la nuit commençait à pointer le bout de son nez. le froid hivernal n’épargnait personne, pas même les pauvres animaux perdus. beaucoup terminait leurs achats pour la nouvelle année, d'autres s'amusaient aux abords des parcs et je ne sais quoi d'autre. pour ma part, j'avais passé ma journée à fumer, boire et certainement sniffer quelques doses de poudre. rien de bien méchant, sauf aux yeux des autorités. heureusement pour moi, j'étais resté plutôt discret. c'est donc après une longue journée, assis près sur le sol dur et froid d'une ruelle, tel un véritable clochard, que je parviens à reprendre mon chemin jusqu'au dortoir. logiquement, j'aurais dû m'occuper des animaux des gumihos aujourd'hui, hors avec mon retard matinal, ce n'était même pas la peine que j'y mette un pied. j'y retournerai demain. arpentant les rues avec calme, je fixe les décorations de noël avec attention, oubliant presque de jeter un oeil sur mon chemin. c'est à ce même moment que je me retrouve par terre, grimaçant légèrement à la suite du choc. je n'étais pas bien léger, certes, mais la drogue et l'alcool ne m'aidait pas réellement à rester sur mon équilibre, de ce fait, la chute avait été plus facile. une fois debout, je baisse les yeux et aperçois cette jolie blonde avant de sourire, puis le perdre tout aussi rapidement qu'il est venu. tu peux pas faire attention quand tu marches petite naine ? je suis pas assez grand pour qu'on me voit c'est ça ? une légère agressivité dans mes mots. une colère qui venait à se répercuter sur la jeune inconnue alors que cette dernière n'était en rien fautive de mon malheur constant. malheureusement pour moi, mais aussi pour elle, j'avais la nette impression que ce mauvais moment allait être plus long que prévu.

© charney

   

Mon premier hiver en Corée n’est pas quelque chose qui me fait vraiment plaisir. Le froid dans ce pays me parait plus mordant, plus désagréable encore qu’il ne l’était au Japon. Mais peut-être n’est-ce que mon imagination, mélangé à la tristesse de ne plus avoir de famille avec qui passer les fêtes. Heureusement, Rei est toujours là pour moi et il y a certains moments où je peux écarter ma solitude pour avoir le cœur un peu plus léger. Mon cours de taekwondo ne finissait généralement pas très tard, mais aujourd’hui, je m’étais fait entrainer de force en ville pour festoyer un peu, chose qui ne me plaisait pas le moins du monde. Timide, introvertie, je n’ai même pas réussi à parler normalement, préférant m’éloigner du groupe et tout faire pour rentrer le plus rapidement possible au dortoir. Malheureusement, quand j’arrive enfin à les convaincre de me laisser partir, il fait déjà nuit. La peur me foudroie, cassant ce sentiment de bien-être qui m’envahissait après chaque séance de sport, et je me dis que tout ça n’avait servi à rien. Réajustant mon écharpe, je presse le pas et cherche à rester vigilante et alerte, mais mon esprit se remémore mes plus mauvais souvenirs, et la peur d’être agressée à la moindre seconde d’inattention  prend le dessus, me privant de tous mes réflexes.

C’est probablement pour ça que je n’ai même pas remarqué cette grande silhouette me foncer dessus, ou peut-être était-ce moi qui marchait trop vite et ne l’avait pas vu ? Dans tous les cas, je réussis tant bien que mal à garder mon équilibre, repoussant de toutes mes forces mon potentiel agresseur qui se retrouve au sol. Je l’étudie avec anxiété. Il se relève et me sourit bizarrement, avant de perdre son sourire pour adopter une expression qui me fait froid dans le dos. Super, je dois être tombée sur un psychopathe ou autre type bizarre du genre….Au vu de son regard et de son allure, il est probablement saoul et probablement même drogué. Sa taille est impressionnante mais je pense avoir mes chances s’il jamais il lui prend l’envie de m’agresser. Ce qu’il fait par ailleurs, en me provoquant par ses paroles qui me mettent immédiatement hors de moi. Je suis généralement pacifiste et calme mais la peur me rend folle, littéralement, et je ne peux m’empêcher de serrer les poings, mon regard ne lâchant pas celui du jeune homme. « C’est à toi de faire attention, c’est toi qui m’a foncé dedans. Et n’essaie pas de faire l’innocent, je sais que tu l’as fait exprès. Maintenant dis -moi ce que tu veux ? C’est quelqu’un qui t’a demandé de me suivre c’est ça ? » La dernière chose dont j’ai envie, c’est qu’on me prenne pour une idiote. J’ai été enlevée une fois et c’est bien suffisant, je n’ai pas envie de terminer ma vie enfermée dans une cave avec je ne sais quel fou accroché à mes pieds. Même si cet homme n’a rien à voir avec cette histoire, je préfère me méfier et le remettre immédiatement à sa place. J’ai jamais été du genre à me laisser marcher sur les pieds de toute façon, et ça, il allait bien le comprendre. Je le fixe, une lueur de défi brillant dans mon regard, derrière cette méfiance et cette peur dont je ferai tout pour me débarrasser.

© charney

   

c'est à croire que le destin voulait me pourrir la vie, même durant ces périodes de fête. le fait d'avoir un taux élevé de drogue et d'alcool dans le sang n'était-il pas suffisant pour comprendre que je possédais une véritable vie de merde ? que fallait-il de plus au monde pour comprendre tout ça ? pour comprendre que malgré mon allure de gars un peu trop sombre, un peu trop dépravé, j'étais qu'un foutu gosse qui attirait irrévocablement les violeurs et pédophiles. je ne savais pas pourquoi la vie s'acharnait autant sur moi. tout ce que j'avais vécue depuis ces quinze dernière année n'avait été que chaos et souffrance, alors pourquoi en rajouter ce soir ? cette fille là. à part gueuler, savait-elle faire autre chose ? peut être que oui, peut être que non. je ne fais pas réellement attention à ce qu'elle dit et me contente simplement de soupirer. t'as finis de gueuler comme un putois en pleine rue ? avais-je au moins la tête du mec qui allait agresser ou tuer quelqu'un ? je ne pense pas, bien au contraire. je ne ferais jamais de mal à une mouche donc son comportement est plutôt inapproprié en vue de la situation. si j'aurais voulu m'en prendre à elle, je l'ai fait dès le début. bien que je sentais l'alcool, je tenais encore debout, tout comme j'avais conscience de ce que je faisais et disais, de ce fait je viens à fouiller dans mes poches avant de sortir un bonbon pour le lui tendre. on dit que ça adoucit le comportement des gens. prend ça et arrête de gueuler pour rien s'il te plait. j'ai pas tellement envie de finir derrière les barreaux parce que t'as eu une crise d'hystérie. qui était cette fille au final ? son visage m'était familier. une impression de déjà vu, mais son nom ne me vient pas. cependant, il fallait avouer que malgré sa petite taille et sa gueule d'ange, elle était loin de paraitre si innocente qu'on peut le croire. un véritable chat enragé en fait.

© charney