Kelea... Un vrai petit mystère à elle seule pour les psychiatres, mais plutôt un défi pour Haine qui n’avait jamais peur de ce genre d’obstacles dans sa carrière professionnelle. Il ne se sentait pas dépassé par les personnalités fortes qui se fermaient automatiquement devant lui probablement parce que les dangers considérables de la double vie qu’il menait rendait ce genre de problèmes plus agaçants que complexants. S’il se penchait sur ce cas-là présentement, c’est que la délicate jeune femme était assise –ou plutôt avachie...?- dans le canapé de son bureau de consultation. Elle n’était techniquement pas là pour faire du tourisme, mais on aurait un peu dit que c’était le cas, malheureusement. Encore une fois, elle n’avait daigné ouvrir les lèvres que pour essayer de s’imposer un peu face à lui, peut-être histoire de l’empêcher de faire du forcing. Qui sait. Mais ça faisait quelques séances déjà qu’Haine avait décidé que ce n’était pas l’attitude à adopter avec la jeune femme.

Ça faisait à présent plusieurs minutes que le psychiatre consultait son téléphone portable. Rien à voir avec le boulot. Facebook, Instagram et blogs Ameba constituaient la majeure partie de ce qu’il avait zieuté. Du coin de l’oeil, il observait la jeune femme sans le lui montrer, histoire de voir de quelle façon elle réagirait lorsqu’on l’ignorait complètement. Ça complèterait un peu ses dossiers... Et lorsqu’il a tout ce qu’il désirait savoir, il glisse le petit appareil dans une poche de son pantalon noir avant de se lever. Il va jusqu’à une petite armoire, l’ouvrant pour en sortir un bouquin tout en japonais. Puis, dans un soupir, il se laisse tomber dans le fauteuil destiné à ses séances, près du canapé. Il ouvre le livre, marmonnant pour lui-même plus qu’autre chose :

« Tu es tellement emmerdante que je dois user de toute mon imagination pour trouver quelque chose à faire... Tu devrais être bibliothécaire. Tu sais, un truc bien chiant qui ne nécessite pas d’ennuyer à mort tout le monde autour de toi. »

Il jette finalement le roman sur une table basse, croisant les jambes tout en observant la demoiselle.

« J’ai une idée. », déclare-t-il soudainement, le visage plutôt fermé. Cette idée-là, en vrai, il l’avait depuis un petit moment. Depuis qu’il avait remarqué que Kelea, au-delà de l’incompréhension que les gens avaient souvent à réaliser que son diplôme déclarait qu’il était médecin, l’avait eu en répugnance. Il avait réfléchit et peut-être fait quelques maigres recherches... Il ne savait pas trop ce qu’il en était, mais il avait son idée vague sur le sujet. « On va faire une sortie... Comment on dit, en coréen ? Éducative, voilà. Une sortie éducative. »

Ce n’était pas dans ses habitudes de quitter son bureau, mais aux grands maux les grands remèdes ! Et c’est de peine et de misère qu’il traîne Kelea avec lui... mais il le fait. Parce qu’il avait beau ne pas payer de mine vu sa taille de nain et son gabarit de Japonais tout maigrelet, il avait du caractère pour dix ! Et c’est ainsi qu’ils se retrouvent dans les couloirs de l’hôpital du quartier... Ça ne semblait pas faire l’affaire de Kelea, mais sans vouloir être vulgaire, Haine n’en avait rien à foutre. Parfois, il se demandait sincèrement pourquoi il exerçait ce métier. Et surtout pourquoi finalement, il avait tant de passion pour ce dernier... Parce que aider les autres n’était quand même pas une vocation pour lui, à la base. En fait, il s’en fichait un peu d’aider ou pas, techniquement. Alors quoi ? Il aimait peut-être jouer dans l’esprit des gens. Peu importe...

Là, il était juste intéressé à voir quelle genre de réaction Kelea aurait. Ça allait peut-être la forcer à s’ouvrir, que ce soit à cause de la panique ou de la colère ou... qui sait ce qui pouvait sortir de cette tombe.