t'es instable, trop compliquée, trop changeante. puis t'aimes pas qu'on te définisse. on a pas à mettre des mots sur ta personnalité, ton caractère ou tes agissements. qu'on ose pas émettre un jugement sur ta personne alors que t'as rien demandé. t'aimes pas ça. personne n'aime ça dira-t-on mais toi, t'es pas personne. tu hais quand on pense te connaître, juste parce qu'on a entendu quelque chose sur toi ou qu'on a réussi à passer un laps de temps à tes côtés. c'est pas le cas. du tout. t'es comme le temps toi : imprévisible. on croit savoir mais on se trompe. t'aimes pas vraiment les gens en fait, sky. t'as pas l'air de les aimer. c'est ce qu'on dit. pourtant, t'adores les observer, faire des sortes de tests, pour mieux les comprendre. t'as un côté psycho non ? t'allumes une allumette pour provoquer un feu, pour voir comment il se propage. c'est une image évidemment, tu n'es pas meurtrière. inconsciente, si. c'est un poil malsain tout ça. tu joues parfois un peu trop. mais t'es pas dangereuse. pas toute seule en tout cas. c'est juste des sortes d'expériences pour assouvir ta curiosité acerbe. ça répond à tes questions, ça te forge un avis. après, t'adores écouter les gossips à la con mais tu t'y fixes pas forcément. au moins, on pourra pas te reprocher de juger sans connaître. en même temps, quand tu les connais pas, les gens, tu passes vite à côté. tu les balaye de ton esprit, tu t'en occupes pas des masses ; tu t'en fous, quoi. faut piquer vraiment ton intérêt pour obtenir ton attention. sinon les gens ne sont que des masses floues. on pourrait dire que c'est facile mais en réalité, on sait pas trop tu marches comment. ça semble aléatoire avec toi. ça passe ou ça casse. c'est con. t'aimes les cons aussi. les têtes de cons, les connards, les bibitch. enfin ça dépend. aléatoire on répète.

t'es une fille froide, t'as l'air froide. bitch face incontournable que tu te permet d'afficher à chaque fois qu'on te croise, on te colle vite fait l'étiquette d'ice princess, et on te traite comme telle. c'est même pas volontaire ceci dit, c'est p'têtre ça l'pire ; c'est naturel chez toi. t'es pas si glaciale mais t'incarnes la classe. t'as du charisme, pour sûr. t'as l'air si altière, si inaccessible. tu manques jamais d'élégance, de grâce, dans tes mouvements, ta posture et même ta démarche. même quand tu jures, même dans tes gestes les plus insignifiants. c'est ton éducation sûrement qui t'a donné autant de prestance. on t'admire, tu attires, on t'envie et on te hait. on ose pas te le dire et sky, tu trouves ça drôle. alors tu ris. t'es cynique, un peu trop. t'uses et t'abuses de sarcasmes, armée d'un sourire espiègle, narquois, presque railleur. t'as l'air hautaine parfois, souvent même, arrogante. et tu l'es peut-être. t'as un certain ego en tout cas. un orgueil manifeste. une putain de fierté à laquelle tu tiens, qui t'empêche d'oublier tous les torts ou trahisons qu'on peut te faire, et de les pardonner difficilement. de rarement les pardonner. et si l'envie est là, tu rendras les coups démultipliés. ou tu te contenteras d'effacer tout souvenirs de ta mémoire. ça marche pas nécessairement mais t'es douée pour ignorer les gens, au point même qu'ils doutent de leur propre existence.

vu comme ça, t'as pas l'air bien sociable. tu l'es pas tellement, à vrai dire. avec toi, c'est pas le premier pas qu'il faut faire mais la muraille de chine. toi, tu le fais pas, quasi jamais ou dans tes bonnes périodes. et pas vraiment dans l'optique de tes amis. t'auras toujours un certain recul, un certain désabusement, comme si t'en avait pas besoin, ni de lui ou elle, ni de personne au final. tu refuses de t'accrocher un peu trop et de finir par devenir dépendante d'une relation. le refuser ne veut pas dire que ça n'arrive pas. mais tu sais que ça te fera mal. alors t'as tendance à pas déclarer ton affection à tout va, à garder les choses pour toi, en montrant ton estime différemment disons. t'es peu démonstrative, t'évites de poser des mots sur tes sentiments. t'es une solitaire, mais une solitaire qui attire. d'ailleurs, tu veux bien te laisser approcher quand l'humeur est là. tu gardes d'innombrables barrières cependant. t'es difficile, parce que, même quand tout pourrait aller parfaitement bien, quand tout vas trop bien, tu préfères essayer de tout détruire, consciemment ou pas. t'essaies de faire fuir, de les chasser, de rejeter l'attachement. persévérer vaut la peine pourtant. sûrement. peut-être. qui sait. peut-être pas. parce que t'es chiante, t'es chieuse. heureusement que t'es attachante. t'aimes pas les ordres, tu supportes pas l'autorité puis t'es sacrément bornée. tu dépasses les limites par pur esprit de contradiction, t'es un poil anarchiste et t'aimes foutre parfois tout en l'air, toi compris, parce que tu t'ennuies ou que ta vie est une routine trop lisse à tes yeux. tu te lasses vite. t'as l'air calme et franchement t'es assez flegmatique comme fille mais t'es caractérielle aussi, impulsive ; le calme, tu sais le garder mais il s'envole tout aussi vite, quand ton envie de le retenir est inexistante. t'es vraiment vivante cependant, drôle et joueuse également. ça te rend pseudo extravertie même si t'es pas celle qui sera h24 toute sourire et solaire, tu prends pas trop les trucs au sérieux toi, t'es détachée. t'es paradoxale, d'un fort lunatisme - certainement parce que tu détestes lorsqu'on croit avoir tout acquis de ton caractère - tu t'avères pleine de surprises parce qu'on s'attend pas à ce que ta personnalité diverge autant. sky, t'es une infinité de choses à la fois et on sait jamais sur quel pied danser avec toi. on sait jamais qui t'es vraiment. mais peut-être es-tu tout à la fois. peut-être. toujours peut-être. personne sait. personne n'a réellement besoin de savoir en soi.

« ris un peu chérie... souris, fais semblant » ça grouille de monde ici. et tous, ne font que ça. semblant. alors la petite fille s'exécute et se pare de son plus joli sourire. elle est belle, ha neul. belle comme le jour. elle ressemble à une princesse, vêtue de sa robe blanche, ses petites chaussures vernies aux pieds et son nœud dans les cheveux. qu'elle est mignonne. on pense. qu'elle a l'air bien élevée. on la complimente. maman est contente ; il faut véhiculer une bonne image à ce genre de soirée, c'est bon pour les affaires. elle caresse tendrement les cheveux d'ha neul, et ha neul sourit, mais pour de vrai cette fois. elle est trop jeune pour se demander si ce geste n'est que pour les apparences. et pourquoi voir le mal ? peut-être parce que maman et papa ne s'occupent pas d'elle d'habitude. peut-être. mais ha neul doit comprendre qu'ils sont occupés ; ils ont du travail. un jour, elle reprendra le magazine de maman. vogue. et toute les sociétés d'advance publication. c'est un gros paquet déjà mais elle s'en rend pas bien compte. pourtant ça n'explique pas tout car pour son frère, ils semblent toujours avoir du temps... ah, oui, son frère, ce n'est pas pareil. ba da, lui, c'est l'héritier principal. lui, il aura le chaebol de papa. il sera à la tête de jung industries. c'est vraiment un groupe important, implanté dans le monde entier et actif dans pleins de domaines. c'est pas rien. il faut donc prendre soin du garçon chéri, du petit prince de la famille. c'est ha neul qui doit comprendre tout ça. ha neul est une fille intelligente, non ?

mais ha neul, on l'appelle sky ici. à londres, en angleterre. et au fond, elle veut bien passer au-dessus de tout ça, de ce favoritisme à peine voilée, même si ça lui fait pas le plus grand bien. elle veut pas faire de grabuge, c'est pas son genre. c'est une gentille fille. puis elle se plait bien ici, elle est plutôt heureuse. elle mène une vie tranquille, facile. elle a des amis, de bonne notes, pas des masses de problèmes. le manque d'attention de ses parents et de son frère à son égard, c'est pas grand chose, c'est pas grave. sky, elle a une vie quasi-parfaite et c'est très bien ainsi. elle l'aime beaucoup, cette vie. mais bientôt, elle l'aime plus tellement, parce que tout s'écroule. elle a quatorze ans, c'est le jour de son anniversaire et elle sort de cours, saluant quelques amis de la main. on lui a proposé de faire un détour ce jour là, mais elle a refusé, car elle doit suivre le chemin habituel, celui que les grandes personnes lui ont montré. elle doit écouter ce qu'on lui dit, pas vrai ? elle aurait pas dû. car du coup, ils savent où pouvoir la trouver. et ce jour là, ils la prennent, tout simplement. un kidnapping. on aurait dû s'en douter vu la puissance de sa famille. d'ailleurs, l'un des deux ravisseurs l'a pris en cible pour cette raison, parce qu'elle est la parfaite victime : il peut tirer un pactole de la cadette des jung. l'autre... c'est plus pervers, obsessionnel. skylar l'obnubile depuis des mois. et ils l'ont désormais en leur possession. ça ne dure qu'une journée mais ça suffit pour tout faire basculer.

chez les jung, ça s'affole rapidement. ils acceptent de payer dès qu'on le leur demande ; ils en ont les moyens de toutes. seulement, ce n'est pas aussi facile. si l'un est ravi de la situation, l'autre proteste. il ne veut pas relâcher son bijou, pas question. les plans changent, une balle est tirée, sky a peur. parce que c'est celui qui souhaite la garder qui reste vivant. elle sait pas si elle va mourir, s'il va lui faire du mal ou si elle s'en sortira. ça la torture de pas savoir, d'être au courant de rien. de chaudes larmes coulent sur ses joues, elle en peut plus d'être là. et puis, et puis la porte s'ouvre, une silhouette se dévoile. oh mon dieu. c'est ba da, c'est son frère, son frère est là. elle est sauve. qu'il lui dise qu'elle est sauve, par pitié. « ha neul ! » qu'il s'exclame. l'expression de la jeune fille s'éclaire avant de retomber tout de suite après. ba da vient de s'écrouler au sol, inconscient, après un coup bien placé du kidnappeur. ce dernier pointe son arme vers le jeune homme alors que skylar se précipite sur son corps. « non, non, je vous en supplie, ne faîtes pas ça ! s'il vous plaît ! pitié... pitié... » implore l'adolescente. puis tout va trop vite. sky recouvre ses oreilles, se replie sur elle-même mais elle entend le coup partir. la police arrive juste après, son frère est emmené, le meurtrier arrêté. il ne reste plus que sky. sky au sol. sky en pleurs. sky qui n'arrive pas à admettre ce qu'il vient de se passer. les officiers la ramène chez elle. mais plus rien n'est pareil.

pendant des mois, elle s'enfouit dans le silence. pas un seul mot ne réussit à franchir la barrière de ses lèvres. elle mange à peine aussi. constamment enfermée dans sa chambre, elle peut toutefois régulièrement entendre les échos des disputes répétées de ses parents. ils doivent certainement la détester ; elle a tué leur fils. on évite ce sujet à table, c'est tabou. surtout pour sky. elle déteste en parler et pourtant, elle se souvient parfaitement du jour funeste. elle a beaucoup changé depuis, beaucoup trop. innocence envolée. néanmoins elle finit par relever la tête. parce qu'elle se rend compte que d'être en dépression toute sa vie ne fera pas revenir ba da. elle est en vie, il faut qu'elle vive. bien qu'elle ne soit vraiment plus la même après ça. elle apprend à devenir plus forte. et elle change, énormément. elle se détache. de tout. de l'autorité, du chagrin, de son ancien elle. l'arrivée des vacances d'été signe le divorce du couple. c'est pas surprenant, les conflits étaient trop fréquents. dire qu'autrefois ils avaient un ménage heureux... par conséquent, c'est l'heure de déménager pour ha neul, elle suit le pater au pays du matin calme. qu'on l'éloigne de londres. elle arrête d'être triste en corée. on l'aime "bien" là-bas. mouais. quasi personne ne sait ce qu'elle a enduré et c'est tant mieux. on entend plus que des rumeurs mais on s'en moque un peu, on se concentre juste sur son image de princesse de glace, sur sa tête de garce ou sur son compte en banque si conséquent. les années passent. papa se remarie et ça ne l'enchante guère, elle a même décroché un demi-frère, qui est loin d'être une bonne nouvelle. bientôt, elle entre à l'université.

on décèle des brèches, présentes depuis des années. skylar tombe. elle veut plus de liberté, plus vivre encore. et elle veut tomber. tomber pour s'égratigner un peu. tomber pour ressentir. tomber pour se faire mal, sûrement. elle a enterré la parfaite poupée de son enfance quand elle a enterré son frère.