Jeon Jin Hyuk & Kyo Min Ki

C'est c'qui est bien — pas b'soin de détailler, Minki sait. Il connait trop bien, il a vécu tout ça, ou quelque chose de similaires. Ils ne se le sont jamais vraiment dit vraiment, mais y'a cette compréhension tacite qui trahit le fait qu'ils viennent l'un comme l'autre des bas quartiers. Les souvenirs reviennent, floutés, futiles, des baskets usées jusqu'à la trame et des ta mère elle s'en fout d'toi, elle t'achète rien de neuf clamés par les gosses issus de milieux plus favorisés ; mais contrairement à avant, ça s'teinte pas de rage. C'est comme observer la photo jaunie de ce qui autrefois servait de carburant à sa frustration mais qui, aujourd'hui, le laisse froid ; parce qu'il y a eu tellement pire, depuis. C’était un accident. L'intérêt de Jin Hyuk est aussitôt piqué. Ils ont déjà brossé le sujet — c'était avant que leur lien ne se dessine tout à fait sur des bases honnêtes, avant que l'infiltration de JH ne devienne l'objet d'une collab avec la police ; c'était quand Minki l'avait acculé pour lui faire savoir qu'il avait grillé sa couverture, mais qu'ils n'étaient pas si différents et qu'ils pouvaient s'entraider, passer un accord. C'était au début alors forcément, le Kyo s'était montré assez avare en détails, juste... factuel. Poussif surtout, dans le but de le faire se questionner, réagir. L'ambiance actuelle n'a rien de l'angst de cette fois-là et faut l'avouer, Jin Hyuk est curieux de savoir ce qui a motivé son changement (avide d'entendre raconter par un autre paumé comment il est sorti de la merde pour devenir un homme bien).

Pas la peine de savoir lire entre les lignes pour relever les parallèles, c'est limpide. ça donne à Jin Hyuk une brusque envie de fumer, pour une raison ou pour une autre. Ouais 'fin moi j'me laisserai pas enrôler hein, y'a une limite au masochisme, il grogne faussement, même s'ils savent tous deux que sa position actuelle au sein de Dugaegol Pa dit tout le contraire. N'empêche que c'est vrai, JH ne perpétuera pas la tradition ; dans une vie où il n'aurait pas été père peut-être, mais il a un vide béant à combler d'une manière ou d'une autre ; un sale cœur atrophié à plâtrer. Et puis Jimin est arrivé. Il se fixe, lève les yeux, perplexe. C'est généralement lui qui évoque le statut de père de Minki, qui lui évite le sujet avec brio. Ton fils ? Il n'en avait pas entendu l'nom jusque-là. Et bon sang, il lui en veut pas pour ça ; si sa fille avait été vivante, Jin Hyuk l'aurait assurément entièrement coupée de son univers à risque. Tout pour sa sécurité. ça lui fait quel âge d'ailleurs ? Sitôt après il a l'nez dans son verre, ravale la curiosité en même temps qu'une bonne rasade de soju. C'était plus fort que lui ; mais en l'état, moins il en sait, mieux ils s'en portent tous les deux.

(Et puis ça fait toujours salement mal, de voir les autres gratifiés d'une chance dont lui-même n'a pas su profiter). Alors au lieu de pousser le sujet, il embraye sur une question qui le tracasse depuis une éternité. Tes bases de données, elles peuvent dénicher des gens perdus d'vue depuis longtemps ou elles pistent seulement les criminels ? Fait étrange : tandis qu'il s'éloigne consciencieusement de la famille qu'il connait et sait à portée de main, Jin Hyuk languit après les pièces arrachées à la fratrie au fil des ans — les gosses abandonnés sous prétexte de diminuer les dépenses.²²