Bon, c’est pas que le cours était inintéressant... mais savoir qu’il était là-bas derrière, au dernier rang, ça me flanquait une grosse boule dans l’estomac. J’étais... à la fois énervé, stressé et désarçonné par sa présence dans l’amphi. Pis merde... le fait qu’il soit à l’arrière et qu’il puisse surveiller ce que je faisait en jugeant hard le moindre battement de cil de ma part, c’était lourd. J’étais même pas d’humeur à le provoquer, ce matin... pis j’avais mal dormi. Une fois le cours terminé, c’est donc dans un soupir que je rangeais mes affaires, un peu déçu de ne pas être parvenu à suivre quoi que ce soit parce que j’avais les idées ailleurs, puis que je me levais après tout le monde, y compris la profi, afin de monter les escaliers à mon rythme, sans risquer de me faire bousculer par les autres étudiants. Il était encore là, lui aussi. « Ca vaut vraiment la peine d’en faire une affaire d’état? »

Voilà. Le mec il me faisait chier partout. Depuis la naissance. Tous les ans. Toutes les minutes. Tout le temps il empietait dans ma vie. Et maintenant fallait qu'il squatte les meme cours que moi ? Bon ok. Techniquement cest lui qui faisait communication et pas moi mais. La prof etait bonne alors rien à foutre. Puis y avait Kwansun et les autres. Sale pd. Son snap la. J'aurai du le screenshot et l'envoyer a mon père. Juste pour qu'il lui foute la branlée de sa vie. C'est même plus la peine qu'il vienne me parler. On avait déjà eu cette convo l'année dernière. Avec ses histoires de bisexualité à la con. Mais la c'est pire. Il échangeait des messages de pd. Avec un autre pd en plus.
Heureusement que la prof était bonne au moins je pouvais lorgner sur ses seins et me changer les idées. Au moment oú je m'appretais enfin à partir car le cours était quand même un peu chiant et j'avais pas envie de rester plus longtemps. La preuve même la prof s'en était allée avant moi, voilà que le bro débarquait. Le regard fermé, je le fixai un instant puis fermai mon sac à dos. 《Cool ta vie mec. Et je vois pas dans quel état je me mets je suis normal,moi.》 dis-je en lui souriant hypocritement avant de tourner les talons.

Il est sérieux? Parfois, je me demande pourquoi on est frères, comment on peut être de la même famille. J’suis sûr que c’est l’armée qui l’a rendu vraiment débile avec sa fermeture d’esprit. L’entendre parler de sa normalité passait encore, mais dès qu’il me balança son sourire de « mickey édition limitée connard », là, je sentis mon sang se mettre à chauffer. Ouais. Je lui avais cloué le bec, hier. Ouais, parfaitement et je ne le regrettais pas, c’était bien fait pour sa gueule, à oser me faire chier avec des sms qu’il était venu lire tout seul comme un grand en passant la sécurité de mon téléphone. « Normal... et mon cul c’est du poulet, ouais. » Roulant des yeux et étouffant un rire sardonique, je me retins fortement de le rattraper lorsqu’il tourna les talons. C’est LUI qui m’avait abandonné en décidant que j’étais pas assez bien pour sa gueule. « Va pleurer chez ta go pour te consoler, va. » Je me retournais également pour sortir de là.

Va pleurer chez ta go va pleurer chez ta go. 《Ma go au moins elle a un vagin et elle fait pas des trucs contrenature》je refais mon sourire qu'il déteste tant. Puis lui emboîte le pas avant de me mettre face a lui et de le regarder dans les yeux. La tout de suite. Je le hais. Je le reconnais pas. Je le reconnais plus. Le simple fait de savoir qu'il fornique avec du male me donne la gerbe. Je le savais faible. Mais là c'est pire que tout. S'il était mon fils il se serait pris une branlée depuis un moment. Mais non c'est pas mon fils. C'est censé etre mon frere. Mon jumeau. Ma moitié. Mon double. Ma chair de ma chair. Et j'accepte pas. J'accepte pas qu'il en soit en rendu à ça.《En tout cas sache que si je vois ton pd de soony sous notre toit c'est pas que tes jambes dont tu vas perdre l'usage. Tu sais quoi Taein ? Tu...tu me dégoûtes juste.》

« Contre-nature... toi qu’es scientifique tu devrais pourtant être le premier à savoir que la majorité des animaux pratiquent l’homosexualité. » Et je relâchais un soupir presque las, tout en remontant la bretelle de mon sac sur mon épaule, afin de pouvoir continuer à avancer tranquillement ou presque. Allez... ses seuls armes à lui, c’était de pointer du doigt et de parler fort. Il n’était pas « si » fort qu’il en donnait l’impression. Si j’avais été capable d’assumer ma sexualité face au monde comme un grand, presque plus que mon handicap physique, alors je pouvais bien le faire face à lui aussi. Tout se serait ‘bien’ passé, d’ailleurs, s’il n’avait pas commencé à en venir aux menaces. « Oh. » Je m’arrêtais et haussais un sourcil, lorsqu’il me bloqua la route. « Tu sais quoi, Jae In? » Ce fut à mon tour de lui sourire. « Je suis peut-être anormal, moi, mais au moins, je suis pas une poule mouillée qui fait des trucs sans réfléchir, avant de pointer les autres du doigt ou d’aller se réfugier dans les jupons de ses frère et soeurs pour se faire réconforter. » Je plissais les yeux. « Alors vas-y, frappe moi autant que tu veux, mais c’est pas avec tes poings que t’arriveras à détruire ce truc que j’ai et que t’as pas qui s’appelle: des couilles. »

Je me retiens de lever les yeux au ciel. Je me mordille l'intérieur de la joue,le poing crispé, prêt à lui en foutre une. J'ai envie de le foutre à terre et de le ruer de coup. Qu'il ose assumer. Je sais même pas comment il fait pour pas avoir honte. Tout ce que cette connerie me rappelle c'est ce que Kwangho m'a fait subir y a un an. Cet enculé de première. Et mon frère pratique ce genre de choses degueulasse avec contentement. Je le hais plus que tout. C'est plus mon frère. Je le reconnais pas. Je le reconnais plus.《Au moins les couilles que j'ai sois disant pas seront pas contaminées par ton nouveau meilleur ami le sida.》Si mon père savait je suis sûr qu'il réagirait pareil. Toute notre famille même. Mais lui il fait ses trucs de pd. Il me dégoûte. Il se dégrade. Toute sa culture de vieux gay le dégrade 《C'est pas parce que t'es né différent qu'il faut vivre comme un sale débauché. Je sais même pas ce que tu leurs trouve à ces mecs. C'est quoi qui te plais ? C'est te prendre une bite dans le c...》Je me retiens en deglutissant après avoir levé considerement la voix, me retenant pour ne pas lui cracher dessus de dégoût.

Je finis par me retrouver a simplement le fixer dans les yeux sans même plus savoir quoi dire exactement, tellement ses mots me dépassaient. Tellement c’était méchant, tellement... c’était... triste et bête. On dirait... on dirait que tout à coup, ce détail chez moi rendait insignifiant tout le reste de mon identité, à ses yeux. Plus rien n’existait à part le fait que j’étais bisexuel. Ou plutôt: ouvertement bisexuel. Non, je n’avais pas honte de ça... je n’avais jamais eu honte, mais j’étais désespéré de voir que le seul homme qui comptait vraiment à mes yeux semblait à deus doigts de tourner le dos pour ne plus jamais me refaire face. Je le détestais... mais tellement... lui qui utilisait ce sale mot ‘PD’ à qui voulait bien l’entendre, avec une telle légèreté. Lui qui plaisantait avec Kwansun comme si de rien n’était, mais qui en réalité crachait sur la signification du terme... il devrait même pas oser l’utiliser, ce connard. Il n’avait pas le droit. Jamais. Si j’avais eu la force d’entrer en combat avec lui, je l’aurais fais, juste maintenant, mais actuellement, j’étais surtout bon à finir par terre comme un pauvre clodo à sa première gifle. Renoncer. Serrer les dents. Avoir peur de ne plus jamais me réconcilier avec lui. Enrager qu’on ne puisse plus s’entendre. Tout ceci, Jae In. « Décale-toi. » D’un battement de cils, je chassais donc les larmes qui m’étaient montées aux yeux, avant de lui passer à côté en me tenant un peu au mur et en boitant bizarrement, de manière désarticulée, sur quelques pas, avant de reprendre une démarche normale.

Je me décale comme il me l'a demandé. Toute façon jai plus rien à lui dire. Il veut que je l'accepte comme il est ? Ok. Bah il doit m'accepter comme je suis. Et moi j'aime pas les pd. J'aime pas les faibles. J'aime pas les hommes qui n'en sont pas. Je pensais que Taein était un exemple. Je l'avais toujours pris comme exemple. Si lui pouvait faire quelque chose avec son handicap alors je pouvais le faire aussi. Mais lui et ses tendances de débauché venaient de tout gâcher. Ils venaient de détruire tout le mini temple que j'accordais à mon double. Toute la considération que j'avais pour lui s'était envolée. On était pas des jumeaux au final. On était juste deux personnes différentes. Totalement différentes. Je le détestais. Je le détestais de s'adonner à des trucs pareils. C'était un mec. C'était mon jumeau. Et il se devait d'aller avec une fille. C'est tout. On avait toujours tout fait ensemble. J'avais toujours tout enduré pour lui. J'avais toujours tout fait pour eux trois. Je pensais qu'on était liés comme les doigts de la main. Chaque chose je les faisais en fonction d'eux. Tout ce qu'ils etaient je l'etais. Toutes les filles que j'avais jeté parce que eux les supportaient pas. Toujours eux. Eux. Eux. Ouais peut-être que j'étais égoïste parfois. Mais au final ça revenait toujours au même y avait qu'eux. Quand ils me faisaient des crises pour que je dorme avec eux. Je venais. Quand Nayeon me recalais. Ou toutes les fois où elle me rejetais et que j'avais juste envie de l'emplatrer contre un mur juste parce qu'elle avait pas été sympa avec moi, mais que je disais pas grand chose. Et que je prenais sur moi. Tout ça. A partir de maintenant c'était fini. Il voulait faire sa vie sans moi ? Avec un pd ? Ok. Qu'il le fasse. Moi aussi je ferai ma vie à partir de maintenant. Qu'il aille dormir avec ses pd. Qu'il les aime même. Ouais. Qu'il aille tomber amoureux de l'un d'eux.


Je rattrape une dernière fois Taein et lui attrape brusquement le poignet pour le regarder de nouveau en face. 《Fais ce que tu veux. Fornique avec les mecs que tu veux. Fais ce que tu veux de ton cul. Je m'occuperai plus de tes affaires. J'ai eu la bêtise de penser que...en fait laisse tomber. A partir de maintenant tu n'es plus moi》je passe un coup de manche sur mes yeux mouillés puis me barre définitivement ,énervé, déçu et désarmé face à la situation. A partir de maintenant je ne veux plus avoir de lien avec lui. On est juste de la même famille.C'est tout.

J'étouffais un couinement en me tournant une fois de plus face à lui, de force, sauf que ce coup-ci, je n'étais pas tout à fait certain de savoir comment gérer le face à face. Il repris alors la parole, me laissant avec quelque chose de terrible en conséquence de ce que... de ce que je faisais ou de ce que j'étais. Tu n'es plus moi. Je sais pas ce qu'il avait dit après ça... mais je n'entendais plus rien. Les sons entraient par une oreille et sortaient de l'autre et aussi solide que je puisse être dans ma tête en temps normal, avec ces quelques mots-là et ses larmes, il venait tout de même de m'arracher le coeur. Le voir partir suite à cette réplique me décrocha donc un cri immédiat et je me tournais dans sa direction en remontant une main a ma poitrine, les jambes tremblantes. "Pars pas!" Je fis quelques pas pénibles en m'appuyant au mur. "JAE IN!" Jae in, reviens. Reviens, je t'en prie. "Pourquoi t'as lu?! Pourquoi t'es allé lire?! Putain..." Je ne lui exposais pas ma vie privée parce que je savais qu'il ne voulait pas toujours en entendre parler... mais si lui la fouillait, comment cacher les choses dont je voulais le préserver? Non, non... rends-moi mon coeur, ne pars pas comme ça... "jae..."