« Ettttt là j'ai faim, alors je vais vous laisser pour passer en mode incognito ! À bientôt, loves. <3 » Je coupais mon v-live après avoir fais un dernier coucou à mon téléphone (c'était parfaitement normal de parler tout seul face à un selfie stick au milieu de Séoul, vous n'étiez pas encore au courant ?), puis rangeais tout mon matériel dans le sac en bandoulière que je portais avec moi. Pouah, enfin une après-midi de congé, ça faisait du bien ! Bon, j'avais combien de coeurs... ? 45'703, c'est tout ? Mais ! Bon, okay, j'avais pas prévenu à l'avance et c'était un peu à l'arrache, mais quand même. Humpf... même pas drôle. Une moue boudeuse sur le visage, je me repris quand même assez vite et sortis une casquette, des lunettes de soleil, ainsi qu'un masque pour me cacher au mieux de la population, avant de sortir du parc dans lequel je me trouvais.

Bon... j'ai faim. Qu'est-ce que je vais manger, avant de rentrer ? On est dans la cité universitaire, donc techniquement, les prix devraient pas être abusés... peut-être que je pourrais squatter le mcdonald's ? Rien que l'idée de déguster un bon mc chicken, là... ça allait rattraper ma tristesse de ne pas avoir eu autant de spectateurs que j'aurais voulu (n'empêche, haha, c'était vraiment un principe débile, la vapp. Enfin non, pas pour tout, mais quand on pense que certains – moi y compris – passaient un quart d'heure à se filmer sans rien faire d'excessivement passionnant et que ça rameutait des milliers de fans, j'avais parfois l'impression de prendre des gens pour des abrutis. Ou des portemonnaies sur pattes. Ou les deux. Mais je les aimais bien quand même. Pis, qu'on se le dise, c'était bon de se sentir important.).

Tournant à droite, puis à gauche, j'aperçus enfin le saint graal à quelques mètres de là et me faufilais rapidement derrière la porte d'entrée, avant de marcher jusqu'à une borne avec ma commande déjà en tête. « Bonjour ! Je v... » Je me rappelais d'un coup que j'avais encore mes ray ban sur le nez et les enlevais aussitôt, par politesse, avant de poser mes grands yeux sur ceux (encore plus grands) de la serveuse en face de moi. « Désolé. Hum, donc... » Mais... j'ai l'impression de l'avoir déjà vue quelque part, avec sa tête de lapin. « C'est... excusez-moi mais, dites, on se serait pas déjà rencontrés ? » Je vais la remettre, ça va me revenir.

« Votre technique de drague est un peu préhistorique, Monsieur. » Gné ?! « Je doute que l'on se soit déjà rencontrés et même que cela se fasse dans le futur » Pour le coup, ma réaction fut beaucoup plus forte que mes pensées, puis-ce que je me sentis bêtement rougir de gêne et écarquiller les yeux sans même le vouloir, face à sa 'remise en place' un peu brutale. J'étais pas du genre timide ou quoi, comme garçon, mais pour le coup, je ne m'attendais absolument pas à ce qu'on me prenne pour un lourdingue qui essayait de draguer. Forcément, c'était un peu l'instant malaise. « Ah, mais non, excusez-moi, j'étais pas en train de... ! » Je secouais un peu la tête et replaçais rapidement ma casquette, par tic nerveux, puis décidais de peut-être simplement changer de sujet pour passer à autre chose. C'était tellement étrange, de me faire rembarrer comme ça, que j'aurais pu être à deux doigts de lui demander si elle savait 'qui j'étais', par orgueil, mais bon, avouons qu'un peu d'anonymat ne faisait pas de mal.... et que j'étais pas encore devenu si égocentrique que ça (enfin, pas tout le temps). « Hum... je vais prendre un menu mcchicken medium avec frites et bubble tea vanille... » (Ben oui, ils faisaient des bubble tea en ce moment, c'était tellement la classe).

Aiiisch ! Et puis, d'abord, c'était quoi cette manière d'envoyer balader les clients, qu'elle avait, la nana, là ? Oui, je sais, je sais. Je revenais sur l'incident, mais en même temps, c'est elle qui m'avait fait passer pour un abruti pervers et ceci sans raisons valables, alors que j'étais adorable, gentil et pas mal-intentionné du tout. Enfin... jamais l'après-midi.

Pendant que la commande se préparait, je profitais que la blondinette ait posé ma boisson sur le plateau avant de repartir, saisissant ainsi le gobelet et commençant à siroter un peu le thé, tout en continuant à la suivre du regard. J'étais désormais mitigé entre la vexation et l'impression de déjà-vu qui revenait toquer à la porte de ma mémoire, ceci jusqu'à ce qu'un petit neurone vienne enfin m'informer que oui, effectivement, mademoiselle était une menteuse. Bien sûr qu'on se connaissait. AH-HA ! C'était donc pour ça qu'elle avait voulu éviter la discussion !

Maintenant que j'avais ma certitude en tête, mon attitude un peu déstabilisée se modifia d'elle et je me redressais alors tranquillement, un sourire taquin au coin des lèvres, jusqu'à ce que le visage de mon interlocutrice revienne en face du mien. « Tu veux un autre stylo ? » Comment ça, je suis un petit con ? C'est elle qui a commencé.

Nan nan nan nan, elle ne m'aura pas deux fois avec la même technique, la lapine. Je me souvenais encore de son expression faciale, lorsqu'elle avait filé à l'indienne avec mon stylo, mais honnêtement, j'avais déjà vu pire que ça, vous savez ? Entre celles qui essayaient de vous faire signer un contrat de mariage et les autres qui voulaient absolument vous refiler leur petite culotte, je ne voyais rien de mal à ce qu'on vienne me piquer mon outil de travail. Mais du coup, voila, vu la vitesse à laquelle la blondinette avait détalé, je l'appelais désormais la lapine lorsque je la citais dans les conversations. Sauf que moi, j'étais pas Alice au pays des merveille. Bref ! Pendant que je récupérais ma commande, la demoiselle avait ainsi commencé à utiliser sa répartie un peu maladroite, ce qui m'amusa plus que ça ne m'intimida, surtout lorsqu'elle en vint a parler d'appeler la sécurité parce que j'étais un soi-disant pervers. Ah ben oui, c'était bien connu que je violais les gens du regard... humpf, il faudrait déjà que je sache à quoi ressemble une femme nue ailleurs que sur l'écran de mon ordinateur, pour ça. Anyway... c'était pas tellement la question du jour.

Vu l'attitude de la jeune femme, il valait quand même mieux que je me calme, d'autant plus que l'attention des gens autour de nous commençait à se diriger dans notre direction. Mouais, j'avais pas envie de finir sur des réseaux sociaux avec le hashtag #harceleur pour me définir, je préférais de loin tenir une bonne réputation auprès du public... malheureusement. À ma grande tristesse, je choisis donc de me rétracter dans mes taquineries vis-à-vis de la caissière, sentant que l'ennemi n°1 de l'idol que j'étais, aka La Fan Folle avec son téléphone portable brandit dans un coin de la salle, menaçait directement mon nombre de followers sur instagram. Une fois ma posture réajustée face à l'inconnue, je m'inclinais finalement et attrapais ma pitance. Pff... même pas drôle. « Je ne voulais en aucun cas vous mettre mal à l'aise, mademoiselle, veuillez m'excuser. Et merci pour la rapidité du service... » Pfff, pfff... je t'en donnerais, moi, des sous-entendus à la limite de la perversion là, lapinou qui assume rien. Après lui avoir accordé mon sourire le plus faux-cul et commercial du monde, je me retournais finalement et partis vers la sortie pour aller me poser dans le parc d'en face, histoire de pouvoir ronchonner tout seul, le temps de calmer ma frustration.

Une fois sorti du bâtiment, j'attrapais ma casquette par réflexe et la vissais sur ma tête avec ma mèche brune à moitié devant les yeux, histoire de me cacher le visage des regards extérieurs. Argh... j'avais vraiment tendance à oublier qu'il était impossible d'interagir avec les gens de la vie de tous les jours comme je le faisais avec mon entourage. Si on me traitait d'attachiant, c'était définitivement pas pour rien. Je dansais effectivement toujours entre ces deux comportements, à la fois attentionné envers mes ainés et en même temps agaçant, provocateur, dominateur, parce qu'être simplement gentil ou doux plusieurs heures d'affilées, c'était pas dans ma façon de fonctionner. Ne vous méprenez pas, j'adorais mes amis et mes proches ! Ma façon d'exprimer mon affection différait juste de celle de la majorité des gens, hum... bref. En tout cas, ce qui passait avec eux ne passait visiblement pas avec les personnes de la vie courante et tout le monde n'avait pas mon sens de l'humour, je venais d'en faire les frais.

Mais, pffffff, quand même ! Elle avait pas besoin de se vexer comme ça, la caissière, moi j'avais bien rigolé en la voyant détaler comme une voleuse, c'était cute.

Bref...

Le nez dans mon sandwich, je répondis au message d'un ami avec ma main libre, passionnément plongé dans mon téléphone depuis quelques minutes, jusqu'à ce qu'une voix familière me fasse redresser le regard. Eh ben ça, pour une surprise ! Voila qu'elle s'expliquait alors en mettant les choses au clair concernant la situation et en me balançant au passage qu'elle n'aimait pas ce qu'on faisait avec le groupe. Merci, hein. (Ca avait le mérite d'être clair... ahaha... il fallait que je respecte les goûts de tout le monde, même si j'avais envie de lui dire que si elle s'y connaissait si bien en musique, elle n'avait qu'à composer elle-même nos chansons. Okay, elle a pas dit que c'était de la merde, Kimi, juste qu'elle n'aimait pas, tu vas pas commencer à grogner...)

Aisch... pour une amie, hein ?

Un soupir m'échappa enfin et je me redressais alors en posant ce que j'avais dans la main, pour croiser les bras doucement. « Okay, okay, admettons, c'était pour ton amie, t'es venue en mode ninja et t'étais tellement sous pression que tu trouvais pas tes mots. » Face à ma merveilleuse personne. « Du coup, t'as eu un réflexe de survie et t'es partie comme le lapin blanc. » C'était presque flatteur, finalement, que je fasse cet effet là, hehehe. Un sourire joyeux se dessina donc sur mon visage, parce que dans le fond, maintenant que la scène du macdo était finie, on n'avait plus tellement besoin de jouer des rôles, ni elle, ni moi. « Fallait pas te braquer, t'as fais ma journée, tu sais! J'ose te demander ton nom ? » Je la fixais attentivement. « Je dirais a personne que t'étais au fansign pour préserver ta couverture de non-fan, t'inquiète. » Si elle... arrivait à saisir comment je fonctionnais, ce que j'espérais inconsciemment au fond de moi-même, alors elle comprendrait que me rentrer dedans verbalement était tout à fait préconisé pour qu'on s'entende bien.

En la voyant revenir sur tout ça désespérément, je finis par me calmer doucement et hochais la tête. « Bon, ça reste ente nous, alors. Ton honneur sera sauf, promis. Oh... et si tu savais.. je pourrais t'en raconter pendant deux heures, des anecdotes de trucs bizarres qu'on croise, dans ce milieu ! T'étais vraiment au niveau un sur cinq sur l'échelle des comportements étranges... hahaha. » Je lui offris un sourire en comprenant qu'il était temps de calmer les frais, puis croisais les mains devant moi en me penchant un peu pour lui offrir mon attention, lorsqu'elle finit par se présenter à moi. « Minhyuk ! Enchanté ! » Je ne savais pas tellement si elle était plus âgée que moi ou non, donc... j'hésitais un moment sur la marque de politesse a utiliser, mais finalement, tant pis, hein. À défaut, je pris le temps d'incliner poliment la tête, puis de me redresser en m'étirant. « T'es étudiante ? » Je lui souris, plus à l'aise de discuter comme ça. Ca faisait du bien de ne pas être face à une fille qui n'arriverait même pas à articuler correctement, juste à cause de mon statut... « Hé, désolé de t'avoir mise mal à l'aise, hein. »