ootd Avec chaque seconde qui passait, les battements de son cœur s'intensifiaient. Depuis tout ce temps que la nuit était tombée, les ruelles alors seulement éclairées de réverbères jonchant un chemin qu'elle connaissait sur le bout de ses dix doigts, elle était passée par-dessus le portail du skatepark sans que les chaînes cadenassant son entrée ne la dissuadent.

Elle trouvait le lieu bien plus inspirant de nuit et les pistes creusées dans le béton plus rassurantes lorsqu'elles n'étaient pas scrutées de dizaines de regards initiés.

Chaque minute qui passait lui était également rapportée par la jolie Sarang qui ne manquait pas une seule occasion pour l'informer des moindres faits et gestes du birthday boy que Hina attendait présentement.

Ses messages la faisaient rire.

Déjà, parce qu'elle n'avait cessé de se lamenter de son absence au dîner de famille.

Ensuite, parce qu'elle recevait des sneak-peaks de cette petite soirée sous la forme de photographies volées que la petite artiste enregistrait automatiquement dans la galerie de son téléphone.

Et enfin, parce qu'à la seconde où Sei avait enfilé sa veste en prétextant sortir voir "des amis", la petite sœur très impliquée dans la vie sociale de son grand-frère en avait immédiatement averti celle qu'il allait vraiment rejoindre. Allant jusqu'à lui renseigner l'heure exacte à laquelle le bus qu'il avait emprunté avait disparu au bout de la rue.

Hina lui avait répondu que ce n'était pas grave s'il était en retard. En parallèle avait adressé le même petit mot au garçon car le plus important restait de profiter de sa famille en ce jour si spécial.

Alors pour passer le temps, elle avait déposé ses affaires sur l'une des rampes du skatepark, tenant contre elle la planche qu'elle avait tant vu pendant des années, de laquelle Sei s'était rarement départi par le passé et sur laquelle il l'avait également faite monter pour la première fois pour lui apprendre quelques techniques dont elle n'était plus certaine de se souvenir.

Rien que d'y penser suffisait à relancer le tumulte de son cœur angoissé.

Elle détestait la façon dont ses pensées parfois lui faisaient croire que tout ce en quoi elle avait toujours cru n'était peut-être pas une réalité.

Son cadeau, est-ce que lui l'aimerait autant qu'il lui avait plu à elle ? La réponse, immuablement, avait toujours été oui.

Présentement pour autant, elle ne savait plus. Un souvenir c'était délicat… pourtant elle se souvenait comme il le lui avait toujours dit : qu'un jour il aimerait qu'elle crée pour lui une pièce unique qui n'appartiendrait qu'à lui.

Peut-être alors étaient-ce les affres de la nuit qui ternissaient son jugement. Sarang avait adoré l'idée et lorsqu'elle en avait parlé à Keeho et Suji pour recueillir leur avis, il lui avait semblé qu'aucun autre présent n'arriverait à la hauteur de celui-ci.

Dans le fond, à Hina, rien ne lui importait plus que la symbolique de ce cadeau qu'elle avait pensé rien que pour lui. Elle y avait passé des heures de recherches et d'application parfaite. Elle n'imaginait aucun univers dans lequel il n'aimerait pas cette planche sur laquelle finalement, elle avait gravé l'empreinte de son cœur sans même s'en rendre compte.

Sa nervosité frôlant des sommets rarement atteints, elle avait choisi de déposer le skate-board par terre, se remémorant distraitement une infime poignée de leurs souvenirs partagés à deux en glissant sur le terre-plein bétonné, infiniment heureuse que la planche, le professionnel a qui elle avait confié sa réparation le lui avait assuré, soit parfaitement fluide et fonctionnelle sur le terrain.

Sa silhouette gracile et aérienne aurait pu faire dix tours, cent tours de l'aire de jeu passés à l'attendre car pour lui, il fallait l'admettre, il n'y avait rien que la jolie brunette n'était pas prête à faire.

ootd Son prénom caresse comme le plus doux des échos. Prompte, la petite artiste s'arrête d'un pied posé sur le skateboard tandis que l'autre effleure le béton pour la freiner dans son élan. Perdue dans ses pensées, elle n'avait pas entendu le bruit des chaînes qui avaient du heurter le métal lorsqu'il avait sauté la barricade cadenassée.

Il lui est impossible de cacher le sourire qui illumine son visage lorsqu'elle l'aperçoit, bien qu'il ne soit alors qu'une silhouette, depuis l'autre bout du skatepark.

Hina lève ses deux bras, trop heureuse et les agite comme s'il lui aurait été impossible de la repérer dans une foule imaginaire.

Et dans le silence de sa candeur, elle choisit de laisser le skateboard là où il est et de rejoindre le garçon en trottinant adorablement jusqu'à lui.

Il est mignon dans son anorak qu'il ne prend jamais la peine d'ajuster convenablement, ni de fermer correctement. Ses cheveux sont si fluffy qu'elle aurait envie de les lui arranger pour se donner une occasion de glisser ses doigts dedans.

A quelques pas de lui pourtant, ses mains tirent nerveusement sur les manches trop longues de sa doudoune trop large et elle lui offre son premier sourire de la soirée, complice et timide.

"Est-ce que ça veut dire qu'en plus d'avoir été la première à te le souhaiter aujourd'hui, je serai aussi la dernière à te le dire ?" Elle s'en amuse mais très sérieusement, pourrait s'en satisfaire jusqu'à la fin de ses jours.

Elle ne lui avait cependant pas encore souhaité de vive voix car dans le tumulte de leurs emplois du temps chargés, elle n'avait pas eu l'occasion de le croiser.

"Je suis contente que tu aies pu venir ce soir. Même s'il est tard ! et que tu dois être épuisé après avoir été sollicité par tout le monde aujourd'hui..."

Elle n'avait jamais perdu cette habitude acquise de l'enfance, celle où chaque fois qu'elle se sentait un peu trop exposée aux regards, aux émotions et aux jugements des autres, son cœur s'emballait et ses yeux tombaient sur la pointe de ses chaussures en attendant que la tempête passe.

Concentrée, elle fait un pas de plus qui la rapproche de lui. C'est un peu maladroit, elle s'en rend compte mais décide de briser ce silence en posant un regard pétillant sur lui.

"Joyeux anniversaire, Sei."

La solennité de l'instant laisse échapper d'entre ses lèvres un petit rire léger.

"Promis je ne t'ai pas demandé de venir jusqu'ici en pleine nuit juste pour te dire ça !" Précise-t-elle en pinçant cette fois-ci ses lèvres pour ne pas éclater de rire devant l'absurdité de la situation.

Mais maintenant qu'elle le disait, que les choses se précisaient et que le moment arrivait, aaahh- cette nervosité qu'elle avait jusqu'alors oubliée en l'entendant appeler son prénom revenait doucement s'insinuer dans son esprit et paralyser le son si doux de sa voix.

"En fait. Je ne t'ai pas encore offert ton cadeau et..." elle ouvrit de grands yeux en sentant le trac s'infiltrer insidieusement "j'ai quelque chose pour toi ?"

ootd Sa curiosité le rend plus adorable encore car elle ne manque pas la façon qu'il a de projeter son regard derrière elle pour essayer de collecter quelques indices.

Hina l'imite à son tour, pivotant doucement sur ses deux pieds à la recherche de ce que lui cherche. Mais puisqu'on n'y voit rien à cause de la nuit et que la lumière des lampadaires est trop éblouissante aux endroits où elle frappe pour y distinguer quoi que ce soit, alors la petite brune esquisse un rire très amusé à la moue boudeuse et curieuse qu'il semble afficher.

"Viens avec moi, je vais te montrer."

Ses doigts glissent le long de la fermeture éclaire de son manteau et elle tire légèrement dessus sans vraiment y réfléchir. Finalement, elle tend l'une de ses mains dans un sourire ravissant pour qu'il n'ait plus qu'à s'en saisir. C'est doux. C'est casual. Elle ne le ferait avec personne mais c'est surtout lui et c'est pour ça qu'elle n'avait pas hésité une seule seconde.

Alors pour une fois, c'est elle qui prend les devants et qui l'entraîne de l'autre côté du skatepark avec un adorable rebond à chacun de ses pas.

Ses affaires sont restées là-bas elles aussi et Hina le fait asseoir sur le rebord d'un petit muret en pierre qu'ils avaient toujours utilisé comme un banc.

Elle cherche autour d'elle, chaque mouvement de sa tête, d'abord à droite, puis à gauche, exacerbé par l'application intense qu'elle met à trouver ce qu'elle cherche.

Dès l'instant où son regard se pose sur le skateboard un peu plus loin, elle se rend coupable de jeter un coup d'œil curieux au garçon. Avait-il compris où elle voulait en venir ? C'était peu probable. Il semblait si perdu qu'elle aurait été prête à tout lui révéler pour qu'il n'ait plus à se nouer l'esprit de questions sans réponses.

Elle ne revint vers lui qu'après avoir pris soin de cacher la planche dans son dos. A l'évidence, il devait commencer à comprendre où est-ce qu'elle voulait en venir mais avant qu'il n'ait le temps de dire quoi que ce soit, l'étudiante se tenait debout devant lui.

"C'est pas grand chose mais j'étais persuadée que ça te plairait. Et aussi parce que ça me tenait beaucoup à cœur de le faire. Au moins une fois ! parce que tu me l'as teeeellement demandé...?" Elle esquisse un adorable rire espiègle qui résonne comme un écho dans la nuit.

"Je n'ai pas vraiment eu le temps de l'emballer parce que je l'ai terminé ce matin juste avant la première heure de cours…" Elle mord dans sa lèvre mais cette fois ce n'est plus de la nervosité. C'est pour s'empêcher de rire à ses propres confessions. "C'est pour toi."

Elle le luit offrit, simplement, attendant qu'il s'en saisisse pour le découvrir par lui-même.

"Tu peux le retourner. Juste là… j'ai essayé de mettre le plus de choses possibles ! toutes les choses que je me suis souvenue que tu aimais."

Sur la bois qui recouvrait le dessous de la planche, une véritable fresque de couleurs. Elle y avait glissé entre autres des références de pop-culture, de jeux vidéos et de séries, l'ombre de quelques souvenirs entre amis, de moments passés entre eux, les groupes qu'il écoutait à l'adolescence et des dessins animés qu'elle avait appris qu'il regardait.

D'un vieux skateboard qui semblait avoir fait son temps elle avait fait une toile à peindre. Si Hina avait été artiste, alors peut-être que Sei avait été sa muse ?

"Essaie-le si tu veux. Il est 100% safe d'utilisation." Avait-elle murmuré dans un dernier souffle.

ootd Son silence lui pèse sur le cœur si bien que lorsqu'il s'interrompt pour observer la nouvelle direction artistique de sa vieille planche, Hina vient prendre place sur le muret et s'asseoir à côté de lui.

"Je suis soulagée." Dit-elle dans un murmure discret qui gonfle son cœur de joie et d'anticipation. Ses jambes balancent doucement là où seule la pointe de ses pieds parvient encore à effleurer le sol.

Lorsqu'il dépose le skateboard, elle s'attend à ce qu'il se lève et suive le mouvement pour l'essayer. Mais c'est finalement vers elle qu'il se tourne et elle n'a pas le temps de lui demander ce qui ne va pas qu'elle le sent glisser contre ses lèvres.

Et ça n'a duré qu'une fraction de secondes mais elle le jure, elle en est certaine, Seiwong vient de l'embrasser et elle n'a même pas eu le temps de s'en rendre compte assez vite pour en apprécier la sensation.

"H-huh ?" Elle se sent toute étourdie par la lumière aveuglante des réverbères et engourdie par la sensation nouvelle de ses lèvres sur les siennes.

Du bout de ses doigts, elle effleure les contours de ses lippes, la main légèrement tremblante et le regard perdu dans le vide. Ses yeux sont aussi ronds que des bulles de savon.

"Tu...?" Elle échoue à mettre un mot sur son geste. Il semble fou, il semble irréel. Dans le creux de la nuit, l'horloge flirtant avec les coups de minuit, c'est comme si tout ça n'avait été qu'un rêve à demi éveillé et qu'un mot de sa part aurait suffit à tout faire s'effondrer.

"Pourquoi tu m'as embrassée ?"

C'est délicatement demandé, comme un secret soufflé à l'oreille. Sa main qui reposait toujours au bord du muret resserre sa prise sur le béton graveleux et celle près de ses lèvres reste là sans savoir à quoi s'affairer de mieux.

En comparaison, lui avait toujours eu l'audace, l'assurance et les jolis mots pour charmer l'auditoire. Des idées adolescentes nées de son esprit à la seule intention de provoquer depuis le lycée. Mais de jouer avec elle ? ça ne lui était jamais arrivé.

La pureté angélique de son visage s'en trouvait désemparée, la petite artiste se sentait désorientée. Le silence pesant du garçon amplifiait malgré lui l'intensité de son geste aussi intime que mystérieux et troublée, il lui semblait que son cœur (fatalement) n'en finissait plus de s'emballer.

ootd C'est une question bête, pense-t-elle. On embrasse quelqu'un parce qu'on est attiré par le goût de ses lèvres, curieux de connaître la sensation qu'elles auraient tout contre les siennes. On embrasse quelqu'un parce qu'on en a envie, parce que le cœur nous en dit et que rien ne nous semble plus évident que la présence de l'autre, tout simplement.

En y réfléchissant, s'il était une seule et unique personne sur cette planète que Hina aurait voulu embrasser tous les jours, jusqu'à la fin de ses jours, elle n'avait pas de doute que ç'aurait été lui et aucun autre.

Elle y avait songé parfois, non sans la teinte cramoisie que prenaient ses joues lorsqu'elle se surprenait à l'imaginer. C'était la façon qu'il avait de toujours faire attention à elle, de partager ses boissons avec elle, de la laisser piquer dans ses snacks comme s'il les avait pris rien que pour elle. Lorsqu'elle posait sa tête sur le coin de son épaule pour regarder une vidéo que l'écran de son téléphone et qu'il la laissait faire ou qu'il se glissait à ses côtés lorsque d'autres se tenaient si près qu'elle se sentait mal à l'aise.

Du plus loin qu'elle se souvienne, il lui avait toujours paru impensable de ne pas tomber sous son charme parce qu'à elle, si on le lui avait demandé, elle aurait répondu qu'il était le plus important de tous, une évidence, son évidence.

Il y eut un silence retentissant avant que sa voix ne vienne à nouveau caresser la quiétude de la nuit.

"Tu m'aimes ?" Elle ne semble pas étonnée cette fois, sûrement parce qu'elle s'est faite à l'idée que l'on embrasse ceux qu'on aime ? La déclaration est jolie, elle est délicate entre ses lèvres à lui et elle résonne fort dans son cœur à elle.

Sa tête penche doucement sur le côté tandis que son buste pivote, repliant l'une de ses jambes sous sa cuisse, éraflant la pierre du muret pour se tourner vers lui.

"Le début c'était au collège… alors tu m'aimes depuis le collège ?" Elle semble compter les années sur le bout de ses doigts. Elle est intriguée mais se surprend à aimer le lui entendre dire, encore plus le répéter à son tour (tu m'aimes ?... tu m'aimes ?) Comme une chaleur nouvelle et délicate qui se déverse délicieusement dans ses veines.

Sa paume glisse contre la joue du garçon dont le regard s'était détourné vers la ligne d'horizon. Doucement et avec une tendresse presque nouvelle, elle ramène le visage du garçon à elle, cherchant son regard pour essayer d'y trouver les réponses à ses questions.

"Tu me l'avais jamais dit." Pourquoi ? Elle demande (sous-entend naïvement) dans un silence assourdissant.