Il ne savait pas ce qu’il avait depuis ce matin, cependant Shi Hyun ne se sentait pas dans son assiette. Probablement un surplus de fatigue, entre ses études, ses nuits courtes et son « boulot » qui accaparaient les trois quarts de son temps. Mais qui pouvait-il s’il n’était pas un grand dormeur, s’il était passionné par l’informatique, et s’il s’investissait peut-être un peu trop dans son travail ? A dire vrai, il ne s’était jamais senti aussi utile que depuis ce jour où il avait rejoint les rangs de la police, simplement pour prêter main forte à une équipe qui avait besoin de ses talents en bureautique. Jamais il n’aurait imaginé emprunter une telle voie, certainement pas après avoir passé plusieurs mois en prison, cependant ce n’était pas si mal. Au moins, il pouvait user de ses capacités sans craindre d’être attrapé, puisqu’il les utilisait pour faire le bien. Sous les menaces d’un de ses camarades, il n’avait pas eu d’autres choix que de se laisser traîner à l’infirmerie, non pas sans râler. Il y avait pire qu’un état de fatigue, l’autre garçon exagérait, toutefois il ne lui donna aucune opportunité d’en placer une. Après être entré dans la pièce, avoir expliqué à l’infirmier qu’un copain à lui ne se sentait pas bien et qu’il fallait le laisser se reposer, il l’avait vivement poussé à l’intérieur, disparaissant ensuite soudainement.

Confus, Shi Hyun observa la porte se fermer derrière avant de souffler discrètement. Et quand son regard s’égara sur l’autre personne, il ne put que le fixer en silence, ne mettant pas trop de temps pour reconnaître le jeune homme en face de lui. Depuis combien de temps travaillait-il ici ? L’étudiant n’avait pas le souvenir de l’avoir déjà croisé ici auparavant. Non pas que ça le dérangeait particulièrement, lui s’en fichait. Parce qu’il n’accordait jamais une profonde attention aux garçons avec qui il passait la nuit ; il prenait du bon temps l’espace d’un soir puis, le jour suivant, il retournait vaquer à ses occupations, comme si rien n’était arrivé. La preuve était qu’il ne s’était pas gêné à l’abandonner au petit matin, n’attendant pas son réveil pour quitter la chambre d’hôtel dans laquelle tous deux se trouvaient. « Il manquait plus que ça. » Pesta-t-il dans sa barbe, espérant que son vis-à-vis saurait faire abstraction de leur nuit passée, car lui n’avait aucunement l’intention de se justifier. C’était bien sa veine, il savait qu’il n’aurait jamais dû écouter son camarade, et rentrer chez lui au lieu de perdre son temps à l’infirmerie.

L’infirmerie était relativement calme aujourd’hui, tu n’avais eu que peu de visite jusque-là, te permettant ainsi d’avancer un peu sur d’autres tâches, notamment au niveau de la paperasse que tu avais souvent tendance à négliger. Le côté administratif, ça n’a jamais été ton fort et tu as tendance à repousser de le faire au lendemain, ou simplement laisser cette besogne à ta collègue, l’air de rien. Tu profites d’avoir tout juste fini ta pile de dossiers, pour jeter un œil depuis ton smartphone, sur la caméra de chez toi, qui en ton absence, surveille ta chienne pour toi. Tu souris comme un idiot en voyant Lexi roupiller comme un sac sur le canapé, enfin c’est surtout sa position tordue, les quatre fers en l’air qui te fais marrer. Tu es à deux doigts de partir en fou rire lorsque la porte s’ouvre, ce qui te fait t’arrêter de rire avant même d’avoir réellement commencer et te fait retrouver ton sérieux. Un étudiant s’avance vers le bureau où tu te trouve et explique que son ami ne se sent pas bien, qu’il lui faudrait surtout du repos, tu acquiesces, comprenant parfaitement. Tu as l’habitude depuis que tu es arrivé ici, le surmenage est monnaie courante parmi les étudiants. Ils passent de nombreuses heures à étudier en dehors des heures de cours déjà bien fournies, sans compter que beaucoup d’entre eux ont de petits boulots à côté, ce qui laisse que peu de temps au repos, dont ils ont pourtant cruellement besoin pour pouvoir bien fonctionner. – Et où est cet ami ? Le questionne-tu, l’étudiant étant entré tout seul dans la pièce. Ce dernier te répond qu’il est derrière la porte, et ressort aussi vite après, poussant le dit ami dans la pièce, le laissant, refermant aussitôt après. Tu en conclue que le jeune homme en question n’est pas forcément là de son plein gré. Même si ce n’est jamais plaisant d’être forcé à faire quelque chose contre son gré, tu trouves ça chouette que l’autre garçon ce soit inquiété de la santé de son ami au point de le forcer à venir se reposer ici.

Après ce constat, tu détailles le nouvel arrivant et tu le reconnais rapidement. Ton dernier one night stand en date. Tu ne fais pas ça souvent, ce n’est pas dans ta nature, c’est juste que depuis ta rupture, tu profites, parce que tu ne te sens pas prêt à te replonger dans une relation stable tout de suite. Est-ce que ça te gêne de te retrouver face à lui, là ? Non. Après tout tu ignorais qu’il est étudiant et tu ne travaillais même pas encore là, il n’y a donc aucune raison d’en être gêné. Tu ne montres d’ailleurs rien de ton côté, tu ne sais pas trop s’il t’a également reconnu, et comme il est parti avant même ton réveil, vous ne vous êtes vu que de nuit. Sa remarque, bien que marmonner semble-t-il pour lui-même, tu l’entends et ça te fait tiquer, marquant une expression d’étonnement sur ton visage. Tu aurais pu ne faire aucune remarque, tu devrais ne faire aucune remarque sur votre passif, mais tu n’arrives pas à rester muet devant cette phrase que t’estimes désobligeante. – Bah ouais, tu vas devoir faire avec moi, mais si vraiment je te dérange tant que ça, tu peux faire comme la dernière fois. C’est pas très pro, mais c’est plus fort que toi là, impossible de ne pas lui lancer cette petite pique. En vrai, t’en n’avais rien à faire qu’il se soit barré avant ton réveil, c’est seulement sa phrase là, à l’instant que t’as mal pris. Il n’aurait rien dit, t’aurais pas amené le sujet non plus. – Mais je te le déconseille, je suppose que si ton ami t’a amené jusque-là, c’est que t’as vraiment besoin de ce repos. Ta voix est redevenu plus douce, plus pro, t’as repris le costume de l’infirmier qui prend soin de ses étudiants.

Shi Hyun n’avait jamais été une personne très sociable, principalement parce qu’il ne savait pas comment communiquer correctement, préférant largement se réfugier derrière un écran que dans une foule emplie de monde. Et c’était le pourquoi ce fut plus fort que lui de râler, en reconnaissant la personne qui servait d’infirmier à la faculté. Déjà qu’il n’était pas spécialement motivé à l’idée de venir en ces lieux, il l’était encore moins désormais. Ce n’était qu’un misérable coup de fatigue, ou un petit coup de froid, son camarade était celui qui avait exagéré. Hors, visiblement, il n’exagérait pas tant que ça puisqu’il était parvenu à emmener cette grande perche à l’infirmerie, sans profonde difficulté. Comme toujours, c’était Shi Hyun qui refusait d’accepter le fait que son corps n’était pas au meilleur de sa forme, simplement parce qu’il détestait l’idée d’être faible, qu’il n’aimait pas se sentir misérable, puis qu’il se croyait toujours plus fort que ce qu’il était. Sauf que lui non plus n’était pas invincible, il n’était pas immune à la maladie, et il arriverait bien un moment donné où, qu’il le désire ou non, son corps ne l’écouterait plus. « Je ne comptais pas rester de toute façon. » Il l’avait fait parce que l’autre étudiant l’y avait traîné, cependant il n’avait aucune raison de rester davantage. Il n’avait pas non plus envie d’être ausculté par l’une de ses relations d’un soir, il ne souhaitait pas justifier de quoi que ce soit, donc plus loin il se tiendrait, mieux Shi Hyun se porterait.

« Je vais bien. » C’était à se demander qui il essayait de convaincre avec ses airs froids qu’il arborait sans arrêt, les sourcils froncés, comme s’il était incapable ne serait-ce que quelques secondes. Et sans dire un mot de plus, sans daigner s’incliner pour le saluer, le jeune homme fit alors demi-tour. Toutefois, il ne put effectuer que quelques misérables petits mètres, la terre paraissant tourner rapidement tout à coup, alors qu’il se retenait contre l’entrebâillement de la porte afin de ne pas tomber. Des frissons le parcouraient, accompagnés de gouttes de sueur naissantes sur sa figure, et qui traduisait certainement l’existence d’une forte fièvre. Était-il sérieusement aussi mal en point ? C’était bien sa veine, franchement.

Si de base sa réflexion t’a soulé, lui laissant entendre qu’il pouvait repartir s’il le souhaitait, tu reprends cependant vite le costume de l’infirmier, ajoutant que tu lui déconseille de le faire. T’as réagi impulsivement, mais s’il a été amené là par son ami, ce n’est pas sans raison, et tu ne veux pas prendre le risque de le voir faire un malaise peu de temps après avoir quitté l’infirmerie et n’avoir rien fait pour l’aider. De prime abord, vu sa répartie, effectivement, il ne semble pas aller si mal que ça, et avant de pouvoir l’ausculter, tu supposes un bon coup de fatigue dû au stress et à la pression que la plupart des étudiants se mettent lors de leurs études, et plus encore en période d’examen. Seulement, il a beau t’affirmer qu’il va bien, tu n’es pas du tout convaincu. Mettant ses paroles à exécution, tu le regardes faire demi-tour, non pas sans réagir. – Attends. T’essaies de le retenir et entame quelques pas dans sa direction. Il ne lui faut pas longtemps pour donner confirmation à ton intuition. Non, il n’allait pas bien. Visiblement, son ami avait raison de s’inquiéter pour lui et de te l’amener jusqu’à toi. Le jeune homme vacille et se tient péniblement à l’encablure de la porte, par réflexe tu te précipites vers lui, accélérant tes pas, pour arriver rapidement à son niveau, et le retenir avant qu’il ne s’effondre au sol. – Je crois que tu vas devoir rester un peu plus longuement que prévu en ma compagnie. Tu lui dis cela, en toute bienveillance, plus pour dédramatiser la situation, que par provocation. A sa façon d’agir, t’as plus ou moins compris qu’il est quelqu’un de fier, qui n’aime pas montrer quand ça ne va pas.

Ton bras autour de sa taille, tu le retiens et l’aide à se mouvoir jusqu’à la pièce d’à côté où se trouve un lit où tu l’assoies dans un premier temps. – Allonges-toi, c’est plus sûr. Et pour commencer je vais prendre ta température. Quand tu le tenais contre toi, tu as senti la chaleur émaner de lui, il a de la fièvre, c’est sûr et certain, sans compter la sueur visible perler de ses tempes. Tout en gardant un œil sur lui, afin de t’assurer qu’il ne perde pas connaissance, tu prends tout ce dont tu as besoin, à commencer par le thermomètre, de quoi prendre sa tension et de quoi commencer à faire baisser un peu sa température. Tu prends un siège roulant et t’installe près du lit, tout en pointant le laser du thermomètre sur son front. – Tu te sens comment là ? Tu notes la température, puis passe à la tension. Tu prends son bras le pose sur ta cuisse pour installer l’appareil. – Désolé pour tout à l’heure, c’était déplacé de ma part. Tu lui glisses ton excuse un peu gênée, mais si sur le coup t’as mal réagi, t’es pas quelqu’un de mauvais et tu détestes le manque de respect, tu ne peux pas ne pas présenter d’excuse, surtout quand tu te sais en tort. Tu as fait cette erreur avec ton meilleur ami, plus jeune, t’as pas eu l’occasion de t’excuser auprès de lui, tu mets donc un point d’honneur depuis, à le faire systématiquement.

Dans ce genre de moment, Shi Hyun souhaiterait pouvoir insulter la Terre entière. Il détestait tellement se sentir aussi faible, mais qui pouvait-il si son corps refusait à présent de l’écouter ? Et ça le frustrait, beaucoup plus qu’il ne l’affichait certainement. Appuyé contre le mur, il tentait vainement de se reprendre, de puiser en lui le peu de forces qui lui restaient, seulement il ne semblait en rester aucune. Voilà qu’il se retrouvait obligé de prendre appui contre le nouvel infirmier de la faculté et, bien qu’il souhaiterait le repousser sèchement, même pour ça, il n’en avait plus assez d’énergie. Le jeune homme détestait recroiser des personnes avec qui il avait passé la nuit, il détestait qu’on sache ce qu’il avait fait, effrayé du comment ses proches le jugeraient s’ils découvraient toute la vérité. Il mourrait d’envie de l’envoyer balader, le repousser puis simplement lui demander d’aller se faire voir, néanmoins aucun son de traversa la barrière de ses lèvres. Shi Hyun resta silencieux, alors qu’il se laissait guider jusqu’à l’un des lits installés dans la pièce, parce qu’il n’avait malheureusement pas d’autres choix que capituler. Son corps ne l’écoutait plus, et il devait visiblement à tout prix se reposer. Quelle sorte de microbe avait-il bien pu attraper pour se retrouver dans un tel état ? Probablement que s’il avait pris mieux soin de lui, le garçon ne se tiendrait pas là aujourd’hui.

Même s’il manquait cruellement d’énergie, ça ne l’empêcha pas de soupirer une fois allongé, son bras soigneusement posé contre son front. Pas besoin d’être médecin pour deviner qu’il avait sûrement de la fièvre, mais même ça, Shi Hyun refusait de se l’admettre. Tout ce qu’il souhaitait était de s’échapper d’ici le plus rapidement possible. « Comment veux-tu que je me sente ? » Demanda-t-il froidement, retirant machinalement son bras placé à son visage, afin de le laisser prendre sa température et sa tension. S’il était forcé de rester cloitrer dans ce lit, cela signifiait naturellement que rien n’allait comme il le voulait. Était-ce réellement nécessaire de lui poser une question aussi stupide ? « Peu importe. » Franchement, qu’est-ce que ses excuses étaient censées lui faire ? Lui ne comptait pas clamer être désolé pour son attitude, parce qu’il ne penserait pas ses mots et qu’il n’avait pas envie de mentir. En toute honnêteté, il s’en fichait complètement du comment l’infirmier avait réagi avec lui plus tôt ; ce n’était pas comme si ce dernier lui devait quoi que ce soit de toute manière. « Fais juste ce que t’as à faire. » Lui donner des médicaments et le laisser se reposer tranquille serait probablement suffisant.