Sous l'océan ♫ × "Maman, je veux être une sirène moi aussi !" La petite Enma pointait l'écran de télévision de son petit doigt boudiné. Le programme qui passait , Little Mermaid, suffisait à mettre des éclats de joie dans les yeux de l'enfant. La mère restait stoïque , impassible, neutre face à ce spectacle de joie. Et puis, soudainement , elle fronça les sourcils et empoigna Enma par le bras avec une certaine violence. La matronne semblait en colère. Elle traîna sa fille jusqu'à une petite table où était posé un bouquin et l'asseya face à celui-ci. Des chiffres. Encore des chiffres. Toujours des exercices pleins de chiffres. Enma osa pousser un soupir d'exaspération. Elle fut vite reçue par une douloureuse gifle. " Jeune fille, j'en ai réellement assez de votre attitude insolente ! Cessez de rêvasser et appliquez-vous à votre tâche ! Les chiffres que vous voyez ici sont votre futur héritage. Ne devenez pas la honte de la famille où il vous en coûtera cher." Elle parlait comme une bourgeoise. Les parents d'Enma se prenaient pour des bourgeois, des gens richissimes. Tout ça parce qu'ils avaient du succès dans leur petite affaire, grande maintenant. Tout ça parce que leurs banques fonctionnaient à plein régime. Tout ça parce qu'ils étaient invités à des galas tous plus festueux les uns que les autres. Ils tentaient d'inculquer ces valeurs à leur fille. Des valeurs que Enma jugeait répugnante et rejetait vivement. La jeune fille voulait simplement être une enfant comme les autres. Elle voulait aller à l'école et pas suivre de stupides cours particuliers. Et puis surtout, elle voulait devenir une sirène.

Enma se souviendra toujours de son premier contact avec les bassins. Elle devait avoir 7 ou 8 ans, et même si elle était encore sous le joug de sa mère hyper strict, la jeune fille avait quand même le droit de voir d'autres gens. Comme par exemple, son oncle JongHo qui venait régulièrement lui rendre visite. JongHo possédait lui aussi une petite fortune avec sa petite entreprise, mais il n'était pas aussi avide de popularité que ses parents.

Elle était toujours heureuse de voir son oncle car elle savait qu'à ce moment-là, elle pouvait souffler un peu et cesser d'étudier. Un jour, alors qu'Enma discutait et jouait tranquillement avec son oncle, celui-ci lui demanda soudainement ce qu'elle rêvait le plus. La jeune fille n'hésita pas une seule seconde. "Je veux être une sirène !" Eclat de rire des deux protagonistes. Enma rajouta ensuite avec sérieux que c'était vraiment quelque chose qu'elle voulait. Alors, son oncle décida de l'amener à la piscine pour la première fois et de lui payer ses cours. Sans l'accord de sa mère évidemment, il savait qu'elle ne l'aurait jamais laissé faire. Il avait bien remarqué les étincelles de joie dans les yeux de la petite alors qu'elle barbotait dans l'eau. Il l'aida donc à concrétiser son rêve de devenir sirène puis nageuse reconnue.

Celui qui l'aida beaucoup aussi, c'était son entraîneur. Depuis le début, il avait décelé un gros potentiel chez Enma. C'est principalement lui qui la poussa à exploiter ses limites jusqu'au bout, à s'entraîner jusqu'à ne plus avoir de souffle. C'est également grâce à son entraîneur, et à son oncle, que sa mère accepta un peu plus l'idée qu'elle ne puisse pas faire de sa fille ce qu'elle a envie. Ainsi, les relations mère-fille devenaient un peu moins tendues.

Mais il faut toujours que le destin mette le nez dans la vie des autres alors que tout va bien. Alors que Enma grandit, qu'elle vit son rêve à fond, que sa mère a enfin accepté de l'inscrire dans une école public au cas où son rêve se casserait la figure. Ce qui n'est pas le cas puisqu'elle en était à sa 9ème compétition où elle gagnait l'or.

A 15 ans, Enma touchait enfin le gros de son rêve du bout des doigts. Une compétition à l'internationale. Elle s'était qualifiée pour concourir face aux autres jeunes espoirs mondiaux, aux Etats-Unis. Elle pensait vivre un rêve éveillée au moment où elle se trouvait sur le plot de départ. Sonnerie du début de course. Enma s'élança et nageait sous les yeux et les encouragements de son entraîneur. JongHo était présent lui aussi. Pas de trace de sa mère qui n'avait pas pu se libérer et prendre un billet pour l'Amérique. Mais bon, Enma était habituée de ne jamais la voir dans les gradins à chaque compétition. Même si sa fille commençait à se faire un nom dans le milieu du sport, elle préférait encore et toujours se pavaner dans les galas.

Bref, Enma devait tout donner pour gagner ce titre mondial et peut-être avoir une chance de participer aux Jeux Olympiques. Une option qu'elle ne se serait jamais permise de penser. Peut-être était-ce encore trop tôt.

Tout se jouait sur les derniers mètres. La pression monte. Enma ne relâchait rien tandis que son entraîneur et son fanclub l'encourageaient encore. Les derniers mètres étaient proches. Enma avait l'impression de s'envoler. L'effusion dans les gradins.  Les commentateurs s'emballaient. Et puis soudainement, elle entendait son prénom dans les hauts-parleurs. "Second, South Korea, Jo Enma !" Ce n'était pas la première place mais ça suffisait pour la jeune fille qui n'en revenait pas. Deuxième mondiale des espoirs de la natation. ça avait le don d'impressionner beaucoup de gens.

A peine était-elle sortie du bassin et rhabillée que déjà des journalistes voulaient tout savoir sur sa vie et ses ressentis. Enma n'était évidemment pas habituée à cet engouement si soudain pour sa personne et ne savait pas vraiment quoi répondre à tout ça. Heureusement, si on peut le dire, son oncle débarqua et repoussa les journalistes, l'air grave. Un air qui ne signifiait rien de bon. "Ta mère est à l'hôpital. Il y a eu une fusillade dans le château où ils ont été convié. Un malade qui s'est infiltré dans les invités et  qui a tiré partout. La sécurité s'en est vite chargé mais...ton père n'a pas survécu et ta mère a été gravement touché. Je suis désolé Enma..."

Le choc pour la jeune fille. Et un bon moyen de se faire un peu d'argent pour les journalistes. Le lendemain, l'histoire d'Enma faisait déjà les gros titres. Et pour la première fois, Enma se sentait lésée , comme si une grosse fatigue l'avait envahit. Elle pleura beaucoup mais n'aura jamais la force d'aller voir sa mère dans le coma, à l'hôpital. Pendant quelques années, Enma se mettra en stand by. Et une couche de dépression pour la cerise sur le gâteau.

Heureusement, elle s'en remettra petit à petit, toujours grâce aux mêmes personnes, qui on peut le dire, sont véritablement ses anges gardiens. Enma retrouvera le goût à la vie et à la natation. Seulement, elle s'est un peu fragilisée. Au point de ne plus vouloir tenter de compétition. Juste s'entraîner et nager, toujours plus. Un blocage que son entraîneur a du mal à comprendre.

Et puis, à 21 ans et sur un coup de tête, Enma décide de reprendre les études, qu'elle avait finalement un peu délaissé. "Je veux devenir coach sportif!" Sans pour autant abandonner son sport favoris, la natation. Alors elle se lance tête baissée dans un nouveau défi et espère que les étudiants de Yonsei l'accueilleront à bras ouvert. Sans qu'elle ne se fasse reconnaître. Si c'est possible.