Je m'en foutais bien de ses excuses à la con concernant le pourquoi du comment il en était venu à tomber sur ces sms. Il s'en était « donné le droit », un point c'est tout... parce que « tout ce qui était à moi était à lui ». Putain, ça m'enrageais. Il SE donnait des droits qu'il NOUS refusait à nous, tout le temps. De quoi, il fallait tout accepter avec nous ?

Ta maladie je l'ai acceptée.

Les problèmes de Aeyeon je les ai accepté.

Je me réduisis instantanément au silence face à ces mots. Il était en train de nous pointer du doigt, là ? Non... non, mec. Dire ça... c'était dire que le fait qu'on existait, tu devais faire un effort pour l'accepter. Partagé entre colère sourde et tristesse profonde pour tout le monde, je finis par secouer la tête sans même trouver les mots pour lui répondre. « Okay. Ne me parle plus... » J'avais envie de dire 'plus jamais', mais ça, c'était impossible. Il me manquait déjà, je me sentais comme amputé d'une partie de mon coeur. Je n'arriverai pourtant pas à devenir méchant avec lui... « Ne me parle plus avant d'être un minimum devenu l'adulte et ainé que tu prétends être. Ouvre un peu les yeux et prends conscience qu'il existe un monde en-dehors du bocal dans lequel nage ton mental, que les êtres humains, c'est pas juste comme on nous le montre à la télé... arrête de jouer aux petits garçons irresponsables et devient un homme. Et va te laver la gueule, t'es trop moche quand tu chiales, les gens vont se demander ce qui te prends... » Dans un faux soupir las, je ravalais mes propres larmes avec toute la noblesse et dignité que je pus, puis me tournais une dernière fois et remontais mon sac pour reprendre ma route en serrant les dents pour étouffer une douleur de plus en plus cinglante à chaque pas.

Ne plus me parler ? Ok. Il veut plus me parler ? Très bien. Pas de problèmes. ça m'arrange. J'irai habiter dans mon petit hangar, ou mon petit dortoir et je l'oublierai, lui et son quatre roues motrices. Lui et ses prétentions intellectuelles de monsieur je sais tout. Lui qui se croit plus intelligent que tout le monde parce que monsieur lit des livres. Lui qui se croit tout permis parce que handicapé. Ouvert. Il aimerait que je sois ouvert le monsieur. Que je sois plus mature. C'est lui qui ose me parler de maturité ? Quelle maturité il y a, à ne plus vouloir parler à son frère alors ? Enculé de ta mère.

Sa dernière phrase me met hors de mes gonds et sans m'y attendre vraiment je l'attrape par le col de sa chemise et le plaque contre le mur le plus proche, le poing levé prêt à lui en foutre une. Mais je tremble. Je tremble de partout et mes larmes ne cessent de couler ce qui se fait ressentir sur ma voix. "Si tu veux plus me p..parler alors ne me parle plus. V...v..va baiser tout Séoul si tu veux. Fais ce que tu veux. Baise du phallus, baise des moutons s'il faut même. Fais tout ce que tu veux. Je te dis plus rien." Ma voix déraille. J'en viens même presque à bégayer. J'ai envie de le tuer. J'ai envie de le frapper mais j'y arrive pas. Mon corps ou peut-être mon coeur m'en empêche. Mais il le mérite. Je resserre un peu plus mon emprise sur lui avant de le lacher d'un coup et de le prendre dans mes bras. "Je te hais. T'es juste qu'un fils de pute." Je le serre beaucoup trop fort. Je ne sais même pas si c'est un calin ou si j'ai juste envie de l'étouffer. "Fais ce que tu veux avec tes mecs puisque c'est ta nouvelle raison de vivre. La seule chose que j'ai à dire c'est que je sais que tu seras pas heureux avec." Je le relâche de nouveau et m'essuie le visage comme je peux avec les manches de mon pull. Mes joues sont trempées, mon nez coule, mes lèvres sont mouillées je ne sais avec quoi. Il a raison je dois être moche. Mais je serai toujours moins moche que lui quand j'aurai quitté la maison et qu'il aura que ses pd pour pleurer.

« Ghn... » je tentais de m'accrocher a un casier en sentant mon dos terminer contre le mur, puis observais son poing armé, avant de regarder son visage complètement décomposé. Je ne savais pas tellement comment je faisais moi-même pour ne pas pleurer...mais j'aimais pas pleurer. Depuis que j'étais enfant, je retenais mes larmes devant les autres, systématiquement, même lorsque j'étais à bout comme aujourd'hui, parce que je voulais être un vrai mec. Or, les vrais mecs ne chialaient pas comme des gonzesses, vous voyez ? Ca ne voulait pas dire que les choses ne faisaient pas mal, qu'elles ne brûlaient pas le coeur et le corps, que je ne me sentais pas brisé. Ca voulait juste dire... que je savais préserver les apparences et ne pas laisser voir mes faiblesses, même si j'en avais à la pelle. Avec mes proches, c'était aussi un moyen de les protéger des inquiétudes, de tout. Moi, j'avais décidé d'être solide comme une montage. Décidé d'avoir des racines tellement profondes qu'on ne pourrait pas m'arracher du sol en cas de tempête, ce qui me permettrait d'abriter les autres autour de moi, à commencer par les trois autres de la fraterie. Physiquement, je ne pouvais sauver personne... certes, mais mentalement, je m'étais inconsciemment mis en tête de pouvoir porter tout le monde, en cas de besoin.

Donc, pas de larmes. Pas de signes de faiblesse. Jamais. S'ils commençaient à croire que je pouvais flancher, moi, et qu'il fallait donc se mettre à me préserver en se reposant moins sur moi, alors ils perdraient un pilier dans leur vie.

Face aux larmes de crocodile de mon frère, je lui fis donc simplement face avec deux yeux vitreux. Pourquoi est-ce que ça devait être si compliqué ? J'étais le même gars qu'il avait toujours connu... en quoi cette information sur moi me rendait différent, tout à coup ? S'il ne l'avait jamais appris, il me garderait dans son estime. C'était juste... tellement aberrant. Pourtant... j'en venais a me questionner sur les choses à faire, à l'avenir. Je détestais le voir pitoyable comme ça et ne pas pouvoir être LA personne qui le consolerait. C'était mon job, ça. C'était moi qui lui redonnait des forces, d'habitude... mais là, non. Il était en pleurs parce qu'on était en train de se déchirer... et lorsqu'il me pris dans ses bras, j'étouffais un sanglot au fond de ma gorge également. Se déchirer... c'était comme de déchirer une photo de nous deux pour nous séparer. Même si on essayait de re-scotcher les deux bouts, la beauté de l'image ne serait plus jamais la même. Oh... ça, ça me faisait peur. Plus que tout, cet avenir m'inquiétait. « Je serai pas heureux tout court sans toi. » Et lorsqu'il me relâcha d'un coup, cette fois-ci, je terminais par terre comme un pantin désarticul, sans rien pouvoir faire contre ça, avant de frapper le casier à côté de moi violemment. Dans un soupir, sans relever la tête, je sortis alors un mouchoir, tant qu'à faire, puis le tendis à Jae.

Je ne sais plus ce qu'il faut que je fasse. Si je dois juste lui faire bouffer la porte du casier ou le laisser par terre. Ou peut-être les deux. Je ricane en lui prenant le mouchoir des mains pour venir m'essuyer les yeux puis le nez. Sans toi je serai pas heureux qu'il dit. Ah bah fallait y penser avant mon coco. Il savait très bien ce que je ressentais. Ou alors il voulait juste pas l'admettre. Tout ça m'enervait. Il savait tres bien ce que ça faisait de pas se sentir privilégié. Ou peut-etre pas justement. Peut-etre qu'il en avait trop pris l'habitude. Mais ça m'enervait. Ça m'enervait autant que lui lorsque je montais voir Aeyeon et que je le laissais. Mais lui,Aeyeon, et Nana. On était les mêmes. Nous quatre. On était la même personne. Pas vrai ? Toute notre force. Toutes nos faiblesses on était tous pareils. Et voilà qu'il...j'avais réussi à nié pendant un moment. A oublier les affaires qu'il avait pu faire. Mais mon frère restait un débauché malsain. Peut-être qu'il voyait une force dans le fait de se taper tout ce qu'il voyait. Je suis peut-être différent mais tu vois je peux baiser. Et ça oh que oui. Il en était fier. Il était fier de ramener toujours plus de personnes à la maison. Et quoi qu'on dise il était pire que moi. Je n'étais pas jaloux de lui mais peut-etre de ces mecs. Pourquoi eux ils avaient le droit à son attention ? Et qu'il me dise pas que c'était pour se soulager les couilles. Il aurait très bien pu le faire chez une femme. C'était autre chose qu'il recherchait. J'en suis certain.

Soupirant, je range mon mouchoir  usagé ma poche et aide mon frère à se relever. J'arrive plus à le reconnaître depuis cette histoire. J'ai beau le regarder dans les yeux j'ai envie de lui cracher toute cette haine soudaine qui s'empare de moi. J'ai envie de le virer de chez nous. De lui dire que maintenant il aura qu'à faire des histoires de cul ailleurs. S'il veut un autre mec que moi bah c'est bien. Garde ton pd. Moi je garderai le mien. 《...》 je me retiens. Je me retiens de lui dire cette phrase horrible. Cette phrase qu'on redoute tous. Pourtant y a une grande partie de moi qui en a envie. Cet état que j'ai toujours détesté. Depuis qu'on est petit c'est toujours pareil. Ça a toujours été la même chose face à ce sentiment. J'ai toujours essayé de l'invincer. Et aujourd'hui il est plus fort que tout. Il est plus présent que jamais. Et ça me donne envie de le cogner. Lui mon frère. 《T'as...》 je commence et me met à deglutir. Y a mon poing toujours serré qui essaye de partir. J'ai envie de le tuer. Je comprends pas qu'il ait pu tout casser comme ça. J'aurai...je crois qu'il aurait du me mentir. Juste me mentir. J'aurai voulu ne rien savoir. A vouloir trop être curieux voilà oú ça me menait. Mais c'est bon. A partir de maintenant je ne lui dirai plus rien. Je ne toucherai plus à ses affaires. Il sera juste un frère lambda. Comme tout le monde en a. Celui a qui tu dois demander la permission pour ceci et cela. Celui que tu verras plus que une fois dans le mois dans dix ans. Ouais. Voilà. C'est pour ça qu'on va signer désormais. 《T'as fais ton choix j'ai plus rien besoin de savoir》 je finis par dire avant de remettre mon sac sur mon dos et de partir une bonne fois pour toute.  

Une fois sur mes jambes, je croisais les bras et baissais finalement la tête lorsqu'il commença à s'en aller, ne me sentant soudainement pas bien du tout, au point de planter mes ongles dans les replis de ma chemise. Pourquoi il me fait ça... c'est pas juste. Mordant ma langue silencieusement, puis ma lèvre inférieure, je finis tout de même par tâter les poches de mes jeans, histoire de vérifier que mon paquet de cigarettes était bel est bien à sa place. J'en aurais besoin plus tard pour calmer mes nerfs, c'était chose certaine. J'ai mal. J'ai mal. J'ai mal...

Ravalant des larmes qui commençaient à me monter aux yeux, je me mis finalement en route pour me barrer de là au plus vite. Allez vous faire foutre, vous saurez pas ce que j'en pense, de tout ça. J'aimerais juste que ça n'ait pas existé. Qu'on l'efface et qu'on change le script et que je ne perdre pas mon frère.

Je m'en fous, j'allais pas m'empêcher de vivre pour sa gueule...

T'façon, il allait faire quoi sans moi, hein ? Il ferait rien, il pouvait pas...

il pouvait pas, hein ?