Assis et en rang, ils portent cet uniforme qu’ils ont toujours connus dans le gymnase du lycée, à l’abri du vent et de la neige. Tandis que le directeur prononce ce discours qu’il répète chaque année avant d’annoncer le classement général, devant une assemblée tremblant de froid (chauffage en panne) et non effrayé par le marathon prochain qui les attend ; il leur rappelle ô combien, la rentrée prochaine s’annonce cruciale pour eux et qu’ils ne doivent en aucun cas lésiner. Même si la discipline est de rigueur, les propos barbants et soporifiques font décrocher la mâchoire de plus d’un, mais elle, elle reste droite sur sa chaise pliante. Son regard est braqué en direction de ce garçon, de dos, quelques rangs devant elle en diagonale ; même au milieu de la foule, elle pourrait le reconnaître d’un seul regard. Un regard noir qui pourrait lui trouer le crâne, mais il ne le sent malheureusement pas à ne pas se retourner. C’est dans ces moment-là, qu’elle le déteste tout simplement à ne pas ajuster sa fréquence télépathique à la sienne. Il y a tellement de chose qu’elle voudrait lui dire, mais il ne comprend rien - à quoi bon être intelligent et assis devant, si c’est pour être aussi con. Son portable vibre dans sa poche, la lycéenne n’a pas besoin de le sortir pour deviner le contenu de la notification – le temps lui est plus que compté.

Sa patience s’érode au fur et à mesure que le doyen annonce les noms et que les élèves se lèvent pour monter sur l’estrade. Elle se lève brusquement, faisant presque basculer en arrière sa chaise pliante « Monsieur, je ne me sens pas bien, je peux aller à l’infirmerie ? ». Si au début, son professeur principal lui demande de se rassoir d’un geste réprobateur mais quand elle insiste et il cède pour ne pas retarder le discours. Elle jette un dernier regard vers la tête brune avant de partir. Lorsque la porte se referme derrière elle, c’est le froid qui lui mord les joues. « Au bout de dix, s’il n’est pas là… je – », la phrase reste en suspens, pourquoi ne viendrait-il pas ? Un décompte silencieux se fait alors dans sa tête.

Deux émotions font trembler son corps d’hésitation. Cette nouvelle était tombée comme un couperet et avait laissé le jeune garçon complètement pantois. Comment digérer son départ de façon si inattendue ? Quand bien même Guwon aurait eu les capacités de le prévoir, il n’aurait jamais été capable de l’accepter. A ses yeux, s’imaginer son quotidien sans elle était pire que les flammes de l’enfer. C’est en tout cas les conclusions d’un adolescent qui ne parvient pas à contrôler ses émotions. Car, à cet âge-là, tout rime avec exagération, surtout quand son amie est dans les parages… Son amie, un faible nom par rapport à tout ce qu’elle pouvait représenter pour lui, dans sa vie. C’est sûrement pour cette raison qu’il a étouffé quelques pleurs sous son oreiller la veille. Guwon est à fleur de peau quand il commence à mettre enfin un exemple sur la définition des regrets… Elle n’est pas encore partie et son cœur n’est pas prêt à la laisser s’en aller. Comment se comporter en sa compagnie ? Devrait-il profiter de sa présence jusqu’au bout ou devrait-il se prévenir ? Un jour de plus, un jour de moins, il est trop tard pour ce garçon qui n’a pas réellement été honnête envers lui-même. A défaut de pouvoir chercher conseil auprès de son grand-frère pour des raisons évidentes, c’est dans le visionnage de films romantiques qu’il tente de faire un choix. Il manque de faire nuit blanche quand le troisième film s’avère être un navet et lui offre quelques heures de sommeil…

Pas suffisantes. C’est ce qui explique son manque de discernement, à ne pas lui prêter assez attention depuis qu’ils sont entrés dans la grande salle. A elle, comme au directeur qui s’élance dans un discours insoutenable. Quelques minutes plus tard, son voisin lui assène un léger coup de coude. Il sort de ses rêveries et se lève subitement, pensant que c’est à son tour de monter sur l’estrade. Mais la confusion se lit sur le visage du doyen et il suit le regard de ce dernier vers … Taehee. Ses yeux croisent furtivement les siens tandis qu’il détecte facilement le mensonge dans le ton de sa voix. Ils se connaissent trop bien, pas vrai ? C’est pour cette raison qu’il a toujours préféré taire ses sentiments à son égard. Celle-ci a toujours été préoccupée par un autre… Mais Guwon doit se comporter comme un bonhomme, et … Il se rassoit en se sentant idiot, puis tente de reprendre contenance et se concentre sur le discours. Il imagine qu’il devrait jouer le jeu, vérifier si la jeune femme va bien. Peut-être qu’elle est dans le même état que lui… Autant lui poser la question directement ? Néanmoins, c’est seulement dix minutes plus tard qu’il parvient à s’échapper. Son intervention est terminée, et il fait comprendre au professeur qu’il a attrapé un quelque chose. Argument peu solide, mais par chance, sa réputation lui permet d’avoir le droit à une permission exceptionnelle. Pour autant, il se sait en retard quand il la retrouve dehors. “ L’infirmerie a déménagé elle aussi ? “ Coup fatal avec un humour douteux. Guwon doit être maso…

Avant de sortir, elle lance un dernier regard en sa direction – mais rien n’y fait, il semble buté à regarder droit devant lui, comme beaucoup d’autre, mais il n’était pas ses autres et de ce fait, elle le maudissait. Laissant la lourde porte métallique du gymnase se refermer devant elle, le froid lui arrache plus qu’un frisson. Il n’allait pas la faire attendre, pas vrai ? Elle affiche un sourire confiant et entame silencieusement son petit décompte, mais au fur et à mesure que les nombres se succèdent, son expression s’assombrit en même temps que le doute ébranle ses convictions. Elle compte alors plus fort, peut-être qu’elle ne savait plus le faire à force de trembler comme une feuille sous ce vent glacial, mais le sourire tranquille qu’elle affichait devient crispé. À quoi bon se faire appeler sur l’estrade et recevoir des éloges, quand on est aussi con ? Impossible de dire si ce sont les températures basses ou l’absence du garçon qui font empirer son humeur, mais quand elle le voit enfin apparaître, elle manque pas de lui bondir dessus en le saisissant par le col en même temps que le même claquement métallique retentit. « Tu-tu-tu... j’ai failli mourir d’hypothermie à t’attendre ! » ses mains tremblent, mais pour se venger, elle les plaque alors dans la nuque de ce dernier. S'il pouvait mourir de froid comme on pouvait être foudroyer par la foudre, à cet instant même, elle le célèbrerait – quoique non, pas aujourd’hui, elle avait quelque chose à lui dire. « A-avoue que tu veux me tuer ! », ce n’est pas un moyen pour la retenir, sinon elle l’aurait déjà fait. « Tu l’as fait exprès, parce que tu m’en veux ? », lui comme elle savait que c’était son dernier jour, elle pensait passer la semaine à rire avec lui mais finalement, il semblait toujours, un peu, ailleurs. Là, mais pas vraiment sauf le temps commençait cruellement à leur manquer. Même s’il n’avait cessé de lui assurer que tout allait bien, elle y voyait clair dans son jeu. La conclusion n’est juste pas la bonne. Oupsie.

« ATCHOUM »