« Au revoir Dana, tu vas nous manquer. Tu nous écriras hein ? Et nous enverra des photos ? Promis ? » Elle avait hoché la tête, les avait serré dans ses petits bras, et elle avait passé la porte de l'orphelinat pour ne plus jamais y revenir. Elle avait huit ans lorsque la famille Park était venue la chercher. Elle, jusque-là sans réelle famille, se retrouvait avec un père, une mère et une grande sœur. Elle était un peu perdue, elle se demandait bien pourquoi ils voulaient d'elle. Il y avait des enfants plus jeunes, et plus bavards... C'est ainsi que Ryu Dana cessa d'exister, du moins en apparence, et que Park Ivy fille cadette de M. Park le grand PDG de la marque Innisfree commença son parcours. Ivy était paumée, mais elle aimait la façon dont sa grande sœur la couvait du regard, la façon qu'elle avait eut de lui tenir la main pendant tout le trajet en avion vers la Nouvelle Zélande. Elle lui avait expliqué que c'était elle qui avait choisit le prénom Ivy, qu'elles portaient toutes les deux le noms de plantes, l'une magnifique et forte, Ivy, et l'autre plus fragile mais tout aussi belle, Lily. La petite Ivy avait aimé cette idée. Elle aimait savoir qu'elle et Lily partageaient quelque chose de si symbolique, elle avait beaucoup d'espoir pour cette nouvelle vit qui s'offrait à elle, même si elle avait encore du mal à parler pour l'exprimer.

Tu ne devrais pas mettre cette robe avec ces chaussures. Ne te maquille pas trop les yeux, tu as l'air d'une fille de petite vertu, et souris un peu ! A ses dix ans, la langue de Ivy s'était déliée. Elle maîtrisait parfaitement l'anglais, mais aussi l'art de la rébellion. Elle ignorait en quittant l'orphelinat que l'on exigerait d'elle de devenir une petite fille qu'elle n'était pas. Elle avait découvert la haute société et tout ses codes qu'elle détestait. Son père adoptif était très exigeant, il ne cessait de lui demander d'être comme Lily sans comprendre que la cadette n'était pas une jolie fleur de Lys... La seule personne qui la comprenait réellement, c'était Lily justement. La seule qui ne lui demandait rien d'autre que le simple fait d'être elle-même. M. Park était déçu que la cadette ne soit pas celle qu'il aurait voulu... Ivy se souvint l'avoir entendu dire un jour qu'ils avaient adopté une fillette trop âgée.

Les disputes incessantes, les reproches, les dîners et rendez-vous forcés pour plaire à M. Park, à ce que leur milieu attendait d'elle, rendaient Ivy complètement folle. Elle finit par craquer, elle qui en avait déjà fait voir de toutes les couleurs à sa famille adoptive. A sa majorité, ses 18 ans, elle demanda l'autorisation de quitter le foyer familiale pour se prendre un appartement au cœur du centre ville de Auckland. Elle avait besoin de voler, de liberté, de cesser d'avoir à prétendre être cette petite Park si gentille. Au fond, elle n'était pas une Park, elle n'était pas des leurs... C'était là l'occasion de séparer les filles, elle eut droit à un appartement tout frais payés dans lequel elle goûta à la vie normale. Enfin presque. Un petit boulot, et à côté toutes ces expériences qu'elle avait dû faire en se cachant jusque-là. Succomber à ses passions, à ses envies, ses désirs. Elle se laissait aller à vivre pleinement toutes ces émotions qui l'animaient, aussi bonnes ou mauvaises soient-elles.

Deux ans après, dans l'ignorance totale de son père adoptif et avec l'accord tacite de sa mère adoptive, elle quittait la Nouvelle Zélande pour retourner à Séoul. Elle n'y avait quasiment jamais remit les pieds. Pour la première fois, elle arpentait les rues de son pays natal comme une vraie coréenne. Elle hésita à reprendre son nom de Ryu longtemps, avant de réaliser que tristement son statut de cadette Park lui ouvrait bien plus de portes... Elle retrouva à Séoul Lily qui avait été envoyée là pour les séparer, et apprendre à être la parfaite héritière du capital Park. Ivy, elle, menait sa petite vie à sa façon, n'assistant à des repas mondains que lorsque sa sœur l'y suppliait car elle ne voulait pas y aller seule. Avide d'expérience, de vie, de sensations, elle ne cessait de lire, se cultiver, d'écrire mais surtout de vivre... Ses passions l'animaient toujours autant, elle découvrit même l'amour pour la première fois, le vrai. Celui que l'on voudrait voir durer. Mais Ivy semble prompte à s'engager sur des chemins tumultueux, comme pour être certaine de ressentir quelque chose, au moins de la douleur,et ainsi avoir la sensation d'être bel et bien en vie.

« Allez viens on rentre, tu reviendras quand tu seras prête. » La voix de Lily lui parvenait au loin. Ivy était figée devant l'orphelinat, la pluie dégoulinant de ses cheveux bleus électriques. Elle n'avait pas la force de passer le portail, de rentrer et de retrouver certaines des personnes qui avaient été là lors de ses premières années. Elle avait battu en retraite à contre cœur. Elle avait décidé d'essayer de retrouver sa famille biologique, elle avait toujours eu ce vide, sans doute parce qu'elle n'arrivait pas à coller aux attentes de sa famille adoptive. Elle ne se sentait pas à sa place, et avait besoin de comprendre pourquoi, ou juste de savoir d'où elle venait pour enfin se laisser voguer. En attendant de trouver les réponses à ses questions et ses attentes, elle vivait toujours aussi pleinement. La seule voix qu'elle acceptait d'écouter étant celle de ses émotions et de sa liberté. Elle ne faisait pas les meilleurs choix, elle a le don de se faire mal, de se détruire, était-ce conscient ? Pas sûr.