Un vrai ninja ne ressent pas de sentiments tout comme il ne ressent pas la douleur. La seule douleur qu'il accepte est la mort. Cet homme n'était donc pas un vrai ninja. Mais en même temps, un véritable ninja, ne doit jamais dire qu'il en est un. Dans tous les cas, ce gars n'avait pas d'humour. Il ni a rien de drôle dans le fait de courir sous la pluie pour aller prendre en taxi, bien au contraire, je ne vois que des points négatifs à ça. Un, on est trempe. Deux, à aucun moment j'ai ri. Trois, il faut courir soit, faire du sport. On est trempe et en plus on va puer. Bon, j'abuse un peu, mais vraiment légèrement alors. Moi j'étais partie pour voler discrètement le parapluie d'un passant en jouant la carte de la pinbéche aux gros seins. Cela confirme encore ma théorie de la débilité des hommes, une paire de seins et on leur fait faire tout ce qu'on veut. Non mais sérieusement, j'avais une tête à courir sous la pluie ? Ma tête devait ressembler à rien à ce moment précis, mais j'avais un peu de dignité et de petits airs de princesse qui me rendaient réticente. Mais bon, faute de moyen, je laissai le peu de dignité qu'il me restait sur le trottoir et je me rendis dans la voiture en courant. Alors là, je n'avais pas fini de maronner.

L'hôpital n'était pas très éloigné du centre-ville , heureusement d'ailleurs, vu le silence pesant qu'il y avait à l'intérieur du taxi. Je n'avais pas envie de parler, je n'avais même pas envie d'y aller, pourquoi je devais le faire déjà ? Ah oui, la culpabilité. Oui, ben elle était partie, et j'avais juste envie de rentrer chez moi et de prendre une douche. J'étais trempée, mouillée de la tête aux pieds, et comme si ça ne suffisait pas, j'avais aussi de la boue dans les cheveux ainsi que sur pas mal de mes vêtements, sans parler du fait qu'avec la pluie, mon chemiser blanc était devenu transparent. Non pas que je sois pudique, j'ai de beaux seins, autant les exposer, mais bon, ce n'était pas trop socialement accepté on va dire. J'en avais marre, je regardais par la fenêtre le temps qui n'avait pas l'air du vouloir laisser au soleil une chance de se montrer aujourd'hui. Les paysages étaient fades, ruinés par la pluie, tout était triste, j'aurais dû savoir que ça serait une journée pourrit.

Nous nous approchions peu à peu du centre hospitalier de la ville, et on pouvait apercevoir au loin le centre psychiatrique. Je ne sais pas si c'est le froid, ou les mauvais souvenirs que -j'avais décidé de laisser là-bas, mais mes jambes se mirent légèrement à trembler. En effet, je n'avais pas remis les pieds dans un hôpital depuis mon overdose, soit depuis bientôt quatre ans. Après les jours horribles que j'avais passés là-bas à vomir pour me sevrer, pleurer à cause du manque, penser au suicide, et tout ce qui s'ensuit, je m'étais toujours débrouillée pour ne pas avoir à y remettre les pieds. Quand je m'étais ouvert le bras l'année dernière, c'est une amie en étude d'infirmière qui m'avait recousu, sinon, la plupart du temps, je m'auto-soigne. C'est bien là l'avantage des études de médecine et de pharmacie.

Le taxi commençait à ralentir, et je voyais un monsieur courir vers nous. Rien de bien alarmant, il venait sans doute de rendre visite à un ami dans le centre et se retrouvait maintenant prisonnier de la pluie. Le pauvre, nous allions à notre tour connaître se sort. Par pitié, ou peut être juste parce que je voulais qu'on en finisse de cette histoire, j'ouvris la portière assez rapidement. Enfin, à mes yeux, mais ce ne fut apparemment pas le cas de tout le monde. Effectivement, à peine avais-je poussé légèrement a portière, qu'une main me saisis violemment au bras. Par réflexe je tournais la tête pensant que c'était juste le fameux inconnu, qui ne l'était plus d'ailleurs, qui ne voulait pas se tremper plus qu'il ne l'était déjà. Mais à ma surprise, il était encore assis dans la voiture. Je ne comprenais absolument rien à ce qui m'arrivais. A vrai dire, je n'ai pas vraiment eu le temps de comprendre, ni une ni deux, je fis projeter par cette main hors du taxi. Malgré ce geste violent, tout ça aurait pu bien se finir. Mais, comme il pleuvait, avec ma maladresse habituelle et la force à laquelle il m'a sorti, tout ça, me fit glisser sur l'herbe mouillée avant que je ne goûte à la dureté du sol encore une fois.

J'aurais aimé être allongée dans de l'herbe fraîche sous un soleil ardent. Mais là, rien ni était, ni le soleil, ni l'herbe fraîche, qui était elle parsemée de pierres tout le long du chemin. Je ne suis pas tombée dans les pommes, mais j'avoue ne pas me souvenir du tout de ma chute. Je me rappelle juste d'une douleur intense à la tête comme si je venais de me prendre un coup de batte de baseball dans cette dernière. J'étais un peu sonnée et me redressais doucement. Tout autour de moi était assez flou, cela pris quelques secondes avant que je réalise ce qui venait de se passer, et surtout que je reconnaisse, cet homme que j'avais plaint juste avant, assis dans le taxi duquel il m'avait jeté de force. Je n'avais pas besoin de faire une analyse poussée pour me douter que je n'étais pas très bien tomber au cours de cette chute. Un coup rapide de ma main sur mon front me le confirma, ainsi que le fait que j'étais bel et bien ouverte. Sûrement rien de bien profond, mais assez pour m'énerver. Heureusement d'ailleurs que je n'étais pas vraiment enceinte, je ne suis pas sûre que la crevette aurait apprécié cette chute... Un jour quelqu'un m'a dit que l'adrénaline pouvait réveiller les morts, je ne sais pas si c'est vrai, mais en tout cas, la rage qui va avec sûrement. J'étais totalement enfermée dans ma bulle, je ne voyais plus rien autour que cet enfoiré qui allait le payer très cher de s'être attaqué à moi. J'étais prête à lui arracher les yeux tellement la colère en moi était noire. Je me préparai à taper un sprint jusqu'au taxi, laissant sortir un « Je vais lui niquer sa race » très cordiale, annonçant clairement mes intentions de le tuer dans une douleur extrême.