KuanYi&BoBae

Déposant une caisse sur le comptoir je ne pus retenir un soupir de fatigue. J’étais crevé. J’avais besoin de dormir, mais le sommeil me fuyait, une chance quand on bosse de nuit. Enfin une chance. Je manquais de sommeil voilà tout. Je disposais les nouvelles bouteilles sous le comptoir  aidant ainsi Hee Jae. On ne peut pas dire que le Kurss connaissait de gros pics d’affluence mais quand, comme ce soir, une finale de foot fait rage sur les écrans, il arrive aux habitués de tous se ramener en même temps. Et les voilà à noyer leur défaite dans les verres qu’ils s’enfilent, encore et encore. J’ai beau jouer les hôtesses parfaite, il n’en reste pas moins qu’au bar les demandes fusent. Attrapant ma bassine et ma lavette, je fais le tour des tables vides pour les nettoyer. Je chantonne tout bas la musique que diffuse les enceintes, j’affiche sur mon visage un sourire doux et avenant. Je crois parfois le regard de Kan qui semble m’encourager. Il est le premier a toujours vouloir que je prenne soin de moi, que je fasse attention. Si je l’écoutais, je serais surement entrain de dormir à l’heure qu’il est. Mais si de nous deux il est celui qui dors le moins, je ne veux pas non plus abandonner mon poste au Kurss. J’avais finis par trouver dans le boulot une échappatoire. Comme si je pouvais tout oublier dès l’instant où je me mettais à nettoyer ces tables. Passant le revers de ma main sur mon front pour essuyer les quelques goutte de sueur qui perlait sur ma peau, je finis par retirer ma chemise à carreaux pour la nouer autour de ma taille. Je n’avais pas de tenue particulière de serveuse ou d’hôtesse. Je devrais peut-être, parfois je m’amusais à revêtir des tenues habillées pour amuser Kan et pour donner un peu plus de classe à notre bar clandestin. L’ambiance au Kurss était à la fois calme et électrique. Des éclats de rire se faisait entendre ici et là. La musique couvrait la plus part des conversations sans que ça ne devienne une gêne, et le néon au-dessus du bar grésillait parfois, dans un crissement habituel et rassurant. La fumée des cigarettes fumées me piquait le nez et, par endroit, formait des nuages grisâtre légèrement opaque. C’était ça le Kurss. Une ambiance à la fois détendu, mystérieuse et familière. On était loin des bar lumineux de la ville qui te donnait envie d’entrée dès que tu passais devant. Nous étions plus le genre d’endroit où il faut connaitre l’adresse pour tomber sur nous. Mais ça m’allait, au moins j’avais fini par connaitre toutes les têtes qui trainaient dans le coin. Enfin toutes … une bonne partie dirons-nous.  M’approchant d’une table où des hommes déjà passablement éméchés buvaient, je pris une nouvelle commande, en me disant que c’était sûrement la dernière que ma conscience voulait bien leur apporter. Mais le business c’est le business. Et je leur appellerais un taxi pour rentrer. Faisant mine d’ignorer leur blague salace et la main qui s’était égarée sur l’arrière de ma cuisse je m’éloignais rapidement pour apporter mon bout de papier à Hee Jae. M’accordant une pose, je grimpais sur le tabouret et posa ma tête sur mes bras que je croisais devant moi. C’était le même manège tous les soirs. Je papillonnais de table en table. Je souriais. Je m’efforçais de le faire tout du moins. Je serrais les dents face aux clients lourds et sans gêne. Je continuais de servir sans jamais me plaindre, parce qu’au final, le Kurss, une fois qu’il était vide, c’était ma maison. Mon expression lointaine et sûrement un peu triste, laissa place à un sourire à nouveau avenant quand je me redressais en sautant de ce tabouret pour aller accueillir d’autres clients. « Bienvenue au Kurss ! » lançais-je enjouée avec les yeux plissé de malice. Je les conduisis à une table et ma routine repris. Commander. Servir. Sourire. Recommencer.