Un rêveur, un utopiste, un idéaliste. Taemin n’aime pas le monde dans lequel il vit. Il le trouve injuste, inconfortable et égoïste. Il se prend pour Robin des Bois, un justicier un peu jaloux qui vole pour son propre confort, depuis l’enfance. Après son séjour en prison, il a cessé de voler, mais pas de rêver. Il voudrait changer le monde, le rendre plus frais, plus cool. Il aime la couleur et l’été, la musique et le bruit, fuit le silence et les verrous, la solitude et la pluie. Depuis toujours, un ciel bleu est une promesse à ses yeux. Celle de pouvoir jouer dehors, de voir sa mère sourire en refermant le parapluie après une averse. Taemin voue une passion dévorante au ciel. Lui qui n’a jamais pris l’avion, il rêve d’en piloter un. La mécanique et l’ornithologie sont deux de ses passions. De sa mère, il a hérité de celle de la peinture. Même s’il n’y connaît rien, peu attentif lors de ses visites au musée, il a appris à aimer les détailles et les teintes. Il a aussi pris une part de son infantilité, de sa peur des responsabilités. Taemin est perdu.

Le garçon est claustrophobe, terrifié par les bruits des portes qui se claquent. Il n’aime pas être seul, déteste rester en arrière. L’abandon de ses amis sur ce trottoir il y a de cela trois ans l’a littéralement rendu fou. Depuis il n’arrive plus à avoir confiance, il cherche à pardonner sans y parvenir vraiment, dingue de cette douleur. Ses amis c’était tout, il ne peut pas oublier. Il ne peut rien oublier. Taemin a le cœur rongé, rongé par la honte. Les miroirs l’enrage, il les briseraient de ses poings, tous jusqu’aux derniers. Il ne peut plus se voir, il n’a de cesse de retrouver les yeux de sa mère dans les siens, sa douleur de le voir là, derrière la vitre étanche du parloir, et lui qui ne dit rien. Il parle moins depuis cette année là. C’est plus difficile pour lui de dire ce qu’il pense. Il ne sait plus fait confiance.

Il sait encore sourire bien sûr, la déconne il adore ça, il ne vit presque que pour ça, pour oublier un peu que ce monde est pourri, il le refait à son image le temps d’une soirée. La prison lui a donné les clés pour noyer sa solitude. La drogue, l’alcool, les médicaments, il ne recule jamais devant un bon calmant. Même si ça lui fait tourner la tête, même s’il dégueule des heures durant, du moment qu’il ne réfléchit plus, ça lui va. Même s’il a l’air froid, Taemin c’est un gentil, un naïf peut-être trop influençable. Il oublie souvent de sourire, on croirait qu’il tire la gueule, mais quand il est lancé, il n’y a plus que ses dents. Il dit pardon et merde dans la même phrase, s’excuse avant de jurer et jure quand il oublie de s’excuser. C’est un gars du peuple, un gosse qui part de rien, un peu lâché comme ça dans un monde que sa mère ne pouvait même pas comprendre. Sa mère c’est la femme de sa vie, il l’a déçu et ça me mine. Y avait ses potes aussi, ceux qui l’ont lâché ce soir de braquage. Et cette fille qu’il voit encore gisant par terre, son sang napant lentement le carrelage dégueulasse du combini. Cette fille qui lui fait dire « plus jamais ». Ces gens là ont marqué sa vie, plus ou moins du bon côté.

C’est un bosseur plein d’espérance, même si la pression le fait déraper, la peur aussi. Il a toujours été catholique, mais n’a commencé à croire qu’en prison. Il prie souvent, un peu n’importe comment, parce qu’il ne connaît rien à tout ça de toute façon. Il se fiche d’avoir les bons mots, parce que ça le rassure de se confier, d’espérer que quelqu’un là-haut veut bien le pardonner, quand lui-même en est bien incapable.