Elle n'avait pas correctement évalué les distances. Le campus était absolument géant ! et les bâtiments qui paraissaient tous proches les uns des autres s'avéraient bien plus difficiles à rejoindre lorsque l'aiguille sur l'horloge pressait et que son tout premier cours de l'année s'apprêtait à commencer.

Elle n'avait pas non plus retrouvé ses amis parmi tout ce monde. A dire vrai, ces gens n'étaient pas tant ses amis mais plutôt diverses connaissances rencontrées au cours de ses années de collège et de lycée. Elle avait même entendu qu'un garçon avec qui elle était en primaire avait été accepté dans le même cursus qu'elle, la même université qu'elle.

Ainsi étaient-ils tous de simples connaissances ou anciens camarades de classe mais Miso s'était appliquée à gentiment contacter chacun d'entre eux s'ils souhaitaient se retrouver avant ou après les cours, pour manger, réviser ensemble ou seulement se dire bonjour.

Mais pour l'heure, elle était seule. Son chemin se frayant difficilement dans le grand amphithéâtre qui ne semblait pas recueillir suffisamment de places pour le nombre d'étudiants conviés. Sans doute parce que c'était la toute première classe de l'année et que plusieurs cursus d'économie, de politique et de droit avaient été mélangés ensemble pour ce qui, finalement, n'était pas tellement un cours, mais une assemblée pour bien prendre en main sa rentrée.

— Bonjour ! Excuse-moi... est-ce que par hasard tu attends quelqu'un ? Avait-elle demandé à une fille dont les affaires posées sur le strapontin à côté d'elle recelaient probablement l'une (sinon la dernière place assise de la grande salle.

Elle avait de longs cheveux d'ébène et un regard si grand qu'il captait toutes les lumières de la pièce. Il les reflétait comme de petites étoiles brillantes. C'était joli. Elle était toute jolie et Miso aurait déjà voulu être son amie.

— Ca te dérange si je prends cette place à côté de toi ? Elle s'était illuminée d'un sourire tendre et empli d'une confiance en elle dévorante, glissant la pointe de ses ongles sur la sangle bien accrochée de son sac qui commençait à peser lourd sur son épaule.

Il y avait quelque chose d'assez excitant d'arriver sur un nouveau campus, bien loin (très loin) de ce dont Soleen avait l'habitude aux États-Unis mais c'était ce qui rendait la demoiselle encore plus curieuse justement. Même si une pointe d'angoisse était également présente, un mélange bien particulier qu'elle ne saurait réellement décrire. Est-ce que tout allait bien se passer ? Et si elle se ridiculisait dès le départ ? Oh bien sûr, Yeleen et Liam lui avaient assurés qu'elle s'en sortirait comme un chef, ils avaient ça de le sang après tout mais quand même ! C'était une toute nouvelle vie qui commençait maintenant ! Si elle se plantait dès le premier jour, c'était un coup à se coller une étiquette dans le dos pour le restant de l'année.

De plus contrairement à d'autres, elle était seule. De sa place stratégiquement choisie pour ne pas être trop devant, ni totalement derrière dans l'amphithéâtre, elle pouvait voir ceux qui se connaissaient déjà, un petit sentiment d'envie et de jalousie qui se bagarraient dans son esprit l'espace de quelques secondes. Est-ce qu'elle aurait la chance de pouvoir bientôt faire ça le matin aussi ? Blaguer avec quelqu'un ? Être contente de retrouver cette personne ?

Un mouvement à ses côtés qui attire son attention et son regard qui croise celui d'une autre jeune fille qui aurait pu sortit tout droit d'un conte de fée. Elle était belle, elle rayonnait comme un soleil malgré cette touche de timidité. « Oh o-oui, c'est libre, » Soleen lui sourit naturellement, parce que comment faire autrement quand la présence de l'inconnue lui donnait autant de joie. Dégageant ses affaires pour l'inviter à s'asseoir, elle l'observa quelques instants. « Toi aussi t'es nouvelle ? » Soleen murmura, un peu timide. « Beaucoup ont l'air de se connaître ici. »

Des amis de lycées, des nouveaux qui se sont peut-être déjà croisés dans les couloirs ou bien des redoublants. C'était intimidant d'être seule au milieu.

Par chance, le cours n'avait pas encore commencé. Sur l'horloge digitale qu'affichait l'un des murs à la hauteur vertigineuse, Miso pouvait deviner que cela ne saurait toutefois trop tarder. Pas l'ombre d'un professeur à l'horizon, cependant. Pressée par l'urgence de trouver un siège avant que ne s'abatte le silence et le risque de se faire remarquer dès le premier jour, elle trouvait toutefois amusante les réponses obtenues à ses questions.

"Est-ce que ça te dérange ?" D'emblée désarmée par la douceur de sa voix et la maladresse de ses quelques mots. "Oui."
Miso avait d'abord senti ses terminaisons nerveuses s'électriser du fait d'un premier rejet. "C'est libre." Elle n'était plus certaine s'il fallait qu'elle s'installe ou non ? Jusqu'à ce que cette même fille débarrasse le siège de ses affaires pour que Miso puisse y déposer les siennes.

— Oh ? C'est super ? Merci ? Pourquoi était-ce la même intonation qu'une question ? Elle-même ne faisait plus aucun sens mais s'empressa tout de même de faire lever deux personnes sur la rangée avant de rejoindre la place indiquée.

Elle ne put empêcher le sourire qui gagnait malgré elle ses lippes joliment étirées. — C'est la troisième fois que je viens ici. La montre jouait contre elle et pourtant elle prit le temps de lisser consciencieusement la fabrique de sa jupe avant de prendre place. Mais la toute première que j'entre dans un amphithéâtre... précisa-t-elle, car les journées d'orientation et d'inscription comptaient-elles vraiment ? Je n'ai pas retrouvé beaucoup d'amis dans cette université, en revanche il y a quelques anciens camarades ! Chuchota-t-elle en dirigeant son attention vers celle dont le rose teintait à présent délicatement les joues. Tu n'as retrouvé personne de ton ancienne école ? Sa dernière interrogation vint avec beaucoup plus de compassion qu'elle ne l'aurait imaginé. Pourquoi semblait-elle aussi triste et nerveuse ? A cela, Miso ne put s'empêcher de se pencher un peu plus vers elle, affichant une moue inquiète.

UUne confiance légèrement ébranlée en arrivant dans la salle de cours, regard parcourant les différentes places tout en se doutant que la plupart étaient déjà prises par des personnes se connaissant déjà. Quelques loups solitaires qui avaient posé leurs sacs sur le siège à côté pour bien faire comprendre que toute nouvelle présence à leurs côtés n'était pas désirée. Cela n'empêchait pas l'excitation et la nervosité de se mélanger pour donner un cocktail pouvant se révéler bon, ou mauvais, pour elle.

Perdue dans ses pensées, elle tourna son visage vers la nouvelle voix à ses côtés, sourire venant étirer les bords de ses lèvres et révéler ses petites quenottes. Une future amie ? Peut-être qu'elle met trop de temps pour répondre, trop hypnotisée par la beauté et la douceur de ses traits, peut-être qu'elle passera pour une tarée à la fixer comme ça sans rien dire ? En tout cas, Soleen finit par se reprendre et enleva ses affaires du siège, lui adressant un nouveau sourire. « De... rien ? » Le ton de l'inconnue la fit cligner des yeux, voix faisant maintenant écho à la sienne.

« Troisième fois ? » Parlait-elle des premières visites pour s'inscrire ? Probablement. Soleen n'avait pas vraiment eu l'occasion, tout avait été fait pour elle bien avant son arrivée dans la capitale. « Oh, » la brunette hocha la tête doucement. « Non, personne. Je ne viens pas d'ici. » Et faire New York-Séoul ce n'était pas donné à tout le monde. « Je suis de New York à la base. » Elle ajoute, petite moue timide alors qu'elle se sent rougir. « Je ne connais que ma famille, mes aînés sont tous dans cette université je suis la dernière à entrer sur le campus. » Soleen vient jouer avec les bords de son haut. « C'est... très intimidant. Mais excitant aussi ! » Et elle était contente qu'on soit venu lui parler.

Alors, Miso prend place aux côtés de l'inconnue dont les yeux pétillent. Sa première question l'étonne car tous sont nouveaux dans cet amphithéâtre. L'université est réputée, elle figure parmi les trois meilleures du pays et des lycéens venus des quatre coins de la nation ont été sélectionnés suite à leurs excellents résultats scolaires pour former ce qu'on lui avait dit être la "nouvelle élite" de demain. Parce que Miso n'a pas grandi dans une famille permettant de lui assurer une place de choix dans la société, ses résultats scolaires et la bourse d'excellence qu'elle a reçue pour ces derniers relevaient d'un véritable accomplissement personnel.

— Oui, trois. Il y a eu la première fois où nous sommes venus visiter l'université avec ma classe, en cours élémentaire. Puis une autre fois mais cette fois-ci c'était au lycée ! La troisième fois, Miso suppose qu'elle devinera que c'est aujourd'hui, ainsi qu'elle le lui avait déjà suggéré.

— New York ! L'un de ses mains vient se poser contre ses lèvres au même moment où sa mâchoire donne l'impression de se décrocher de surprise. Elle modère enfin légèrement le ton de sa voix. Tu viens vraiment de New York ? Tu as vraiment beaucoup de chance ! J'aimerais tellement y aller pour visiter un jour. S'ensuit un éclat de rire rêveur. Et puis, elle songe. Tu es half ? Demande-t-elle sans trembler, sans même passer par plusieurs chemins, faisant référence à ceux qui, comme elle, avaient un parent coréen et un parent d'une nation étrangère. Cela dit, elle n'en a pas l'air.

— Je devrais plutôt demander ton prénom avant de poser cette question. Je m'appelle Yoo Miso, et toi ? A présent que ses yeux s'étaient posés sur la petite américaine, Miso était certaine qu'elle n'en décrocherait plus.