D’aussi loin qu’il se souvienne, il n’a jamais vécu avec sa mère, elle qui est restée en Thaïlande alors que lui était forcé de venir vivre sous les ordres d’une nourrice autoritaire. Jeune et naïf, il pensait qu’en se montrant calme et discipliné, il parviendrait à se lier avec celui qu’il voulait appelé papa, en vain. Il lui a fallu de longues années pour comprendre que l’homme au regard noir ne le verrait jamais autrement que comme un investissement. // Il a un coup de crayon sans pareil. Le dessin est une passion née du néant, un loisir qu’il a fait grandir, évoluer et améliorer avec le temps. Il ne passe pas un jour sans qu’il ne dessine quelques croquis sur un cahier. Il a ainsi plus d’une cinquantaine d’ouvrages de ses créations. Des natures mortes en passant par l’architecture, il aime particulièrement faire les esquisses des visages et des scènes de la vie dont il est témoin. Un talent dont il aurait aimé faire son métier… // Il vit uniquement grâce à l’argent que son géniteur lui donne généreusement et est scrupuleusement maintenu loin des médias. Il est la honte de l’homme qui lui a donné vie par inadvertance, et s’il pensait que sa vie s’en trouverait écourtée, il se surprend chaque jour de pouvoir encore respirer. Une vie dans une cage dorée, puisque ses moindres gestes sont surveillés et parfois même contrôlé. Il n’est qu’un faire-valoir aux yeux du patriarche qui ne voit en lui qu’un objet bon à servir ses intérêts. // Depuis ses dix-huit ans, il a été fiancé pas moins de douze fois, des rendez-vous et des mariages arrangés dans le seul but pour son père de former des alliances financièrement avantageuses. Mais chacune de fiançailles se sont soldées par une séparation et une humiliation cuisante. Des échecs dont il se relevait en se détruisant toujours un peu plus à coup d’alcool et de substances illicites. // Aujourd’hui, alcoolique et drogué, il ne présente plus de réel intérêt pour son géniteur qui se contente de nettoyer derrières ses soirées marquées par l’excès. Il a découvert avec le temps que peu importait ses dérapages, l’homme d’affaire ne laisserait aucun indice qui puisse lui porter préjudice, aussi, il se vautre allègrement dans la décadence et la luxure en consommant à outrance. Il perd régulièrement conscience et ne se réveille jamais là où il pensait être : hôpital, hôtel, motel miteux, appartement inconnu… en compagnie, d’une ou deux femmes, parfois seul, il ne s’étonne plus de ces réveils qui en feraient pâlir plus d’un. // Puisqu’il n’a aucun droit sur sa vie, il a décidé de faire les quatre cents coups chaque jour. À l’instar d’un adolescent, il enchaîne les conneries et se permet des comportements puérils avec tous ceux qui croiseront son chemin. // S’il donne l’impression de se complaire dans sa vie de débauche, inconsciemment il aspire à la banalité et la simplicité, une vie professionnelle épanouissante, peut-être même une épouse et une famille qui l’attendrait chaque soir à son retour. // Il n’a aucun diplôme en poche, mais depuis quelques temps, il enfile sweat à capuche et se faufile dans certains cours de la Yonsei en espérant y apprendre de quoi le sortir de sa vie décousue. // Si son quotidien de flambeur pourrait en faire rêver plus d’un, lui ne s’en plaint pas, mais espère malgré tout pouvoir sortir de l’ombre du patriarche. Ni triste, ni heureux, il erre en se cherchant une identité, et en profitant éhontément de ces passe-droits. Les larmes seraient une perte de temps et d’énergie, il préfère rire et jouer comme un gosse, rattraper toutes ces années passées à tenter de rentrer dans les cases qui ne lui étaient pas destinées. // Il a déjà frôlé l’overdose, mais cet incident et l’hospitalisation qui a suivie n’a pas su le guérir de ses addictions.