Ce jour semble encré dans sa mémoire à vie. Il se souvient de l’odeur de la pluie, de ses cheveux humides plaqués sur son visage et ce frisson qu’il a ressenti tandis que sa mère s’éloignait de lui pour toujours. Un sentiment ambigu s’était alors développé dans le cœur de ce petit garçon, un mélange de tristesse, de désespoir et d’amertume. Ce fut le début de l’enfer, bien que sa vie n’ait jamais été digne, son statut social et sa famille ne lui ayant pas forcément donné tout ce dont il aurait eu besoin. Yi Kun n’est qu’un petit garçon mais la plaie dans son cœur est béante. Il ne peut même pas pleurer tant le sentiment est fort. Il se contente tout simplement d’endurer cette séparation douloureuse, et d’anticiper la suite de sa vie qui ne promettait rien de bon. Châtiments corporels, violence morale, faim maladive, destruction de toute estime de soi. Son père lui en a fait voir de toutes les couleurs, le déclarant fautif du départ de sa mère, noyant son chagrin et sa haine en abusant de son propre fils, qui, impuissant, subissait comme si c’était la chose la plus normale au monde. Yi Kun n’a rien d’un petit garçon normal, son corps et son visage sans cesse couverts de blessures, d’hématomes, de cicatrices. Son regard est toujours vide, sa bouche toujours fermée, mais il n’en pense pas moins de ces gens qui le regardent toucher le fond sans jamais penser à s’en mêler, sans jamais l’aider à s’échapper de cette souffrance. Le cœur des gens peut être bien cruel, pour ignorer la douleur d’un si jeune garçon sans la moindre culpabilité. Ce fut la deuxième blessure ouverte du cœur de Kun, une de celles qui ne se fermera jamais.  


L’adolescence, une période de la vie qui n’est jamais facile pour personne. Kun ne fait pas exception à la règle, montrant assez tôt des signes d’instabilité. Il n’était pas rare pour lui de se battre à l’école ou de s’attirer des ennuis en ville. Plusieurs tentatives de fugue échouées qui lui valurent de sacrées marques sur sa peau. Subissant les humeurs de son père à la maison, et relâchant toute la colère, toute la violence sur quiconque le provoquait de trop en dehors. Kun a vécu son adolescence de cette façon, sans personne pour lui dire que c’était mal. Il ne recevait que des regards ennuyés, et des chuchotements concernant son éducation, sa mère l’ayant abandonné, mis de côté comme s’il n’était pas présent, juste un fouteur de merde invisible aux yeux de tous. Peu importe ses efforts pour se faire remarquer, Kun se noie dans sa propre violence, n’arrivant plus à échapper à cette vie. À 15 ans, il eut de la chance. De la chance que son père le maltraite de trop, au point où il fut emmené à l’hôpital, et de là, les choses se mirent finalement à bouger. On lui retira finalement la garde de son père, un véritable soulagement pour l’adolescent qui se retrouva ensuite malmené de pensions en pensions. Cette nouvelle liberté ne l’aida pas forcément à cesser ses conneries, mais il ne subissait déjà plus autant de brimades, récupérant petit à petit le contrôle, l’estime que son père avait enterrée.


Son parcours scolaire fut néanmoins catastrophique. Plusieurs fois, Kun a dû se faire violence pour ne pas abandonner. Sa seule motivation fut sa volonté de pouvoir rapidement devenir indépendant et il savait très bien que sans diplôme, sa vie ne s’arrangerait jamais : il voulait prouver à ces gens qu’il méritait une vie normale comme chacun de ces étudiants. Ses excès de violence manquèrent plusieurs fois de le faire expulser de son école. En grandissant, Kun s’est rendu compte avec horreur qu’il suivait le chemin de son père à agir de la sorte. Il manqua même de tuer un garçon de son âge qui avait le même caractère que lui. A ce point de sa vie, Kun songea à en finir tant il se détestait. C’est un enseignant qui finalement décida de s’intéresser à son cas, lui donnant l’attention dont il avait besoin au point où Kun le considéra comme son propre père. Cet enseignant lui appris les bases du taekwondo, toute la spiritualité et le respect se dégageant des arts martiaux afin d’aider l’adolescent à canaliser de façon plus saine sa colère, lui faisant promettre de ne plus jamais se battre en dehors de ses entrainements. Kun trouva une véritable passion et s’améliora rapidement, devant une personne plus posée et mature. Il devait sa vie à cet enseignant, mais celui-ci le quitta malheureusement, décédé suite à des problèmes cardiaques dont Kun n’était pas au courant. Les années passèrent et Kun parvint à être diplômé et continua son apprentissage des arts martiaux, souhaitant continuer de faire honneur à ce professeur qui lui avait sans aucun doute sauvé la vie.



Grâce à ses efforts et son talent, Kun a eu la chance d’avoir une bourse d’étude afin de continuer ses études à la Yonsei. Il trouva également du travail et tout allait pour le mieux pour lui : une nouvelle vie, un nouveau entourage, de quoi chasser les démons du passé et découvrir une vie bien moins ingrate. Au sein de la Yonsei, Kun est considéré comme le mec bizarre accro aux arts martiaux, mais également un très bon ami, fêtard qui sait mettre l’ambiance. Il a réussi à s’intégrer, à montrer à tous ce qu’il était vraiment : un garçon sensible, contrairement à l’image que les gens ont eu de lui par le passé. Ainsi, Kun a su se faire un bon entourage. Son comportement avec les femmes est toujours aussi spécial mais il a réussi à se faire accepter comme ça. Sa vie aurait pu continuer d’être aussi belle si son père n’avait pas commencé à lui faire du chantage, réclamant de l’argent de lui tous les mois, laissant le jeune homme avec bien trop peu pour continuer à vivre de façon saine. Kun ne toujours pas quoi faire pour changer cette situation, bien trop craintif pour parler de ce genre de problème à son entourage. Personne ne pourra l’aider après tout : il ne lui reste plus qu’à trouver une solution et subir cette situation du mieux qu’il le peut.