A peine s’était-il levé qu’il était déjà retourné sous les draps. Il avait juste eu le temps de regarder par la fenêtre pour constater qu’il ne servait à rien, de toute façon, de sortir de son lit. Il pleuvait. Des cordes en plus. Et la pluie, c’était sa hantise, sa bête noire, et il était sûre que la planète entière le savait. La tête sous la couette, son téléphone bien calé entre ses doigts vernis (de paillettes, parce que les paillettes, c’est la vie), il s’était déjà évertué à informer la twittosphère de la météo (comme si les gens vivaient dans des endroits sans fenêtres), agacé par le temps odieux qui semblait se jouer de lui, dans un message bien senti contre le déluge. Il se roula en boule, tenta de se rendormir mais les gouttes qui tapaient contre les carreaux semblaient cogner directement sur son cerveau. Cela ne servait à rien. Plus rien ne servait à rien. Tout était inutile, tout était vain. Il balança les couettes sur le sol, jetant à terre tout ce qui s’y trouvait, créant un bordel sans nom dont il se fichait éperdument. Sa vie ne valait plus la peine d’être vécu. Il jeta un dernier coup d’œil vers l’extérieur, espérant voir les gouttes s’amoindrir, mais il avait bien l’impression que la situation ne faisait qu’empirer. Il souffla. Mais son téléphone qui sonna, et le nom qui s’afficha sur son écran lui rendirent le sourire. Min Ah ! Il ne se retint même pas pour hurler son prénom dans le dortoir, et se jeta sur l’appareil pour lire le message. Cela faisait trop, bien trop, bien trop trop trop trop trop longtemps qu’il ne l’avait pas vu ! Il en était sûre que cela devait vraiment faire au moins une éternité qu’il n’avait pas vu sa jolie bouille, et elle lui manquait tellement qu’il ne pouvait le supporter. Il explosa de rire en lisant ses mots. « PTDR QU’EST-CE QUE TU FOUS AU COMISSARIAT ? » lui répondit-il alors, curieux de savoir ce qu’elle avait bien pu faire comme connerie pour réussir à se faire arrêter. Puis, la réalisation monta jusqu’à lui, et, là, il déchanta. Attendez. Il… il fallait qu’il sorte, c’est ça ? Il jeta, une nouvelle fois, un coup d’œil au ciel, et manqua de pleurer. « naaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaan mais t’as choisis le bon jour toiiiiiiiiiii T_T » Non, nan, non et nan. Il ne pouvait pas sortir, ce n’était pas possible. Il alterna entre l’écran de son téléphone et le monde extérieur pendant bien trop de temps, avant de… Il ne pouvait pas faire de choix. D’un côté il y avait sa meilleure amie, la femme de sa vie, et puis de l’autre il y avait la pluie. Cornélien tout ça. « je peux pas » écrit-il alors, bien qu’en réalité, il était déjà en train de traîner les pieds jusqu’à son armoire pour choisir ses vêtements. Il fallait faire attention, il ne fallait rien prendre de sensible à l’humidité… C’était déjà foutu. « tu soules » et avec ces simples mots, il était sûr qu’elle avait compris. Mais il prendrait son temps.

Il ne savait même pas comment réagir, il ne savait plus. Déjà, la raison pour laquelle elle était au commissariat était totalement farfelue (mais il ne douta pas de la véracité des propos, connaissant l’intéressée), ensuite, ses excuses, il n’avait pas trop envie de les accepter (même s’il le ferait) parce qu’il pleuvait, et la pluie, c’était bien loin de le mettre de bonne humeur, et même l’idée d’un cadeau ne lui rendait pas le sourire en cet instant (ça allait lui couter cher, elle lui devrait au moins des diamants avec ça). Et même s’il sentait qu’il avait toutes les raisons du monde de ne pas aller la chercher, il ne pouvait pas résister à sa princesse. Et il n’avait pas pu. Il était déjà habillé avec une sorte de veste de « pluie » comme il aimait l’appeler d’un orange agressif à l’œil, et d’une paire de lunettes opaques parce qu’il n’avait pas eu le courage de se maquiller, et qu’il ne voulait surtout pas que son mascara ne coule, la mine boudeuse, prêt à lui faire le plus gros caprice du monde.  « il a intérêt à être infusé d'or ce champagne » Et enfin, il pénétra dans le monde de l’enfer. Il sentit l’air humide, il voyait déjà ses cheveux faire n’importe quoi sur sa tête, il touchait sous ses doigts la moiteur de sa peau, et il grimaça. Elle allait le payer cher. Il entendit son prénom être hurlé, et il se retourna avec un sourire (peut-être était-ce un fan !) avant de se décomposer quand il vit le joli visage de sa meilleure amie. Qu’est-ce qu’elle foutait là ? Ne s’était-elle pas fait arrêter ? Ah putain. Il avait compris… Tout cela n’avait été qu’une ruse ! Il opta pour son expression faciale la plus outrée, la bouche grande ouverte et les sourcils un peu tordus, avant de se faire plaquer contre le sol. Il manqua de pleurer lorsqu’il sentit son dos et ses jambes entrer en contact avec le sol mouillé, et il retint avec difficulté ses grands sanglots. « SI C’ETAIT POUR FAIRE CA, CA AURAIT PU ATTENDRE DEMAIN » hurla-t-il alors. Il se voulait en colère mais ses lèvres étaient courbées d’une telle façon qu’on devinait qu’il retenait un sourire. Il était trop heureux de la voir pour véritablement être fâché (même si elle allait subir une sacré mauvaise humeur). Il resta sur le sol, ne trouvant même pas la force de se lever, seulement de prendre la jeune femme dans ses bras, tâtant en même temps un peu ses cuisses pour tester la marchandise. « je t’en veux beaaaucoup beaucoup beaucoup, tu sais ? » lui dit-il, n’arrivant cette fois-ci pas du tout à cacher un sourire. Il fallait qu’il se venge, quand même. Il l’aimait, mais il ne pouvait pas accepter cette trahison. Du coin de l’œil, il avait repéré une grande flaque, bien profonde, et il se redressa. Il se leva avec difficulté, gardant Min Ah dans ses bras, avant de se pencher sur le sol pour délicatement poser le cul de la jeune femme au milieu de la flaque. Il se remit droit, frotta ses mains avec fierté, se complaisant à la regarder de haut. « comme ça, on est à égalité. »

Il devait le reconnaître, elle avait raison sur ce point. Lui non plus n’aurait pas vraiment pu attendre jusqu’au lendemain, mais il aurait largement préféré qu’elle le rejoigne en toute simplicité dans le dortoir, si déjà elle avait fait le chemin, plutôt que l’amener à l’extérieur pour qu’il soit trempé (de la tête au pied, il réalisa seulement à ce moment qu’il n’avait même pas pris de parapluie !). Il ne pouvait s’empêcher de rire quand il était en sa compagnie, un rien le rendait euphorique. « oh oui, très, je sais pas comment j’ai fait pour tenir une journée sans tout ça » lui répondit-il après avoir enlevé ses mains de ses cuisses pour designer tout le corps de la jeune femme, laissant échapper un petit gloussement lorsqu’elle lui mordit l’oreille. Et puis, bien sûr qu’il lui en voulait, mais, la voir ainsi, presque aussi trempée que lui était très satisfaisant, et lui faisait presque oublier que c’était elle qui avait commencé cette bagarre. Ils devaient ressembler à deux enfants, ainsi à jouer sous la pluie, comme s’ils appréciaient réellement l’élément naturel, mais l’attitude de la jeune femme, ainsi que la phrase qu’elle lui lança perturba un peu cette image d’innocence. Il se mit à rire aux éclats. « arrête, t’es trop sexy, je vais pas pouvoir me retenir » dit-il une fois qu’il réussit un peu à se calmer, y ajoutant un petit clin d’œil. Il essaya d’éviter l’eau qu’elle lui envoya (même si, en vérité, cela ne servait plus à grand-chose), et attendit qu’elle se relève sans même penser à l’aider. Il reçut le baiser avec joie, et garda sa main dans la sienne, entremêlant leurs doigts. « vous m’avez beaucoup manqué vous aussi » il lui répondit. « même si, je le répète encore, j’aurais préféré que ce soit dans d’autres circonstances » il ajouta. « et puis, je sais que t’es neugdae mais faut arrêter de crier au loup, la prochaine fois que tu me dis que t’es au commissariat je risque de plus te croire » Mais il savait très bien que même s’il ne la croirait pas totalement, il irait tout de même, rien que pour vérifier, ne supportant pas l’idée de la faire attendre (enfin, il la ferait attendre de toute façon) seule dans un endroit qui n’était pas fait pour elle. Il regarda la porte d’entrée de son dortoir, puis observa leurs deux états. « ma dame, souhaiteriez-vous qu’on entre pour vous sécher un peu ? » demanda-t-il, priant pour qu’elle dise oui, priant pour ne plus être sous la pluie, priant pour ne pas avoir une sale tête et de ne pas tomber malade le lendemain. Il n’était même pas croyant, mais dans ce genre de cas il espérait qu’il y avait bien quelqu’un qui l’écoute. Puis, il se fit tout mignon pour qu’elle craque. « je suis tout mouillé j’aime pas çaa » il ajouta une moue triste. « je suis sûre que je suis pas beau comme ça » il simula quelques pleurs, essuyant ses yeux secs.

Il l’aimait, sa meilleure amie, il l’aimait plus que tout au monde et savait qu’il pourrait tout faire pour elle… Et elle le savait sûrement aussi. Il ne pouvait pas lui résister, il suffisait qu’il voie sa bouille pour accepter ses demandes, il suffisait qu’il lise ses mots pour craquer, il suffisait d’un rien pour qu’il ait envie d’en voir plus. Il ne savait pas comment il avait fait pour passer des jours sans la connaître, et avait presque oublié ce passé. « bah oui, c’est difficile de résister à ton charme, t’imagine pas ce qu’il se passe dans mon pantalon là » Il serra les jambes comme s’il aurait voulu cacher un sexe en érection, même si, en réalité, son pantalon était tellement moulant que si cela avait été le cas, il n’aurait absolument rien pu cacher. « je sais même pas comment j’ai fait pour vivre tout ce temps… t’es trop mon oxygène » Il finit sa phrase avec une voix de petite pétasse, mimant même l’attitude qui ne différaient pas tant de son comportement habituel. Mais la pluie, ça suffisait, il fallait rentrer maintenant. Il se sentait comme un chien mouillé, il savait qu’il allait devoir jeter ses vêtements à la poubelle parce qu’ils seraient irrécupérables une fois qu’il les ôterait. « j’en douuuuuuuuuuute !! y’a personne dehors avec ce temps à part toi sale folle, et du coup moi parce que tu m’as embarqué ! y’aura aucun potin, en plus c’est nous qui créons les potiiiiiiins » il continuait son caprice, essayant de la faire craquer, céder à ses propres envies cette fois-ci. Il essayait d’abriter ses cheveux sous sa veste, mais ça ne semblait pas fonctionner des masses, et ses lunettes commençaient à s’embuer à cause de la chaleur de son corps et de l’humidité extérieure. « ouais bah… je vais t’enchaîner à mon lit, tu pourras plus te faire arrêter ! » Il fronça les sourcils, il était sérieux. Il s’imaginait déjà un monde où elle aurait fait une connerie plus grosse qu’elle ne l’avait voulu, et qu’elle se retrouvait derrière les barreaux pendant trop de temps. Il ne saurait pas comment il ferait pour vivre sans sa présence, sans son sourire, sans elle… IL secoua la tête. « t’es la bienvenue dans mon cœur, puis y’a presque personne je sais pas où ils sont tous » Il lui fit ses petits yeux de chat, tout ronds, tout mignons, fermant ensuite les yeux lorsqu’elle entra en contact avec lui. « quand il pleut non je suis pas beauu » il prit une voix d’enfant capricieux, manquant une nouvelle fois de taper du pied. Il se demanda tout de même quelle tête avait les extraterrestres, si ça se trouve, c’était des canons de beauté et non des êtres verts et difformes, et ils n’étaient tous, eux terriens, que des bouses à côté. Il lui fit les gros yeux. « non mais tu vas pas passer par la fenêtre je vais pas te laisser faire ça ? » Il était peut-être un poil trop protecteur envers elle, il ne savait pas, mais il n’avait pas envie de la voir escalader les parois glissantes, et tomber ensuite sur le sol et risquer de se casser quelque chose. « attend j’ai une idée » Il l’attrapa sous les fesses et la força à enrouler ses jambes autour de sa taille, la cachant sous son énorme veste jusqu’à ce qu’on ne voit même plus la jeune femme mais seulement un Tae Ho devenu soudainement totalement obèse. « t’as vuuuu comme je suis intelligent ! » Il se mit à rire, mais les secousses de son corps manquèrent de la faire tomber. Il se mit difficilement en route, galérant à chaque pas. Il n’avait pas la force de Hulk, il n’avait presque pas de force du tout, mais il savait qu’il tiendrait. « tes lourde en fait, tu sais ? » il la taquinait, c’était plutôt lui qui était faible. Il passa les portes.