L'odeur nauséabonde et acre du poisson cru imprègne les différents étalages, s'accrochant aux vêtements et entrant dans les narines pour ne plus y ressortir. L'eau coule de toute part, dans cette partie reculée des berges de Busan, inondant la route principale, entraînant dans sa lignée des déchets de poissons morts. Il n'y a pas âme qui vive, et seul le bruit des mouettes résonne dans cette obscurité, glaçant le sang d'étrangers osant s'aventurer à cette heure ci-tardive dans ce lieu si antipathique. Puis . . . soudainement, dans ce calme effrayant, des cris d'enfant se font entendre, réveillant le quartier d'une douce lumière.  Des petits yeux indiscrets accourent jusqu'aux fenêtres, tandis que les plus valeureux s'arment de courage, une lampe torche en main, pour sortir dans ce froid glacial, les manteaux en main. Le fils Choi est enfin né, après tant d'attente, après tant de préparation pour l'accueillir, au mieux dans de monde de poissonnier, il est là. Tout le petit village festoie la venue du petit Rae Won, malgré les maigres revenus de chacun, et faisant avec les moyens actuels. Il faut dire que Mr Choi est un poissonnier particulièrement apprécié avec sa femme Mme Choi, tous les deux restant humble, ayant toujours un mot doux pour chaque villageois, donnant tout leur amour, et offrant parfois bien trop aux autres, n'ayant jamais rien en retour. C'est pour cette raison qu'en ce jour si particulier, tous les membres du village se sont rassemblés pour souhaiter la bienvenue à ce nouvel être, si petit, et si inoffensif. Un an après, sa petite sœur est née.


Vivre dans des lieux insolites, sales, manquant cruellement d'éducation, ce n'est pas toujours facile, autant pour soi que pour les autres. Rae Won n'a jamais eu la chance de se rendre dans une école réputée, ni même d'avoir des crayons de couleurs pour pouvoir dessiner. Ses jeux étaient toujours à l'extérieur, dans la rue, sur des murs, sur les perches, dans l'eau. Lui, il s'en allait à l'école avec des vêtements rapiécés, démodés, des claquettes en guise de chaussures, un cartable bien trop petit et des cahiers de cours noircis par la saleté. Néanmoins, Rae Won ne s'en ait jamais plaint. Certes, il enviait tous ces autres garçons parfaitement bien habillés, sentant l'odeur de la rose, égayant son odorat, étant ramenés en voiture tandis que lui marchait, mais il n'en était pas moins malheureux. Il aimait bien sa vie actuelle, sa famille, ses copains. Il n'avait pas forcément envie de changer, et de toute manière, pour lui, il ne pouvait changer. Il était voué à aider ses parents dans leur magasin de poissons, à aider son père pour pêcher, à reprendre par la suite l'enseigne, s'occuper sa petite sœur, rien de plus. Il ne rêvait pas plus loin.
Malheureusement Rae Won a fini par mal grandir, devenant hostile, froid, quelque peu insolent, se faisant jeter de certains cours, lui, profitant pour fuguer de l'école pour aller jouer, pour être avec ses soi-disant amis. Il ne vivait que pour ça, que par ça : ses amis, pourtant de très mauvaises réputations. Et puis un jour, alors que ses amis venaient tout juste de braquer une épicerie, lui regardant de loin, sans jamais rien faire, n'étant ni actif, ni passif, il a croisé le chemin de cet homme. Cet homme qui a fini par tout lui apprendre, tout lui enseigner, qui a fait de sa vie un autre destin. Cet homme était un danseur de rue, sans réputation, inconnu de tous, et pourtant il avait ces gestes qui pouvaient en faire trembler plus d'un, cette fluidité qui envoûtait. Il était certes méconnu mais il n'était pas pour autant nul, il faisait même preuve d'un grand professionnalisme. La première fois que cet homme a croisé le regard de Rae Won, il a su, il s'est reconnu en lui, en une fraction de seconde. Cet homme est alors devenu le mentor de Rae Won, lui apprenant tout de la danse, lui apprenant à communiquer avec son corps, à se mouvoir dans l'espace, à extérioriser ses maux, son insolence, il a appris à se canaliser, à garder une bonne maîtrise de moi et de ses émotions. La danse a alors fait partie intégralement de sa vie, marquant au fer rouge son corps, l'aidant dans ses démarches, l'aidant dans sa propre survie. Tandis que ses amis se faisaient arrêter pour vol à mains armées, tandis que d'autres vendaient de la drogue, se prostituaient, tuaient, ou autres, lui, il usait de la danse pour s'en sortir, pour s'apaiser. Rae Won a alors commencé à se lever danse, manger danse, dormir danse, vivre danse. La danse est devenue un tout, son tout.


A 18 ans, à cause d'un malheureux accident, tuant son maître de danse, son mentor, Rae Won déménagea à Séoul, y cherchant sa muse, sa créativité, son inspiration, redécouvrant la danse d'une autre manière, en dehors des rues sales et malfamées. Très vite, il intégra l'université, mais aussi l'AOM crew. Là-bas, il créa son nid, améliorant ses capacités de danse, désireux de découvrir toujours plus, d'aller toujours plus loin, renouvelant à chaque fois sa maîtrise, ses connaissances. Rae Won en a vu du monde partir, lui restant toujours, étant le dernier du groupe de départ. Il a eu quelques difficultés avec certains départs, le démotivant parfois, le blessant aussi, se sentant abandonné par tous, perdant toute inspiration, remettant tout en question. Mais Rae Won est un « bon petit gars », courageux, déterminé, qui n'a jamais froid aux yeux, alors un jour, il a tout repris en main, remis tout à neuf, cherchant par lui-même de nouvelles recrues pour fonder de nouveau le groupe, pour lui insuffler un souffle nouveau. C'est ainsi qu'aujourd'hui il se retrouve aux côtés de Jung Hwa, Jin Hyun, Malee et Wen Yi, pour l'AOM crew. Il compte bien amener son groupe bien loin, plus loin qu'ils ne semblent le penser. Il a confiance en eux et sait de quoi ils sont capables. Jamais il ne les abandonnera .  . . .

Enfin, il l'espère.