song x tenue -- Fini de caresser les touches et les espoirs, fini d’avoir envie, de pas agir, fini le mensonge du cœur qui fait partir en vrille. Parce qu’il était trop impulsif, trop sur le vif, parce qu’il réfléchissait pas, lui, il vivait au gré de ce qu’il ressentait. Il avait jamais fait l’effort d’être poli, de faire semblant, juste un peu. Il assumait n’être que le morveux qu’on veut détester mais qu’on y arrive pas, parce que son sourire, il reste là, provoquant, charmeur, espiègle, navrant. Presque convaincant de son innocence. Gamin paumé, gamin déchiré. On trouvait des excuses à ses maladresses qui n’en étaient pas. Calculé, contrôlé, il savait ce qu’il faisait, Ashvin, il savait surtout qu’il s’en sortirait à chaque fois, même après avoir quitté une conversation pourtant sérieuse qui lui avait rappelé que sa place n’était pas là. Même après s’être levé pour attraper sa veste et partir, sans un mot, juste un bruit de porte qui se referme sur son ombre.

Fini d’avoir peur, de refouler ce qu’il y a à l’intérieur, même pour un soir, juste une nuit. Fini de penser que ce serait plus facile de frapper contre un mur, de le détruire, ce visage qui a son cœur entre les lèvres. Fini de croire que tout était plus simple qu’un simple soupire, qu’il pouvait tout contrôler, même ses peurs, même ses envies. Il avait craqué, Ashvin, il avait cédé. Par quelques mots bien dits, bien magnés. On oublie ce que font les gens, ce qu’ils disent mais pas ce qu’ils nous font ressentir. Au moins assez pour le faire réagir.

Direction le dernier étage, direction la colère et la légèreté, le vrai, le réel. Ce qui le faisait se sentir vivant, à sa place, aussi étrange que cela puisse paraître. Parce qu’il connaissait les lieux par cœur, malgré lui, le code et les couloirs, les étages aussi. Il se surprenait toujours à saluer le gardien, comme une habitude, comme un chez lui. Pour autant, ce n’était rien de tel, car à la seule vision de lui-même dans le miroir de l’ascenseur le fit se rendre compte de la colère qui se cachait depuis quelques heures. Il ne savait plus, ne se comprenait plus. Seulement ses pas le guidaient à sa première intuition et lorsque les portes de l’ascenseur s’ouvrirent sur l’appartement de la cause de ses vices, Ashvin hésita, soupira jusqu’à se demander comment il était arrivé là. Un pas, juste un l’interdit de faire marche arrière. Alors il pénétra dans l’antre maléfique, pourtant magnifique, cherchant du regard la cause de sa corruption.

Il n’était pas là, dans le salon ou dans la cuisine alors il savait, au fond de lui, Ashvin, il savait où aller. Alors il se dirigea vers la porte convoitée, l’art et l’âme, les couleurs et les émotions, avant de frapper dessus de quelques coups du dos de son index.

song -- Un air de Chopin empli la salle, il ne saurait dire quel était le nom de la pièce, il s’en foutait un peu. Il avait juste entendu cet homme le jouer il y’a quelques jours à leur dernière rencontre. Trop fier pour ne serait-ce que demander le nom de ce qu’il jouait, ou trop stupide, le brun avait simplement jeté un regard au nom de l’auteur avant d’acquérir toutes les compositions existantes. Ce fut après des heures et des heures d’écoute, une bouteille à la main et son frêle corps recroquevillé dans un coin de son atelier que les notes familières virent enfin caresser ses oreilles. Et un sourire éclaira finalement les traits fatigués de Nova. D’un geste nonchalant, il attrapa la télécommande de la chaine hifi qui était négligemment posée près de lui. Lecture en boucle. Il appuya sur le bouton et jeta le petit objet un peu plus loin. Une nouvelle gorgée de son Ballantine. Son palais brûla et sa gorge fut en feu. Trop fort. Pourtant c’est ce dont il avait besoin s’il voulait tout taire autour de lui, s’il voulait oublier ses mains tremblotantes. Baignées de peinture. Rouge. Noire. De toutes couleurs. Son beau tableau défiguré pour toujours, exactement à l’image de son talent. Son dos glissa lentement contre le mur, mettant sa tête dans une position peu confortable. Le mur était trop chaud. Il avait mis le chauffage en rentrant et ne pensa pas à l’éteindre. Aucune envie de se lever, Nova préféra ôter son haut et d’un geste maladroit, il jeta en plein sur son tableau. Un nouveau sourire. A présent, le carnage était invisible à ses yeux.

Nouvelle gorgée, aussi. Il ne se rendait pas compte qu’il fredonnait doucement les quelques notes, à présent marquées dans son esprit à force de les écouter en boucle. Il en avait presque marre maintenant. Il voulait le voir. Lui et sa tête blonde. Ses yeux trop blonds. Son visage détestable, qu’il voulait griffer puis combler chaque blessure de baisers amers ou sucrés, selon l’alcool qu’il serait en train de siroter. Là encore, trop de fierté. Il n’avait pas envie de le voir quand il allait mal.

Peut-être dans quelques heures, quand il aura dessoulé. Après une douche et une cigarette. Il sera frais et beau, illusion parfaite.

Mais Ashvin était une variable bien trop inconstante. Il ne respectera jamais ses plans ou ses pensées. Nova sortit d’une semi-somnolence en étendant les courts coups à sa porte. Deux seules personnes connaissaient le code de son appartement, et la femme de ménage ne venait que quand il le lui disait. « C’est ouvert. » murmura-t-il en redressant légèrement son corps. Deux tapes sur ses joues et une main passée dans ses cheveux, comme si cela suffisait à le rendre plus présentable. Qu’est-ce qu’il s’en foutait. « Qu’est-ce qui t’amènes ici ? » Ce n’était pas une attaque pourtant, malgré les airs. Il était même plutôt heureux.

song x tenue -- Ecrasé par l’étouffante envie de ressentir, toujours, et encore, il finit par revenir au même endroit. Presque magnétique, presque évident, il ne se demandait pas, ou plus, pourquoi ; c’était comme ça. Maudit, gravé pourtant en lui, il avait hésité à repartir, comme un sauvage, un voleur qui n’avait rien pris. Ni vu ni connu, qu’il s’était dit jusqu’à ce que ce besoin dévorant ne pousse ses jambes à suivre le son d’une mélodie bien trop familière, d’une œuvre de toute une singulière vie à apprendre, à réessayer, à s’acharner puis s’énerver en ratant chaque note. Ashvin pouvait pianoter les notes dans le vide, comme un réflexe, le réflexe qu’il avait pris durant ces vingt-deux dernières années. De ses nuits à écouter en boucle les nocturnes pour tenter d’en apprendre, de prendre exemple, de se donner un but. Nocturne op. 9 no 2 était l’une de ses grandes fiertés et pourtant, il avait joué, à la raison de ses tourments, un air de Spring Waltz, aux nombreux ratés, totalement imparfait de ses longs doigts d’un pianiste improvisé dès son plus jeune âge.

Il était entré sans même avoir réellement attendu une réponse, il était entré, piqué par une curiosité et un besoin malsain de dépendre de son regard pour que sa rancœur fasse monter la tempête. Leur tempête qu’ils savaient nourrir telle une nécessité pour survivre mais Ashvin restait bien calme, presque apaisé par les notes qui berçaient l’atmosphère, calme mais toujours lui-même. « Ravi de te voir aussi. » Repousser la foudre de sa voix en un sourire bancal, presque provocant, il n’avait surtout pas envie d’étendre les raisons de sa venue, d’étaler sa perfide faiblesse à vouloir mourir de haine sous son regard brûlant et ses mots cassants transformés en caresses. Parce qu’il était venu pour ça, Ashvin, pour continuer de ressentir, pour oublier tout le reste quand pianoter ou taper sur ses cymbales ne suffisaient plus. Et ça, il ne pouvait pas lui dire, il ne voulait même pas se l’avouer.

« J’vois que tu pensais à moi. » Et son regard divaguait sur le spectacle que lui offrait Nova dans sa crise et l’odeur de l’alcool lui arrivait au nez alors qu’il était à quelques mètres de lui, et la chaleur s’engouffra en lui comme un affrontement et c’était presque dramatique, pathétique à sentir, à voir surtout. « Tu t’es cru dans un four ? » Torse nu, son opposant lui semblait lointain, dans un autre monde peut-être, à boire et reboire. Le reflet que lui apportait ce miroir l’étouffa d’une grimace réprimandée lorsqu’il finit par lui tourner le dos pour entrer un peu plus dans la pièce. Ashvin enleva sa veste et son chapeau, qu’il s’autorisa à déposer sur une chaise vide. Et la seule remarque que le russe n’osa pas faire (peut-être pas encore) était sur le chevalet abandonné de milliers de couleurs en plein milieu de la pièce.

song -- La chaleur étouffante, le whiskey brûlant. Ses yeux secs alors qu’il donnerait cher pour pouvoir éclater en sanglots, simplement pour réussir à tout faire redescendre. Mais les larmes ne coulaient jamais, peu importe ce qu’il tentait. A quoi serviraient-elles de toute façon ? Elles ne tairont pas les tremblements de ses mains, elles ne lui rendront pas ce talent qu’il s’est fait perdre de lui-même. La musique tournait toujours en boucle. Les notes à présent devenues parfaitement familières à son oreille, ses lèvres bougeant presque en accord. Il soufflait dans cette bulle qu’il s’était créé depuis longtemps, la rendant plus grande et plus opaque. Invisible au regard des autres, encore plus depuis qu’il avait quitté l’université. C’était beaucoup trop difficile, de continuer. Il jouait aux mauvais garçons mais il n’était qu’un lâche. Une mauviette. Et cette musique, il commençait à en avoir marre aussi. Il avait l’impression que Ashvin était à ses côtés à cause d’elle. Il sentirait presque sa présence.

Presque son odeur, même, qui venait narguer ses narines. Et la torpeur cessa. La solitude prit un terme en l’image d’un toquement de porte familier. Mirage ou réalité. Il ne se posa pas de question et l’invita simplement à entrer. Toujours dans son coin, dans cet atelier qui lui faisait autant de bien que de mal. Les murs étaient ornés de nombreuses de ses œuvres, il y’avait aussi quelques tableaux d’artistes qu’il avait forcé son père à lui acheter. Par simple caprice. Il ramenait ses longues jambes contre lui tandis que son regard se perdait dans l’océan de l’autre. Et ce sourire qu’il lui offrait. Il aimerait cogner fort en son estomac juste pour le voir disparaitre. Il aimerait aussi ouvrir les bras et voir l’autre s’y blottir, sentir son cœur se réchauffer face à son beau sourire. Pourtant il ne bougea pas. Ses yeux clignaient à peine de temps à autre. Comme si la moindre seconde d’obscurité lui ferait rater un grand spectacle. Il leva un sourcil suite à la remarque. « Ah…la musique… » murmura-t-il tandis qu’un pli se formait sur son front, mécontent. Comme un enfant qui venait de se faire prendre en plein délit. C’était con. Bien sûr qu’il pensait à lui, il ne faisait que ça, la majorité de son temps. Et putain ce que cela l’irritait.

« Ça te dérange ? Tu n’as qu’à enlever tes vêtements si tu as trop chaud. » Lui, ça ne le dérangerait pas. Un sourire espiègle vint éclairer son visage durant un court moment. Il passa une main dans ses cheveux corbeau avant de poser sa bouteille sur le parquet brûlant. Un pas après l’autre, il se rapprocha d’Ashvin sans un mot, contournant le tableau par terre en partie caché par le t-shirt qu’il portait avant. « Je te manquais ? » Il lâcha un faible rire, sa main remontant vers le visage du jeune homme. Mais son geste resta en suspend quand il remarqua ses tremblements, encore, et baissa le bras.

song x tenue -- Ça le brûlait jusqu’à l’âme de vouloir s’approcher, de le faire remonter contre ce mur et lui emboutir son poing dans sa gueule-amour, la même qu’il aurait voulu voir sourire, un peu, juste un peu, pas pour le voir heureux, juste par égoïsme clair d’un égo cramé par la violence et l’orgueil. Nova caressait sa haine et ses plus sombres désirs sans même le toucher, avec un simple regard, il en avait la bouche sèche et le cœur en miettes. Et par trop de fierté, peut-être (bien évidemment), il ne put se résoudre à s’abaisser pour les ramasser, les recoller ces morceaux qu’il avait foutu par terre, en un simple regard, oui. Nova, il le tenait entre ses mains, entre ses doigts perfectionnistes et d’une douce brutalité dont il raffolait. Nova, il pouvait le détruire en un seul mot et le faire renaître en un seul geste. Il était esclave de ses prunelles toujours désireuses, toujours dansantes malgré le désespoir qui les entourait. Mais tous deux cherchaient remède à leurs maux par d’autres, différents, physiques et ils n’avaient pas besoin de mots pour comprendre qu’ils en étaient prisonniers. Et ça le bouffait de l’intérieur de pouvoir seulement imaginer, un instant, aimer cette sensation. Cette prison de chair, à la chaleur d’un souffle griffant le cœur de son opposant.

Calfeutré dans un monde illusoire, il semblait trop calme le démon, peut-être trop ivre mais surtout porteur de mauvais présages. Ash, il le ressentait, si fort, dans cette atmosphère étrange et pesante dans laquelle il se sentait étrangement bien, étrangement à sa place. Presque serein, provoquant, il voulait voir la bête dans le regard chéri. Il voulait le sauvage, l’aigreur et les poings. Les mots durs, la douleur et les baisers. Tout son corps le réclamait et pourtant, le russe restait calme, usait de sa patience dont il savait faire preuve bien quand il le souhaitait. Il voulait voir la fureur, et les maux se dégager, son corps transpiré de rage. Il voulait admirer l’art dont Nova savait réellement faire preuve, sans peur et sans jugement.

« C’était déjà prévu, sois un peu patient. » et son rictus habituel, son rictus à lui, ce rictus qui vint frôler ses lèvres, à demi-moqueur, parce qu’il savait Ash, il savait comment il réagissait, l’oiseau d’or, à ses sourires, à ses provocations et il le cherchait, pour mieux se faire avoir. Leur jeu tournait en écho comme les notes de Chopin sur les murs chauds et il le regardait, le prédateur se relever et avancer vers lui d’un pas à l’ivresse nonchalante, presque attirante. Ash, il vit sa main mais le regardait lui, et il ne dit rien. Il attendait. « D’étaler mes phalanges sur ton visage, ouais. » il cracha son goût amer des mots qu’il venait d’entendre, sans réfléchir, pas la peine de comprendre. « Mais t’as pas l’air en forme ce soir, c’est dommage. il n’était pas inquiet, Ash, surtout agaçant et assoiffé d’une guerre qu’ils savaient si bien mener. C’est mon absence qui te rend dingue ? » un coup d’œil au désordre sur le sol, il n’avait plus à dire un seul mot, le bleu de ses iris suffisait désormais à leur querelle et à ses attaques insensées.

song -- Il en vient, parfois, à regretter, cette rencontre. Ces yeux trop bleus, ces cheveux trop blonds…comment est-ce qu’il peut avoir des cheveux aussi blonds, d’ailleurs. Son visage. Tout ça. C’est des soucis en plus, c’est des tourments en plus et il n’a pas besoin d’en rajouter à sa vie. Pourtant, ils sont toujours là, l’un en face de l’autre, comme deux aimants. Et puis il ferme les yeux et essaye d’imaginer. Sous ses paupières closes, il trace les lignes d’une vie sans Ashvin, ses baisers et ses coups, son dos qu’il a tant griffé, son cou dont ses dents connaissent chaque bout de peau. Et il se dit qu’il n’en veut pas de cette vie. Il préfère la douleur et le bien-être qui s’en suit. Putain, il est taré, mais l’autre n’est pas mieux que lui. Il fait un pas en arrière, mais deux en avant. Au final, il se retrouve trop proche et leurs corps fusionnent. On dirait une malédiction. Il se demande s’il devait laisser crever l’autre pour mettre fin à l’enchantement. Et son palpitant vibre, ses lippes pincées. Ashvin, c’est le seul qui revient vers lui. Comme un bout de bois dans un océan en rage qui l’empêche de se perdre, ou peut-être ils sont tous les deux déjà à la dérive, la tête sous l’eau. Juste trop aveugles, trop têtus, pour se l’avouer. Chacun est nocif pour l’autre, à deux ils détruisent. Et Nova a bien envie de voir jusqu’à où ça ira, quand est-ce qu’il craquera.

Pour de bon. Sans la moindre possibilité de retour.

L’épave se dresse. L’alcool coule bien dans ses veines, il en faut pourtant plus. Malheureusement. Son corps est devenu bien trop fort devant l’addiction. « Je veux pas être patient. » Il a envie de lui sauter à la gorge, ôter ce sourire suffisant qu’il a aux lèvres. Quoi ? Il entend les mots de l’autre, est-ce qu’il le pense réellement faible. Ses doigts tremblent mais il saura toujours les transformer en poing qu’il écrasera tout de suite sur son beau visage avant d’apaiser sa douleur de ses baisers brûlants. Il sent la moquerie de l’autre. Il connait son état, ce n’est pas son absence qui le rend ainsi, même s’il aimerait. Parce qu’alors, il n’aurait qu’à garder Ashvin captif de sa tanière pour voir les tremblements disparaitre. Et ça l’agace, au plus ou point. Il sait qu’Ashvin joue avec lui, mais l’empêche pas de tomber dans le piège, encore. « Tu te crois si important que ça ? » Et son poing s’écrase contre la joue du visage parfait, plus pour longtemps. Il en profite pour le pousser et le faire tomber au sol avant de venir le rejoindre. Ses mains glissent contre son cou. Elles tremblent, elles tremblent comme pas possible. Fais chier. « J’ai envie d’éclater chacun de mes tableaux sur ta face, au moins ainsi, ils serviront à quelque chose. » Il se penche vers lui, il peut sentir le souffle de l’autre contre ses lèvres. « Ashvin… » son prénom roule contre sa langue, sensuellement. Et il éclate de rire. Il est taré.

song x tenue -- Ô c’était pas l’amour qui les rythmait, qui leur faisait battre le cœur à mille à l’heure, qui les faisait flâner, rêver, jusqu’à perdre la tête, jusqu’à dépendre d’un lien futile, dérangeant, trop fragile. Eux, non, ils étaient enchaînés à leur démence, à leur perdition, ils s’accrochaient pour vaincre, vaincre l’autre, et se sentir plus puissants. Eux, c’était pas l’amour qui leur donnait le courage, c’était la rage. La violence qu’ils jetaient, qu’ils pressaient, qu’ils vivaient et subissaient, pour mieux apprécier la présence de l’autre, pour mieux contempler leurs dégâts. Et ça les faisait jubiler le chaos, ça faisait pulser leurs veines et même leur libido. C’est ça qui les excitait, c’était les poings dans la gueule, les poings dans les murs, les chaises qui volaient avec, les vases parfois et surtout, surtout la trêve mais pas l’accalmie de leurs échanges charnels. Comme un rituel, à se frapper, à se battre pour mieux apprécier les caresses, pourtant brutales, elles aussi.

Et ils en redemandaient à chaque fois, parce qu’au fond, malgré l’impureté de leurs échanges, ils se comprenaient, vivaient au même rythme, trop sur la même longueur d’ondes.

Alors ils en redemandaient à chaque fois, parce qu’au fond, c’était ça, leur amour à eux.

« Alors déshabille-moi. » nonchalant, frôlant le provocant, il souriait à ses conneries, il souriait pour l’enrager. Juste près de lui (assez pour l’attraper, l’attaquer, l’embrasser, assez pour sentir son souffle chaud sur son visage-porcelaine, trop chaud, prêt à le briser), il souffle l’affront, tout sourire, le sale con. Et il ne put même pas rétorquer, pris de court par son opposant, pris par ce qu’il avait tant souhaité depuis qu’il avait mis le pied dans cet appartement. Alors il ne put s’empêcher de sourire, sourire sans cesse, sourire encore beaucoup trop malgré la douleur lancinante contre sa tempe. Mais il souriait juste devant le visage de Nova, parce que c’était comme ça qu’il l’aimait, comme ça qu’il voulait qu’il soit, ardent et violent, brutal et vivant – même son cœur se mit à battre un peu trop fort, par la surprise, par l’affliction et l’amertume, par les affres du désespoir, par son regard brûlant et son rire indécent. « Qu’est-ce qui t’empêche de le faire ? » mis au défi, un peu en l’air, juste pour attiser un peu plus la flamme qui dansait dans ses prunelles trop sombres à côté des siennes.

Ecorche-moi, brûle-moi,
Tue-moi.
Et pourvu que tu viennes avec moi,
(Dans les ténèbres)

Sa respiration était lourde, lourde d’envies, laissant ses vices se partager, se mélanger à ceux de Nova, Nova et son rire, totalement fou, qui le fit sourire, encore (il sourit tout le temps, Ash, a du mal à le contenir) (et ne veut pas le faire) jusqu’à éveiller chaque parcelle de son épiderme, et même quelques frissons. Ca le rendait dingue, ça faisait même vibrer tout son corps, l’ivresse, la psychose, cette atmosphère malsaine qui coulait jusque dans ses veines. Son regard s’assombrit, il devint même plus sérieux, il admirait presque (totalement, en fait) le spectacle miteux et désastreux dessiné par l’artiste de ses obsessions. Son sourire s’estompa pour mieux s’esquisser, avec plus de nuances, juste au coin de ses lèvres, avant de se jeter sur celles d’en face, taisant ce rire à faire tourner la tête. Une main bloquée contre sa nuque, il ne lui laissa pas le choix, pendant de longues secondes, il savoura le goût de l’alcool entre les lèvres de Nova et il finit par le relâcher, tout aussi violemment. Il soupira bruyamment et se releva, s’appuyant sur sa jambe et tenta de reprendre son souffle. « T’es peut-être plus en forme que je le croyais, finalement. »

song -- C’est le bordel dans sa boite crânienne, ça a toujours été le cas. Ashvin, il est juste venu semer plus de doutes, rendre les choses encore plus douloureuses qu’elles ne l’étaient déjà. Pourtant, le bâtard tient à lui. De ses griffes, de ses ongles. Il ne lâchera jamais l’affaire. Parce qu’il l’a dans la peau, dans chaque goutte de sang mêlée à l’alcool qui coule dans ses veines. A quoi bon fuir quand il sait que l’autre le rattrapera toujours. Nova n’aime pas l’effort inutile. Le peu de force qu’il lui reste encore, il ne l’utilise pas pour lutter. Il préfère les coups, la confrontation. Il ne sent jamais autant son cœur battre qu’avec ça. Il ne se sent jamais aussi vivant. Malgré la douleur du lendemain, la peine qu’il endure. Ça vaut le coup. Entièrement. Corps et âme, il peut se donner. Parce que c’est Ashvin, parce qu’il se libère ainsi. Une douleur plus profonde que celle qui le poursuit quotidiennement, la rendant alors presque plus supportable. Il aime ça. Alors il en quémande toujours plus. Il en redemande. Entre eux, il n’y a même plus besoin d’échanger des mots, d’arranger une date à leurs retrouvailles. Tout se fait naturellement. Leurs rencontres ainsi que leurs ruptures. Tout semble être déjà tracé d’avance, ils n’ont qu’à suivre ce chemin de verres, les pieds nus.

Ashvin, c’est presque un reflet de lui-même, aussi différent puisse-t-il être. Il se voit en lui, à travers lui. Dansa violence. Dans les constellations bleues et violettes que chacun laisse sur le corps de l’autre. Horribles pour d’autres, belles à leurs yeux d’aliénés.

Une sorte de preuve. Ils existent. Ils respirent.
Ils s’aiment.

Nova n’osera jamais prononcer ce mot-là, ni même risquer d’y penser trop longtemps. Ce serait sa perte. C’est une part de réalité qu’il n’acceptera toujours pas.

Le coup arrive. Le premier seulement, le connaissant. Des menaces traversent ses lèvres. Et l’autre est fidèle à lui-même, avec son foutu sourire. Qu’est-ce qu’il l’empêche de le faire ? « Mes tableaux sont inachevés, mais il valent quand même mieux que toi. » Il rit. C’est un mensonge. C’est clair comme des étoiles dans un ciel sans nuages. Tout deux savent. Pour le plus jeune, il n’y a rien ; absolument rien, qui puisse être plus précieux qu’Ashvin. Mais tout est bon pour se faire du mal. Et Nova est celui qui initie les hostilités entre eux, ou peut-être le début de la passion destructrice. Il semble être le plus à bout des deux, ce soir. Mais Ashvin est tout aussi impatient. Il le ressent. Sur ses lèvres qu’il prend avec violence, qu’il ne ménage pas.

La main sur sa nuque, il aimerait tant la voir se presser contre son cou et l’étouffer. Il ferme les yeux. Son palpitant bat, fort. Comme s’il avait été privé d’air depuis longtemps et qu’on lui accordait enfin le droit de se gorger d’oxygène. De tout son soule. L’échange est pourtant trop bref. Il ne répond pas. Tout ce qu’on son cerveau lui intime, est de rapprocher à nouveau l’autre de lui. Parce qu’il veut plus. Il attrape le haut de l’autre brusquement, l’attire contre lui de toute ses forces. « Qui t’as dit de te relever ? Qui t’as dit de bouger ? » Il n’en a pas fini avec lui, avec ses lèvres dont ils s’emparent à nouveau. Captives des siennes, de ses dents joueuses. Peut-être même qu’il le mord à sang à un moment, il n’est pas certain. Il sait juste que ses longs doigts tremblants s’affairent à le déshabiller. Trop de vêtements. Et Ashvin lui avait bien dit de le déshabiller.

Seul la respiration saccadée d'Ashvin trouve son chemin jusqu'à son oreille. Beethoven qui a remplacé Chopin peine bien à retenir son attention. Aucune différence.

song x tenue -- Ash et Nova dans une même pièce, c’était comme mettre le feu aux poudres, c’était comme attiser une flamme qui n’en avait pas besoin, juste pour qu’elle soit plus forte, plus belle, bien plus chaude qu’auparavant. Parce qu’ils étaient tristement beaux, tous les deux, tristement en train de crever pour l’autre, à se détruire, à se bouffer, parce qu’ils jouaient avec le miroir de leur âme et aimaient bien trop jongler avec la rage qu’il voyait dans leurs yeux. Et Ash n’aimait pas son reflet alors il détruisait tout ce qui lui ressemblait, méprisait ce qui se rapprochait de lui pour mieux s’achever, pour mieux souffrir et se relever après. Entré dans un cercle vicieux, sa seule réponse était la violence de ses mots, de ses poings, la hargne dans les yeux ; ses yeux si bleus avec lesquels il jouait tout en sachant qu’on ne pouvait lui résister (à l’embrasser ou à le frapper) car il était lui-même tombé dans ceux de son frère. Miroir des siens.

L’ivresse des émotions avait bon sens, le libérait d’un poids qu’il faisait sans cesse semblant de ne pas porter. Et il y arrivait, le russe, jusqu’à se persuader qu’il n’était plus là, ce poids. C’était d’autant plus facile auprès de Nova, lui qui le faisait vivre et passer par tout un ascenseur émotionnel qui vivait et vibrait jusque dans ses veines, qui guérissait ses maux les plus profonds pour ressortir encore plus forts dans le visage du bel asiatique, pour le fracasser à coups de mots, à coups griffures, et il l’embrassait, il l’embrassait comme si sa vie en dépendait, comme s’il pouvait un jour mourir sans ses lèvres contre les siennes.

Vital, il lui était inévitablement.

Comme une évidence qui faisait battre son cœur jusqu’à sentir chaque battement dans chaque partie de son corps. Comme une évidence qui n’arrivait pas à finir son chemin jusque dans sa bouche, jusqu’à ce qu’il ose et veuille un jour mettre des mots sur cette sensation aussi délicieuse qu’écœurante.

Forcé à rester sur le sol, son sourire, le même que toujours, s’attisait pour mieux danser contre les lèvres de son amant à nouveau. Il aimait sa brutalité, son autorité, Ash, il aimait autant contrôler et se faire obéir que de chercher à ce qu’on le dompte, à ce qu’on le fasse plier pour mieux apprécier la violence des émotions qui tambourinaient son ventre comme une tempête gracieuse, presque voluptueuse, annihilant le simple mal sur son passage pour faire place au désir et à l’envie, à la rage et à la frénésie.

Le coréen voulut alors s’attaquer aux pans de son t-shirt blanc mais le russe le repoussa brutalement, les flammes dansant dans ses prunelles trop claires, il le repoussa, suspendant le temps au-dessus de leur tête, appréciant un moment le regard enragé de l’autre. Et d’un sourire provocant, Ash se débarrassa de son haut trop encombrant, de trop pour la chaleur ambiante de la pièce qui le faisait déjà presque suer. Et d’un sourire provocant, Ash écrasa le tissu sur le sol, le laissant jonché aussi bas qu’eux pour pouvoir mieux se jeter sur son opposant, à reprendre ses lèvres entre les siennes, entre ses dents aussi, la main contre sa gorge pour mieux l’apporter à lui, pour lui maintenir contre lui. Ash, il voulait le sentir, aussi vivant qu’il pouvait être encore à l’intérieur, parce qu’il ne supportait la vision de l’homme entre ses doigts meurtri et seul. Il préférait qu’il se meure contre lui et ses baisers, lui et sa main qui se serrait un peu plus sur sa peau alors que l’autre était descendu un peu plus bas, beaucoup plus bas, envieuse et jalouse d’une ceinture trop serrée.

Et alors que je voulais mourir entre tes lèvres de tes mains, je mis ma vie en péril pour un simple baiser.

song -- Ashvin, il lui fait autant de bien que de mal. Parfois un de ses deux sentiments prône sur l’autre, jamais très longtemps. Mais assez pour mettre dans la vie dans son corps. Ce n’est qu’avec cet homme qu’il arrive à ressentir le moindre petit sentiment. Sans lui, c’est le vide. Il n’est que néant, une coquille qui bouge à peine. Enfermé dans un penthouse trop grand qui a de plus en plus l’air d’une prison. Ça ne lui fait aucun bien. Mais son état ne pourra jamais s’améliorer, alors pourquoi ne pas l’empirer. Peut-être qu’ainsi, il partira plus vite. Il en a bien envie. La seule chose qui le retient encore est ce regard bleu qu’il aime et déteste. Ce regard qui arrive à faire battre son cœur et dans lequel il se perd. Tant qu’il l’a encore à ses côtés, il peut encore avancer. Quelques mètres, quelques semaines encore. Ces derniers jours, il était resté cloitré chez lui. Il n’est même pas allé à ces bars dont il est un fier habitué. La lassitude de l’extérieur et plusieurs bouteilles d’alcool présentes dans son doux chez-soi à finir. Peut-être aussi, l’attente. A rester ici, il tomberait bien sur un jour où Ashvin déciderait de venir le voir à l’improviste. Ils ne s’envoient pas si souvent des sms. Leur relation est souvent basée sur le destin. Depuis le tout début. Et la force de ce qui les lie.

Entre eux, c’est tellement intense. Ils pourraient presque faire bouger les planètes pour qu’elles s’alignent devant eux et leur créent de belles rencontres. Encore et toujours.
Il a bien fait puisque l’homme est devant lui, ou plutôt au-dessous de lui, à sa merci. De ses lèvres dominantes et ce parquet brûlant. Il l’embrasse sauvagement. C’est désordonné et violent. Il ne sait pas faire autrement, Nova. La douceur ? Ce mot ne peut que lui faire esquisser un pauvre sourire. Il n’a jamais su ce que c’était. Personne ne lui a offert ça. Et si c’est le cas, il fuirait surement. Parce que ce genre d’attention fait peur, il ne saurait y répondre. Alors que les coups, les mots durs. C’est une monnaie courante. C’est plus dans ses cordes.

Et c’est ce que Ashvin lui offre. Totalement.

Il lui fait tout oublier à travers ses baisers et son corps chaud niché contre le sien. Les répliques insolentes et les coups y arrivent tout aussi bien aussi. En fait, il a juste besoin de sa présence. Peu importe ce qu’il fait. Il n’a même rien à faire, Ashvin. Sa présence seule. Juste cet air qu’il respire et lui rejette est suffisant. Pour le sortir de ses gongs. Pour lui donner envie de défigurer sa gueule d’amour et le soigner de son désir brûlant.

Ashvin s’éloigne, le temps d’enlever lui-même son t-shirt. Il n’a pas le temps de plus l’observer, le plus vieux fond à nouveau sur lui. C’est comme si leurs lèvres ne peuvent jamais se quitter. A chaque fois, elles se souviennent d’à quel point elles se sentent seuls autrement. Il sent des doigts autour de sa gorge et il ne cesse de prier, encore et encore, pour qu’ils se resserrent le plus possible.

S’il fallait qu’il peur un jour, il aimerait que ce soit de ses mains à lui, avec leurs lèvres intimement liées. Sa main descend à son tour vers le pantalon d’Ashvin et s’y glisse sans le moindre mal. Habituée et experte. C’est temporaire, mais ses mains ne tremblent plus, alors il en profite, pour rendre l’autre fou. Un peu plus.

Il rompt leur baiser mais continue ses caresses. Son regard posé sur l’autre. « Arrête de sourire. » C’est presque un ordre, que l’autre n’écoutera surement même pas. Mais son sourire, il l’énerve. Il a l’impression de se faire narguer. De n’être rien. Ou tout. Il ne sait pas. Y’a la joue d’Ashvin qui commence déjà à prendre une teinte bleuté et il se redresse légèrement, sa main libre appuyée sur l’épaule du blond, pour déposer un baiser sur cette belle couleur dont il est coupable. Et comme pour compenser, ses ongles s’enfoncent dans l’épaule blanche.