Eh ! Mad’moizelle !

Je me doutais que j’allais perdre un peu Jayden dans mon discours, qu’il risquait d’être interpelé par mes propos, mais au fond qui s’en foutait de savoir si ce que je racontais était vrai ou faux ? Je me doutais assez aussi que l’idée allait lui plaire. À vrai dire, moi-même, j’aurai pu être grave emballé ! Sauf qu’en plus d’être un con, j’étais doublé d’un connard et autant je ne voyais pas d’inconvénient à m’impliquer personnellement dans les défis les plus insensés qui soient, autant, je ne goutais pas mon plaisir non plus à laisser les autres faire n’importe quoi à ma place, pour peu que je les y ai convaincu. En toute honnêteté, et parce que j’avais un minimum de conscience, ce soir-là, je me suis promis que ce serait la dernière fois que je sortirais juste avec Jayden sans le reste de la bande. Non parce que lui tout seul rien, j’allais finir par le tuer à l’entrainer dans tout et n’importe quoi. Parce qu’en plus, il était toujours partant pour tout et trop enthousiaste ! Ça me faisait plaisir de lui faire plaisir ! Même si j’avais parfaitement conscience de ne pas être l’ami le plus recommandable qu’on aurait pu lui souhaiter…

Regardez-le faire preuve d’autant d’énergie et de motivation au moment où je m’apprête à donner le top départ ! Mon poulain avait trois concurrents. Je ne savais pas si ces gars-là avaient véritablement un bon potentiel à conneries ou s’ils étaient juste déjà complètement ivres. Pour ma part, je trépignai d’impatience. J’avais l’impression d’assister à une expérience scientifique qui pourrait révolutionner le monde de la fête ! C’était la première fois que je voyais des gens se préparant à avaler un shooter par le nez avec une paille ! Je doutais sincèrement que cela puisse être possible, mais peut-être allions-nous faire une découverte inattendue ?

Et les voilà partis ! Et je vis mon Jay galérer, changer de tactique pour finalement : réussir ! Et gueuler que ça brûle juste après – peut-être aurais-je pu choisir un alcool moins fort quand même ? – pour persévérer à nouveau ! Cependant, je le vis devenir de plus en plus rouge. Je fus en proie à un grand débat intérieur. Devais-je attendre de voir s’il allait parvenir à finir le verre tandis qu’un seul de ses adversaires persévérait encore ou mettre un terme à ce jeu dont les conséquences pourraient être potentiellement fâcheuse ? La solution me vint alors ! J’assenai soudainement une bonne claque à l’arrière de la tête de son dernier adversaire en m’exclamant :
« T’as gagné, Jay ! »
Je le redressai alors par les épaules pour m’assurer qu’il s’arrête là.
« T’es un chef ! Par contre… »
Je me penchai vers lui pour lui intimer à voix plus basse :
« Je crois que maintenant tu vas devoir prouver qu’en plus d’avoir un nez, tu as des jambes ! »
Oui parce que j’eus vaguement l’appréhension que nous n’allions pas tarder à avoir intérêt à prendre nos jambes à notre cou lorsque que je remarquai la paille enfoncée dans le nez de celui à qui j’avais asséné une claque tout aussi peu amical qu’elle fut déloyale. Les quelques instants de panique de la part de ses comparses en le voyant ainsi grever d’une paille en extension de son orifice nasale seraient certainement notre meilleure ouverture pour prendre la clé des champs, mais encore faudrait-il que Jay me suive sans trop chercher à réfléchir sur ce coup-là. Parce que non, je n’étais pas chien au point d’abandonner un pote derrière moi !