+ Depuis qu’il a raccroché ses patins et laissé derrière lui la vie tumultueuse des compétitions, Yuma a tendance à fuir son passé. Même sa relation avec la glace en a été affectée. Il a dédié sa vie au patinage artistique, qui ne lui a pas toujours bien rendu… Certes, la vie d’athlète nécessite des sacrifices. Cela dit, Yuma estime avoir suffisamment donné. Il aurait aimé que certains évènements soient différents. Il est tombé de haut quand on lui a annoncé le choix cornélien qui s’imposait à lui : arrêter les compétitions et espérer pouvoir continuer de patiner encore quelques temps… Persister et, sur le long terme, ne plus pouvoir fouler la glace du tout. Yuma ne peut s’en prendre qu’à lui. S’il avait été moins têtu, s’il avait écouté son corps et l’équipe médicale qui l’entourait, quand il s’est blessé à la cheville pour la première fois… Il n’en serait pas arrivé là.

En arrivant à la Yonsei, il ne s’attendait pas à trouver une vieille connaissance parmi ses élèves… Yuma a rencontré Kang Tae en 2016, il était de passage en Corée du Sud pour l’été. Il n’est pas rare que des patineurs partent à l’étranger quelques mois lorsque la saison de compétition touche à sa fin. Il y a plusieurs raisons à cela : apprendre avec d’autres coachs pour parfaire ou acquérir de nouvelles techniques, travailler sur une nouvelle chorégraphie… Yuma n’a pas fiât exception, il aimait beaucoup ces parenthèses estivales dans un autre cadre. Il avait presque l’impression d’être en vacances. Au départ, il a faillit faire comme s’il ne connaissait pas Yong Tae, mais après réflexion cela n’aurait pas été correct. D’autant plus, qu’il ignore 90% de ce qui se cache réellement derrière la fin de sa carrière. Comme tout le monde à vrai dire et il ne faut pas croire tout ce que les médias ont pu raconter…

- On va s’arrêter là pour aujourd’hui, annonce-t-il à son petit groupe d’étudiant.

La filière STAPS patinage artistique a un petit effectif. Ce qui n’est pas plus mal, cela permet à Yuma d’avoir des créneaux pour des entraînements en groupe et d’autres plus spécifiques pour chacun de ses étudiants. Il regagne la rambarde en silence. Sa cheville lui fait mal… Il préfère être sur la glace pendant ses cours, mais parfois, il ferait mieux d’écouter son corps.    

+ Retrouver Miura Yuma en tant que professeur dans cette université a plutôt été une surprise pour moi. Je n’ai pas choisi ce cursus pour sa qualité mais plutôt parce qu’elle était ma seule porte de sortie. Je n’ai jamais été un grand patineur artistique. J’étais bon, mais pas suffisamment pour espérer faire une grande carrière. En revanche, il parait que j’ai ce qu’il faut pour devenir un bon professeur et surtout un bon coach. Dans mon malheur, j’ai quand même cette chance. Je ne suis pas obligé de raccrocher. J’ai juste mis mon égo de côté, content qu’on m’encourage à continuer malgré tout, même si ce n’est pas dans la voie la plus glorieuse.

Le professeur Miura est également bon. Bon sur la glace, bon en enseignement. Il y a des gens qui raflent tous les prix, pour autant je ne ressens pas de jalousie. Je reste admiratif de son savoir-faire et je mesure ma chance de pouvoir le côtoyer de cette façon. Je suis persuadé qu’il a beaucoup à m’apprendre.

Le cours touche à sa fin et je décide d’aller lui parler. J’aimerais savoir s’il se souvient de moi. J’aimerais également lui parler de mon projet. Il aura sans doute des conseils à me donner. Parce qu’il est désormais mon professeur, je décide de lui parler de manière beaucoup plus formelle qu’à l’époque où on s’était rencontré.
« Professeur Miura. Vous avez un instant ? »
Après m’être assuré que je ne le dérangeais pas, je lui demande :
« Est-ce que par hasard, vous vous souvenez de moi ? »