A vous ces vers de par la grâce consolante
De vos grands yeux où rit et pleure un rêve doux,
De par votre âme pure et toute bonne, à vous
Ces vers du fond de ma détresse violente.

C'est qu'hélas ! le hideux cauchemar qui me hante
N'a pas de trêve et va furieux, fou, jaloux,
Se multipliant comme un cortège de loups
Et se pendant après mon sort qu'il ensanglante !

Oh ! je souffre, je souffre affreusement, si bien
Que le gémissement premier du premier homme
Chassé d'Eden n'est qu'une églogue au prix du mien !

Et les soucis que vous pouvez avoir sont comme
Des hirondelles sur un ciel d'après-midi,
- Chère, - par un beau jour de septembre attiédi.

P.V

Iseul veut dire rosée dans notre langue. La rosée, c'est cette pureté du petit matin, qui danse sur les pétales fraîches du jardin.  Je n'ai jamais vraiment su si ce prénom me convenait parfaitement. La pureté, est un bien grand mot. On ne m'a pas beaucoup donné l'occasion de faire bon usage de mon prénom.  Je suis corrompue. Et le problème, c'est justement que je n'en vois pas. Je suis très à l'aise avec cette corruption.  J'ai une belle vie.



Je suis née dans un petit village traditionnel, dans la province de Chungcheongbuk-do.  Ma famille baignait dans la pauvreté, mais je m'en moquais à l'époque. Ce n'était pas tellement ça, qui m'attristait.   J'ai été beaucoup trop souvent témoin des coups que portait mon père sur ma mère, à l'aide de mes oncles. Une femme honorable, une belle et douce femme dont je voyais le visage, le corps et le cœur meurtri un peu plus chaque jour.   J'étais tout à fait impuissante face à cela. Mais il fallait que je m'en contente.  J'étais outré par ce chagrin qu'elle avait pour moi alors qu'elle était la seule victime.  C'était le chagrin d'une mère pour sa fille, qui courait loin lorsque les mâles levaient le poing.   Avez vous idée de ce que c'est, que de fuir ? De fuir ces individus qui ont le même sang que vous ?       A vrai dire, je dirai que cauchemardesque serait parfait pour vous aider à visualiser la chose. Parce que la chose semblait tellement horrible que ça ne pouvait être réel.  J'avais un dégoût profond installé dans mes entrailles, un dégoût que j'aurais aimé leur cracher en plein visage. Mais je fis mieux.
A force de se faire martyriser par ces saloperies, ma mère finit par s'endormir profondément. Ils l'ont plongé dans un coma terrifiant, que de nos jours on préfère appeler mort.   Et quand je vis le corps inanimé de ma mère sur le plancher je sus que j'allais aussi savourer à mon tour.

Alors à dix sept ans seulement je m'échappai de cette maudite province, je me mis à courir et à crier à plein poumons en espérant que quelqu'un m'entende.  Un petit être très bruyant qui se brûlait les pieds.  J’enchaînais les stops, les longues marches, les embarcations clandestines.   Une vraie mendiante... On avait pitié de moi. Et vous avez beau détester la pitié autant que vous le voulez, mais elle réussit à vous sauver la mise de temps à autre. Sensation détestable que je devais chaleureusement enrober dans une couche de réalisme.
Je mis un très long mois pour arriver en ville. Sale et épuisée, je marchais pourtant la tête haute dans ce nouveau monde que jamais encore je n'avais connu.   Et je me souviens encore de ce moment où je me suis littéralement écroulée au sol à l'angle d'une rue. Quand je ré ouvris les yeux, j'étais au même endroit.  Mais c'est face à un visage masculin que je me retrouvai. Il faisait nuit, les réverbères illuminaient l'espace, et tout n'était que silence.   Je ne savais pas qu'à ce moment là j'avais devant moi celui qui allait faire de ma petite personne, celle que je suis aujourd'hui.  


Il me parlait. Je l'observais. Il était grand, élégant, dans un habit de soirée bleue électrique. Des yeux perçants et une voix rauque qui chevauchait un ton suave. Pourtant j'étais incapable de dire quoi que ce soit. Balayant la rue du regard, je vis une grande Berline noire accompagnée d'un chauffeur et d'un autre homme sur la banquette arrière.   Je n'avais plus de force pour rien. C'est pourquoi je me suis laissée faire quand de ses bras il s'empara de mon corps frêle avec délicatesse, pour m'emmener dans l'automobile.  Je me rendormis.

En me réveillant j'étais dans un lit, j'étais chez lui. Une grande maison pour un grand homme. Un grand homme pour un grand réseau. Kim Tae Won n'était pas mafieux, ni même proxenète ou trafiquant de drogue. Du moins c'est ce qu'il disait. Car je n'ai jamais pu mettre le doigt sur sa véritable fonction au sein de notre société. Quoi qu'il en soit, il ne fait rien de correct c'est certain.  Peut-être était-il tout à la fois.


Il devint ce soir là mon tuteur, et s'occupa de moi comme un adulte devait au minimum s'occuper d'une mineur.  Et aujourd'hui encore, il me prend en charge financièrement, m'offre cadeaux et opportunités.   Je n'avais, et n'ai qu'une chose à faire en retour. Être la belle de ces messieurs, devenir la favorite de chacun. Car parait-il, l'homme n'a qu'un défaut : c'est la femme.  Et pour les affaires, parait-il encore, je serais le plus beau des défauts.

J'ai appris à être élégante et raffinée, à parler dans les langues les plus soutenues et sourire face aux visage les plus disgracieux.  J'ai appris à plaire et aujourd'hui, tout les bras s'ouvrent pour embrasser mon corps.  Je ne suis pas femme de joie. Je suis l'amante, l'amie, la confidente, ou bien même l'amoureuse. Je suis tout et rien à la fois, je suis éventail de personnalités.  J'ai une maîtrise sur les corps et sur les esprits.

J'ai laissé tomber cette impuissance qu'on m'a infligé pendant bien trop longtemps.