S’il y a bien une chose que les gens remarquent en premier chez la blondinette, c’est qu’elle a un caractère bien trempé. Jamais elle ne laisserait quelqu’un lui marcher sur les pieds ou la rabaisser et de même, elle n’accepterait pas que quelqu’un s’en prenne à une autre personne sans agir. Semi, c’est l’insolence incarnée, elle dit les choses telles qu’elles sont, elle ne passe jamais par quatre chemins et on ne peut pas dire qu’elle ait même un minimum de tact. Elle a énormément de toupet et avec son air supérieur, les gens la prennent pour une petite peste froide et narcissique alors qu’elle est très sociable, en réalité. S’il y a une fête dans le coin, vous pouvez être sûre qu’elle y sera. Semi est une vampire, elle vit la nuit et même si les lendemains sont difficiles, elle ne regrette jamais une bonne soirée. Elle sait s’amuser sans déraper et devenir un déchet humain ambulant parce qu’après 2-3 verres, c’est souvent fini pour elle alors elle essaye de s’arrêter avant. Semi déteste plus que tout l’injustice, c’est quelque chose qui lui glace le sang : qu’on l’accuse à tort, ça la met hors d’elle. Ca peut paraître cliché mais elle est pour la paix dans le monde et elle n’aime pas la violence. « Tellement pas glam » selon elle. Elle a un côté un peu hippie même si elle ne considère pas comme tel parce que contrairement aux hippies, Semi aime tout ce qui est matériel, elle aime la mode, les nouvelles technologies et les belles choses en général. Même quand elle n’a pas, elle dépense sans compter, s’endetter n’est pas un problème pour elle (et puis, papa aide pas mal. Après tout, il n’oserait jamais lui refuser quoi que soit vu qu’il a abandonné sa mère dans le passé).
La coréenne aime montrer qu’elle est une femme forte et indépendante. Jamais elle ne laisserait paraître ses faiblesses et elle plutôt douée pour masquer ses émotions. En réalité, elle a peur de souffrir alors elle se protège comme elle le peut. Quand elle a une idée en tête, impossible de la lui retirer, elle est têtue comme une mule. Bien qu’elle soit rancunière, elle a l’intelligence d’analyser les situations tranquillement et de voir si tel ou tel personne mérite son pardon. La preuve, elle a réussit à pardonner l’impardonnable : qu’on lui mente sur sa vie, qu’on la sépare de son frère jumeau et que son père l’ait abandonné. Non, elle n’oublie pas, elle ne peut pas oublier, c’est impossible mais elle fait avec, elle essaye d’avancer. Cette impression de stagner, elle déteste ça. Semi, c’est une femme qui ne supporte pas la routine et qui essaye de faire de chaque jour une aventure inoubliable. Faut savoir qu’elle s’ennui très rapidement et elle a la capacité de concentration qu’un gosse de 5 ans alors avoir son intérêt n’est pas chose aisée.
Apparemment sa mère était quelqu’un de très passionnée et c’est surement d’elle que Semi a hérité son amour pour l’art. Quand elle fait quelque chose, elle le fait jusqu’au bout et bien. Le travail bâclé, ce n’est pas son truc. Elle prend très soin de son corps et s’oblige à manger équilibré bien qu’elle soit végétarienne. Adepte de sport, elle passe la moitié de son temps libres dans des salles de musculations quand elle ne court pas dans les rues de Séoul. D’ailleurs, en pénurie de professeur, la salle de sport près de chez l’a engagé pour donner des cours de zumba et fitness. Du coup, elle s’amuse tout en gagnant de l’argent, ce qui est loin de la déranger : faut bien gagner un peu pour vider les boutiques avec ses copines.

Avant de raconter mon histoire, laissez-moi vous racontez celle de mes parents. Ma mère était passionnée par l’art depuis toute petite, son rêve a toujours été d’ouvrir une grande galerie d’art en plein centre de Séoul où elle exposerait les toiles des peintres les plus talentueux qu’elle rencontrerait au cours de ses voyages. Afin de concrétiser le rêve de sa fille, ma grand-mère avait économisé pendant plusieurs années pour lui permettre d’effectuer ses études en Europe, à Amsterdam. Ma mère était folle de joie à l’idée de pouvoir découvrir le vieux continent et surtout de poursuivre les études qu’elle voulait. Etant donné que ma famille ne s’en sortait pas tellement financièrement, elle pensait suivre une filière qui lui permettrait de trouver un travail qui paie bien et qui embauche rapidement pour les aider mais grâce aux soutien inattendu de ses parents, elle pouvait vivre sa passion comme elle le voulait.
C’est à Amsterdam qu’elle a rencontré mon père, fils d’un riche chef d’entreprise coréen avec qui elle s’est très rapidement entendue. Au début, elle refusait d’accepter ses avances pour se concentrer pleinement sur ses études mais elle n’a pas résisté à ses charmes bien longtemps. Pendant un an, ils ont vécu une romance idyllique, pleine d’amour et de romantisme. Ma mère était folle de lui, elle était sûre que cet homme serait celui avec qui elle passerait le restant de ses jours. En tant qu’artiste, elle était passionnée dans tous ce qu’elle entreprenait et aussi en amour. Son amour pour lui était démesuré et de son côté, c’était la première fois qu’il était aussi amoureux d’une femme.
Seulement, ma mère est tombée enceinte. C’était inattendu, elle avait tout juste 19 ans, n’avait pas terminé ses études et n’était pas mariée. Elle était terrifiée, elle ne savait pas comment l’annoncer à son petit ami, ni à ses parents. Sa mère étant une femme particulièrement acerbe et autoritaire, elle craignait sa réaction. Finalement, elle avait prit son courage à deux mains et annonça la nouvelle à mon père, espérant du fond de son cœur qu’il réagirait bien. Vous vous doutez bien que ce ne fut pas du tout le cas. Ce dernier ne voulait pas voir son avenir brisé à cause d’un accident aussi stupide, surtout qu’il était prévu depuis toujours qu’il succède à son père et qu’un bébé ruinerait tous leurs plans d’avenir. « T’es enceinte ? Ne me dis pas que tu vas le garder, tu comptes bien avorter ? » Cette phrase résonna cinq bonnes minutes dans la tête de la jeune coréenne. Elle n’y avait pas encore réfléchi à tête posée mais avorter … en était-elle capable ? Etait-elle capable de tuer un être humain ? C’était un choix terrible selon elle et ce n’était même pas une option à ses yeux.  «  T’es malade ? Avorter ? T’es en train de me dire que si je gardais le gosse, tu me lâcherais ? »
C’était exactement ce qu’il lui disait. Et comme elle ne voulait pas se débarrasser du problème –c’est-à-dire moi-, il l’abandonna en lui laissant une somme suffisante pour payer un médecin et rentrer chez ses parents à Séoul.
Craigant ses parents, elle décida d’attendre d’être sur le point d’accoucher pour revenir à Séoul, sans prévenir. Avant d’affronter mes grands-parents, elle logeait dans un petit hôtel miteux et préférait leur annoncer la nouvelle au téléphone afin de ne pas avoir à subir le tête-à-tête. «  Trainée ! J’ai dépensé tout cet argent pour toi, pour que tu étudies, pour que t’aies le meilleur avenir possible et c’est comme ça que tu me remercie ? Tu sais pourtant qu’on n’a pas les moyens mais je me suis sacrifié financièrement pour toi, pour ton bonheur ! Et toi. Toi ! Tu oses revenir engrossée comme une vulgaire catin ! Pire encore, tu nous annonces que ton copain t’as lâché. Mais tu sais quoi ? Il a raison ! Pourquoi il gâcherait sa vie pour toi ? Lui, il a eu ce qu’il voulait de toi et il n’a pas à en subir les conséquences. Toi, par contre, toute ta vie est gâchée. J’espère que tu es fière de toi. Fière de faire honte à notre famille » . Comme prévu, ma grand-mère ne réagissait pas très bien à la nouvelle. Elle qui envoyait régulièrement de l’argent à sa fille à Amsterdam, pensant que cette dernière étudiait avec sérieux. Elle se sentait trahie, humiliée et honteuse. Honteuse d’être la mère d’une énième gamine qui tombait enceinte à un si jeune âge, sans même être mariée.
Suite à cette conversation, ma génitrice décida de sortir prendre l’air, cette discussion l’avait chamboulé et elle se sentait mal. Elle savait que sa mère allait mal réagir mais elle s’attendait à un brin de compassion, surtout qu’au final, c’était elle qui subissait le plus de cette situation. La seule pensée qui la réjouissait un peu, c’était la venue au monde proche de son enfant. Au fil des mois, elle avait appris à le chérir et attendait qu’il naisse avec impatience.
Seulement, alors qu’elle traversait la route, un camion lui fonça dessus et elle décéda sur le coup. Miraculeusement, son obstétricienne réussit à sauver l’enfant ou plutôt les enfants car elle était en réalité enceinte de jumeaux. Eh oui, moi et mon frère étions déjà deux petits taquins et chacun son tour, on se cachait l’un derrière l’autre lors des échographies, du coup, on ne nous voyait jamais ensemble.
C’est donc ma grand-mère qui vint nous chercher à la maternité. Oui, sauf qu’elle refusa de s’occuper de deux enfants –ça lui aurait coûté trop cher- et ne récupéra que moi, sans jamais dire à mon grand-père ni au reste de ma famille que j’avais un frère jumeau. De son côté, l’obstétricienne de ma mère, Kim HyeMi, choquée devant l’attitude de celle qui venait de m’adopter, décida de s’occuper de mon frère.
Chacun de nos côtés, nous avions évolué dans deux milieux différents, de manière différente sans jamais savoir que nous avions un lien quelconque.
6 ans plus tard, mon géniteur qui avait terminé ses études revint en Corée afin de succéder à son père et après avoir appris la mort de son ex-petite amie, la culpabilité le rongea à tel point qu’il fit des recherches afin de retrouver leur enfant, pour savoir ce qu’il était devenu et apprendre à le connaître –c’était son droit, selon lui. Il voulait se racheter, au nom de l’amour qu’il avait pour ma mère.
C’est au terme de ces recherches qu’il découvrit qu’il n’avait pas qu’un seul enfant mais deux. Des jumeaux, élevés par des personnes différentes. Seulement, ni mon grand-père ni Kim HyeMi ne voulait que ce dernier ne m’approche ou n’approche mon frère.
Après tout, il ne voulait pas de nous, pourquoi se donnerait-il la peine de nous connaître ?
Ma grand-mère, vénale comme elle est, était d’accord pour l’aider. Elle savait très bien qu’il était plein aux as mais ce qu’elle ne savait pas c’est qu’il allait révéler à tout le monde sa manigance pour ne garder qu’un des deux enfants.
A partir de ce moment là, tout le monde se battait pour avoir notre garde et pour qu'on n'aille avec notre père. Mon grand-père m’avait élevé et Hyemi avait élevé mon frère alors ils se considéraient chacun comme nos vrais parents.
Après toutes ces années, j’avais rencontré mon frère. Mon frère jumeau. Bizarre, n’est-ce pas ? On dit que les jumeaux sont connectés, qu’ils ressentent les mêmes choses et qu’ils aiment les mêmes choses. Certes, je sentais que nous étions connectés mais nos goûts étaient radicalement opposés.
Au terme du procès, le juge décréta que nous devions rester chez notre père une semaine sur deux. Nouvelle qui ne m'enchantais pas des masses, je détestais ce type, j'’avais une très mauvaise image de lui, mon grand-père m’avait raconté ce qu’il avait fait subir à ma mère et je ne pouvais m’empêcher de penser que c’était à cause de lui qu’elle était morte.
Mon adolescence a été chaotique. Je n'arrivais pas à maîtriser le choc émotionnel que la venue de mon père et la découverte de mon frère avait apporté. Evidemment, en apprenant à le connaître, je m'entendais très bien avec mon jumeau. Nous étions tous deux perturbés par la situation et cela nous avait énormément rapprochés. Si aujourd'hui nous sommes aussi proches, c'est qu'on a dû subir toutes ces vérités blessantes qui ont forgé notre caractère.
Je me sentais trahie par ma grand-mère et je n'arrivais pas à croire qu'elle nous avait fait subir tout cela. Certes, je la connaissais autoritaire et sévère mais je ne la pensais pas capable d'une telle horreur. Mon père, lui, faisait tout son possible pour gagner notre amour et notre pardon. Je me montrais froide au possible avec lui mais au fil du temps, j'ai commençais à baisser ma garde. Je voyais bien qu'il était plein de bonnes intentions et en apprenant à le connaître, je voyais très bien pourquoi ma père s'était éprise de lui. C'est un homme drôle, sympathique et plutôt simple avec qui il était impossible de ne pas s'entendre. Il était dur pour moi de me dire que cet homme avait un jour voulu que ma mère avorte. Il a fallut plus de cinq ans pour que je le considère réellement comme mon père et que je lui pardonne. D'ailleurs, c'était l'une des choses les plus durs qu'il m'était arrivé de faire. Pardonner. Je suis quelqu'un de très rancunière de nature et je pardonne avec une grande difficultés mais après examen de la situation, j'ai décidé d'avancer. Je voyais à quel point il s'en voulait et qu'il était prêt à tout pour nous, je décidai donc de ne pas le torturer plus longtemps même si une part de moi voulait et veut toujours se venger de la souffrance que j'ai subi.
Aujourd’hui, on a apprit à faire avec. Notre vie est tout sauf normal et même si nous blâmions mon père pour avoir abandonné ma mère, ma grand-mère pour avoir abandonné mon frère et Hyemi pour avoir gardé le secret professionnel pendant tant d’année, nous avons appris à leur pardonner. Après tout, c’est notre famille et nous faisons tous des erreurs. Ma grand-mère est celle qui a culpabilisé le plus au moins d’en devenir malade, elle se rendait compte jusqu’où sa cupidité nous avait tous mené. Être séparé de sa mère, de son père, de son frère, c’est horrible.
Je ne dirais pas qu’on est une famille idéale aujourd’hui. Loin de là, il y a toujours des tensions mais on a aujourd’hui grandit et on a tous nos vies.
Pour ma part, je suis étudiante en art à l’université. Mon rêve est d’ouvrir une grande galerie d’art en plein centre de Séoul où j’exposerais les toiles des peintres les plus talentueux que je rencontrerais au cours de mes voyages.