrayantes. Et les ombres dansaient trop vite, bougeant trop rapidement, te laissant à peine le temps de les détailler. Tout était angoissant, si bien que ton cœur s'emballait toujours trop rapidement. C'était comme tourner encore et encore dans la même cage, voir que les mêmes murs. Ce n'étaient que les mêmes images qui venaient te hanter, et pourtant, elles étaient si différentes à chaque fois. Mais elles laissaient derrière elles ce goût amer – ta gorge se serrait, et ton estomac se nouait et ton corps tremblait. Les larmes menaçaient de couler à chaque instant, les sanglots retenus créant vagues de tremblements et de terreur sur ta peau. Tout paraissait à chaque fois si réel – et en même temps si lointain. Spectatrice tu ne faisais que voir l'horreur sans jamais la frôler, cette dernière revenant t'enlacer dès que tu ouvrais les yeux, te tombant dessus, le poids de la réalité venant te rattraper. Tu avais beau essayer, espérer : rien ne pouvait changer. Tu étais contrainte de vivre ce cauchemar encore et encore sans pouvoir le modifier. Et tu voulais être seule en même temps qu'être en bonne compagnie. Tu voudrais te réveiller – enfin te réveiller – de cet affreux cauchemar qu'était devenue la réalité depuis ce soir-là. Tu voulais tout oublier et en même temps t'en souvenir à jamais. Tu voulais pleurer mais aussi hurler, pourtant ce n'était que le silence qui chantait contre tes lèvres, laissant alors le désespoir danser dans tes prunelles, et secouer ton cœur.

Et tes pensées avaient parlé, autorisant ta meilleure amie à entrer alors que ta bouche était restée close. Persuadée d'avoir parlé tout en sachant que tu n'avais pas ouvert la bouche, tu tournas à peine les pupilles vers la porte. Tu arrivais à peine à distinguer sa silhouette, n'osant tourner la lumière de peur d'être engloutie par l'obscurité à ton tour. Tu sursautas faiblement une fois la lampe de chevet allumée, les yeux se plissant à peine alors que tu observais Emi comme une gamine qui n'attendait qu'une chose : qu'on vienne la réconforter. Et quand ton corps toucha le sien, tu relâchas la pression, les muscles s'effondrant alors que tu lâchais enfin ton téléphone, les bras s'agrippant directement à elle. « Merci d'être venue », susurras-tu, les doigts serrant ses vêtements alors que quelques larmes coulaient à présent sur tes joues. « Tu peux rester avec moi ce soir s'il te plaît ? J'ai pas envie d'être seule », que tu prononçais rapidement entre deux respirations brisées, t'accrochant un peu plus à elle. « Je voulais pas te déranger je suis désolée mais je voulais pas rester seule. Tu restes avec moi hein ? », que tu préférais t'en assurer, relevant vers elle un visage inondé de larmes et un regard larmoyant, les lèvres tremblantes. « Tu devais être occupée, désolée », soufflas-tu, calant ta tête contre son épaule, tes bras refusant de la lâcher.

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