Je suis franchement pas un mec compliqué. Je cache rien à personne, pas de petits secrets, je suis un livre ouvert pour tout le monde et puis, de toute façon, je suis incapable de mentir. Mon corps me trahit quand j’essaye : mes aisselles se mettent à transpirer comme si j’avais couru un marathon, j’ai les narines qui se dilatent et le regard fuyant. Facile à détecter quoi. Sinon, je suis le genre toujours heureux, un sourire permanent sur le visage parce qu’au fond je suis un peu concon et que les problèmes, la misère humaine et tout le bordel, ça m’atteint pas et c’est pas mon truc. Un truc à savoir c’est que je suis pas quelqu’un de maladroit, en fait, je suis juste un peu trop rêveur et tête-en-l’air. Et j’ai beau être au courant, j’arrive pas à arrêter mon cerveau de vagabonder.

Je sais que je suis bourré de qualités et la plus évidente est ma beauté, bien sûr. Mais j’ai aussi pas mal de défauts… Celui que je combats le plus ? Ma maniaquerie. Si un cadre est pas droit je vais passer 10 minutes à la redresser parfaitement, s’il y a une micro couche de poussière sur un meuble je vais nettoyer à fond toute la pièce… C’est vraiment pénible, mais j’arrive pas à me contrôler. Ça me rend assez chiant moi-même, d’ailleurs. Enfin bref, je vais pas m’étaler pendant trois plombes sur qui je suis, comment je suis et tout le tralala. Déjà parce que ça me saoule et parce que j’ai pas envie de dévoiler tout le mystère, m’voyez ?

Je ne connais rien de l’histoire de ma naissance ni de mes parents biologiques. Pour moi, tout a commencé le jour où un couple de hippies en voyage en Thaïlande m’a retrouvé au fond de la poubelle d’un restaurant. Je n’étais qu’un bébé, un enfant innocent qu’on venait de jeter aux ordures parce qu’il n’avait pas été désiré et qu’il ne le serait jamais. Bon, bien sûr, ils n’ont pas pu m’emmener comme ça chez eux et j’ai bien passé deux ans dans un orphelinat avant qu’ils ne puisent officiellement m’adopter. Mais ça valait le coup d’attendre. Ils avaient (et ont) beau être un peu fumés du ciboulot, c’était toujours mieux d’être chez eux que de vivre entre des cartons et des sacs poubelles.

J’ai donc passé toute mon enfance et mon adolescence au Laos. Rien de bien important ou marquant ne s’est passé durant ce temps-là, mis à part un malheureux accident de voiture m’envoyant valser sur la route mais rien de bien grave… Enfin, avant cet incident, croyez-le ou non, j’étais quelqu’un d’intelligent ! J’étais même destiné à devenir un grand astronome ! Mais un gros trauma crânien et une mort cérébrale de quelques minutes auront suffi à changer la donne. Ça a énormément chamboulé mes parents, ce qui est plutôt normal d’ailleurs, mais ils ont dû faire avec. Ce n’est pas comme si c’était réversible de toute façon.

Suite à une mutation dans le travail de mon père, mes parents ont dû déménager en Corée (du Sud, bien sûr) quand j’avais 18 ans. Autant vous dire que ça a été un gros bordel cette histoire. Allez habiter dans un pays dont vous ne connaissez rien et dont vous ne parlez pas la langue. C’est pratique, hein ? Je voulais quitter le domicile familial après le lycée et commencer à gagner tout seul ma vie mais, évidemment, ce projet a dû être remis à plus tard. Du coup, je vous laisse imaginer comment se sont déroulées mes deux premières années là-bas : pas d’amis ni de travail, mais des cours non-stop pour apprendre à communiquer un minimum.

Aujourd’hui j’ai encore beaucoup de lacunes mais grâce à quelques pistons, j’ai réussi à décrocher un job de surveillant à l’université du coin et avec mes petites économies que j’avais de côté en plus de mon salaire, j’ai de quoi louer un petit appartement. Ce n’est pas un loft ou je ne sais quoi, il est assez vieux et plutôt petit mais c’est bien suffisant pour vivre. Enfin voilà, l’histoire pas intéressante du tout de ma vie. C’est triste de se rendre compte qu’on a rien de spécial à dire sur soi mais bon, j’en suis pas encore à la fin de ma vie, on verra bien ce que l’avenir me réserve.