- Su Hwan, si tu continues à choisir action face à vérité, tu vas vraiment finir à poil.

Le sourire amusé du garçon fait glousser sa compagne. Cette réflexion trahie sa curiosité, mais malicieux, il continue d'afficher son sourire sans broncher. Finir en tablier et chaussettes avec une fausse moustache dessinée grossièrement sur le visage, c'est bien moins humiliant que de parler de sa situation passée. Il n'aime pas les questions, ni les petites fouines, mais avec elle c'est différent, ou du moins il aimerait le croire. Su Hwan, de son vrai nom Park Min-Jun n'est pas un garçon ordinaire, c'est pourquoi il intrigue autant la jeune femme. En plus d'être particulièrement charmant, le gamin reste encore particulièrement mystérieux quant à son histoire. "Un beau brun ténébreux". On ne peut pas être un garçon sans histoire comme il ne cesse de le répéter. Alors, encore une fois, elle le test, le provoque, mais rien ne semble ébranler cette muraille qu'il s'est bâti. Aux yeux de Hwan, ce n'est qu'une amatrice qu'il peut distraire facilement avec tout types de subterfuges. Tandis qu'elle ouvre la bouche pour lui proposer une action ridicule, le jeune homme passe les mains derrière son dos pour détacher son tablier. Assez de questions. Il semblerait que madame ait perdu ses mots, si bien que sa mâchoire semble se décrocher. Le jeune nord coréen quant à lui les ravale. Continuant de danser comme lorsqu'elle lui avait ordonné quelques actions auparavant, rien ne laisse penser que Min-Jun a surmonté l'inimaginable. Si seulement ils savaient...

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- Vous représentez l'élite de notre souverain.
L'instructeur examine les enfants devant la statut du dictateur. Sortie "scolaire" de propagande où Min-Jun est contraint de faire multiples courbettes devant des statues de pierre pour faire bonne figure. Des œuvres d'art soit disant où il prête allégeance à son chef de la famille Kim. Avec le temps, l'adolescent a appris à ne jamais détourner les yeux de ce qu'on lui imposait. Jamais se plaindre. Pourtant, aujourd'hui, il s'autorise une dérogation. Un petit coup d’œil à l'adresse de son frère d'arme, son confident à qui il n'a même pas osé raconter ce fâcheux secret. Ce secret qui pourrait coûter la vie à sa sœur, à son sang. Je suis désolé. Les yeux de Hwan le supplient pour trouver le pardon, car il va l'abandonner. Alors, ce frère semble entendre ses sanglots. Les regards se croisent. Il sait que c'est la dernière vois qu'ils pourront échanger des pensées par le biais d'un coup d’œil. Min-Jun ferme les yeux, tentant de camoufler ses larmes. Les dernières sur ce sol, il l' l'espère. Ce détail n'échappe pas à l'homme qui les supervise, si bien qu'une fois au garde à vous, il s'approche de l'adolescent modèle pour demander une explication. Pourquoi cet enfant si respectable pleure t-il devant la statue du chef ?

- Parce que je suis fier de notre souverain et fier de le servir. Parce que je donnerais ma vie pour protéger ma patrie.

Parce que oui, ton destin était tracé. Si jusqu'à lors, tu avais évolué en tant qu'ouvrier et si la fuite de ton pays n'était pas envisagée, tu aurais probablement essayé d'évoluer dans l'armée, là ou tu pouvais prévoir une once de richesse - si richesse il y avait pour les citoyens de Pyongyang. De l'honneur, une place et un bon rôle d'acteur, dans ce pays ou tout n'est que mascarade...

La colère. La peur. L'angoisse. Tout se chamboule dans le coeur de Min-Jun depuis que le plan est mis a exécution. L'absence de son père commence à se faire remarquer. Bientôt, il finiront par découvrir. Tout est de sa faute. S'il n'avait pas eu envie de quitter le pays, d'offrir une vie meilleure à sa famille ! Et si tout n'était qu'une illusion, que cette terre était réellement la plus civilisée ? Peut-être que rester ici est une bonne idée. Mais son départ, sa trahison envers l'état fichera sa famille. Ils étaient tous condamnés. La fuite était la meilleure solution.

La peur ayant emporté toute once de courage durant le voyage, Min-Jun est comme un enfant. La honte s'emparera de lui après le voyage lorsqu'il réalisera à quel point il était soulagé de passer le premier. De voir la manière dont il s'est jeté vers la sortie, vers cette rive bordé par la lumière des buildings, sans un regard en arrière, abandonnant sa chair et son sang à un sacrifice auquel il n'aurait jamais pensé. Ce qui le pousse également, c'est la curiosité. Et si toutes ces légendes qu'on raconte sur les autres pays... Et si tout était vrai ? Comment pouvait-il cerner le vrai du faux ?

Mais père est mort. Tout s'est bousculé, tout s'est brisé. La famille un tant soit peu heureuse ne le sera plus. Tu dois prendre tes responsabilités maintenant, tu es l'homme de la maison. A cette époque, le coeur de Min-Jun restait partagé entre la colère de perdre son père suite à cette fuite, ce paternel qui avait tout sacrifié, même sa vie les avait abandonné ! Et il y avait aussi la colère envers son gouvernement qui les  avait poussé à fuir...

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- Espèce d'idiot !
Le poing du jeune homme sans papiers s'abat brutalement sur le visage de son prétendu ami. Voilà un petit moment qu'ils avaient débarqué avec Miso, qu'ils vivaient au mieux. Su Hwan, de son nouveau nom, passait son temps comme main d'oeuvre au noir sous payé sur les chantiers... Et pourtant, il restait efficace. Après la disparition de Mère et après avoir parcouru la Chine une fois mis à la porte, ils avaient enfin réussi à établir une lueur d'espoir. Un foyer au Japon. Un endroit ou ils vivaient, un semblant heureux.

Hwan s'était particulièrement bien habitué à la vie de ce nouveau monde. Contrairement à sa soeur qui semblait avoir pas mal de difficultés encore à ce jour, lui parvenait à assimiler plus facilement les codes pour les adapter. Particulièrement ouvert et curieux, le jeune nord-coréen avait réussi à se constituer un réseau d'amis fiable qu'on n'aurait jamais considéré comme fréquentable. Il était beaucoup moins méfiant que Su Miso. Pour lui, c'était des gens de la rue, qui avaient des problèmes d'entrée d'argent tout comme lui. La différence était probablement dans le fait qu'au vu de son statut de sans papier, il faisait profil bas. De grosses lacunes s'étaient présenté au cours des années, notamment dû à son manque d'éducation : il arrivait à peine à compter et arrivait à peine à lire. Par exemple, il avait un téléphone rechargeable, mais ne l'utilisait que pour appeler les gens. Comme il avait encore du mal à lire, il attribuait un chiffre au numéro ou apprenait les numéros par coeur pour ne pas se tromper. Su Hwan avait du mal à l'admettre, mais son illettrisme était peut-être le seul frein qu'il avait pour parfaire son intégration, c'est pourquoi il s'était principalement penché vers des métiers manuels ou il n'avait pas besoin de trop réfléchir. On le faisait à sa place.

Mais là, ce type, cet "ami"... Avait merdé. La colère le poussait à le frapper plus. Il l'aurait probablement tué, mais le lieux publique l'empêchait de lui assener des coups supplémentaires. Cela faisait quelques jours qu'il se cachait. Plusieurs jours qu'il n'avait plus de téléphone, ni de contact avec sa soeur. Il avait perdu son sang. Il avait perdu sa chair. A cause de ce crétin fini. Tu l'a mise en danger ! Tu NOUS as mis en danger ! Est-ce que tu as la moindre idée de ce que c'est d'être traqué comme des bêtes sauvages ?Est-ce que tu imagines dans quel état elle est ?!! A bout de souffle, en alerte, Hwan sait qu'il attire l'attention. Mais la colère est plus forte. Il n'arrive pas à se contrôler quand il s'agit de sa soeur jumelle. Une seconde fois, il frappe. Plus fort, si bien que son bourreau tombe. Il sait que la police va débarquer, mais il a d'autres soucis en tête. D'un geste dédaigneux, il pointe du doigt le jeune homme au sol. Si je te recroise, je te tue. Jamais, Ô grand jamais ce pauvre garçon n'avait vu le jeune nord-coréen en colère. Le dénommé Su Hwan était pourtant si vivant et joyeux d'habitude, jamais il n'aurait cru voir un jour une bête noir surgir de nulle part pour bondir. Le louveteau était devenu un mâle alpha, et il protégeait son clan... Et Su Hwan était loin de faire des menaces en l'air. La dernière chose qu'il vu ce jour là du frère de Miso, c'était ces yeux de chiens fou qui disparurent dans la foule.

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- Vérité.
Allongé dans le lit, la jeune femme n'en croit pas ses oreilles. Il lui faut 5 bonnes minutes pour réaliser que le mystérieux Su Hwan a ENFIN décidé à jouer à autre chose qu'Action/Action. C'est pour elle, une victoire. Une très belle victoire et elle craque un peu plus pour lui en voyant à quel point à cet instant précis il est sérieux. Elle n'a qu'une question à poser, une seule chance de poser la bonne. Après une longue hésitation, elle se mord la lèvre.

- Raconte moi ton histoire, Su Hwan.

Il se redresse, à peine surpris. Il inspire longuement. Peut-être avait-il longtemps attendu de pouvoir se confier à quelqu'un. Cela faisait plusieurs années maintenant qu'il n'avait pas pû dire la vérité... Alors Min-Jun parle. Calmement il explique son histoire. Il raconte sa vie en Corée du Nord, il explique la fuite. Tout dans le moindre détail, sans se soucier d'être sur écoute, sans se soucier de finir trahi encore une fois. D'ailleurs, il mentionne Yu Gyeom avec une pointe d'amertume. Il explique qu'il a attendu des heures entières sous la pluie le 4 mars 2013... Sa soeur... Qui ne s'est jamais montrée. Il parle de sa soeur comme d'un ange. Il enchaîne sur sa situation. Sa galère au cours des 3 dernières années, entre les difficultés à trouver un boulot illégal en vue de son statut de sans papier... Comment il est difficile de trouver une quelconque trace de sa soeur quand on joue les  êtres invisibles... La peur de devoir un jour retourner "là bas", la peur d'imaginer un instant sa soeur renvoyée dans ce prison, renvoyée à une mort certaine.

Une main se pose sur son visage et le coupe dans son récit. Du bout des doigts, la jeune femme essuie les larmes du garçon. Il ne s'en était même pas rendu compte. Quelque chose au fond de lui le soulage. Cette fois, elle ne le trahira pas. Il le sait rien qu'en la regardant. Il l'avait trouvé, cette personne de confiance. Ce pilier qui le soutiendrait dans sa quête de vérité. Après un moment de silence à se fixer sous la lumière tamisée et malgré leur nudité, elle s'avance vers lui, prenant son visage entre ses deux mains.

- Je vais te les donner tes papiers, Park Min Jun et ta soeur, tu vas la retrouver.