Le vent sifflait rageusement dans les rues désertes de Digital City. Une rafale fraîche provoqua chez moi, un spasme qui me poussa à m'emmitoufler dans mon écharpe tartan. Ma tenue semblait légère pour une soirée aussi froide : un tee-shirt blanc totalement délavé, une vielle jupe que j'avais trouvé, une paire de talons à la marque bien connue mais d'on je ne donnerai pas le nom : je vais chopper la crève. Je marchais tranquillement en attendant de voir ce que je pouvais bien faire pendant cette nuit. Je n'avais pas mangé, et je n'en ressentais pas l'envie, alors je continue à marcher sans attendre quoique ce soit. Mes amies devaient faire la fête sans moi, alors peut-être que je vais rentrer au dortoir pour dormir un tout petit peu. Une vague odeur me fit ralentir le pas. Une odeur de boeuf mijoté accompagné de quelques pommes de terre dorées me fit définitivement s'arrêter. Je reconnaissais l'odeur : c'était l'une des spécialités d'une des brasseries proches d'ici. J'avais l'habitude de la sentir en passant et mon dieu, qu'est-ce que ça faisait du bien de renifler cette magnifique odeur.

Haru était dehors depuis à peine quelques minutes mais elle sentait déjà ses mains se glaçait un peu. En avançant dans les rues de Séoul elle les frotte entre elle, soufflant dessus pour les réchauffer sans pour autant faire demi-tour pour rentrer. Le froid aurait pu la dissuader mais ce n’était pas le cas. En rentrant, elle savait pertinemment qu’elle aurait du mal à se concentrer sur ses révisions tardives et elle sentait ce besoin important de se changer les idées. Avec l’histoire de son père, sa rencontre avec Shin, ses cours et son travail à la YG qui lui prenait avec plaisir beaucoup de temps, elle avait besoin de se changer les idées. Alors elle marchait un peu sans but, regardant vaguement la vitrine des boutiques ainsi que les gens qui l’entourait. Pourtant, elle se mit à fixer une silhouette devant elle d’un air réfléchi, cherchant à savoir si elle faisait fausse route ou non. « DAWON ! » Certaine de son coup, elle s’exclamait à l’attention de la personne un peu plus loin devant elle en augmentant le pas pour rejoindre la personne qu’elle imaginait être sa colocataire jusqu’alors portée disparue ce soir. Arrivée derrière la personne, elle lui attrape doucement le poignet pour la faire se retourner, un sourire gravé sur ses lèvres. « Da-. » Elle s’arrêtait net, découvrant qu’il ne s’agissait pas de son amie. Elle lâchait la main de la jeune femme, une mine désolée. « Excuse moi j’ai la tête ailleurs, je t’ai pris pour quelqu’un d’autre. »

Je sursaute en entendant une voix féminine dire le nom d'une femme, mais je ne me retourne pas pour autant sauf quand on vient me prendre le poignet. Je regarde la personne qui me faisait face, et je rougis timidement. « Ce n'est pas grave. » Dis-je en regardant celle-ci dans les yeux. Elle devait rechercher une personne qui me ressemble pour qu'elle agrippe mon poignet afin de voir si c'est bien la personne qu'elle a appelée. L'asiatique ressemblait à quelqu'un que j'avais déjà vue auparavant, alors je réfléchis pendant quelques minutes pour savoir l'endroit où je l'avais déjà aperçue. « Tu travailles à la YG ? » Je pense que c'est là-bas que je l'ai croisé, je suis trainee dans cette agence et ça ne me choquerai pas de savoir que je l'ai vue dans l'établissement. Je m'entraîne énormément pour pouvoir débuter et le directeur m'a dit qu'il va lancer son groupe féminin très prochainement, il m'a dit que je fais partie de ce groupe, alors je ne veux pas le décevoir. Je m'entraîne tout les jours pour lui montrer qu'il a raison de me faire confiance.

En observant la jeune femme de dos, Haru était sûre de son coup. Alors sans même réfléchir une seule seconde, elle s’était élancée à sa poursuite. Le fait qu’elle ne réponde pas à son prénom qu’elle criait presque aurait pu lui mettre la puce à l’oreille mais même si des panneaux lumineux avec de grandes flèches auraient pris place au-dessus de sa tête qu’elle serait restée toujours aussi entêté. Ce ne fut seulement lorsque la jeune femme se tournait vers elle qu’elle se rendit que non, elle avait totalement tout faux. Naturellement, elle lui présentait ses excuses, un peu honteuse de l’avoir confondue avec une autre personne mais cela n’empiétait en rien sur le sourire qu’elle lui affichait. Haru pensait que leur conversation s’arrêterait là et que chacune partiraient de leurs côtés mais pourtant, la jeune femme elle semblait la reconnaître. Un peu surprise que la demoiselle connaisse sa profession et commençant par avance à rechercher son visage dans sa mémoire pour savoir d’où lui venait cette information, elle lui lançait un nouveau petit sourire. « Oui je suis danseuse, comment tu sais ? » La blonde avait du mal à croire que des fans pouvaient retenir le visage des danseuses, eux qui sont complètement hypnotisés par leurs idoles.

J'avais vraiment le flair pour repairer les personnes que j'ai déjà vue. Elle fait partie de l'agence dont je fais partie, elle est danseuse et à mon humble avis, elle risque d'être une back-danseuse lorsque je vais débuter avec mon groupe. Sauf si le directeur décide de la faire débuter en solo ou dans un autre groupe, il est tout à fait capable de mettre une danseuse qui ne sait pas chanter dans un girlsband mais elle va devoir travailler son chant comme une dingue. Rien que d'y penser, ça me fait peur, il serait constamment sur son dos à voir si elle s'est améliorée ou si elle est devenue pire qu'avant. Je suis quelqu'un qui déteste travailler sous la pression et il avait bien compris qu'il ne fallait pas me frustrer puis il n'a pas été déçu de ce que je lui proposais lorsque je chantais et dansais. « Je t'ai déjà aperçu là-bas, je suis trainee dans l'agence. » On va très certainement se voir de plus en plus et ça me fait plaisir de voir quelqu'un que je ne connaissais pas faire partie de la même agence que moi. Je ne parle pas à beaucoup de personnes lorsque je vais m'entraîner, je parle avec les filles avec qui je vais débuter, mais pas le reste. « Prend soin de moi s'il te plaît ! » Je ne sais pas si elle est plus vieille que moi, alors je parle comme-ci c'était ma grande soeur.

Haru était curieuse de savoir d’où elle tenait cette information. Ce n’est pas comme si elle était connue. Bien sûr qu’elle a sûrement un poil de followers de plus qu’une serveuse ou une profession du même genre, mais ce n’est pas pour autant qu’on la reconnait dans ma rue. Même si elle est présente durant les performances des groupes avec lesquels elle danse, elle reste largement moins importe que eux. Elle reste un vague souvenir flou derrière eux. Cela lui convient parfaitement, à aucun moment elle ne les a enviés ou a cherché à se rendre plus visible. A partir du moment qu’elle danse, devant ou complètement derrière, c’est tout ce qui lui importe.

L’explication la plus plausible restait qu’elle fasse partie de la YG, ce que la jeune femme lui confirmait pile au moment où cette pensée traversait son esprit. « Oh ! » Elle ne put cacher une légère surprise avant de lui sourire doucement, d’un air un peu désolé. « Excuse-moi, je suis généralement très concentrée quand j’y suis, ce qui explique que je ne t’ai pas reconnue. » Très perfectionniste et appliquée dans son travail, il est rare que la jeune femme se rappelle du visage de toutes les personnes qu’elle y a croisées (et heureusement, sinon sa tête serait remplie de visage). Cependant une chose était sûre, elle n’avait jamais dansé pour elle, ni en sa compagnie.

La gumiho s’apprêtait à lui demander si elle savait à quel groupe elle allait appartenir mais les mots de la jeune femme la perturbait un peu. « Prendre soin de toi ? » Répétait-elle fronçant les sourcils d’un air songeur avant de se mettre à rire un peu. « Pourquoi ? Tu es toute seule ? Tu as des problèmes à la YG ? » Plus elle avançait dans ses questionnements, plus son sourire s’effaçait un peu étonnée si ce genre d’hypothèses s’avéraient vraies.

La jeune femme qui me fait face était magnifique, je ne comprends pas pourquoi le directeur de l'agence ne l'a met pas mannequin et danseuse. Je ne doute pas de ses talents en danse, mais elle pourrait faire un malheur dans le mannequinât. De plus, on peut voir qu'elle a une grosse poitrine à travers son t-shirt et ça pourrait faire envier quelques femmes. D'ailleurs, j'en suis jalouse. « Je voulais dire prendre soin de moi pour être respectueuse, car je suppose que tu es un peu plus vieille que moi. » C'est cool de faire de nouvelles rencontres, je ne connaissais pas beaucoup de monde à l'agence, je suis dans mon coin en train de travailler pour être l'une des meilleures filles du futur groupe qu'ils allaient lancer. J'avais tellement hâte de pouvoir gagner de l'argent et d'en donner à ma famille, le directeur est au courant que j'ai pris des risques et que j'en prends encore. Je pense que c'est ça grâce à cela et à mon talent qu'il m'a mis dans le futur girlsband. « Je n'ai pas de problème ne t'inquiète pas ! » Elle est mignonne, elle s'inquiétait déjà pour moi. « Si tu as besoin de manger quoique ce soit quand tu t'entraînes, tu viens me voir et je te donnerai ce qu'il faut. Je fais toujours à manger pour les filles avec qui je m'entraîne. » Oui, je suis quelqu'un de généreux. Je sais que je ne connais pas la jeune femme, mais elle me paraît sympathique donc je me montre gentille et respectueuse avec elle. « Je m'appelle Nancy et toi ? » Autant faire connaissance avec cette personne.

« Oh ! » A ce moment-là, Haru se sent un peu surprise de ne pas avoir compris sur le coup. Voilà à peine quelques minutes qu’elle parlait avec la demoiselle et elle passait déjà pour une idiote, tête en l’air. Cependant, elle ne se démonte pas et laisse un sourire décorer ses lèvres. Après tout, ce n’est pas la première fois ni la dernière fois qu’elle fait un peu son boulet. Enfin, pour le coup son inquiétude soudaine partait d’une bonne intention. Elle avait cru qu’elle avait eu des problèmes à la YG. Cela ne serait pas étonnant. Malgré l’image dorée dont elle bénéficie, elle ne doutait pas une seconde qu’il y avait de grandes rivalités. « Tant mieux alors, on ne sait jamais, j’ai toujours imaginé les compositions de groupe comme les Hunger Game. Qui sera la leader, qui sera la plus hot, qui sera la meilleure chanteuse … » Elle laisse un léger rire s’échapper. Il y en avait parfois entre les danseuses, alors elle n’imaginait pas toutes celles qui devait y avoir entre les idoles ou futures idoles. Néanmoins, la jeune femme semblait des plus sympathiques. Sans même vraiment la connaitre, elle lui proposait de lui donner à manger durant les entraînements si elle le voulait. « C’est gentil, je viendrai peut-être un jour. » Elle ne voulait cependant pas non plus abuser de sa générosité. Haru avait largement les moyens de se payer à manger. « Et moi Haru, enchantée. » Elle lui fait un brève courbette en souriant. Un vent glacial vint la faire frissonner un instant. Elle avait envie de se réchauffer, rentrer quelque part mais ressentait également l’envie de faire connaissance avec Nancy. « En parlant de manger, ça te dit qu’on aille grignoter un truc quelque part ? »

C'est assez étrange que le directeur de notre agence ne l'ai pas mise dans un groupe ou même en solo. Peut-être qu'elle ne sait pas chanter ou peut-être qu'elle ne voulait pas faire partie d'un girlsband. Je pense que ça devait lui satisfaire d'être une simple danseuse au sein de l'agence. Personnellement, j'avais hâte de devenir une idole. J'avais hâte de donner de l'argent à ma famille, car à cause de moi, ils avaient gaspillé de l'argent pour que je puisse participer aux auditions de la YG entertainment. Je vis avec cela en tête depuis que je suis trainee. Le directeur sait que j'ai hâte qu'il fasse débuter le groupe, mais il voulait attendre un petit peu. Il n'y avait pas que nous dans la liste des débuts ou des comeback. « Je suis d'accord avec toi. Il y a une rivalité qui s'installe avec les filles, mais on s'aime malgré tout. » Je m'en fiche de savoir qui est la leader, qui est la plus hot et qui est la maknae. Le principal c'est qu'on puisse vivre notre rêve. « Tu danses pour des groupes ? » demandai-je. Peut-être qu'elle enseigne la danse aux trainees et aux idoles, mais je me doute. De plus, elle a dû se faire remarquer à cause de sa beauté, alors je suppose qu'elle est populaire depuis que des fans l'ont vu sur scène. « Tu as un joli prénom. » C'est la première fois que j'entends ce prénom. Au moins, elle n'a pas un prénom à rallonge, je vais pouvoir me souvenir d'elle. « Je n'ai pas très faim, mais je peux t'accompagner. » dis-je en suivant celle-ci dans un endroit agréable pour manger. J'évite d'avaler quoique ce soit, je n'ai pas envie de finir aux toilettes pour vomir tout ce que j'ai ingurgité. J'espère qu'elle n'allait pas prendre mal ce que je venais de lui dire.

Haru n’a jamais envié les idoles ou tentée d’en devenir une. En dehors du fait qu’elle a conscience de chanter comme une véritable casserole, elle préfère largement sa place sur l’arrière de la scène plutôt qu’être au centre de la lumière. Si elle n’a pas le droit à l’erreur en étant derrière alors que sûrement personne n’y prêtera attention, les faux pas des idoles elles seront parfaitement vues, reprises, répétées et moquées. Devenir un personnage publique devient en quelque sorte s’ôter de la liberté et l’offrir délibérément, donner une partie de sa vie aux autres pour qu’ils puissent en décidé le sort. Sacrifice pour être reconnu pour sa passion et son talent ou réelle folie ? Telle est la question.

La jeune femme était rassurée de l’entendre dire que malgré les rivalités qu’elle pouvait connaitre, elles s’aimaient malgré tout, ce à quoi elle comprit que tout allait bien. Ce genre de problèmes pourraient aller loin, on ne sait jamais, certaines sont vraiment prêtes à tout. « Tant mieux alors. » La brune lui offrit un sourire sincèrement. « Oui depuis deux ans maintenant. » Deux ans, bientôt trois, qu’elle avait finalement réussi à faire de sa passion son métier et elle espérait que cela continue indéfiniment.

« Merci. » En se présentant, l’américaine avait mentionné son prénom d’usage en Corée du Sud, celui qu’elle utilise depuis son arrivée ici. Au début, cela fut un peu compliqué de s’y tenir, elle ne répondait pas lorsqu’on l’appelait parce que dans un premier cas elle ne comprenait pas et dans un autre, jusqu’alors, elle s’était toujours faite appelée par son véritable prénom. Mais ce changement était nécessaire pour de simples raisons de prononciations et d’intégration.

Trouvant la jeune femme sympathique et de bonne compagnie, Haru lui proposait de manger quelque chose ensemble. La jeune femme répliquait qu’elle n’avait pas faim mais ne refusait tout de même pas. « Tu es sûre ? Même pas une petite faim ? » Le regard de la danseuse glissait sur les vitrines, les enseignes et les petits stands. « Tu as quelque chose à me suggérer peut-être ? »