Le charme des derniers instants de l'été est sans aucun doute celui de ne pas avoir à se presser. Celui de se réveiller à l'aurore mais de s'attarder dans les draps jusqu'au zénith, comme s'il n'était pas de lendemain, ni quoi que ce soit de plus grand, ni de plus important que le moment présent.

— Steal me away. Sa voix s'anime tandis que ses lèvres s'étirent en un tendre sourire sous la lueur dorée des rayons de Soleil. I don't want to ever go back. Let's stay here, just you and me. Et elle aime la douce mélodie que sa proposition entraîne, les innuendos suggérés tandis que le rebord de la tasse de son café épouse à merveille la pointe de ses lippes.

Elle n'est vêtue que d'une chemise (l'une des siennes) dont la fabrique luxueuse et légère embrasse ses courbes comme une seconde peau.

Depuis le balcon de leur chambre qui surplombe le petit village typique d'Italie, par-delà un verger florissant et non loin des premiers embruns marins, elle laisse la brise délicate caresser les mèches brunes de sa longue chevelure. Elle lui fait dos en se tenant au bord du vide, sa silhouette reposant élégamment contre la balustrade pour profiter d'un petit-déjeuner aux heures déjà bien tardives de la matinée.

Mais elle sait qu'il n'est pas loin, qu'il entend et qu'il ne tardera pas à la rejoindre pour profiter du moindre instant.

— Dis-moi, que faut-il que je fasse pour que mon offre te semble plus tentante que n'importe quelle autre ? Elle demande, tentatrice aux mots velours avant de jeter un bref regard par-dessus son épaule. On pourrait s'échapper aujourd'hui, trouver une petite crique entre les rochers, loin de tout, loin des autres et ne plus penser à rien. Je pense avoir la tenue parfaite pour quelque chose dans ce genre-là. Elle se tourne, enfin, reposant le bas de son dos contre le garde-corps en métal, l'une de ses mains glissant le long de la rampe d'un air calme et songeur. Comment faire pour que le temps s'arrête et que l'été ne finisse jamais ?

L’été touche à sa fin, et il n’a en tête que l’arrêt des vacances ainsi que la reprise du travail, loin d’ici ; à l’autre bout du monde. Pourtant son corps est ailleurs, enveloppé d’une chemise en lin ; une qu’il vient d’enfiler. Elle a pris l’autre, celle qui reposait sur le dossier d’une des chaises de la suite. C’est d’ailleurs sa voix qui le sort de ses réflexions. Cette dernière est à l’image de la soie, douce et précieuse, d’une résistance à en faire pâlir les autres matériaux qui ne pourront jamais l’égaler.

“ I will. ” Mais il ne donne pas d’échelle de temps, reste vague dans sa réponse cependant on ne peut plus sincère. Han Doryeong est un homme de parole, et personne n’oserait douter de ça. Des promesses sont des promesses, il n’y en a aucune qu’il ait brisé. Il saura la dérober au reste du monde, égoïste dieu des enfers qui gardera la plus belle des déesses dans son empire. Si la bague est déjà toute pensée, il manque encore quelques coups de pinceaux pour rendre le tableau parfait. Choi Yeleen ne mérite que ce qu’il y a de plus précieux.

Il mentirait s’il disait que le paysage qui se dessine sous ses yeux n’est pas magnifique. Un conte de fée éveillé, presque un rêve et pourtant une réalité écrasante. Il peut sentir la brise caresser sa peau et jouer avec sa chevelure, ainsi que la chaleur qui émane des pierres composant le balcon chauffées par le soleil. “ Let’s stay a bit more. ” Il n’y a qu’elle qu’il écoute ; il brûlerait le monde si elle lui demandait.

Ses pas le guident vers sa silhouette, et il laisse un tout petit espace entre eux tandis qu’il vient poser une de ses mains sur la rambarde, effleure délicatement sa joue de l’autre, replace une des mèches de ses cheveux satins derrière son oreille.

“ Let’s find a neverland today. ” Et il vient déposer un baiser chaste sur son front avant de se redresser, ce sourire à deux facettes qu’il lui offre alors que sa main est tendue dans sa direction, l’invite à le rejoindre sur terre. Elle est belle au bord du vide ; un ange qui l’attendait pour déployer ses ailes et s’envoler. Mais égoïste comme il est, il l’en empêche pour la ramener vers lui.

[...]

La température augmente alors que le soleil monte petit à petit dans le ciel. Il regarde une dernière fois les prévisions sur son téléphone avant de le ranger, juste au moment où elle le rejoint. Il retrouve alors son sourire, ne cache pas vraiment le fait qu’il est happé par sa beauté aujourd’hui particulièrement soulignée par la tenue qu’elle a soigneusement choisie. “ Beautiful. As always. ” Il complète le tout en déposant un chapeau de paille sur sa tête, tout en profitant pour encore une fois, faire glisser le bout de ses doigts sur ses pommettes.

“ Pas de carte pour aujourd’hui. Laissons nos pas nous guider. ”

Il est fou. Jamais de toute son existence, il s’est aventuré dans l’inconnu sans guide ou carte. Sa confiance en elle est aveugle, parce qu’il sait que n’importe où lui conviendra tant qu’elle est à ses côtés.

Il est son ancrage ; celui qui raisonne et qui mesure entre les deux, le seul capable de lui faire entendre raison quand personne avant lui n'avait jamais réussi à le faire.

— Neverland's way past the stars, elle fait remarquer en jouant délicatement avec la ligne de boutonnage de sa chemise à lui, réalisant combien de l'avoir auprès d'elle pourrait lui faire réviser tous ses plans pour la journée, I love it when you're talking dirty to me. Et elle esquisse un rire léger en sentant ses lèvres effleurer son front, sa main glissant dans la sienne car il aura toujours son parfait consentement à la ramener auprès de lui.

[...]

Une à une les marches en pierre de la bâtisse défilent sous ses Mary Jane plates, idéales pour souligner la finesse de sa silhouette. Choi Yeleen se fait toujours désirer. Une jupe courte qui s'ajuste parfaitement à sa taille, un peu de rose aux joues et une touche de gloss naturel à ses lèvres ; sa main effleure la rambarde des escaliers qui bordent la maison, ravie par la pureté de la lumière sur son teint de porcelaine.

Il lui fallait immortaliser ces quelques instants d'un cliché avant de songer à rejoindre le prince charmant, pressant le pas avec une rythmique légère jusqu'à se lover dans son étreinte.

— Mind you, I sent you that picture 'cause I look stunning, actually? Un voile d'ombre vient se poser sur les traits rayonnants de son visage et pourtant elle ne perd pas une once de son éclat. Elle oriente son écran vers lui pour recueillir une évidence de sa part, bien plus modeste sous ces faux accès de narcissisme qui donnent tant de cachet à sa personnalité. Puis, sa main libre se pose délicatement sur le haut du chapeau de paille, étirant sa silhouette en longueur pour déposer un baiser flottant sur la pointe de son nez. Thank you, dearest. Rejoignant le son délicat de sa voix dans un murmure tendre, et pour lui seul à entendre.

[...]

— Tu n'aimerais pas si je te disais qu'il me prend l'envie de me baigner ? Le coin de sa lèvre est pris entre ses canines et elle réprime un sourire. Personne n'oserait par ici. L'eau turquoise invite par sa beauté mais l'écume des vagues qui heurte violemment contre la roche calcaire ne ment pas quant à la violence de la houle et le danger par-delà la terre ferme. Ne fais pas ces yeux, je ne le ferai pas. Elle sourit, tirant affectueusement le garçon avec elle jusqu'à une petite échoppe, une idée derrière la tête. I'm positive we should treat ourselves with something sweet instead.

Ses pas la guide sans que jamais leurs doigts entrelacés ne se séparent et lorsqu'elle s'adresse à la vieille dame derrière le tenant du présentoir, elle resplendit d'une pointe de mischief. Una granita al limone, per favore. Son regard croise d'abord celui de la commerçante, puis il papillonne jusqu'au garçon, énonçant avec innocence. E per el mio regazzo...? Sa voix-caresse appréciant particulièrement le charme avec lequel la langue italienne lui arroge le droit de le faire sien. (Jamais pourtant ils n'avaient discuté ouvertement de ça.) Elle le ressentait simplement dans son cœur, à l'instant même, sans filtre et sans filet.