Cheongnyangni… Elle grimace, connaissant la réputation des lieux et l’infamité qui peut s’y trouver. Elle se demande quelle enfance il a pu avoir dans un tel quartier. Certains des enfants dont elle s’était occupée à l’orphelinat venaient de cet endroit. Elle écoutait leur histoire, se remémorant quelques anecdotes qui lui glaçait le sang. Elle était peut-être orpheline et trop vieille pour être adoptée, mais elle avait un toit sur la tête et un endroit sécurisé où grandir le plus sainement possible. A croire que même la liberté avait un prix à payer. Bien qu’elle ait compris ça depuis longtemps, Bae ne pouvait s’empêcher de faire le rapprochement constant avec son quotidien et tout ce qui l’entourait. Elle lève les yeux à l’instant où il adresse un faible sourire auquel elle répond avec son éternel sourire doux et compréhensif. Bae semble toujours comprendre les autres, ou tout du moins leur donner le sentiment d’être compris. « Tu n’as pas de frère et sœur ? » Se risque-t-elle pour apprendre à le connaitre sans trop savoir si sa question pouvait paraitre déplacée. Elle profitait de leur tranquillité pour oser une approche un peu plus intime. Elle termine un pochon qu’elle laisse tomber dans la caisse et prend sa tasse chocolat qu’elle porte à ses lèvres. Elle lui sourit avec son regard, une malice dans les yeux qui apparait au-dessus de la tasse. Elle lèche le coin de ses lèvres et cherche ses mots. Comme pour l’encourager à se livrer dans les détails de sa vie qui l’intéresse – Bae a toujours été d’une nature curieuse et aime à connaitre les autres, surtout ceux avec qui elle sent une certaine connexion – elle lance alors « Oh ! Ça oui j’ai toujours vécu à Séoul d’aussi loin que je me souvienne. J’ai grandi dans l’orphelinat Oh, juste à la sortie de la ville. » Elle marque une pause pour épousseter la table et pouvoir y poser ses coudes. « J’ai toujours rêvé d’avoir une famille à moi, si ça se trouve j’ai encore mes parents de vivant et des frères et sœur qui m’attendent quelques parts, mais entre nous je suis heureuse d’avoir pu vivre dans cet Orphelinat. C’est là-bas que se trouve ma famille alors au final je cours juste après quelques fantômes du passé. » S’étant légèrement étalée sur sa vie privée, elle rougit en laissant échapper un léger rire. Elle est à l’aise avec le garçon et elle n’a pas honte de son passé, c’est la vie qu’elle a eu et n’a pas à s’en cacher. Elle penche la tête sur le côté en s’appuyant sur son poing pour poser son regard sur la Kurss, suivant les gestes du garçon des yeux. « Un moment oui. » souffle-t-elle presque nostalgique. Elle esquisse même un sourire tendre à a vue de ses murs qu’elle a vu construire, aménagé, décoré, vivre. Un peu grâce à elle, dans sa modestie légendaire elle minimise l’impact que sa présence a pu avoir sur le Kurss, mais sans elle il n’aurait pas été ainsi, sans Kan il n’aurait pas été ainsi. « Presque trois ans maintenant. » réalise-t-elle. « Le temps passe trop vite c’est fou ... » elle revoit encore le jour où Kan lui a proposé de la prendre sous son aile. De l’aider quand elle en avait le plus besoin. Elle sourit en coin du chemin qu’ils ont parcourus jusqu’à aujourd’hui. Des heures qu’ils ont fait aussi, mais toujours pour mieux se redresser. « Pas de soucis vas-y ! » dit-elle avec douceur en reprenant son activité. Elle laisse le jeune homme s’éclipser et pose un regard sur le carnet du garçon. Dans un premier temps elle se réprimande. Elle n’a pas à regarder dans son carnet, c’est personnel, son travail, il n’a pas forcément envie qu’elle le regarde. Mais de nature beaucoup trop curieuse, elle se penche vers le cahier qu’elle soulève juste pour jeter un coup d’œil se dit-elle. Les premières pages lui arrachent un sourire, c’est qu’il est doué. Mais plus elle avance, plus elle réalise que son visage apparait de plus en plus souvent … Elle fronce d’abord les sourcils en tirant vers elle le cahier plus franchement. Les pages défilent et son visage, son corps, ses expressions, ses postures noircissent les pages du cahier. Quand elle est au bar, quand elle serre, quand elle mène les jeux. Sous tous les angles le garçon semble s’être amusé à la dessiner. Et si dans un premier temps elle s’était senti fière, au fil des pages elle trouvait ça beaucoup étrange et inquiétant. Elle n’imaginait pas un psychopathe qui veuille la tuer, mais elle craignait que le garçon ait un crush sur elle et que cela puisse leur attirer des ennuis. Elle se redresse alors brusquement réalisant néanmoins que chacun de ses dessins restaient décent et que le garçon ne s’était pas imaginé et laissé aller à quelques fantasmes qui mettraient en scène son corps nu. Agacée de ne pas comprendre et en colère pour cacher sa crainte, Bae se tourne vers la porte des toilettes, le visage fermé et colérique, le cahier en main. « C’est quoi ça ?! » cri-t-elle en toute hâte à travers le Kurss, d’une voix piquée qui annonçait quelques problèmes, assez fort pour que le garçon entende quoi qu’il fasse.